ii. La communauté des biens
Beaucoup de chrétiens, pour défendre cette idée, se réfèrent à ces deux passages célèbres des Actes des Apôtres décrivant la vie des communautés primitives:
« Tous les croyants ensemble mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous selon les besoins de chacun. »[1]
« La multitude des croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun. Avec beaucoup de puissance, les apôtres rendaient témoignage à la résurrection du Seigneur Jésus, et ils jouissaient tous d’une grande faveur. Aussi parmi eux nul n’était dans le besoin ; car tous ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des apôtres. On distribuait alors à chacun suivant ses besoins. »[2]
On sait que ces textes ont fait souche[3] et ont inspiré aux religieux leur mode de vie. Ne parle-t-on pas de « vie apostolique » pour désigner précisément une manière de vivre à l’imitation de la première communauté chrétienne. On peut affirmer que les passages cités des Actes « ont été sans doute une référence au moins implicite voire homilétique[4] pour les fondateurs et fondatrices comme pour leurs disciples : ainsi Pachôme[5], Cassien[6], Basile[7], Benoît[8]. »[9] Lorsque saint Augustin[10] rédige la Règle qui servira de base à quantité d’Ordres et Congrégations, il cite les Actes[11] de même que le P. J.-C. Colin lorsqu’il fonde les Pères maristes[12]. S’ajoutent encore à ce tableau les réformateurs protestants pour qui le christianisme primitif sera le modèle parfait de l’Église. Méthodistes[13] et anabaptistes[14] fonderont en Europe et en Amérique du Nord des communautés selon la description des Actes.
L’exemple de la communauté primitive a tant frappé les esprits qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles, les religieux s’en inspireront dans les communautés indigènes qu’ils organiseront en Amérique. Les plus célèbres de ces communautés sont les « réductions » que les Jésuites dirigèrent au Paraguay[15] parmi le peuple des Guaranis[16]. On vit dans cette « république communiste chrétienne », a-t-on dit[17], « une image de la primitive église »[18].
Plus près de nous, en 1945, en France, Joseph Wilbois, directeur de l’Ecole d’Administration et d’Affaires, cherchant à insérer l’esprit franciscain[19] de pauvreté, d’amour et de joie dans le travail des administrateurs, des techniciens et des exécutants, selon son propre vocabulaire, estime qu’il faudra qu’il passe du plan personnel au plan institutionnel et ce ne sera possible que dans la suppression du profit c’est-à-dire, la suppression du régime libéral et du régime capitaliste, comme en « Russie bolchevique »[20].
« a) En n’accroissant pas les besoins des hommes, ce qui accroîtrait la durée du travail et l’esclavage qui en résulte :
b) En répartissant les heures de labeur, de sorte que le perfectionnement des machines crée des loisirs pour tous et non du chômage pour plusieurs ;
c) En faisant participer les ouvriers à la gestion au moins partielle de leur entreprise, ce qui situerait leur tâche dans un ensemble et la leur ferait mieux apprécier ;
d) En organisant des loisirs accrus, non en vue de la simple récréation (elle n’est le tout du loisir que quand le loisir est court), mais en y apportant les soins familiaux aujourd’hui négligés, et, sous une forme élémentaire, une sorte de méditation ;
e) En inculquant aux ouvriers, par une propagande directe, l’esprit de détachement, d’amour et de joie, qui soufflera plus librement sur un terrain ainsi renouvelé. »