⁢a. La petite fille Espérance

On se souvient de ce poème de Charles Péguy qui montre que c’est l’espérance, cette petite fille, cette vertu dont on parle peu, qui fait progresser ses deux grandes sœurs, la foi et la charité. De même que nos propres enfants, aussi petits soient-ils, à peine nés et même avant leur naissance, nous font avancer:

Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance.
Et je n’en reviens pas.
Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout.
Cette petite fille espérance.
Immortelle.

Car mes trois vertus, dit Dieu.
Les trois vertus mes créatures.
Mes filles mes enfants.
Sont elles-mêmes comme mes autres créatures.
De la race des hommes.
La Foi est une Épouse fidèle.
La Charité est une Mère.
Une mère ardente, pleine de cœur.
Ou une sœur aînée qui est comme une mère.
L’Espérance est une petite fille de rien du tout.
Qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernière.
Qui joue encore avec le bonhomme Janvier.

[…]

C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes.
Cette petite fille de rien du tout.
Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.

[…]

C’est elle, cette petite, qui entraîne tout.
Car la Foi ne voit que ce qui est.
Et elle elle voit ce qui sera.
La Charité n’aime que ce qui est.
Et elle elle aime ce qui sera.

[…]

L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera.
Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera
Dans le futur du temps et de l’éternité.

L’espérance est une petite fille. Chantal Delsol nous explique que celui qui espère est « jeune, même sous des apparences trompeuses. Car c’est l’enfant qui espère, et attend l’ouverture des mondes. Il sait ce qu’est une aurore, et l’attente permanente du nouveau. L’enfant est celui qui n’a pas encore fait d’inventaire. […] C’est pourquoi le Nouveau Testament appelle à ressembler aux enfants. la tentation permanente de l’adulte est de se croire achevé, et c’est en ce sens qu’il lui faut rester un enfant : se savoir inachevé. »[1]


1. Op. cit., p. 136.