ii. L’Italie
On a dit que le pape était prudent dans un pays, l’Italie, qui a vu un parti démocrate chrétien puissant perdre progressivement de son influence et finalement se décomposer.
La Democrazia Critiana fut fondée en 1942 dans la clandestinité par d’anciens membres du Parti populaire italien qui avait été fondé par Luigi Sturzo en 1919[1] inspiré par la DSE, parti qui disparaîtra en 1926. La démocratie chrétienne italienne restera fidèle à la doctrine sociale de l’Église tout en étant indépendante du Saint-Siège suivant les statuts du Code de Camaldoli élaboré en 1943.
Dès 1936, Mgr Montini (le futur Paul VI) réunissait dans l’ancien monastère bénédictin de Camaldoli un groupe de prêtres et de laïcs dans un but d’approfondissement de la culture religieuse. En 1943, (du 18 au 23 juillet) le groupe présidé par Mgr Adriano Bemareggi réfléchit à l’avenir de l’Italie éclairé par l’enseignement donné par Pie XII durant la guerre . Participait à cette réunion Giorgio La Pira (1904-1977) professeur à l’Université de Florence et futur député qui avait activement participé aux travaux de l’Union internationale d’Etudes sociales à Malines qui avait abouti au Code social de Malines publié en 1927 sous l’égide du cardinal Mercier. Code qui inspira les démocrates chrétiens en Italie, en Espagne, au Portugal, Amérique du sud, en France[2], en Allemagne, en Angleterre[3]. Le travail se poursuit à Rome et aboutit à la publication en 1945 d’un livre intitulé Per la comunità cristiana. Principi dell’ordinamento sociale a cura di un gruppo de studiosi amici di Camaldoli (Pour la communauté chrétienne. Principes de l’ordre social sous la direction d’un groupe de chercheurs amis de Camaldoli) que l’on résuma en Code de Camaldoli. On y retrouve tous les chapitres de la DSE et particulièrement les insistances de l’enseignement de Pie XII : la primauté de la personne humaine par rapport à l’État, l’abandon de la notion d’État catholique, l’acceptation du pluralisme confessionnel, la reconnaissance du rôle de l’État dans l’économie, la limitation de la souveraineté nationale au bénéfice d’organisations internationales. Principes défendus par les députés catholiques lors de l’Assemblée constituante. Mgr Montini s’employa à défendre auprès de Pie XII l’idée de la création d’un parti dont la direction serait confiée à Alcide de Gasperi connu pour son anti-fascisme, que Mgr Montini rencontra plusieurs fois clandestinement. Dès le départ l’idée de Mgr Montini était éloignée de tout cléricalisme. Il écrivit en 1943: « L’éventuelle formation d’une action politique durable et organisée est une chose qui regarde les fidèles en tant que citoyens, l’Église se réservant le droit d’intervenir, en cas de besoin, pour l’observance et la défense des principes catholiques. »[4]
Après la chute du fascisme, la Démocratie chrétienne exerça une influence majeure sur la vie politique italienne. Le parti fut dirigé par de grandes personnalités comme Alcide de Gasperi, Aldo Moro ou encore Giulio Andreotti. Il joua un rôle déterminant dans la constitution de la république italienne, dans le redressement économique du pays et dans la construction européenne.
De 1992 à 1994, l’opération « Mains propres » mit au jour tout un système de corruption et de financement illicite de tous les partis traditionnels qu’ils soient chrétien, socialiste ou libéral. Ebranlé par cette campagne, le parti fut dissous en 1994 et les militants s’éparpillèrent dans un grand nombre de formations politiques.
Quelques responsables de l’ancienne Démocratie chrétienne tentèrent de sauver l’essentiel en reprenant le nom du Parti populaire italien fondé en 1919. Mais ce parti souffrit particulièrement du discrédit dont fut victime la DC. Il n’obtint que 15% des voix en 1994. Son aile droite se sépare alors sous le nom Chrétiens démocrates unis (1995)où milita Rocco Buttiglione. En 2002 ce parti fusionne avec le Centre chrétien-démocrate et Démocratie européenne pour former l’Union des démocrates chrétiens et du centre. Le Parti populaire italien, ou ce qu’il en subsiste s’allie avec le centre-gauche pour former en 2007 le Parti démocrate où milita Romano Prodi qui fut Président de la commission européenne de 1999 à 2004 et Président du Conseil des ministres italien de 1996 à 1998 et de 2006 à 2008.[5]
Dans tous les pays d’Europe existent des partis qu’on peut appeler ou qui s’appellent chrétiens[6] mais qui n’ont jamais connu le rayonnement de la Démocratie chrétienne italienne. La plupart du temps ce sont de petits partis marginaux parfois très récents qui, dans quelques rares occasions, entrent en coalition avec d’autres. Certains pays ont plusieurs partis réputés chrétiens : quatre aux Pays-Bas. Tous ces partis sont regroupés au sein du parlement européen sous la bannière du Parti populaire européen qui est encore en 2017 le groupe le plus important des sept groupes existant dans ce parlement.
Sortent du lot et font un peu figures d’exception le Parti populaire social chrétien luxembourgeois qui, jusqu’à ce jour, est le plus important parti du Grand-Duché et l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (Christlich Demokratische Union Deutschlands ) la fameuse CDU alliée à la CSU (Christilich-Soziale Union in Bayern) : l’Union chrétienne-sociale de Bavière. La CDU-CSU a profondément marqué l’Allemagne de son empreinte jusqu’à aujourd’hui.