ii. A propos de Pie XII
Le lecteur peut consulter le site http://www.pie12.com/index.php?category/Actualites consacré à Pie XII. On y trouve une foule de renseignements et une abondante bibliographie tenue à jour.[1]
Nous ne ferons donc ici que mettre en exergue quelques événements.
En évoquant de nouveau le pontificat de Pie XI, nous avons vu l’action menée par le futur Pie XII. Nous avons aussi précédemment suivi presque pas à pas ses efforts en tant que souverain pontife au service de la paix. Efforts pour empêcher le « pacte d’acier » entre l’Allemagne et l’Italie, efforts pour préserver la Pologne, efforts pour empêcher Italiens et Espagnols de s’associer aux nazis, efforts pour tenter d’empêcher la guerre, de l’arrêter, de préparer la paix.[2]
Il n’empêche que beaucoup encore aujourd’hui considèrent ce pape comme coupable de silence face au génocide juif et même de collusion avec l’hitlérisme.
Il n’est donc pas inutile de rappeler quelques faits.
Ce qu’on peut appeler la « légende noire » a pris corps dans le grand public[3] en 1963, date à laquelle le dramaturge allemand d’extrême-gauche Rolf Hochhuth produit une pièce intitulée « Le Vicaire »[4]. C’est cette pièce qui va ternir la réputation d’un pape que le monde entier, à l’exception des nazis et des communistes, avait loué jusque là.[5] L’autorité de Pie XII a été « discréditée par les secteurs communistes pendant la période la guerre froide ».[6]
Evoquant la pièce, et avec beaucoup d’indulgence, le cardinal Montini, le futur pape Paul VI, écrira : « On ne joue pas avec des sujets et des personnages historiques portés à la connaissance du public par l’imagination créatrice de gens de théâtre insuffisamment doués de discernement historique et -Dieu veuille que cela ne soit pas le cas ici- d’honnêteté humaine ».[7] En tout cas, la conclusion de spectacle c’est que « seuls les communistes et l’Union soviétique ont été efficaces » contre le génocide juif.[8] Peut-être cherchaient-ils à faire oublier l’antisémitisme stalinien ?[9]
Nous avons suivi l’action du Nonce Pacelli puis du Pape Pie XII avant, pendant et après la guerre.
Rappelons que nonce apostolique en Bavière, le futur Pie XII assiste dès 1923 à la montée de la droite nationaliste qui assimile les jésuites, les juifs et les protestants à des ennemis de l’Allemagne. Il dénonce auprès de Pie XI le caractère anti-catholique de la tentative de coup d’État par Hitler. En mai 1924, il écrit que le nazisme « est peut-être la pire hérésie de notre époque ».[10]
Des quarante-quatre discours prononcés comme nonce en Allemagne entre 1917 et 1929, quarante dénoncent un aspect ou un autre de l’idéologie nazie.[11] et il est titulaire d’une licence de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_de_Californie_%C3%A0_Berkeley[université de Californie à Berkeley], une maîtrise et un doctorat à l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Brandeis[Université Brandeis] et a reçu l’http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Ordination_rabbinique&action=edit&redlink=1[ordination rabbinique] au séminaire théologique juif des États-Unis d’Amérique.]
En août 1929, il décrit, au nonce apostolique autrichien, Hitler comme « un redoutable agitateur politique ». Il ajoute : « ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu’il dit et écrit porte l’empreinte de son égoïsme ; c’est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin - je n’arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu’il écrit et dit. Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu’est Mein Kampf ? »[12]
Entre 1933 et 1939, le cardinal Pacelli envoie 55 notes de protestation au gouvernement allemand qui ne respecte pas le concordat.
En mars 1935, dans une lettre ouverte à l’évêque de Cologne, il traite les nazis de « faux prophètes, orgueilleux tel Lucifer » et la même année, devant des pèlerins à Lourdes, il dénonce les idéologies « possédées par la superstition de la race et du sang ». A sœur Pasqualina, sa secrétaire, il déclare que « Hitler est tout à fait obsédé. Il détruit tout ce dont il n’a pas besoin et est capable de piétiner des cadavres. »[13]
En 1935 encore, devant des milliers de pèlerins à Lourdes, il dénonce les idéologies « possédées par la superstition de la race et du sang »[14]
En 1935 toujours, lors d’une réunion avec Dietrich von Hildebrand[15] il déclare que la réconciliation entre la chrétienté et le racisme nazi est impossible puisqu’ils sont aussi différents que l’eau et le feu.[16]
En 1937, il rédige avec le cardinal Faulhaber l’encyclique Mit brennender Sorge et, à Notre-Dame de Paris, il qualifie l’Allemagne de « nation puissante et noble que de mauvais bergers fourvoient vers une idéologie de race. »[17]
Lors de l’élection du Pape, l’Humanité souligne que la brièveté du Conclave et le choix de Mgr Pacelli « prennent plus de sens encore quand on sait quelles insolences exclusives lancèrent Hitler et Mussolini contre sa personne et ce qu’elle signifie pour eux. »[18]
En 1938, l’approbation de l’Anschluss par l’épiscopat autrichien va être très mal reçue au Vatican. Le 27 mars, cette déclaration collective de l’épiscopat d’Autriche est lue dans toutes les Églises du territoire autrichien : « (…) Nous reconnaissons avec joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore œuvre éminente dans le domaine de la construction nationale et économique comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et la nation allemande, et notamment pour les couches les plus pauvres de la population… Au jour du plébiscite, il va sans dire que c’est pour nous un devoir national, en tant qu’Allemands, de nous déclarer pour le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens croyants qu’ils sauront ce qu’ils doivent à leur nation. ». Aussitôt, à Rome, Radio Vatican dénonce la diffusion de ce texte ; le pape Pie XI et le cardinal Pacelli convoquent le cardinal-archevêque de Vienne Innitzer au Vatican et lui demandent de s’expliquer devant eux. Le 6 avril, avant de rencontrer le pape, Innitzer s’entretient avec le Cardinal Pacelli, qui lui ordonne de rédiger un document, au nom de tous les évêques d’Autriche, à paraître dans l’Osservatore Romano, affirmant que : « La déclaration solennelle des évêques autrichiens […] n’avait pas pour but d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la loi de Dieu », et précisant également que cette première déclaration avait été faite sans l’link : accord de Rome.[19] Pendant les mois qui suivent, les Allemands abrogent le régime concordataire autrichien et interdisent les organisations et journaux dépendant de l’Église catholique. En signe de protestation, le 7 octobre 1938, à l’appel d’Innitzer, des milliers de jeunes gens viennent se rassembler pour prier et méditer dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Dans son sermon, le cardinal affirme alors : « Il n’y a qu’un seul guide (Führer en allemand) : Jésus Christ. » Le lendemain, une centaine de nazis envahissent et saccagent la résidence de l’archevêque. Le cardinal Innitzer se rétracte alors complètement et écrit : « On nous a misérablement trompés. L’Allemagne venait à nous comme une mère à ses enfants ; nous savons maintenant ce que cela signifie. La haine du national-socialisme, égale à celle du communisme, s’est ici déchainée sans retenue contre l’Église. On veut faire de l’Autriche un champ d’expérience pour voir jusqu’où peut aller l’anéantissement du christianisme. Cela ne peut plus durer. On ne répond même pas à nos protestations incessantes. Il faudra voir bien en venir à la lutte ouverte. Les évêques ont été loyaux et confiants, on les a systématiquement abusés. Il faut qu’on sache... » Les relations ambigües entre Innitzer et le régime nazi suscitèrent de nombreuses critiques après la Seconde Guerre mondiale.
Le 28 octobre 1939, le New York Times salue, en première page, l’encyclique Summi pontificatus par ce titre : « Le pape condamne le racisme, les dictateurs et ceux qui violent les traités. »[20] Des milliers de copies seront larguées par avion au-dessus du sol allemand.[21]
En 1939 et 1940, il met en contact les opposants d’Hitler et les Britanniques et avertit les alliés de la prochaine invasion des Pays-Bas, Belgique et France.[22]
Durant la guerre, l’attitude Pie XII face aux nazis sera comparable à celle de Jean XXIII face aux régimes communistes[23]. Il ne fit pas pression sur le Congrès pour augmenter l’accueil des réfugiés juifs. Pendant la guerre, le président américain n’a pas cherché à aider les Juifs d’Europe, considérant que le principal objectif devait être l’écrasement du régime nazihttp://fr.wikipedia.org/wiki/Franklin_Delano_Roosevelt#cite_note-145[[\]\]. Malgré la pression des Juifs américains, de sa femme et de l’opinion publique américaine, le président ne dévia pas de cette direction. Il ne fut pas mis au courant des projets de bombardements d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Auschwitz_(camps)[Auschwitz] ou des voies ferrées.] : prudente. Comme l’explique Alexis Curvers : « Approuvée, recommandée et pratiquée par le pape, une telle politique exigeait évidemment de lui et de toute l’Église officielle une grande modération de langage. Et cette modération qu’on blâme chez Pie XII est précisément celle que les mêmes critiques admirent chez Jean XXIII, parce que celui-ci en a usé, et probablement pour les mêmes raisons, dans ses rapports avec les régimes communistes. On ne peut à la fois demander grâce pour les victimes, qu’elles soient juives ou chrétiennes, et lancer l’anathème à la face des bourreaux tout-puissants. »[24] Le cardinal Montini confirme : « Une attitude de condamnation et de protestation comme celle qu’il [Hochhuth] reproche au pape de n’avoir pas adoptée, eût été non seulement inutile, mais encore nuisible. […] Si, par hypothèse, Pie XII avait fait ce que Hochhuth lui reproche de n’avoir pas fait, il en serait résulté de telles représailles et de telles ruines que, une fois la guerre finie, le même Hochhuth aurait pu, avec une plus grande objectivité historique, politique et morale, écrire un autre drame beaucoup plus réaliste.. »[25]
Si pour les raisons dites, Pie XII est prudent, l’Osservatore romano qui n’est pas tenu par la même réserve se montre sévère dans ses condamnations.[26] Il en est de même pour Radio Vatican : en janvier 1940, le pape demande que à la station « de rendre publiques les épouvantables cruautés de la tyrannie barbare ».[27]
Selon le New York Times du 14 mars 1940, « face à Ribbentrop, le Pape a pris la défense des Juifs allemands et polonais » et a rappelé les atrocités commises par les nazis.[28]
Le 13 mai 1940, devant l’ambassadeur italien Alfieri qui quittait le Saint-Siège pour Berlin, Pie XII déclare : « Nous devrions dire des paroles de feu contre ce qui se passe en Pologne et la seule raison qui Nous retienne de le faire est de savoir que, si Nous parlions, Nous rendrions la condition de ces malheureux encore plus dure ».[29]
Le 23 décembre 1940, le Time magazine publie cet hommage d’Albert Einstein : « Lorsque la révolution nazie survient en Allemagne, c’est sur les universités que je comptais pour défendre la liberté, dont j’étais moi-même un amoureux, car je savais qu’elles avaient toujours mis en avant leur attachement à la cause de la vérité ; mais non, les universités furent immédiatement réduites au silence. Alors je me tournai vers les grands éditeurs de journaux, dont les éditoriaux enflammés des jours passés avaient proclamé leur amour de la liberté ; mais eux aussi, en quelques courtes semaines et comme els universités, furent réduits au silence. Dans la campagne entreprise par Hitler pour faire disparaître la vérité, seule l’Église catholique se tenait carrément e n travers du chemin. Je ne m’étais jamais spécialement intéressé à l’Église auparavant l’Église, mais maintenant je ressens pour elle une grande affection et admiration, parce qu’elle seule a eu le courage et la persévérance de se poser en défenseur de la vérité intellectuelle et de la liberté morale. Je suis donc bien forcé d’avouer que, maintenant, c’est sans réserve que je fais l’éloge de ce qu’autrefois je dédaignais. »
En 1942, Pie XII envoie son nonce protester auprès du gouvernement français de Vichy contre « les arrestations inhumaines et les déportations de juifs depuis la France occupée vers la Silésie et certaines régions de Russie ». Le 6 août 1942, le New York Times titre : « On dit que le pape prend la défense des juifs déportés de France ». Trois Semaines plus tard, le Times écrit : « Vichy arrête les juifs ; le pape est ignoré ». A l’automne, Les services de Goebbels distribuent dix millions d’exemplaires décrivant Pie XII comme le « pape pro-juif » à cause de ses interventions françaises.[30]
Dans le radio-message de Noël 1942, Pie XII parle de ces « centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive ». Le 26 décembre, le New York Times écrit : « La voix de Pie XII est un cri dans le silence et la nuit qui enveloppent l’Europe cet hiver. […] En appelant de ses vœux un « véritable nouvel ordre » fondé sur la liberté, la justice et l’amour […] le pape se place à l’opposé d’Hitler ». Une résistante célèbre, Malou Blum[31], dira : « Pour nous, le message de Noël 1942 était une condamnation claire du nazisme ».[32]
Le 2 juin 1943, Pie XII dénonce les exactions pour cause de nationalité ou de race[33] et explique la prudence agissante de l’Église[34].
En 1942, Le Pape déclare à un visiteur : « Le danger communiste est bien réel mais en ce moment c’est le danger nazi qui m’inquiète le plus ».[35]
Le 30 avril 1943, Pie XII écrit à Mgr Konrad von Preysing, évêque de Berlin : « Jour après jour, parviennent à Notre connaissance des actes inhumains qui n’ont rien à voir avec les réelles nécessités de la guerre et qui Nous remplissent de stupeur et d’effroi » et félicite les prélats qui ont pris la défense de la personne humaine « que les victimes soient ou non les enfants de l’Église ».[36]
Le 21 janvier 1943, Pie XII écrit au cardinal Faulhaber : « Nous avons toujours caractérisé Notre’ attitude dans la guerre par le mot « impartialité » et non par le mot « neutralité ». Neutralité pourrait être compris dans le sens d’u ne indifférence passive, qui ne convient pas au chef de l’Église. Impartialité signifie pour Nous juger les choses selon la vérité et la justice. Mais en cela quand il s’est agi de déclarations publiques de Notre part, Nous avons eu tous les égards possibles à la situation de l’Église’ dans les différents pays pour épargner aux catholiques des lieux des difficultés que l’on pouvait éviter ».[37]
Le 16 octobre 1943, informé[38] de la déportation des Juifs de Rome, Pie XII demande à son secrétaire d’État, le cardinal Maglione de protester. Maglione avertit l’ambassadeur d’Allemagne que le Pape ne pourrait garder le silence s’ils arrêtaient des Juifs. Dans le même temps, Pie XII envoyait son neveu Carlo Pacelli demander à Mgr Alois Hudal, sympathisant allemand, d’intervenir. et protesta. Ces démarches restant vaines, Pie XII envoie son confident le plus proche, le père général des Salvatoriens, le P. Pfeiffer auprès du gouverneur militaire de Rome, le général Stahel, pour que cesse cette persécution sinon le pape lancerait une protestation publique. Stahel, par crainte d’une invasion du Vatican intervint immédiatement.[39] L’opération qui devait durer deux jours fut arrêtée le jour même et seuls 1000 des 8000 Juifs réclamés par Hitler furent déportés.[40]
C’est cette année-là que Cahim Weitzmann, le futur premier président israélien écrit que « le Saint-Siège prête son puissant soutien afin d’améliorer le sort de mes frères persécutés. »[41]
Le 22 juin 1944, le rabbin André Zaoui, aumônier capitaine du Corps expéditionnaire français adresse une lettre à Pie XII où il remercie le Saint-Père et les prêtres qui ont aidé les juifs persécutés. Il raconte qu’il a visité l’Institut Pie XI « qui a protégé pendant plus de six mois une soixantaine d’enfants juifs dont quelques petits réfugiés de France ».[42]
En 1944 toujours, le Grand Rabbin d’Israël Isaac Herzog déclare dans un message que « le peuple israélien n’oubliera jamais ce que le Pape et ses délégués font pour nos malheureux frères et sœurs dans les heures les plus sombres de notre histoire. Ils sont inspirés par les principes de la religion qui sont les fondements de la vraie civilisation. C’est la preuve de l’existence de la providence divine dans ce monde ».[43] Durant l’été 44, Rome étant libérée, Pie XII s’adresse à un groupe de juifs romains venus le remercier pour sa protection : « Pendant des siècles les juifs ont été traités injustement et méprisés. L’heure est venue de les traiter avec justice et humanité. Dieu le veut et l’Église le veut. Saint Paul nous dit que les juifs sont nos frères. qu’ils soient également nos amis. »[44]
Dans une Allocution à un groupe de 70 déportés juifs libérés des camps de concentration allemands et délégués par la United Jewish appeal au Vatican, le 29 novembre 1944, pour exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs pour son action en leur faveur. Ils
viennent exprimer leur gratitude et leur reconnaissance au Pape pour sa sollicitude durant la guerre, « très honorés de pouvoir remercier personnellement le Saint-Père, pour la générosité qu’il leur a démontrée pendant la terrible période nazie », Pie XII dira : le Siège apostolique « n’a jamais, fût-ce aux moments les plus critiques, laissé le moindre doute que ses maximes et son action extérieure, n’admettaient ni ne peuvent admettre aucune des conceptions qui dans l’histoire de la civilisation seront rangées parmi les égarements les plus déplorables et les plus déshonorant de la pensée et du sentiment des hommes ». Il ajoutera : « Votre présence ici veut être un témoignage intime de gratitude de la part d’hommes et de femmes qui, en des temps angoissants pour eux et souvent même sous la menace d’un péril de mort imminent, ont expérimenté comment l’Église catholique et ses vrais disciples savent dans l’exercice de la charité s’élever au -dessus de toutes les limites étroites et arbitraires créées par l’égoïsme humain et par les passions raciales. »
On sait que les prises de position de Pie XII inspirèrent à Hitler le désir de « coffrer ce ramassis d’agitateurs ». Plusieurs plans d’enlèvement du pape et d’invasion du Vatican.[45]
A la fin de la guerre, Moshe Sharett, le second premier ministre israélien rencontre Pie XII et déclare : « mon devoir était de leur dire merci à lui et à l’Église catholique au nom de tous les juifs pour tout ce qu’ils avaient fait dans les pays occupés. »[46]
La guerre se terminant, Pie XII reprend clairement la parole. Aux fidèles de Rome, le 18 mars 1945, il déclare dans son Allocution : « A ceux qui se sont laissé séduire par les fauteurs de la violence et qui, après les avoir suivis inconsidérément, commencent enfin à revenir de leurs illusions, consternés de voir jusqu’où les a conduits leur servile docilité, il ne reste plus d’autre chemin de salut que de répudier définitivement l’idolâtrie des nationalismes absolus, les orgueils de la race et du sang, les convoitises d’hégémonie dans la possession des biens terrestres, et d’adopter résolument l’esprit de sincère fraternité, fondé sur le culte du Père divin de tous les hommes, et dans lequel les notions trop longtemps opposées de droit et de devoir, de profit et de charges, s’harmonisent dans la justice et dans la charité. » Et au Sacré Collège, le 2 juin 1945, il rappelle les douze années passées en Allemagne qui lui ont permis de découvrir les qualités de ce peuple qui lui permettront de se redresser « quand il aura repoussé de lui le spectre satanique exhibé par le national-socialisme et quand les coupables (comme Nous avons déjà eu l’occasion de l’exposer d’autres fois) auront expié les crimes qu’ils ont commis. » Pie XII explique ensuite quelle fut l’attitude l’Église durant cette période sombre.
En septembre 1945, Léon Kubowitzy, secrétaire général du Congrès juif mondial, remercie personnellement le pape pour ses diverses interventions et fait un don de 20.000dolars aux œuvres du Vatican « en reconnaissance de l’aide apportée par le Saint-Siège aux juifs persécutés par le fascisme et le nazisme ».[47]
1er novembre 1945, Pie XII dans sa Lettre aux évêques allemands, les félicite pour l’attitude qu’ils ont eue durant « la persécution perfide et astucieuse dont l’Église d’Allemagne a été victime ».
En 1945 toujours, Israel Zoller (Zolli), grand rabbin de Rome depuis 1940, se convertit, avec son épouse, au catholicisme. Pour prénom de baptême, il choisit de s’appeler « Eugenio Pio », et sa femme « Eugenia », en hommage au pape Pie XII, en raison de son action pour les Juifs de Rome pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon l’Ephéméride du journal Direct Matin du 13 février 2013, très impressionné par l’attitude du pontife pendant la guerre, il écrira : « Il n’existe pas de lieu de souffrances que l’esprit d’amour de Pie XII n’ait atteint… Au cours de l’Histoire, aucun héros n’a commandé une telle armée. Aucune force militaire n’a été plus combattante, aucune n’a été plus combattue, aucune n’a été plus héroïque que celle menée par Pie XII au nom de la charité chrétienne. » » Myriam, la fille du rabbin Zolli, écrit : « Pacelli et mon père étaient des figures tragiques dans un monde où toute référence morale avait disparu. Le gouffre du mal s’était ouvert, mais personne ne le croyait, et les grands de ce monde - Roosevelt, Staline, de Gaulle - étaient silencieux. Pie XII avait compris que Hitler n’honorerait de pactes avec personne, que sa folie pouvait se diriger dans la direction des catholiques allemands ou du bombardement de Rome, et il agit en connaissance de cause. Le pape était comme quelqu’un contraint à agir seul parmi les fous d’un hôpital psychiatrique. Il a fait ce qu’il pouvait. Il faut comprendre son silence dans le cadre d’un tel contexte, non comme une lâcheté, mais comme un acte de prudence[48]. »[49] Devenu professeur à l’Institut biblique pontifical, Eugenio Zolli mourut à Rome en 1956, à l’âge de 74 ans. Son autobiographie publiée en 1954, Prima dell’alba, décrit les circonstances de sa conversion et explique les raisons de son admiration envers Pie XII. On y lit notamment : « La rayonnante charité du Pape, penché sur toutes les misères engendrées par la guerre, sa bonté pour mes coreligionnaires traqués, furent pour moi l’ouragan qui balaya mes scrupules à me faire catholique. »[50]
Le7 septembre 1945, Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israélites, rend grâce « au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père ».[51]
Le 21 septembre 1945, le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Juif Mondial, est reçu par Pie XII afin de lui présenter ses remerciements pour l’œuvre effectuée par l’Église Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif.[52]
Le 11 octobre 1945, le le Secrétaire général du Congrès juif mondial remercie personnellement le pape pour ses diverses interventions et fait un don de 20.000 dollars aux œuvres du Vatican « en reconnaissance de l’aide apportée par le Saint-Siège aux Juifs persécutés par le fascisme et le nazisme ».[53]
En 1955, à l’occasion des célébrations du 10e anniversaire de la Libération, l’Union des Communautés juives italiennes déclare que le 17 avril sera la « Journée de la reconnaissance » « pour l’aide apportée par le pape pendant la guerre ».[54]
Le 26 mai 1955, l’Orchestre philarmonique d’Israël avec 94 musiciens, sous la direction de Paul Kletzki se rend au Vatican pour y interpréter la VIIe symphonie de Beethoven « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par le Pape pour sauver un grand nombre de Juifs pendant la Seconde guerre mondiale »[55]
Sont intéressantes aussi les réactions à la mort de Pie XII survenue le 8 octobre 1958, publiées, pour la plupart et entre autres, par la Documentation catholique, n°1289, le 26 octobre 1958 :
« Au soir de ce grand et illustre pontificat, pendant lequel l’humanité a connu les plus terribles épreuves, j’évoque avec émotion et respect la haute figure de Pie XII, dont le fervent témoignage a inspiré à tant d’hommes le courage et l’espérance. » (Général De Gaulle, président du Conseil)
« Nous sentons tous que le monde s’est appauvri en perdant un homme qui a joué un tel rôle dans la défense des valeurs spirituelles et de la paix et qui s’est acquis le respect des représentants de toutes les confessions. » (Harold Mac Millan, premier ministre britannique)
« Nous avons à cœur d’exprimer notre profonde sympathie à l’Église catholique plongée dans le deuil par la mort du Pape Pie XII. » (Grand Rabbinat de France)
« Le monde est devenu plus pauvre du fait de la mort du pape Pie XII. Il avait consacré sa vie entière à la dévotion envers Dieu et au service de l’humanité. Ennemi déclaré et averti de la tyrannie, il avait toujours été un ami plein de sympathie et un bienfaiteur pour les opprimés, et sa main secourable se tendait toujours promptement pour secourir les malheureuses victimes de la guerre.
Il s’était fait opiniâtrement, sans peur et sans esprit partisan, le champion de la cause d’une paix juste entre les nations du monde. Doué d’une vision profonde, il a su demeurer à la mesure d’un monde changeant sans cesse et n’a jamais perdu de vue la destinée éternelle de l’humanité. » (Général Eisenhower, président des États-Unis)
« C’était un grand homme et un homme bon et je l’aimais. » (Maréchal Montgomery, Sunday Times).
« Nous partageons la douleur de l’humanité. Pie XII a servi l’idéal le plus noble de la paix et de la compassion ». « Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs et pour invoquer la pitié envers leurs victimes. La vie de notre temps a été enrichie par une voix qui exprimait les grandes vérités morales au-dessus du tumulte des conflits quotidiens. Nous pleurons un grand serviteur de la paix ». (Golda Meir, ministre des Affaires étrangères d’Israël, le 9 Octobre 1958)
Les Juifs « se souviendront toujours de ce que l’Église catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales. Quand la guerre mondiale faisait rage, Pie XII s’est prononcé souvent pour condamner la fausse théorie des races. » « De nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les juifs » « Nous avons pu plus que tous les autres, bénéficier de la compassion, de la bonté et de la magnanimité du pape pendant les tristes années de persécution et de terreur alors que tout laissait à penser que nous ne pourrions pas nous en sortir ». (Dr Elio Toaff, grand rabbin de Rome, Le monde, 10 Octobre 1958.)[56] A l’agence Reuter, le même déclara : « Les Juifs se souviendront toujours de ce que l’Église a fait durant la seconde guerre mondiale, grâce au pape Pie XII. Ce dernier s’opposa toujours à la fameuse théorie de la discrimination raciale. Un grand nombre d’Israélites trouvèrent asile dans des couvents et le Pape promit d’aider les Juifs de Rome lorsque les occupants allemands leur demandèrent de leur verser 50 kilos d’or en 1944. Les communautés israélites portent le deuil du pape et prient Dieu de bénir la grande âme du disparu. »[57].
A partir de 1963, les condamnations se multiplient ressassant les mêmes critiques.
Mais, de plus en plus de témoignages vont contredire cette campagne de dénigrement. Et plus le temps passe et plus on constate que, malgré l’acharnement de certains et en raison même de leur persistance, nombre d’études très fouillées ont été suscitées par l’accumulation des mensonges. Ainsi, la vérité affleure de nouveau et finira par s’imposer.
En 1963, Pinchas Lapide, consul d’Israël à Milan du vivant de Pie XII, déclare au journal Le Monde : « Je peux affirmer que le pape, le Saint-Siège, les nonces et toute l’Église catholique ont sauvé de 150.000 à 400.00 juifs d’une mort certaine… L’église catholique sauva davantage de vies juives pendant la guerre que toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de sauvetage réunis ».[58]
En juin 1963 déjà, le bulletin des élèves de l’Athénée israélite de Bruxelles, Maïmonide consacre un article à Pie XII : « Les Juifs et le Vatican sous Pie XII », sous la plume d’Edith Mutz. On y lit que « la véritable raison du silence relatif de Pie XII n’était certes pas la crainte d’aller dans un camp de concentration, mais celle d’aggraver le cas de ceux qui s’y trouvaient. »[59] L’auteur rappelle qu’en 1937, les journaux allemands déclaraient : « Pie XI était à moitié juif ; le cardinal Pacelli, Pie XII, l’est complètement ». On trouve aussi dans le même article le témoignage du Dr Safran qui fut le grand rabbin de Roumanie durant la guerre : la médiation du Pape, écrit-il, « sauva les Juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée ». Il est aussi rappelé qu’en 1946, « on vite entrer au Vatican un groupe de Juifs au visage marqué par la souffrance : septante rescapés des fours crématoires venaient remercier Pie XII de son attitude pendant la guerre. […] Chaque année, des délégués de partout vinrent rendre hommage au Pape. Mme Golda Meïr, ministre des Affaires étrangères d’Israël, le remercia d’avoir élevé la voix en faveur des Juifs. »[60]
En 1964, Maurice Edelman, président de l’association anglo-juive et député travailliste déclare : « L’intervention du pape Pie XII a permis de sauver des dizaines de milliers de juifs pendant la guerre. » [61]
En 1964 encore, Albrecht von Kessel, collaborateur de M. von Weizsaecker, ambassadeur du 3ème Reich près le Vatican déclare : « Je romps le silence, en ces mois où se déroule l’action du « Vicaire » parce que j’étais membre de l’ambassade allemande près le Saint-Siège et parce que je crois, avec mon expérience de douze années de nazisme et de terreur, pouvoir contribuer à porter un jugement sur les faits romains.
La tâche de notre ambassade n’était pas facile. Hitler était capable dans son hystérisme de tout crime. Il avait toujours envisagé la possibilité de faire prisonnier le pape et de le déporter dans le « Grand Reich » -dans la période qui va de septembre 1943 à juin 1944- c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée des alliés. Si le pape s’était opposé à cette mesure, il était possible qu’on le fasse abattre « tandis qu’il tentait de s’enfuir » comme on l’a annoncé à ce moment-là à propos de certains morts…auf der Flucht erschossen !
Nous pensions que notre principal devoir était d’empêcher au moins ce crime (l’assassinat du pape), méfait qui aurait été perpétré au nom du peuple allemand.
M. von Weizsaecher devait lutter sur deux fronts : recommander au Saint-Siège -au Pape donc- de ne pas entreprendre d’action inconsidérée, c’est-à-dire d’action dont peut-être il ne percevait pas toutes les dernières et catastrophiques conséquences… d’autre part, il devait chercher à persuader les nazis au moyen de rapports diplomatiques faits avec art que le Vatican faisait preuve de « bonne » volonté et que les innombrables actions particulières du Saint-Siège en faveur des Juifs étaient choses insignifiantes à ne pas prendre au sérieux.
Nous tous membres de l’ambassade d’Allemagne près le Vatican, bien que nous fussions d’avis différents sur la situation, nous étions sans exception d’accord sur ce point : une protestation solennelle de pie XII contre la persécution des Juifs l’aurait probablement exposé, lui et toute la curie romaine, à un très grave danger et certainement alors en l’automne 43, celle-ci n’aurait sauvé la vie à aucun Juif. Hitler déchaîné, réagissait d’autant plus horriblement qu’il trouvait plus de résistance. »[62]
En 1975, le Dr Safran, Grand Rabbin de Roumanie, a estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII. « La médiation du Pape sauva les juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée » [63]
Le 11 septembre 1987, Jean-Paul II, devant 200 personnalités représentant presque toutes les organisations juives des États-Unis, rassemblées au Centre culturel de Miami, rappelait « les efforts énergiques et sans équivoque des papes contre l’antisémitisme et le nazisme au plus fort de la persécution contre les juifs ». Après avoir évoqué Pie XI déclarant le 6 septembre 1938 que « l’antisémitisme ne peut être accepté » et qu’il y avait « en outre l’opposition totale entre le christianisme et le nazisme en affirmant que la croix nazie était une « ennemie de la croix du Christ » (Allocution de Noël 1938) », Jean-Paul II se disait _« convaincu que l’histoire révélera d’une manière d plus en plus évidente et convaincante combien Pie XII ressentait profondément la tragédie du peuple juif et avec quel effort soutenu il oeuvra pour lui venir en aide efficacement pendant la Seconde Guerre mondiale. »[64]
En 1998, le P. Pierre Blet sj qui a travaillé à la publication des Actes et documents relatifs à la Seconde guerre mondiale[65] et à l’attitude de Pie XII, commente ses travaux dans un article intitulé « La légende à l’épreuve des archives ».[66] Il y décrit le travail accompli durant 15 ans et qui l’amène à conclure à l’ « inanité des attaques » contre le pape. Le travail du P. Blet et de ses collaborateurs étant mis lui-même en cause, le P. Blet dénonce, preuves à l’appui, le parti-pris et la malhonnêteté de certains journalistes.[67]
En 2001 paraît le livre d’Antonio Gaspari déjà cité dans lequel il cite le rabbin David Dalin (New York) : « Pie XII fut l’une des personnalités les plus critiques envers le nazisme. Sur 44 discours que Pacelli a prononcés en Allemagne entre 1917 et 1929, 40 dénoncent les dangers imminents de l’idéologie nazie. En mars 1935, dans une lettre ouverte à l’évêque de Cologne, il appelle les nazis « faux prophètes à l’orgueil de Lucifer ». […] Sa première encycliques en tant que pape, Summi pontificatus de 1939 était si clairement anti-raciste que les avions alliés en lâchèrent des milliers de copies sur l’Allemagne. »[68]
Attardons-nous un peu au cas de ce rabbin, éminent historien, spécialiste, entre autres, des relations entre juifs et chrétiens, appartenant à un courant conservateur du judaïsme.[69] A partir de 2001, il va apporter de nombreux témoignages en faveur de Pie XII. Dans un long article publié le 26 février 2001 dans The Weekly Standard Magazine[70], après avoir salué tout particulièrement les travaux sérieux du P. Blet, de Margherita Marchione[71], Ralph McInerny[72], surtout de Ronald Rychlak[73], D. Dalin dénonce les livres qui ont fait le plus de bruit dans la presse mais qui témoignent d’un « certain manque de compréhension de l’histoire »[74] et qui utilisent l’Holocauste pour attaquer l’institution papale et Jean-Paul II. A l’opposé, des auteurs juifs prennent la défense de Pie XII comme Pinchas Lapide déjà cité, Joseph Lichten[75], Livia Rotkirchen[76], Jeno Lavai[77]. Le rabbin appelle à la barre d’autres sommités juives, les historiens : Sir Martin Gilbert, spécialiste anglais de l’holocauste, Michael Tagliacozzo, rescapé de l’holocauste et qui possède un dossier « Calomnies à l’encontre de Pie XII »[78] et Richard Breitman, « seul historien a avoir eu accès aux dossiers d’espionnage américain de la Deuxième Guerre mondiale » qui déclare que des documents secrets prouvent que « Hitler se méfiait du Saint-Siège car il cachait des Juifs ».
Le rabbin conclut : « Pie XII ne fut pas le pape de Hitler, loin de là. Il fut l’un des soutiens les plus fermes de la cause juive, à un moment où elle en avait le plus besoin. […] On peut lire dans le Talmud que « celui qui sauve une seule vie sauve l’humanité ». Pie XII, plus qu’aucun autre homme d’État du XXe siècle, a accompli cela à l’heure où le destin des Juifs européens était menacé. Aucun autre pape n’avait été autant loué par les Juifs avant lui, et ils ne se sont pas trompés. Leur gratitude ainsi que celle de tous les survivants de l’Holocauste prouve que Pie XII fut véritablement et profondément un Juste parmi les Nations. »[79]
Le 20 juin 2008 sur les ondes de radio Vatican, Gary Krupp[80] fondateur de Pave the Way Foundation[81], affirme : « Pie XII a sauvé dans le monde plus de Juifs que toute autre personne dans l’histoire ».[82]
Le 13 septembre 2008 est organisé à Rome un symposium international sur le pontificat de Pie XII à l’initiative de la Fondation américaine Pave the Way Foundation de New York. Y participent des historiens et des rabbins ayant survécu à l’holocauste, témoins de l’œuvre d’assistance portée aux Juifs. Le fondateur et président de la fondation, Gary Krupp y a notamment projeté une video dans laquelle Mgr Giovanni Ferrofino qui était le secrétaire du nonce apostolique en Haïti, de 1939 à 1946, témoigne qu’il recevait deux fois par an des télégrammes cryptés lui demandant des visas à l’intention de Juifs devant fuir l’Europe occupée.[83]
Le 9 octobre 2008, le pape Benoît XVI prononçait une importante homélie pour le 50e anniversaire de la mort de Pie XII.[84] Salue son courage et sa patience, son action aux côtés de Benoît XV pour mettre fin à l’ « inutile massacre » de la Grande Guerre et le fait d’ « avoir décelé dès son avènement le danger constitué par la monstrueuse idéologie nationale-socialiste, avec ses pernicieuses racines antisémites et anticatholiques ». Durant la guerre, son amour pour Rome s’incarna dans une « intense œuvre de charité qu’il accomplissait envers les persécutés, sans tenir compte d’aucune distinction de religion, d’ethnie, de nationalité, d’appartenance politique ». Il refusa de quitter la ville menacée : « Je ne laisserai pas Rome et mon poste, même si je devais en mourir »[85] Pour partager le sort de la population, il se priva de nourriture, de chauffage, de vêtements, et de commodités. Benoît XVI rappelle les messages de 1942 et 1943 que nous avons cités, où Pie XII dénonce déportation et extermination et conclut cette période de la guerre en affirmant que Pie XII « a souvent agi dans le secret et le silence, parce qu’à la lumière des situations concrètes de la complexité de ce moment historique, il avait l’intuition que c’était seulement de cette manière que l’on pouvait éviter le pire et sauver le plus grand nombre possible de juifs. ». Rappelant l’éloge de Golda Meir, Benoît XVI regrette que le débat historique n’ait pas toujours été serein avant d’évoquer l’ « extraordinaire actualité » et la fermeté de nombre de ses enseignements qui en font un réel « précurseur du Concile Vatican II »[86]
Le 13 octobre 2008, plusieurs Juifs italiens ont témoigné devant les caméras de la télévision italienne avoir été sauvés par des membres de l’Église avec le soutien de Pie XII lors des persécutions nazies. Parmi eux se trouvait Emmanuele Pacifici[87], le fils de Riccardo Pacifici, rabbin de Gênes durant la guerre[88].
Le 27 octobre 2008, Arrigo Levi déclare que l’action discrète de Pie XII a pu « éviter la mort de milliers d’autres juifs ».[89]
En novembre 2008, le président de la république italienne Giorgio Napolitano, à la veille de visiter Israël et les territoires palestiniens, a accordé une interview au quotidien israélien Yedioth Ahronot et rappelé, à cette occasion la protection et l’aide apportée par les institutions religieuses à un grand nombre de juifs : « ce sont des milliers, entre vingt et trente mille, de Juifs italiens et même étrangers qui trouvèrent refuge et protection contre les persécutions en Italie ; et s’ils étaient souvent hébergés et protégés par de parfaits inconnus, un très grand nombre le furent dans des institutions religieuses. » Le 24 novembre, le Président a inauguré une plaque à la mémoire des « écoles d’urgence » (Scuole di emergenza) créées en 1938 pour accueillir les élèves et les enseignants juifs expulsés des écoles publiques en vertu des lois raciales.[90]
En juin 2009, le site Internet de l’Union des communautés juives italiennes fait état de « fausses accusations » contre Pie XII. Paolo Mieli, dont une partie de la famille a disparu dans la Shoah, qualifie d’ « absurdes » les accusations portées contre Pie XII et dénonce une « manipulation historique » qu’il faudrait analyser : « prendre pour argent comptant les accusations contre Pacelli, c’est comme traîner sur le banc des coupables présumés, avec les mêmes chefs d’accusation, Roosevelt et Churchill, en les accusant de na pas avoir parlé plus clairement des persécutions antisémites ». Il conclut : « Je refuse d’imputer la mort des miens à une personne qui n’en est pas responsable ». L’historien et journaliste juif Giogio Israel[91] parle d’une diabolisation de celui « qui ne suit pas certains clichés même lorsque cela est en vue d’un bien comme c’est le cas avec Pie XII dont les efforts pour sauver le plus grand nombre de juifs possibles ont été immédiatement reconnus par ceux qui en ont été les bénéficiaires directes et les témoins ». Il ajoute : « Ce ne fut pas tel ou tel couvent ou le geste de compassion de quelques-uns, et personne ne peut penser que toute cette solidarité dont témoignèrent les églises et les couvents, ait pu avoir lieu à l’insu du pape, voire sans son consentement. La légende de Pie XII est la plus absurde de toutes celles qui circulent ». Un autre historien, Roberto Pertici, souligne que les mérites du pape ont été « méconnus dans le monde anglo-saxon » et cachés dans le « monde soviétique, irrité par l’anti-totalitarisme de Pie XII et de l’Église en général ».[92]
Le samedi 2 janvier 2010, la revue Marianne[93]publiait, à la « une » et suite à la possible béatification de Pie XII : « Le pape qui garda le silence face à Hitler ». Le 11 janvier, dans la même publication, un de ses chroniqueurs, Roland Hureaux, prenait la défense de Pie XII en déclarant qu’il avait agi « en homme responsable plutôt qu’en donneur de leçons ». « Il aurait fallu, continue le chroniqueur, une immaturité inouïe à imaginer que le pape aurait pu prendre la parole à tort et à travers sans se préoccuper d’abord de cette responsabilité. »
Le 21 janvier 2010, le philosophe juif Bernard-Henri Lévy déclarait : « On s’étonnera que, dans le silence assourdissant qui marqua le monde entier lors de la shoah, l’on fasse porter tout le poids -ou presque- à celui qui, parmi les dirigeants d’alors, n’avait ni canons ni avions à disposition ; ne ménagea pas ses efforts pour partager, avec ceux qui avaient des avions et des canons des informations dont il avait connaissance ; sauva en personne, à Rome et ailleurs, un tr ès grand nombre de ceux dont il avait la responsabilité morale ».[94]
Le 29 juin 2010, la Fondation Pave The Way annonçait que l’historien Michael Hesemann, représentant la Fondation, avait découvert dans les archives du Vatican des lettres envoyées le 30 novembre 1938 et le 9 janvier 1939 par le cardinal Pacelli aux nonciatures et délégations apostoliques demandant 200.000 visas pour des « catholiques non-aryens » et « juifs convertis », langage propre à tromper les nazis qui, dans le concordat de 1933, autorisaient le Saint-Siège à aider les « catholiques non-aryens ». Le courrier précisait : « que l’on veille à ce que des sanctuaires soient mis à disposition pour sauvegarder leur vie spirituelle et protéger leur culte, leurs coutumes et leurs traditions religieuses. » Matteo Luigi Napolitano, professeur de sciences politiques à l’Université d’Urbino, attire notre attention toute particulière sur une lettre du 9 janvier 1939, envoyée à plus de 60 prélats, où, en latin, mais très explicitement, Pacelli recommande : « N’entreprenez pas de sauver seulement les Juifs mais aussi les synagogues, les centres culturels et tout ce qui appartient à leur foi : les rouleaux de la Torah, les bibliothèques, etc. ».[95] En terminant, Benoît XVI que la cause de béatification de Pie XII « ait une heureuse issue ».
En mai 2011, la Fondation Pave The Way, révélait que des documents découverts montraient que les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient exercé des pressions sur Pie XII pour qu’il se taise[96].
En juin 2011, l’ambassadeur d’Israël au Vatican, Mordechai Lewy, a reconnu l’action de Pie XII et du Vatican lors de la Seconde Guerre mondiale en déclarant : « Il y a tout lieu de penser que ces institutions religieuses catholiques ont recueilli des Juifs avec l’accord et le soutien de la plus haute hiérarchie vaticane » Et que « Ce serait donc une erreur de dire que l’Église catholique, le Vatican et le pape lui-même n’ont rien voulu faire pour sauver des Juifs. C’est le contraire qui est vrai. »[97] Il a également reconnu « La volonté vaticane de sauver les juifs » [98]
Le 14 mars 2012, Zenit répercutait une nouvelle émanant de la Fondation Pave the WXay qui, dans les archives de Yad Vashem, on avait découvert que le futur pape Pie PXII était favorable dès 1917 à la création d’un territoire juif en Israël.[99]
Le 30 janvier 2013, l’Osservatore romano publiait un compte-rendu de Luca M. Possati[100] relatant les recherches effectuées par Patricia M. McGolfrick, de la Middlesex University de Londres, dans les Archives nationales britanniques. Dans un article intitulé New Perspectives on Pius XII and Vatican Financial Transactions during the Second War, l’historienne révèle que Pie XII a combattu le nazisme par des investissements de millions de dollars réalisés aux États-Unis pour soutenir l’industrie de guerre, des actions humanitaires destinées aux troupes alliées, aux populations meurtries[101] et aux Églises persécutées.[102]
*
Toutes ces déclarations et manifestations[103] semblent corroborer ce que Paolo Mieli, directeur du Corriere della Sera écrivait : « L’aversion contre Pie XII est née dans le monde anglo-saxon et protestant[104], pas dans le monde juif qui, au contraire, s’est adapté dans le temps pour ne pas être pris à contrepied par une campagne internationale. »[105]
Reste la question de savoir pourquoi le mémorial Yad Vashem ne reconnaît pas l’œuvre de Pie XII en faveur des Juifs persécutés. Une photo de Pie XII s’y trouve non parmi les criminels mais en tant que personne qui n’a rien fait et avec des inscriptions offensantes pour les catholiques. Le P. Gumpel a publié, en 2008, une interview de Sir Martin Gilbert qu’il présente comme l’historien juif le plus fameux et le plus compétent sur la Shoah. Cet historien affirme que chaque phrase de l’inscription à Yad Vashem est une falsification de l’histoire. Le P. Gumpel conclut que « Yad Vashem manque de logique. d’un côté ils disent : « Tant que nous et nos chercheurs n’avons pas examiné tous les documents qui se trouvent dans les Archives secrètes du Vatican, nous ne pouvons pas juger ». C’est une chose. Mais malgré cela, ils ont déjà jugé et ils ont déjà condamné, ce qui est dépourvu de logique et tout à fait inacceptable du point de vue historique. »[106]
Quatre ans plus tard, en 2012, il semble, que la direction du musée de l’Holocauste ait entendu les protestations. Le mémorial Yad Vashem, tout en évoquant la controverse[107], a décidé de changer le texte accompagnant la photo de Pie XII. Faisant écho au message de Noël 1942 où le pape intervenait en faveur de « centaines de milliers de personnes qui, sans avoir commis de faute, mais pour des raisons de classe ou nationalité, sont destinées à la mort ou à des conditions progressives de dépérissement », le nouveau texte fait état du nombre considérable d’activités de secours entreprises par l’Église catholique pour sauver les Juifs et de l’intervention personnelle de Pie XII pour encourager ces activités et protéger les Juifs.[108]
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On peut laisser la conclusion à Philippe Chenaux, professeur d’histoire à l’université du Latran : « Ce prétendu silence n’en était pas un, […] le pape en tant que « chef visible de l’Église » et par conséquent « Père commun » des nations et des peuples ne pouvait parler comme le responsable d’une Église locale (en l’occurrence l’Église polonaise). Il devait tenir compte, en pasteur responsable, des intérêts de toute l’Église, à commencer par ceux des quarante millions de catholiques allemands. S’il n’est plus possible de nier aujourd’hui « un certain silence » du pape, qui ne fut pas total, il convient de reconnaître dans le même temps que ce fut « un silence délibéré » et, comme tel, douloureux, dans l’intérêt même des victimes. Plus diplomate que prophète, Pie XII jugea, selon sa conscience, qu’il valait mieux rester prudent dans la dénonciation des crimes et tenter de faire tout ce qu’il était possible de faire pour sauver le plus de vies humaines. »[109]
Risquons enfin risquer une analogie.
Lorsque 3 jeunes touristes belges qui s’étaient égarés sans le savoir dans une zone militaire, sont arrêtés, en septembre 2009, et incarcérés à la prison d’Evin à Téhéran, le ministère belge des Affaires étrangères demanda aux parents et amis la plus grande réserve et de s’abstenir de toute manifestation ou protestation publique. Dans la plus grande discrétion les autorités négocièrent et finirent par obtenir trois mois plus tard la libération des trois jeunes gens. Le ministre remercia publiquement les parents et amis pour leur patience.[110] Il en fut de même lorsque cinq employés de MSF, dont un Belge, furent capturés en Syrie, le ministère des Affaires étrangères demanda la même discrétion et même l’identité des cinq personnes ne fut communiquée.[111]
Personne n’a reproché au gouvernement belge de n’avoir pas dénoncé publiquement l’arbitraire du régime iranien ou sa paranoïa ni fustigé les kidnappeurs.
Le dossier n’est pas clos.
On sait, par l’ami juif du pape François, le rabbin Abraham Skorka, que le Saint-Père entend faire toute la lumière sur l’action de Pie XII durant la seconde guerre mondiale dès que toutes les archives du Vatican seront classées en vue d’une consultation.[112]
Et, en effet, le 2 mars 2020, a eu lieu l’ouverture des archives concernant le pontificat de Pie XII. Plus de deux millions de documents, couvrant la période de 1939 à 1958, dont beaucoup sont numérisés seront accessibles aux chercheurs. Ainsi pourra-t-on mieux connaître le rôle joué par Pie XII lors de la seconde guerre mondiale.
Suite à ces déclarations, le Père Peter Gumpel, rapporteur de la cause de béatification de Pie XII, a rappelé que l’œuvre originale, qui durait huit heures, avait été, selon les critiques de théâtre, « manifestement écrite par un débutant ». Pour améliorer la pièce et faire en sorte qu’elle puisse être jouée, Erwin Piscator, un habile metteur en scène et producteur, est venu en aide à Hochhuth. Selon le Père Gumpel, Erwin Piscator était « manifestement communiste. Réfugié en Union soviétique pendant la Deuxième guerre mondiale, il avait travaillé en Allemagne et aux États-Unis auprès de bureaux et d’universités notoirement procommunistes ». + Il est évident pour le Père Gumpel, éminent connaisseur de cette période et de la politique du Saint-Siège pendant les années dont parle l’ancien espion communiste, que « la réduction de la pièce à deux heures et le montage du texte avec les calomnies contre Pie XII sont dus à l’influence de Piscator ». + Quant à la responsabilité de l’Union soviétique dans cette opération, le Père jésuite explique qu’« au Vatican on savait depuis longtemps que la Russie bolchevique était à l’origine de cette campagne de discrédit contre Pie XII ». Et pour confirmer ses dires, le Père Gumpel ajoute que « dans les pays occupés par les communistes après la seconde guerre mondiale, ‘Le Vicaire’ de Hochhuth était obligatoirement représenté au moins une fois par an dans toutes les grandes villes ». Le Père Gumpel affirme encore que « les quotidiens et les revues communistes comme l’Unità en Italie et l’Humanité en France, ont fait et continuent de faire une grande propagande à l’œuvre de Hochhuth. Aucun doute donc quant à son influence communiste ». « Je ne peux affirmer que Hochhuth était un agent des russes, - affirme le Père Gumpel - mais il est évident que son œuvre a été fortement influencée par l’appareil communiste ». A ce propos, le Père Pierre Blet, historien de renom, lui aussi jésuite, a affirmé plus d’une fois que « le drame de Hochhuth ne fait pas partie de l’historiographie et que, par conséquent, c’est comme s’il n’existait pas. S’il a fait tant de bruit c’est parce qu’il s’agit d’un artifice monté de toutes pièces par Moscou pour guider la campagne contre PieXII et le discréditer ». Selon le Père Gumpel, « grâce au « Vicaire », Hochhuth a bénéficié de la propagande des communistes mais aussi de celle des ennemis de l’Église et il est intéressant de noter que la représentation de la pièce a été refusée non seulement à Rome mais également en Israël ». Quant à la crédibilité du général Ion Mihai Pacepa, le Père Gumpel a déclaré : « Il ne faut pas oublier qu’il est l’un des plus hauts fonctionnaires des services secrets des pays de l’Europe de l’Est à s’être enfui en Occident et que bon nombre de faits qu’il a rapportés exigent des précisions ».
Selon l’historien Giovanni Maria Van, la pièce relance nombre d’accusations portées par Mikhail Markovich Scheinmann dans son livre Der Vatican im Zweiten Weltkrieg, publié d’abord en russe par l’Institut historique de l’Académie soviétique des sciences, organe de propagande de l’idéologie communiste. (Zenit, 23 juin 2009).
En ce qui concerne les tentatives soviétiques d’infiltrer des agents au Vatican - des tentatives réussies selon l’ancien espion roumain -, le Père Gumpel a rappelé que dans deux institutions de la Compagnie de Jésus, à savoir l’Institut pontifical d’études orientales et le Collège pontifical Russicum, les soviétiques « ont tenté de faire entrer des séminaristes espions ». « Il s’agit d’une affaire que je connais directement, a-t-il souligné. Il a été facile de les démasquer car leur attitude a éveillé de tels soupçons qu’ils ont fini par être chassés. Il était évident qu’ils n’avaient pas la vocation ». Le Père Gumpel doute que des espions soviétiques aient pu avoir accès aux archives secrètes du Vatican et s’emparer de matériel pour monter les calomnies contre Pie XII, comme l’affirme le général roumain. Mgr Sergio Pagano, Préfet des Archives secrètes du Vatican, a écrit au Père Gumpel que « les documents relatifs à Pie XII, pendant la période dont parle l’ancien espion roumain, n’étaient pas encore aux Archives secrètes. Les documents qui les intéressaient se trouvaient aux Archives de la Secrétairerie d’État ». A ce propos, le Père jésuite a expliqué : « Ceux qui ne savent pas comment fonctionnent les choses au Vatican confondent facilement les Archives secrètes du Vatican et les archives de la Secrétairerie d’État ». Le Père Gumpel a donc confié que ces révélations « confirment ce que nous savions depuis longtemps et que le Père Pierre Blet a maintes fois souligné ». (Zenit, 19 février 2007)
Après le triomphe universel du « Vicaire », Rolf Hochhuth écrit et monte une autre pièce de théâtre, « Soldaten, Nekrolog auf Genf », (Soldats, une nécrologie pour Genève), en 1967. Il s’agit, pour lui, cette fois-ci, de démontrer que le Premier Ministre et général polonais Wladyslaw Sikorski, qui meurt dans un accident d’avion en 1943, fut en réalité assassiné par Winston Churchill. Cette pièce de théâtre s’appuie sur les thèses de l’historien anglais David Irving. Une profonde amitié unira désormais ces deux personnages. David Irving, est aujourd’hui déconsidéré, en tant qu’historien, car il est notoirement négationniste.
A propos des prises de position des Église locales, il écrit dans une lettre à l’évêque de Berlin où il cite Mgr LIchtenberg qui avait fait prier pour les Juifs dans la cathédrale Ste Edwige de Berlin et qui mourra pendant sa déportation à Dachau : « En ce qui concerne les déclaration épiscopales, Nous laissons aux pasteurs en fonction sur place le soin d’apprécier si, et en quelle mesure, le danger de représailles et de pression, ainsi que peut-être d’autres circonstances dues à la longueur et à la psychologie de la guerre, conseillent la réserve -malgré les raisons qu’il y aurait d’intervenir- afin d’éviter des maux plus grands. C’est l’un des motifs pour lesquels Nous-même Nous Nous imposons des limites dans Nos déclarations. L’expérience que Nous avons faite en 1942, en laissant reproduire librement à l’usage des fidèles des documents pontificaux, justifie Notre attitude, dans la mesure où Nous pouvons le voir. » (Lettre citée in ONORIO Joël-Benoît d’, Ecce sacerdos magnus, in Actes du Colloque d’Aix-en Provence, op. cit., p. 44. Lettre publiée in DC, n° 1417, 2 février 1964, col. 216.) Pie XII fait sans douta allusion à ce qui s’est passé aux Pays-Bas. (Cf. infra).
Cette politique rejoint la conclusion à laquelle le Comité international de la Croix-Rouge était arrivé : « Tout d’abord, les protestations ne servent à rien ; en outre, elles peuvent rendre un très mauvais service à ceux à qui on voudrait venir en aide. » (BLET P., Actes et documents Actes et documents relatifs à la Seconde guerre mondiale, 12 vol., Cité du Vatican, 1965-1981, IX, p. 133).
Si l’on veut des renseignements plus précis sur le fonctionnement d’un des réseaux clandestins créés par Pie XII, le « Raphaël Verein », on peut lire l’interview du dernier membre en vie (97 ans en 2010), le P. Giancarlo Centioni sur Zenit, 15 janvier 2010. Le P. Gumpel a deux documents écrits qui témoignent de l’action de Pie XII : une note de novembre 1943 extraite du Mémorial des religieuses Augustines du Monastère des Quatre Saints couronnés, disant : « Le Saint-Père veut sauver ses enfants, y compris les Juifs, et ordonne aux monastères d’accorder l’hospitalité aus persécutés » et l’autre adressée à l’évêque d’Assise Mgr Nicolini qui l’a montré à son collaborateur le P. Brugnazzi. Tous deux ont été déclarés « Justes parmi les Nations », Le site Yad Vashem sonsacre d’ailleurs une section au « réseau d’Assise ». (Zenit, 4 mars 2009)
Quant à la question de savoir si, aux excommunications de facto, l’excommunication nominative, publique de Hitler aurait servi à quelque chose, Don Luigi Sturzo, fondateur du Mouvement démocrate pendant la guerre, fit remarquer que de telles excommunications qui ont été prononcées contre Elisabeth Ire ou Napoléon, n’ont rien changé dans leur politique. (DALIN D., op. cit., p. 293.) En tout cas, le parti nazi a été excommunié par les évêques catholiques allemands dès 1930 (Révélé par Pave The Way, cf. Zenit, 6 octobre 2009).
Conscient de la menace, Pie XII avertit les cardinaux qu’ils devaient se tenir prêts à se réfugier dans un pays neutre. Lui-même signa une lettre de démission (fait confirmé par la secrétaire de Pie XII : Sr Pascalina Lehnert) et donna instructions aux cardinaux pour former un gouvernement en exil et élire le nouveau Pape. Le secrétaire d’État, quant à lui, ordonnait dans une lettre à la garde suisse de ne pas résister. (Découverte faite par la Fondation Pave the Way, cf. Zenit, 30 mai 2010).
Le 16 juin 2009, le quotidien Avvenire a confirmé l’intention qu’a eue Hitler de déporter ou tuer Pie XII et le roi pour se venger des Italiens qui avaient arrêté Mussolini. Le journaliste Diego Vanzi a pu visionner des documents auprès du fils d’un des protagonistes qui n’étaient pas du tout décidés à exécuter une telle mission. L’un fut pendu, un autre se suicida pour éviter l’arrestation et le troisième fut envoyé sur le front de l’Est.
« Que nous adhérions ou non aux principes de son Église, nous devons rendre hommage à sa personnalité et au bien qu’il a fait au monde libre et civilisé. La chrétienté vaut mieux que l’Antéchrist et la foi vaut mieux que le cynisme sans fondement. Lutter pour cela et triompher revient à faire beaucoup pour empêcher notre époque de sombrer dans le désespoir ». (Daily Mail)
« Le Saint-Père était devenu intensément hostile à toute forme de gouvernement démocratique, mais les progressistes du monde entier se rappelleront avec gratitude ses appels en faveur des Rosenberg, intervention sans précédent au Vatican ». (Daily Worker, communiste).
« Pie XII sera sans doute pour les catholiques « le pape des laïcs ». C’était un intellectuel, un homme actif, imbu de l’amour de Dieu et de compassion pour les hommes ». (Times).
« Conserver l’unité de son Église en face d’idéologies opposées dont chacune prétend s’imposer à toute l’humanité était une tâche qui réclamait un jugement politique, une finesse diplomatique et surtout le don d’exprimer la vérité chrétienne d’une façon qui faisait s’estomper les conflits temporels. » (Daily Telegraph).
« Par sa charité qui s’étendait bien au-delà de ceux qui sont en communion avec le Saint-Siège et par ses prodigieux efforts en vue de soulager les victimes de la guerre, il s’est montré un vrai Saint-Père et sa mort est pour nous un appauvrissement ». (The Dome, organe de l’Église anglicane).
« C’était un diplomate doué, et un administrateur accompli » (New York Times).
« Ascétique, cultivé, ayant voyagé, courageux, Pie XII a gagné le respect de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté de toutes les religions. Il était l’un des grands hommes d’État de l’Église catholique formé par l’expérience et pourvu du caractère indispensable pour tenir sa haute mission au cours d’une ère de conflit tragique et provocateur. » (New York Herald Tribune).
« Bien que ses déclarations en temps de crise n’aient pu que rarement modifier le cours des événements, sa voix calme fut de plus en plus reconnue comme celle de la conscience chrétienne s’élevant au-dessus du tumulte de la propagande et des confusions d la guerre. » (Washington Post).
« Le pontificat de Pie XII, dont les dernières années ont été marquées par un extraordinaire sursaut de vitalité spirituelle, invite au respect par la vigueur même de cette spiritualité. Cette vigueur a pris des formes intransigeantes que pouvait expliquer la lutte difficile que mène l’Église catholique romaine face au totalitarisme marxiste. Cette volonté de forger un instrument homogène a pu rendre difficiles les relations doctrinales avec les autres Églises chrétiennes mais personne ne contestera à Pie XII la grandeur de la mission dont l’a revêtu son pontificat. » (La tribune de Genève).
Par contre, aux Pays-Bas, en juillet 1942, les dirigeants catholiques (Mgr Johannes De Jong, archevêque d’Utrecht) et protestants envoient au commissaire du Reich un télégramme de protestation contre les mesures d’exceptions contre les Juifs et les déportations. Le texte de ce télégramme est lu dans les églises et dans les temples le 26 juillet 1942. En représailles, les nazis font arrêter les juifs convertis comme la philosophe Edith Stein (cf. MONTCLOS Xavier de, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme, l’épreuve totalitaire 1939-1945, Plon, 1983, p.229). A partir de ce moment, les Nazis durcissent leur attitude vis-à-vis des Néerlandais : des dirigeants socialistes sont arrêtés et des prêtres catholiques comme Titus Brandsma sont déportés en camps de concentration. A partir du 6 août 1942, un bataillon de la police hollandaise fut déployé pour arrêter les Juifs. (cf. HILBERG Raul, La destruction des Juifs d’Europe, T2, Gallimard, 2006, T2, pp.1047-1100). Pinchas Lapide témoigne : « Le plus triste et alarmant, c’est que plus le clergé hollandais protestait haut, fort et fréquemment -plus que la hiérarchie catholique et que tous les autres pays occupés- plus les nazis déportaient de juifs. 110.000 juifs, soit 79% de la communauté de ce pays, partiront vers les camps de la mort ». De son côté, l’évêque Jean Bernard du Luxembourg qui séjourna à Dachau de 1941 à 1942, déclara : « A chaque fois que des voix s’élevaient pour protester, les conditions de détention des prisonniers empiraient ». (Cités par DALIN D., Pie XII et les Juifs, in DC, n° 2266, 17 mars 2002, p. 294). Autre témoignage, celui de Richard M.W. Kempner, procureur-adjoint américain aux procès de Nuremberg : « Tout mouvement de propagande de l’Église catholique à l’encontre de Hitler et du Troisième Reich n’aurait pas seulement été pur « suicide », mais aurait accéléré l’exécution de juifs et de prêtres. » (Courrier des lecteurs de la revue Commentary, 1964, cité in DALIN D., op. cit., p. 293).
La légèreté de certains « historiens » est confondante. Le 3 février 2010, Zenit épinglait deux « chercheurs » qui prétendaient avoir trouvé un document prouvant l’indifférence de Pie XII lors de la rafle de Rome. Or leur document renfermait « une grave erreur de date de la part des chercheurs qui l’ont présenté : le et avait été écrit avant ces terribles faits. Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirment les deux chercheurs qui ont fait ces « révélations », il ne s’agit pas d’un document inédit : le texte avait déjà été publié en 1964 et était largement connu des historiens ». Pie XII effectivement ne parlait pas de la rafle puisqu’elle n’avait pas encore eu lieu… Ces chercheurs n’en sont pas à leur première « légèreté » comme on peut s’en rendre compte sur le site : vaticanfiles.spindler.com
Par ailleurs, le journaliste Dimitri Cavalli, chercheur et collaborateur à la Fondation a trouvé des documents extrêmement significatifs de l’agence internationale JTA (Jewish Telegraph Agency). Ainsi, le 15 janvier 1943, la JTA reproduit la réponse du cardinal Gerlier, archevêque de Lyon aux autorités nazies qui proposaient de laisser ne paix l’Église catholique si celle-ci se taisait sur le traitement réservé aux Juifs. Dans la réplique du cardinal au commandant nazi, on lit : « Vous ne savez pas que le Saint-Père a condamné les lois antisémites et toutes les mesures anti-juives. » Une dépêche du 28 juin 1943 fait état des accusations de Radio Vatican contre le traitement que recevaient les Juifs en France.
La revue Jewish Chronicle de B’nai B’rith (association juive d’action sociale) du 19 mai 1940 montre le pape en discussion avec des professeurs juifs expulsés des institutions italiennes. La même revue, du 9 septembre 1942, informait que Joseph Goebbels, ministre de la propagande nazie, avait imprimé dix millions d’opuscules en plusieurs langues distribués en Europe et en Amérique latine, condamnant Pie XII pour sa position en faveur des Juifs.
Le 5 février 1943, la revue juive Advocate fait écho à l’attaque du cardinal Jusztinian Györg Serédi, archevêque d’Esztergom-Budapest contre les théories raciales. Cette déclaration fut répercutée sur les ondes de Radio Vatican. Dans le même article, on annonce que Mussolini a rendu les lois raciales moins dures pour pouvoir reprendre les relations avec le Vatican.