Chapitre 2 : La grande cassure de 14-18
…Nous qui, élevé au Souverain Pontificat de l’Église,
tenons la place de celui qui est et le Prince et le Dieu de la paix.
— Pie X
Lettre à Mgr Falconio, 11 juin 1911.
Lettre à Mgr Falconio, 11 juin 1911.
Indépendamment de l’intérêt des réflexions de Carl Schmitt ou de Raymond Aron[1] (cf. ce qui a été écrit précédemment), les nationalismes et les idéologies vont accroître et répandre la violence dans le monde : guerres révolutionnaires, conquêtes napoléoniennes, mais aussi guerres mondiales, régimes totalitaires, terrorisme.
1. Schmitt à propos des deux guerres mondiales dira qu’elles sont la conséquence de l’abandon de la pensée juridique élaborée aux XVIe et XVIIe siècles à l’aube du XXe siècle. Le nomos lié à la terre européenne s’est perdu suite à l’émergence de puissances comme les États-Unis ou le Japon. Il s’est perdu aussi avec l’apparition de l’aviation qui rend caduque la séparation de la terre et de la mer. Il se perd encore avec la réintroduction du concept ancien de juste guerre. Dès lors, la guerre devient mondiale, totale et renoue avec les horreurs.
Méditant sur la guerre 14-18, Raymond Aron présente une analyse plus précise. Si cette guerre a connu des massacres effroyables, c’est parce que « les hommes politiques se sont effacés derrière les états-majors. L’objectif militaire (la capitulation de l’adversaire) s’est substitué à l’objectif politique (la paix). De part et d’autre, la finalité de la guerre s’est obscurcie, et le seul but est devenu la victoire, sans que le coût probable de cette victoire ne soit mis en rapport avec les bénéfices de la paix à venir. » (PERREAU-SAUSSINE Emile, Raymond Aron et Carl Schmitt lecteurs de Clausewitz, in Commentaire, n° 103, Automne 2003, p. 620). R. Aron a été très intéressé par l’idée centrale défendue par CLAUSEWITZ Carl von (1780-1831) dans son livre De la guerre (1886) : « La guerre est la simple continuation de la politique par d’autres moyens » (livre 1, chap. 1, n° 24, Ed. de Minuit, 1955, p. 62). Cette idée a souvent été interprétée comme belliciste alors qu’ « elle implique que, durant les cours même des hostilités, les chefs d’armée doivent demeurer subordonnés. Elle implique également que le concept de victoire relève de la tactique et non de la stratégie : la finalité poursuivie par la stratégie, c’est la paix. » (PERREAU-SAUSSINE Emile, id.) En prolongeant cette conception, R. Aron ouvre le chemin à une théorie de guerre juste. En effet, comme l’écrit encore E. Perreau-Saussine, « il est une rationalité pratique qui permet de procéder à des jugements politiques, il est une rationalité qui permet d’embrasser la diversité des contextes nationaux en se plaçant au-delà des partis-pris et des idéologies. Pour Schmitt, cette rationalité n’existe pas. La raison est subordonnée à la volonté. Il n’y a pas de point de vue universel ou philosophique au-delà de la cité, pas de jugement politique qui puisse dépasser les positions partisanes. » (Id.)
ARON R. (1905-1983) sociologue, politologue et journaliste libéral, a écrit notamment Penser la guerre. Clausewitz, 2 tomes, Gallimard, 1976.
Méditant sur la guerre 14-18, Raymond Aron présente une analyse plus précise. Si cette guerre a connu des massacres effroyables, c’est parce que « les hommes politiques se sont effacés derrière les états-majors. L’objectif militaire (la capitulation de l’adversaire) s’est substitué à l’objectif politique (la paix). De part et d’autre, la finalité de la guerre s’est obscurcie, et le seul but est devenu la victoire, sans que le coût probable de cette victoire ne soit mis en rapport avec les bénéfices de la paix à venir. » (PERREAU-SAUSSINE Emile, Raymond Aron et Carl Schmitt lecteurs de Clausewitz, in Commentaire, n° 103, Automne 2003, p. 620). R. Aron a été très intéressé par l’idée centrale défendue par CLAUSEWITZ Carl von (1780-1831) dans son livre De la guerre (1886) : « La guerre est la simple continuation de la politique par d’autres moyens » (livre 1, chap. 1, n° 24, Ed. de Minuit, 1955, p. 62). Cette idée a souvent été interprétée comme belliciste alors qu’ « elle implique que, durant les cours même des hostilités, les chefs d’armée doivent demeurer subordonnés. Elle implique également que le concept de victoire relève de la tactique et non de la stratégie : la finalité poursuivie par la stratégie, c’est la paix. » (PERREAU-SAUSSINE Emile, id.) En prolongeant cette conception, R. Aron ouvre le chemin à une théorie de guerre juste. En effet, comme l’écrit encore E. Perreau-Saussine, « il est une rationalité pratique qui permet de procéder à des jugements politiques, il est une rationalité qui permet d’embrasser la diversité des contextes nationaux en se plaçant au-delà des partis-pris et des idéologies. Pour Schmitt, cette rationalité n’existe pas. La raison est subordonnée à la volonté. Il n’y a pas de point de vue universel ou philosophique au-delà de la cité, pas de jugement politique qui puisse dépasser les positions partisanes. » (Id.)
ARON R. (1905-1983) sociologue, politologue et journaliste libéral, a écrit notamment Penser la guerre. Clausewitz, 2 tomes, Gallimard, 1976.
2. HORACE, Odes, III, 2, 13. Cette citation se trouve, entre autres, sur les murs de la chapelle de l’Académie royale militaire de Sandhurst (GB).
3. CAVANAUGH W., op. cit., p. 19.
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