c. Dans la guerre, face à la violence des particuliers ou des princes, qu’en est-il de la charité ?
Deux distinctions sont à envisager.
Tout d’abord, il faut bien distinguer le péché et le pécheur.
Thomas rappelle que la charité est due aux pécheurs. Il faut les aimer eux mais non pas leur péché[1]comme il faut faire du bien à ses ennemis et les aimer non en tant qu’ennemis mais en tant que participant à une même nature. Ainsi le dévouement de la charité est même dû à un ennemi en grande nécessité.[2]
Il faut ensuite aussi distinguer le pécheur et l’Église.
La question se pose en particulier pour les hérétiques[3]. Si l’on considère les hérétiques en eux-mêmes, « assurément il y a un péché par lequel ils ont mérité non seulement d’être séparés de l’Église par l’excommunication mais aussi d’être retranchés du monde par la mort. Il est en effet beaucoup plus grave de corrompre la foi qui assure la vie de l’âme que de falsifier la monnaie qui permet de subvenir à la vie temporelle. Par conséquent, si les faux monnayeurs ou autres malfaiteurs sont immédiatement mis à mort en bonne justice par les princes séculiers, bien davantage les hérétiques, aussitôt qu’ils sont convaincus d’hérésie, pourraient-ils être non pas seulement excommuniés mais très justement mis à mort. » L’Église, elle, envisage autrement l’hérésie : « Du côté de l’Église (…), il y a une miséricorde en vue de la conversion de ceux qui sont dans l’erreur. C’est pourquoi elle ne condamne pas tout de suite, mais « après un premier et un second avertissement », comme l’enseigne l’Apôtre. Après cela, en revanche, s’il se trouve que l’hérétique s’obstine encore, l’Église n’espérant plus qu’il se convertisse pourvoit au salut des autres en le séparant d’elle par une sentence d’excommunication, et ultérieurement elle l’abandonne au jugement séculier pour qu’il soit retranché du monde par la mort. »[4] Les armes de l’Église sont, en effet, strictement spirituelles : « Les prélats doivent résister, non seulement aux loups qui, spirituellement tuent le troupeau, mais encore aux ravisseurs et aux tyrans qui le maltraitent corporellement. Non pas toutefois en usant personnellement d’armes matérielles, mais d’armes spirituelles selon cette parole de l’Apôtre (2 Co 10, 4) : « Les armes de notre combat ne sont pas charnelles, mais spirituelles. » Entendons par là les avis salutaires, les prières ferventes et, contre les obstinés, les sentences d’excommunication. » [5]
Pour résumer la pensée de Thomas d’Aquin, on peut répondre à la violence par une défense légitime même si elle entraîne la mort de l’adversaire à condition que ces principes soient tous respectés : l’agression doit être injuste ; la riposte doit être décidée par une autorité légitime ; cette riposte doit être proportionnée à l’attaque.