d. Le livre de Josué
Ce livre n’est pas un livre historique relatant des événements qui se seraient passés au 12e siècle av. J.-C., mais plutôt une sorte de plagiat, datant des 8e et 7e siècles, des récits de guerre assyriens[1]. L’Assyrie dominant alors tout le Proche-Orient, de l’Égypte à l’Iran, Israël « essaie de battre l’ennemi avec ses propres armes », utilisant « un langage qui imite le langage dominant, mais en le détournant de ses fins premières. »[2] A travers les noms de peuples difficilement identifiables, ce seraient les Assyriens qui seraient visés. Les peuples qui n’ont aucun droit sur Canaan représentent les Assyriens. Yhwh est un Dieu guerrier qui ressemble à Assur, le dieu guerrier assyrien[3] mais qui, en définitive, « est plus fort que toutes les divinités tutélaires de l’Assyrie ».[4] On peut aussi considérer que ce texte, écrit sous le règne de Josias qui bénéficiait d’un affaiblissement de l’empire assyrien, légitime théologiquement les conquêtes de ce roi. Par ailleurs, ce livre a été l’objet de nombreux remaniements qui, après la destruction de Jérusalem, en 587, par les Babyloniens, relativisent le discours guerrier[5]. Römer en cite deux exemples. Au chapitre 1, à partir du verset 6, Josué apparaît comme serviteur de la Loi et non plus comme chef militaire. Par ailleurs, tout le chapitre 2, quant à lui, interrompt le récit qui, du chapitre 1 au chapitre 3 révèle une continuité, introduisant le personnage de Rahab, Cananéenne, ennemie donc et prostituée qui protège les espions de Josué et professe sa foi au Dieu d’Israël. Dès lors, « toute l’occupation du pays apparaît en quelque sorte comme l’œuvre de Rahab, comme résultant de son attitude ».
Il n’y a pas que le livre de Josué qui soit marqué par l’influence idéologique et stylistique assyrienne. C’est vrai aussi pour toute la littérature historique, du Deutéronome au second livre des Rois. Un texte comme le début du chapitre 7 du Deutéronome (Dt 7, 1-6) a pu mal inspirer des chrétiens fondamentalistes au cours des siècles mais, à l’époque de sa rédaction (Ve siècle ?), il n’a pas inspiré de « purification ethnique » mais par crainte de voir le peuple d’Israël détourné de la vénération exclusive du vrai Dieu, il développe une vision « ségrégationniste » qui doit être relativisée aussi par la présence de textes « universalistes » comme la Genèse[6] ou le livre des Chroniques[7].