a. Caïn
Elle nous offre tout d’abord, dans la Genèse qui est bien l’histoire des origines, une réflexion sur l’origine de la violence[1] à travers le meurtre commis par Caïn[2]. Le personnage central est Caïn qui expérimente, comme tout le monde, pourrait-on dire, l’injustice de la vie. Car le texte ne dit pas pourquoi Dieu n’a pas apprécié son sacrifice. Ce rejet entraîne sa frustration et sa colère de telle sorte que l’on peut dire, à la lumière de cette partie de l’histoire, que « le vrai péché consiste à laisser libre cours à la violence et à ne pas savoir gérer cette expérience de l’inégalité. » On peut ajouter qu’il est lié aussi « à l’incapacité de communiquer », de s’expliquer[3]. Se basant sur l’hébreu, Römer estime qu’on peut interpréter « Suis-je le gardien de mon frère ? » comme « un appel à la nécessité d’avoir des règles (…) d’avoir des repères pour pouvoir gérer cette violence. » La Loi, en effet, n’est pas encore donnée et « le mot hébreu gardien vient d’une racine qui signifie garder, mais aussi observer, souvent liée à l’observance de la loi. » Le problème se pose d’emblée à Caïn de savoir s’il est possible d’échapper à la « spirale de la violence ». Dans un premier temps Dieu semble s’y inscrire puis, « comme s’il se reprenait », Dieu « mit un signe sur Caïn pour que personne en le rencontrant ne le frappe »[4] . Ce qui nous révèle « que la vie humaine, même si c’est celle d’un meurtrier, reste sacrée et qu’aucun humain n’a le droit de prendre la vie d’un autre. » Qui plus est, Caïn s’installe à l’est d’Eden et y fonde une ville. L’orient est traditionnellement symbole de la vie et de la résurrection. Caïn a donc un avenir, un avenir de fondateur d’une civilisation « qui apparaît comme un moyen de gérer la violence humaine ». Œuvre du premier meurtrier, elle est danger et chance à la fois.[5] La question de la violence n’est pas réglée pour autant puisque, dans la descendance de Caïn, Lamek rouvre la spirale de la violence. Néanmoins, on peut lire le chapitre 4 « comme le constat d’un échec du sacrifice ». Le verset 26 dit que c’est à ce moment qu’on commença à invoquer le nom de Seigneur. Il n’est plus question de sacrifices. Ceux-ci ont amené querelle et meurtre. Si donc, dans ce texte, Dieu semble être à l’origine de la violence décrite, il donne des pistes aux hommes pour y échapper.
Le problème du sacrifice va revenir d’une manière beaucoup plus aigüe. En effet, si l’on peut comprendre, malgré l’extrême violence du langage, que Dieu s’emporte devant certaines injustices[6], il est plus difficile d’accepter qu’il réclame ou accepte un sacrifice d’enfant.