vii. Un dernier mot…
Le marché « rendu à sa visée » ou mesuré par un pouvoir soucieux du bien commun[1], bien commun qui « ne saurait ignorer les situations de détresse »[2], ne peut résoudre tous les problèmes de l’existence ni rencontrer tous les besoins.
Rappelons-nous que si le marché peut être un instrument « approprié pour répartir les ressources et répondre efficacement aux besoins », il n’agit « que pour les besoins « solvables », parce que l’on dispose d’un pouvoir d’achat, et pour les ressources qui sont « vendables », susceptibles d’être payées à un juste prix. Mais il y a de nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché. »[3]
Comment peuvent-ils être rencontrés et satisfaits si ce n’est par la volonté du pouvoir politique, des forces sociales, des générosités personnelles et des Églises ? Aucune société soucieuse de répondre à tous les appels de ses membres ne peut négliger l’apport du bénévolat et du volontariat. Enfants, personnes âgées, malades, personnes en difficulté, réfugiés, persécutés, ne peuvent certainement pas compter en tout et pour tout sur les pouvoirs publics.
Toutes les sociétés en sont conscientes.
En Belgique, la Fondation Roi Baudouin a naguère publié un ouvrage intitulé « Eléments pour une politique du volontariat »[4] où il est reconnu que le volontariat est un « élément incontournable de notre société ». Vu son importance et les dangers qui le menace[5], la Fondation réclamait l’établissement d’un statut pour les bénévoles[6].
Ce souhait a été entendu puisqu’une loi a été consacrée le 3 juillet 2005 aux droits des volontaires, notamment le droit à l’information, à des indemnités de défraiement, aux assurances, etc.[7]
Le bénévolat est nécessaire et universel. Jean-Paul II lui-même explique qu’il naît d’« un élan naturel du cœur qui incite tout être humain à aider son semblable. Il s’agit presque d’une loi de l’existence » . C’est « un facteur particulier d’humanisation » qui « rend la société plus attentive à la dignité de l’homme et à ses multiples attentes ». Il « permet de faire l’expérience que c’est seulement en aimant et en se donnant aux autres que la créature humaine s’épanouit pleinement ». Comme quoi « l’amour est bien, comme le montrera le Christ, la loi suprême de tout être » !.
Certes, le christianisme a montré tout au long de l’histoire sa capacité à susciter le zèle du service mais même en dehors de son influence, le bénévolat est « une école de vie, surtout pour les jeunes, contribuant à les éduquer à une culture de la solidarité et de l’accueil, ouverte au don gratuit de soi. ». C’est un « facteur de croissance et de civilisation » un moyen de lutter contre la solitude et la « tentation de la violence et de l’égoïsme ». On constate souvent que « les bénévoles remplacent et anticipent les interventions des institutions publiques, auxquelles il appartient de reconnaître de manière appropriée les œuvres nées de leur courage et de les favoriser sans éteindre leur esprit original ». C’est ce que la Belgique, notamment, a fait en donnant un cadre légal à cette « »armée » de paix »[8] ouverte aux retraités[9], aux chômeurs, aux prépensionnés, etc.
Bien des personnes , réfugiées, immigrées, toxicomanes, âgées ou malades, etc., requièrent une assistance particulière. Elles ne peuvent être efficacement aidées que par ceux qui leur apportent non seulement les soins nécessaires, mais aussi un soutien sincèrement fraternel. Il s’agit d’un service éloigné de toute perspective de récompense humaine dans lequel L’Église a toujours été présente. En effet, cette ouverture aux besoins d’autrui, dans une attitude de don gratuit de son propre temps et de ses propres forces, a pour le chrétien des motivations évangéliques très claires et très éloquentes.
Cette forme de contribution est aussi utile pour les structures de l’État. L’administration publique a intérêt à faciliter et encourager ce type d’engagement. Elle doit apporter son aide pour améliorer la coordination des initiatives mises en œuvre. Ainsi, elle favorisera une convergence harmonieuse des efforts là où les besoins sont les plus urgents.
Cette collaboration entre l’Église et l’État, qui peut être pleine de promesses, suppose le respect effectif de l’autonomie créatrice des groupes et des individus engagés car c’est uniquement dans la liberté que peuvent être cultivées les valeurs caractéristiques du volontariat.[10]
Même sur le plan économique, l’Église a reconnu l’importance des associations sans but lucratif : « Les organisation privées sans but lucratif occupent une place spécifique dans le domaine économique. Ces organisations sont caractérisées par la tentative courageuse de conjuguer harmonieusement l’efficacité de production et la solidarité. En général, elles se constituent sur la base d’un pacte associatif et sont l’expression d’une tension idéale commune des sujets qui décident librement d’y adhérer. L’État est appelé à respecter la nature de ces organisations et à mettre leurs caractéristiques en valeur, en réalisant le principe de subsidiarité, qui postule précisément un respect et une promotion de la dignité et de la responsabilité autonome du sujet « subsidié ». «[11]
Une fois encore, la clé de la vie sociale et économique est entre les mains de chaque homme renouvelé moralement et spirituellement et chaque homme, le succès du bénévolat le montre, dans tous les milieux philosophiques.
« Sans des hommes nouveaux, on ne fait pas de nouvelle société »[12].