i. Le problème de l’appropriation
Le cosmos est un « bien collectif »[1] dans toutes ses parties : la terre avec ses richesses minérales, végétales, animales, l’air que nous respirons et l’espace que nous parcourons, l’eau douce et la mer avec tous les biens qu’elle contient.
S’adressant à des agriculteurs, le Pape souhaite leur rappelle leur devoir de solidarité avec tous les peuples de la terre « afin que tous, sans exception, puissent jouir des fruits de « la Terre mère » et vivre une vie digne d’enfants de Dieu »[2].
A des savants engagés dans l’exploration de l’espace, il dira: « maintenant que l’espace est visité par l’homme et ses machines, la question est inévitable : à qui l’espace appartient-il ? Je n’hésite pas à répondre que l’espace appartient à l’humanité tout entière, qu’il est pour le bénéfice de tous. (…) L’espace ne doit pas être employé au bénéfice exclusif d’une nation ou d’un groupe social ».[3]
Au IIIe Forum mondial de l’eau, le représentant du Saint-Siège déclarera que « la gestion de l’eau et des systèmes sanitaires doit répondre aux besoins de tous, et plus particulièrement des populations pauvres. (…) La terre et tout ce qu’elle contient sont à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples. Ce principe de l’utilisation universelle des biens de la création confirme que les pays ainsi que les populations d’aujourd’hui et de demain ont un droit d’accès minimum aux biens nécessaires à leur développement. L’eau fait partie de ces biens communs à toute l’humanité. (…) Cette eau, destinée à l’utilisation de tous, ne peut être ni épuisée ni détruite par une minorité de personnes ayant le pouvoir. »[4]
Tel est l’enseignement le plus constant de l’Église[5] et on ne s’étonnera pas de lire, sous la plume d’un commentateur, cette conclusion : « Laisser place à l’avenir, ou transmettre ce que nous avons reçu, ou conserver le « capital naturel », (…) ne se peut en réalité que si nous renonçons à nous approprier la terre (…). Il faudrait dire de la terre ce qu’on a dit du corps et de la vie corporelle : que l’homme n’en a pas la propriété mais l’usufruit (…), qu’il ne saurait donc en disposer de manière absolue ».[6] Non seulement la terre est œuvre de Dieu mais elle est confiée à tous les hommes, tous enfants de Dieu. Ceux-ci, pour vivre, ont besoins d’elle comme ils ont besoin aussi des uns et des autres. Tributaires du bien qui leur a été remis et solidaires les uns des autres.
Et pourtant, nous savons que l’Église depuis les origines aussi et en fidèle interprète des Écritures a admis la propriété privée.
« Tout comme la terre, dit Jean-Paul II, est pour le bénéfice de tous, et que la propriété privée doit être distribuée de telle sorte que tout être humain reçoive sa propre part des biens de la terre, de la même manière l’occupation de l’espace par des satellites et d’autres instruments doit être réglementée par de justes accords et des pactes internationaux qui permettront à la famille humaine tout entière d’en jouir et d’en user ».[7]
L’eau est un bien commun mais « les décisions et la gestion de l’eau doivent se faire au plus près des citoyens. Bien que s’agissant d’un problème global, les décisions relatives à la question de l’eau ne peuvent être prises qu’au niveau local »[8].
La Commission pontificale Justice et Paix a fait remarquer, à propos du droit de la mer, que « ce sont les pays pauvres qui revendiquent avec force la reconnaissance d’un droit de propriété « souverain et inconditionnel » (pour chaque nation) et se méfient de l’idée de « patrimoine commun de l’humanité » - d’autant plus que ce principe a été souvent revendiqué pour justifier l’expansion coloniale ».[9]
N’y a-t-il pas contradiction à parler de biens collectifs et en même temps d’accepter une forme ou l’autre d’appropriation ?
Ne serait-il pas plus logique, au nom de la destination universelle des biens et de la solidarité de s’en tenir au principe d’une communauté des biens, d’une propriété et d’une gestion communes ?