f. Oui à la « spontanéité ».
Comme leurs ancêtres, les néo-libéraux vantent donc l’« ordre spontané »[1], « naturel », les « lois au caractère scientifique » qui assurent le progrès si on laisse le marché se réguler librement.
Ils se réfèrent volontiers aux thèses de l’Autrichien Ludwig von Mises[2] pour qui, par exemple, « la récession est une phase inévitable de rééquilibrage avant que la croissance puisse reprendre. Tenter de l’empêcher par des programmes de dépenses ou une baisse des taux d’intérêt, comme le proposent keynésiens et monétaristes, ne peut que la prolonger en ralentissant le processus nécessaire de liquidation, tout en créant de nouveaux malinvestissements. La solution, cohérente avec l’approche libertarienne en général, est simplement de ne pas intervenir et de laisser le marché retrouver son équilibre ».[3]Pour Hayek, « Le libéralisme est la seule philosophie politique véritablement moderne, et c’est la seule compatible avec les sciences exactes. Elle converge avec les théories physiques, chimiques et biologiques les plus récentes, en particulier la science du chaos formalisée par Ilya prigogine[4]. Dans l’économie de marché comme dans la nature, l’ordre naît du chaos : l’agencement spontané de millions de décisions et d’informations conduit non au désordre, mais à un ordre supérieur. Le premier, Adam Smith avait su pressentir cela dans La richesse des nations, il y a deux siècles.
Nul ne peut savoir comment planifier la croissance économique, parce que nous n’en connaissons pas véritablement le smécanismes ; le marché met en jeu des décisions si nombreuses qu’aucun ordinateur, aussi puissant soit-il, ne pourrait les enregistrer. Par conséquent, croire que le pouvoir économique est capable de se substituer au marché est une absurdité ». Dans la société moderne et complexe, « il faut donc s’en remettre au marché, à l’initiative individuelle. A l’inverse le dirigisme ne peut fonctionner que dans une société minuscule où toutes les informations sont directement contrôlables. Le socialisme est avant tout une nostalgie de la société archaïque, de la solidarité tribale.
La supériorité du libéralisme sur le socialisme n’est pas une affaire de sensibilité ou de préférence personnelle, c’est un constat objectif vérifié par toute l’histoire de l’humanité. Là où l’initiative individuelle est libre, le progrès économique, social, culturel, politique est toujours supérieur aux résultats obtenus par les sociétés planifiées et centralisées. Dans la société libérale, les individus sont plus libres, plus égaux, plus prospères que dans la société planifiée ».
Quant à la question de savoir s’il existe une solution moyenne, social-démocrate, keynésienne, dirions-nous, la réponse d’Hayek est claire : « Entre la vérité et l’erreur, il n’y a pas de voie moyenne ». La moralité et les bonnes intentions des socialistes n’est pas en cause mais bien leurs « erreurs scientifiques » et leur « vanité fatale » puisqu’ils s’imaginent en savoir plus qu’ils n’en connaissent.[5]
A propos du chômage, le prix Nobel dira que « ’est un aspect nécessaire du processus d’adaptation continue aux circonstances changeantes, adaptation dont dépend le maintien même du niveau de prospérité atteint. Que certains aient à supporter l’amère expérience d’apprendre qu’ils ont mal orienté leurs efforts est regrettable, mais ils devront chercher ailleurs une activité rémunératrice »[6].
P. Salin parle de « principes universels et éternels que les chaos de la vie ne peuvent pas (…) atteindre. »[7] Selon lui, « il est aussi absurde de vouloir prendre une décision - concernant par exemple la T.V.A. - en ignorant les principes de base de la science économique qu’il le serait de vouloir construire un avion sans connaître les lois de la physique ».[8]
Certains libertariens redécouvrent « une forme contemporaine du Droit naturel moderne par opposition au Droit positif qui a donné naissance à l’incohérence du droit contemporain produit par le législateur et professé dans nos universités. (…) C’est en cela que les libertariens, écrit B. Lemennicer, sont des révolutionnaires car ils appliquent aux hommes de l’État les mêmes lois ou le même droit au nom du principe de l’universalité de la morale qui se traduit par l’égalité des individus devant le Droit naturel. Les hommes de l’État ne peuvent se mettre hors la loi naturelle qui s’impose à tous de manière égale ».[9] Le lecteur aura bien compris que « droit naturel » et « morale » doivent être interprétés à la lumière de tout de ce qui a été dit jusqu’à présent et qu’il ne s’agit pas d’un retour à la philosophie scolastique.
Ainsi, B. Lemennicer nous expliqu que, si les libertariens sont attachés au « laissez faire » ce n’est pas à cause de la supériorité du capitalisme à produire des richesses mais parce que ce principe est conforme à l’éthique. Mais, cette éthique antérieure à l’activité économique définit le mal de manière claire et nette : « est mal tout acte commis individuellement ou en groupe qui viole la propriété des individus sur eux-mêmes ou leur liberté contractuelle ».[10]
Nous voilà bien rendus au point de départ du credo libéral[11].