b. Le peuple hébreu
La loi du sang
C’est une loi très ancienne dont on trouve un écho dans la Bible[1] et qui aujourd’hui encore hante les esprits et marque les mœurs en bien des endroits[2]. Cette loi de vengeance, très élémentaire témoigne, malgré sa sauvagerie primaire, d’une volonté d’affirmer le droit à la vie pour les membres du clan, de la tribu ou de la famille. Et, une fois de plus, cette loi, du moins dans la Genèse, est aussi la volonté du Seigneur.
La loi du talion
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Cette loi, évoquée en plusieurs endroits de la Bible comme venant aussi de Dieu, marque un progrès d’humanisation par rapport à la précédente. En effet, la proportion de la peine n’est plus de 7 pour 1 ou de 77 pour 7 mais de 1 pour 1. Le but de cette loi est de protéger les hommes contre les appétits excessifs de vengeance. Non seulement cette loi, qui n’est pas systématique, instaure, quand c’est possible, une égalité entre le préjudice et la peine[4] mais elle reconnaît aussi l’égalité des conditions puisqu’elle tend à ne faire acception de personne[5]
Les codes
Il y a, dans l’Ancien Testament, plusieurs codes. Le plus célèbre est le décalogue (Ex 20, 2-17 ; Dt 5, 6-21), auquel s’ajoutent le code de l’alliance (Ex 20, 22 ; 21, 1-37 ; 22, 1-30 ; 23, 1-25), le code deutéronomique (Dt 12 à 26 et le discours de Moïse 27, 15-26) et le code de sainteté (Lv 17 à 25).
Dans les traductions françaises de ces textes, on emploie très souvent le mot droit (corps de lois ou droit du sujet) mais, dans le texte hébreu, différents mots sont employés suivant leur origine religieuse, morale ou juridique[6]. Dans ces différents codes, en effet, sont mêlés le juridique, le moral et le religieux qui est l’élément fondamental. En fait, toutes les règles viennent de Dieu.
Toutefois, comme le Seigneur respecte la liberté de l’homme, celui-ci doit répondre librement aux offres d’alliance que Dieu lui adresse. Ainsi, Moïse, parlant au nom du Seigneur, s’adresse à Israël en ces termes : « Regarde, je te présente aujourd’hui la vie avec le bonheur, et la mort avec le malheur. Si tu écoutes les commandements du Seigneur ton Dieu que je te prescris aujourd’hui, si tu aimes le Seigneur ton Dieu, si tu marches dans ses voies, si tu observes ses commandements, ses lois et ses préceptes, alors tu vivras et tu te multiplieras, et le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. Mais si ton cœur se détourne, si tu n’obéis point, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux et à les adorer, je te déclare aujourd’hui que vous périrez certainement (…). Je prends aujourd’hui à témoin le ciel et la terre contre vous : j’offre à ton choix vie et mort, bénédiction et malédiction. Choisis donc la vie, afin de vivre avec ta postérité, à la condition d’aimer le Seigneur ton Dieu, d’obéir à sa voix et de lui demeurer attaché (…). »[7] Avec plus de netteté encore, Josué offre le choix à Israël: »« Maintenant donc, craignez le Seigneur et servez-le en toute droiture et fidélité. Eliminez les dieux qu’ont servis vos pères au-delà du Fleuve ainsi qu’en Égypte, et servez le Seigneur. Toutefois, s’il vous déplaît de servir le Seigneur, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir, soit les dieux qu’ont servis vos pères au-delà du Fleuve, soit les dieux des Amorrites dont vous habitez le pays. Mais moi et ma maison, nous servirons le Seigneur ». Le peuple répondit : « Loin de nous la pensée d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! ». (…) C’est ainsi que Josué conclut en ce jour-là un accord avec le peuple et lui donna à Sichem, des lois et des prescriptions. Josué consigna cela dans le livre de la loi de Dieu. Il prit ensuite une grande pierre et l’érigea là, sous le chêne qui était dans le sanctuaire du Seigneur. Il dit à tout le peuple : « Voici une pierre qui servira de témoin contre nous, car elle a entendu toutes les paroles que le Seigneur nous a dites ; elle servira de témoin contre vous, afin que vous n’abandonniez pas votre Dieu. » »[8]
Texte très intéressant parce que le peuple est, pourrait-on dire, démocratiquement sollicité de choisir, dans un acte de liberté religieuse, le fondement divin de son droit. Droit consacré alors par une mémoire de pierre, témoin durable de l’accord passé. Le peuple a choisi la pierre d’angle et le caractère de son droit mais ses décrets ne sont plus à discuter.
Shmuel Trigano commente ces textes et bien d’autres en confirmant que « les lois (…) sont comme l’habitation de Dieu ou d’autrui, habitation de l’un parmi les hommes. Israël n’est Israël en somme qu’en vertu de ses lois. (…) Au cœur de la nation, il y a un texte, fondement de son institution dans le passage. (…) L’État (…) n’a pas de maîtrise sur la loi. Roi comme sanhédrin sont au-dessous de la loi. Aucune loi de majorité ne peut modifier la loi, mais elle décide de sa jurisprudence. »[9]