iii. Quelles solutions ?
Il est difficile après cette longue énumération de problèmes soulevés par la démocratie de s’en remettre à l’optimisme pragmatique de Georges Vedel. Il déplore aujourd’hui une rupture entre la finalité et les moyens du système démocratique, entre l’intention de « réaliser l’identification la plus poussée entre les gouvernants et les gouvernés » et les conditions pour y parvenir : « le suffrage universel, des élections libres, le pluralisme des partis politiques, une organisation constitutionnelle fixe, la garantie des droits et des libertés essentiels »[1]. Mais il reste, selon l’auteur, deux raisons d’espérer. Tout d’abord, la peur de la dictature maintient et fortifie le goût démocratique : « le repoussoir existe, et pour de longues années : c’est ce qui vient de sombrer dans les pays de l’Est. Rien n’est plus propre à fortifier les peuples dans l’idée churchilienne que la démocratie est le pire de tous les régimes à l’exception de tous les autres ». Ensuite, l’auteur croit à la vertu salvatrice de la discussion : »la démocratie dit-il, offre la possibilité de discussions libres d’où est susceptible de sortir, sinon la solution idéale, du moins le moyen d’ajuster nos régimes politiques au moindre coût »[2].
Indépendamment du fait que l’auteur sous-estime la nostalgie de pouvoirs forts, quelle que soit l’idéologie qui puisse les inspirer, et qu’il surestime le pouvoir et la possibilité de discussions libres, il me semble commettre une erreur dans son diagnostic, par ailleurs fort pertinent. La finalité de la démocratie est-elle l’identification entre le gouverné et le gouvernant et peut-on ranger parmi les moyens « la garantie des droits et des libertés essentiels » alors que l’objet même de tout régime politique est précisément le respect et la promotion des droits et libertés essentiels ?
Par ailleurs, une double question reste en suspens : quelles sont les causes de cette dérive des institutions et des mœurs politiques et de la maladie caractérisée par la rupture entre la fin et les moyens ?
Examinons donc d’autres propositions plus constructives ou plus inquiétantes.