⁢III. Le seul vrai lien

À plusieurs reprises, le bien commun a été évoqué. Il est temps de s’y intéresser parce que là se situe le seul vrai lien. La notion de « bien commun » est au centre de la pensée sociale chrétienne et le pape François, dans son encyclique Fratelli tutti, l’évoque constamment.

Deux confusions sont à éviter.

Tout d’abord, il ne faut pas confondre le « vivre-ensemble » avec le bien commun. Mais le bien commun est le socle qui permet vraiment de vivre ensemble. Pour l’Unesco, « vivre-ensemble » dans des sociétés multiculturelles, c’est « prendre conscience de la diversité ethnique et prendre des mesures pour que les individus puissent conserver leurs cultures vont de pair avec le respect et l’acceptation des principes constitutionnels et des valeurs communes d’une société. »[1] C’est très exactement ce que propose le document belge cité plus haut, consacré au « vivre-ensemble ». Le bien commun fait intervenir un paramètre que néglige toute la littérature dédiée au « vivre-ensemble », le partage d’une même humanité : « Conformément à la nature sociale de l’homme, le bien de chacun est nécessairement en rapport avec le bien commun. Celui-ci ne peut être défini qu’en référence à la personne humaine »⁠[2] Notre bien commun fondamental, c’est notre nature humaine, notre essence⁠[3]. Encore faut-il bien définir ce qu’est la personne humaine.

Ensuite, il ne faut pas confondre le bien commun et l’intérêt général. Laurent de Briey⁠[4] écrit que « La recherche du bien commun » c’est « la recherche collective de l’intérêt général ». Les valeurs communes sont nécessaires mais leur choix « relève de l’autonomie collective ». « Seule la discussion démocratique doit déterminer les valeurs adoptées par la communauté. L’autonomie collective n’implique pas la promotion d’un ensemble de valeurs propres à une tradition culturelle ou religieuse particulière. C’est au débat politique qu’il revient de déterminer les valeurs dans lesquelles la communauté se reconnaît. Cela n’exclut pas, cependant, que des valeurs inspirées par des convictions religieuses soient défendues par certains au sein de ce débat. »[5] Les « valeurs » ne découlent pas de la nature humaine, elles sont le fruit d’un débat. L’auteur considère que le bien commun n’est autre que l’intérêt général né d’un consensus. Laura Rizzerio⁠[6] est d’un tout autre avis et distingue bien commun et intérêt général : « En lisant Aristote, on peut dire que l’intérêt général reste lié à ce qui est de l’ordre de l’utilitaire, et à la somme des intérêts particuliers. Le bien commun – qui doit être recherché par le politique, dit Aristote – dépasse la seule recherche des besoins essentiels. Il a pour objet d’offrir un cadre sociétal qui donne à l’homme le moyen de pouvoir accéder à la plénitude de son humanité et de sa liberté. »[7] Elle cite comme biens communs : la sécurité, la justice, l’amitié ou encore le souci de la terre.


1. Cf. GRZYBOWSKI Samuel, Manifeste pour une coexistence active, Editions de l’Atelier, 2015. L’auteur se réfère au rapport publié en 1996 par la direction des Sciences humaines de l’Unesco, rapport intitulé « Multiculturalisme : nouvelles réponses de politiques publiques à la diversité ».
2. Catéchisme de l’Église catholique, n° 1905.
3. Rappelons-nous que le post-marxisme se présente comme anti-essentialiste.
4. Ce philosophe et économiste né en 1975 est professeur notamment à l’Université de Namur et maître à penser du parti CDH (Centre démocrate humaniste) qui a remplacé le parti social-chrétien et qui, aujourd’hui a cédé la place à un mouvement « Les engagés ».
5. Le sens du politique, Mardaga, 2009, pp. 254-255.
6. Philosophe, professeur à l’Université de Namur.
7. La Libre Belgique, 27 mars 2019.