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II. À la recherche d'un lien

Comment rétablir ou établir une cohésion sociale ? Comment empêcher au moins que le monde ne se défasse ? Comment passer de la dissociété à la société ?

Bien sûr, à travers l’histoire, les sociétés n’ont jamais été durablement ni facilement stables mais il y eut tout de même des périodes, à certains endroits, où la vie fut plus paisible et harmonieuse.

Est-il possible de travailler à créer, recréer du lien et si oui, à quelles conditions ?

À cet endroit, le croyant aura envie d’intervenir et de répondre que « l’expérience enseigne qu’un monde sans Dieu est un enfer où prévalent les égoïsmes, les divisions dans les familles, la haine entre les personnes et les peuples, le manque d’amour, de joie et d’espérance. À l’inverse, là où les personnes et les peuples vivent dans la présence de Dieu, l’adorent en vérité et écoutent sa voix, là se construit très concrètement, la civilisation de l’amour, où chacun est respecté dans sa dignité, où la communion grandit avec tous ses fruits »[1].

Voilà ce que le croyant dira mais nous n’en sommes pas là puisque nous avons pris le parti de nous contenter pour le moment de ce que la raison peut nous dire.

Tâchons donc de réfléchir à comment vivre ensemble entre gens différents et dont la différence est exaltée.

Le monde nous offre trois réponses à cette question : une réponse très politique, officielle, la réponse de John Rawls, très en vogue et, enfin, la réponse des « post-marxistes », plus discrets mais à l’œuvre.


1. Benoît XVI, Message aux jeunes du monde, XVIe Journée mondiale de la jeunesse, Madrid, du 16 au 21 août 2011.

⁢A. La réponse officielle.

Sur le site www.vivreenbelgique.be/11-vivre-ensemble, se trouve un très long document intitulé Vivre ensemble en Belgique, qui pose bien le problème : « Qu’est-ce que « vivre ensemble » dans une société donnée, quand celle-ci évolue sous la pression de toute une série de facteurs socio-économiques et d’une réalité incontournable : une mixité culturelle toujours plus importante de par l’arrivée de nombreuses personnes venant des quatre coins du monde, avec des références, des modes de vie et des normes juridiques et sociales qui peuvent être très différentes ? »

Comment le document répond-il à ce problème ? On peut dégager trois points essentiels.

  1. Le document cherche à nous rassembler dans le respect des valeurs et des normes dominantes dans la société d’accueil à un moment donné, et établies par les sociologues. Il ne s’agit, en aucun cas, de valeurs universelles, en soi toujours valables parce qu’elles seraient attachées à la nature même de la personne humaine, quels que soient l’époque ou le lieu. Ce sont donc les « valeurs » qui sont aujourd’hui insérées dans notre société comme, par exemple cité, la liberté de disposer de son corps grâce à la contraception, à l’avortement et à l’euthanasie, liberté qui implique aussi de choisir son conjoint et son orientation sexuelle. Le document retient aussi comme valeur la famille mais dans ses formes diversifiées où l’enfant est porteur de droits et l’autorité aussi conditionnelle que le lien matrimonial. Autre « valeur » encore citée : l’efficacité indispensable à un rendement maximum et à un temps valorisé économiquement, le travail rendant l’homme industrieux et pleinement humain…​.

  2. D’autre part, le document reconnaît qu’« il y a une limite au pluralisme démocratique qui s’impose au nom du pluralisme démocratique lui-même et qui peut faire l’objet d’une sanction pénale ». « Les principes fondamentaux doivent être protégés contre toute remise en cause. » Donc, ni le pluralisme, ni les principes fondamentaux cités précédemment ne peuvent être remis en question.

  3. Enfin, « la primauté de l’esprit scientifique sur la Providence (c’est-à-dire le gouvernement de Dieu) est affirmée ». Puisque ce sont les sociologues qui déterminent les « valeurs »…​ et comme Charles Michel le rappelait plus haut.

En définitive, le "vivre-ensemble" s’appuie sur la légalité, la seule loi positive qui consacre les mœurs dans leur évolution constatée ou provoquée. Il s’appuie sur un laïcisme présent et à venir, sur des "valeurs" sans référence à un bien en soi.

⁢B. John Rawls.

John Rawls⁠[1] qui fut professeur à Harvard, a publié en 1971 un ouvrage intitulé Théorie de la justice[2] qui, selon Philippe van Parijs⁠[3] est « le traité de philosophie le plus lu du XXe siècle ».⁠[4]

En écrivant ce livre, Rawls voulait tout d’abord en finir avec l’utilitarisme représenté par Jeremy Bentham⁠[5] et John Stuart Mill⁠[6]. C’est surtout dans les pays anglo-saxons que cette théorie a eu du succès. En gros, elle défend l’idée que la valeur morale d’une action est déterminée par son utilité pour le plus grand nombre en vue de maximiser son bien-être, c’est-à-dire son plaisir et à minimiser les peines. Le bien c’est précisément ce qui est utile au plus grand nombre pour accroître son bien-être. C’est en vertu de ce principe que Bentham, par exemple, adhéra au principe de population de Malthus, estimant, d’une part, qu’il faut juguler l’accroissement de population sinon il n’y aura pas de biens suffisants pour le plaisir du plus grand nombre. Et, d’autre part, toujours au nom du plaisir, entre un nouveau-né et un animal, il faut choisir celui qui apportera le plus de plaisir.

John Rawls refuse cette vision où l’on ne se préoccupe pas d’une minorité de laissés- pour-compte. Ce qu’il cherche c’est de dépasser l’opposition classique entre libéralisme et socialisme et donc d’articuler la liberté et l’égalité puisque dans les théories classiques on estime que la recherche de la liberté nuit à l’égalité et qu’accentuer l’égalité est préjudiciable à la liberté. Son but ultime est d’assurer la coexistence entre des visions du monde rivales et surtout entre des idées divergentes du bien.

Pour y arriver, il imagine une « position originelle » dans laquelle les hommes ignoreraient qui ils seront et quelle position sociale ils occuperont dans la vie réelle. Dans cette situation, sous ce qu’il appelle un « voile d’ignorance », les hommes, d’après lui, négocieront un contrat qui les liera dans la vie réelle. Dans ce contrat, la raison les amènera à adopter deux principes de justice :

  1. « Chaque personne doit avoir un droit égal au système total le plus étendu de libertés de base égales pour tous, compatibles avec un même système pour tous. »

  2. « Les inégalités économiques et sociales doivent être telles qu’elles soient : a) au plus grand bénéfice des plus désavantagés dans la limite d’un juste principe d’épargne et, b) attachées à des fonctions et des positions ouvertes à tous conformément au principe de juste égalité des chances. »

Cette vision, généreuse dans ses intentions, a été critiquée par Paul Ricoeur⁠[7] dans son essai intitulé Le juste.⁠[8] D’une manière générale, il fait remarquer que la théorie de Rawls est bâtie sur des présupposés (« Imaginons…​ »). Plus précisément, la justice y est le fruit d’une procédure, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de « juste » en soi. De plus, le « juste » établi a priorité sur le bon et la recherche du bien commun, dont nous allons devoir parler, est remplacée par la délibération.

Nous sommes, de nouveau, dans une vision d’un juste évolutif tributaire d’un contrat qui lui-même dépend de la volonté des individus placés devant un choix purement arbitraire et abstrait même si Rawls prétend, un peu facilement, qu’ils iront toujours dans le même sens.

Nous avons vu que Jean-Claude Michéa récuse cette vision sociale où les rapports humains sont purement contractuels. Nous verrons que cette critique se trouve aussi dans l’enseignement du pape François.


1. 1921-2002.
2. Publié en français en 1987, aux Editions Points.
3. Né en 1951, ce philosophe et économiste fut professeur à l’Université catholique de Louvain, à la Katholieke Universiteit te Leuven et à Oxford. Il fut aussi professeur invité à Harvard.
4. C’est aussi l’opinion de M’BONDA Ernest-Marie, in Justification des droits et neutralité métaphysique chez John Rawls, Archives de philosophie 2009/1 (tome 72), p. 101: « le plu lu et le plus commenté du XXe siècle ».
5. 1748-1832.
6. 1806-1873.
7. 1913-1995.
8. Esprit, 1995.

⁢C. Le post-marxisme.

Qu’est-ce qui caractérise le post-marxisme par rapport au marxisme traditionnel tel qu’il fut mis en acte par Lénine ?

Les post-marxistes ont remplacé Lénine⁠[1] par Trotsky⁠[2] et Gramsci⁠[3].

Les post-marxistes pensent que l’infrastructure économique n’est pas déterminante comme le pensaient leurs ancêtres. Ils renoncent à l’opposition classique entre la « droite » et la « gauche » et à la lutte des classes au sens traditionnel. La politique ne se réduit pas pour eux au conflit entre le capital et le travail et n’accordent plus à la classe ouvrière la primeur dans l’action révolutionnaire contre la bourgeoisie. Enfin, ils ne croient plus au rôle central de l’État et à son abolition finale.

Débarrassés de tous les poncifs traditionnels, ils estiment que s’emparer de l’État ne suffit pas, même si c’était possible. Au contraire de ce qui s’est passé en Russie où les bolcheviks s’étaient emparé du pouvoir par la force, en Europe occidentale, vu le développement de la société civile, Gramsci leur a appris qu’il faut gagner cette société civile par une lutte qui inclura la culture pour briser le consentement des classes subalternes à la force de l’État. C’était déjà l’idée que Trotsky avait défendue dans Littérature et révolution publié en 1924.⁠[4]

Aujourd’hui, on ne peut passer sous silence l’influence d’une héritière de ce nouveau courant de pensée⁠[5]: Chantal Mouffe⁠[6]. Son intention rejoint la nôtre puisqu’un de ses livres s’intitule justement Construire un peuple. Quel chemin nous propose-t-elle ?

  1. Il s’agit tout d’abord de radicaliser la liberté et l’égalité qui sont les principes constitutifs de la démocratie⁠[7] qui aujourd’hui est « réduite à des procédures électorales »[8]. Le but est de « construire un « peuple » autour d’un projet qui s’attaque aux différentes formes de subordination en se saisissant des problèmes liés à l’exploitation, la domination ou la discrimination ». Dans ce projet, « la question écologique » est « au centre, écrit-elle, de son agenda ».⁠[9]

  2. Il faut créer une « chaîne d’équivalences », un « nous ». L’expression « chaîne d’équivalences » désigne « un processus d’articulation en vertu duquel une équivalence est établie entre une multiplicité de demandes hétérogènes, mais d’une manière qui maintient la différenciation interne du groupe ».⁠[10] Pas question donc de former un groupe homogène, une masse : il faut conserver les différences. L’équivalence n’est pas l’identité. Les différentes composantes du peuple se rejoignent dans le même objectif de lutter, comme dit plus haut, contre discrimination, exploitation, domination, et donc d’être anti-capitalistes, d’être attachées à l’extension de la liberté et de l’égalité, soucieuses de la question écologique, de la transformation de l’État, en établissant une démocratie radicale au niveau institutionnel comme au niveau civil. Le principe articulateur variera suivant les circonstances. Mouffe interprète, à la fois plus étroitement et plus largement, le slogan bien connu : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ».⁠[11] Il s’agit, d’agir au niveau d’un pays déterminé (« à l’échelle de l’État-nation »[12]) en rassemblant toutes les revendications de liberté et d’égalité en respectant leur diversité.

  3. Ce rassemblement a pour objet de lutter contre « eux », de nourrir l’« antagonisme » entre « nous » et « eux ». « Eux », ce sont les ennemis : tous ceux qui, exploitent, dominent ou discriminent, « l’oligarchie » c’est-à-dire « ces forces qui empêchent structurellement la réalisation du projet démocratique ».⁠[13]

  4. Radicaliser la démocratie, ce n’est pas abolir la représentativité mais l’élargir. Les institutions existantes « ne permettent pas de confrontation agonistique entre différents projets de société […​], le remède n’est pas d’abolir la représentation, mais de rendre les institutions plus représentatives ».⁠[14] De plus, la « stratégie populiste de gauche nécessite d’articuler les interventions « verticales » et les interventions « horizontales » dans le cadre des institutions représentatives aussi bien que dans différentes associations et mouvements sociaux ».⁠[15]
       Arrêtons-nous un instant au vocabulaire employé. L’auteur distingue antagonisme et agonisme. La pluralité des demandes, des protestations induit nécessairement un conflit entre elles car il est impossible de réconcilier tous les points de vue en lutte pour l’hégémonie inéluctable en politique et sans espoir de réconciliation finale : il n’est pas question de fondre les revendications en une masse uniformisée comme le marxisme-léninisme l’a fait sous l’égide du Parti. Même si le conflit est indéracinable pour constituer un « nous » et établir une frontière entre « eux » et « nous », il convient de bien faire la distinction entre l’« ennemi », antagoniste et l’« adversaire ». Entre adversaires, l’affrontement doit être « agonistique » et doit être organisé en ce sens.⁠[16]
       Chantal Mouffe se pose aussi cette question : « Est-ce que tous les antagonismes peuvent être transformés en agonisme ? » Elle répond par d’autres questions qui ne laissent aucun doute sur sa position : « Est-ce que toutes les positions doivent être considérées comme légitimes et faut-il leur accorder une place à l’intérieur de l’espace public agonistique ? Ou bien, existe-t-il des revendications qui doivent être exclues parce qu’elles mettent en question le consensus conflictuel qui constitue le cadre symbolique dans lequel les opposants se reconnaissent comme adversaires légitimes ? Pour le dire d’une autre façon, peut-on envisager un pluralisme sans antagonisme ? »[17] Pensons aux mouvements féministes d’une part et, d’autre part, aux mouvements « pour la vie » ou contre le mariage homosexuel ou encore aux mouvements en faveur des immigrés et aux mouvements nationalistes…​

  5. Pour créer la « chaîne d’équivalences », articuler les composantes du « nous » contre « eux », un leader non autoritaire peut jouer un rôle mais dans la construction d’un peuple, ce qui est décisif, à côté des idées, ce sont les affects.⁠[18] Et « c’est quand s’opère une jonction entre les idées et les affects que les idées acquièrent du pouvoir ».⁠[19] Disons simplement que la stratégie que l’auteur envisage doit toucher les sentiments, les émotions populaires qui vont s’exprimer en désirs.⁠[20]

C’est donc le sujet dans toute sa complexité discursive et affective qui doit être touché, mobilisé. À cet égard, la culture et l’art jouent un rôle essentiel comme l’avaient déjà souligné Trotsky et surtout Gramsci. Chantal Mouffe explique : « si les pratiques artistiques peuvent être décisives dans la construction de nouvelles formes de subjectivité, c’est parce que, mobilisant des ressources qui induisent des réponses émotionnelles, elles sont capables de toucher les êtres humains au niveau affectif. C’est là que réside en effet l’immense pouvoir de l’art, dans sa capacité à nous faire voir le monde différemment, à percevoir de nouvelles possibilités. »[21]

Que conclure?

  1. Voyons d’abord ce qui est positif dans cette pensée. À raison, Chantal Mouffe insiste sur la nécessité de constituer un peuple face à l’hégémonie néo-libérale, individualiste, relativiste et matérialiste. Elle manifeste aussi sa volonté de respecter, dans une certaine mesure toutefois, la pluralité des pensées et des engagements pour constituer une autre hégémonie qui pourra, à son tour, être mise en question si elle ne réussit pas à radicaliser la démocratie. Elle insiste également sur le rôle politique de la culture dans la volonté de sensibiliser tout l’homme dans sa complexité rationnelle et affective. Enfin, elle rejette le déterminisme classique marxiste de même que l’uniformisation de la lutte.

  2. La proposition de Chantal Mouffe présente toutefois quelques aspects problématiques. En effet, pouvons-nous admettre simplement les principes articulateurs des « demandes hétérogènes » des citoyens ? Comment définit-elle la liberté et l’égalité ? À quelles discriminations, exploitations, dominations pense-t-elle ? Qu’implique exactement la revendication écologique qu’elle estime centrale ? Il est vain de chercher ici un programme puisque, très logiquement, la philosophe ne peut, dans l’optique qu’elle défend, que nous proposer « une stratégie particulière de construction de la frontière politique »[22], rien de plus. Un programme ne pourra s’élaborer qu’au fur et à mesure de la constitution réelle d’un peuple.

  3. On peut même contester le fait, comme elle l’écrit, qu’il n’y a pas, au point de départ, d’« identité cachée qu’il faudrait sauver », qu’il n’y a pas de « lien de nécessité, a priori, entre les positions de sujet ». Les liens qui s’établiront, « historiques, contingents et variables » seront le fruit d’un « effort constant »[23] des « agents sociaux ».
       En définitive, puisqu’elle n’envisage pas un « nous tous » mais un « nous » face à « eux », ne sommes-nous pas en présence d’une nouvelle manière d’envisager la révolution plus permanente que celle envisagée dans la pensée de Marx⁠[24] ou de Trotsky pour qui la révolution s’arrêterait une fois tous leurs objectifs atteints.
       Nous verrons plus loin comment construire un peuple et fonder une vraie démocratie sans luttes antagonistes ou agonistiques permanentes.
      


1. 1870-1924.
2. 1879-1940.
3. 1891-1937.
4. Trotsky souligne par exemple l’importance du cinéma non seulement pour lutter contre l’alcoolisme du peuple mais aussi contre l’influence de l’Église (cf. Littérature et révolution, Julliard, 1964, pp; 284-288.) Notons que toutes les campagnes politiques en faveur de l’avortement, de l’euthanasie, du mariage homosexuel, etc., ont été précédées et accompagnées de nombreux films ou feuilletons parfois de très bonne facture, propres à émouvoir les spectateurs ou les habituer à l’idée nouvelle.
5. En 2020, l’influence du post-marxisme se fait sentir un peu partout : en Italie avec Senso comune et Potere al popolo; en France, avec La France insoumise et Nuit debout ; en Grèce avec Syriza, en Grande-Bretagne avec Jeremy Corbyn ; aux USA avec Bernie Sanders et Alexandra Ocasio-Cortez ; en Allemagne avec Die Linke ; en Islande avec Pirates et le Mouvement des verts de gauche ; au Portugal avec Bloco de Esquerda ; etc..
6. Née en 1943 à Charleroi, elle a été l’épouse d’Ernesto Laclau, décédé en 2014, politologue argentin et auteur majeur du post-marxisme. Chantal Mouffe a enseigné dans de nombreuses universités. En 2020, elle enseignait à l’université de Westminster. Elle est l’auteur de nombreux livres dont Hégémonie et stratégie socialiste : Vers une radicalisation de la démocratie écrit en 1985 avec Ernesto Laclau (Fayard, 2019) ou, plus près de nous, Pour un populisme de gauche, Albin Michel, 2018. Il ne faut pas sous-estimer son influence : elle a écrit avec Iñigo Errejón : Construire un peuple, Pour une radicalisation de la démocratie, Cerf, 2017. Iñigo Errejón est le chef de file du mouvement Podemos qui, en 2019, a formé un gouvernement de coalition en Espagne avec la Parti socialiste ouvrier espagnol. Chantal Mouffe inspire également Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise.
7. Cf. Pour un populisme de gauche, Albin Michel, 2018, p. 63.
8. Id., p. 96.
9. Id., pp. 89-90.
10. Id., p. 92.
11. Conclusion du Manifeste du parti communiste de Marx et Engels, publié en 1848.
12. Pour un populisme de gauche, op. cit., p. 103.
13. Id., p. 114.
14. Id., p. 86.
15. Id., p. 98.
16. Cf. Id., p. 128. Étymologiquement, l’antagonisme se rapporte plutôt à une lutte armée tandis que l’agonisme désigne un affrontement plus pacifique. Dans le vocabulaire de Chantal Mouffe, l'antagonisme est la caractéristique du politique tandis que l’agonisme doit animer la politique puisqu’elle « vise à établir un ordre, à organiser la coexistence humaine dans des conditions qui sont toujours conflictuelles car traversées par le politique ». (MOUFFE Chantal, Politique et agonisme, in Collège international de philosophie « Rue Descartes », 2010/1, n° 67, pp. 18-24). Il n’y aura donc jamais de « réconciliation finale » même s’il convient de « rejeter l’opposition entre partis et mouvements, luttes parlementaires et extraparlementaires ».(p. 100)
17. Politique et agonisme, op. cit., p. 23.
18. La conjonction du rôle de leader, des idées et des affects peut être illustré par le cas de Greta Thunberg qui en 2018 a entrepris une action pour le climat qui a entraîné des grèves étudiantes un peu partout dans le monde et son invitation à la COP24 ou encore au Forum économique mondial à Davos. Son jeune âge (15 ans en 2018) et sa maladie (syndrome d’Asperger) ont apporté les affects nécessaires selon la théorie de Mouffe.
19. Pour un populisme de gauche, op. cit., p. 108. Il n’est pas nécessaire ici de réfléchir aux différents sens que le mot « affect » peut prendre en philosophie, en psychologie ou en psychanalyse. Chantal Mouffe rappelle le lien et la distinction que Spinoza (Éthique, (1677), Livre III) établissait entre affection et affect : « Une « affection » est un état du corps en tant qu’il est sujet à l’action d’autres corps. Quand il se trouve affecté par un élément extérieur, le conatus (l’effort général à persévérer dans notre être) éprouve des affects qui le poussent à désirer quelque chose et à agir en conséquence. » (Pour un populisme de gauche, op. cit., pp. 106-107).
20. « Travaillant à partir des notions du « sens commun », cette stratégie devrait s’adresser aux gens de manière à pouvoir atteindre leurs affects. Elle doit être en accord avec les valeurs et les identités de ceux qu’elle cherche à interpeller et elle doit être reliée aux aspects de l’expérience populaire. Pour faire écho aux problèmes que les gens rencontrent dans leur vie quotidienne, elle doit partir de là où ils sont et de ce qu’ils ressentent, et leur offrir une vision de l’avenir qui leur donne de l’espoir plutôt que de s’en tenir au registre de la dénonciation. » (Id, p. 110).
21. Pour un populisme de gauche, op. cit., p. 111. L’auteur renvoie aussi à son livre Agonistique : Penser politiquement le monde, Beaux-Arts de Paris, 2014, chapitre 5.
22. Pour un populisme de gauche, op. cit., p. 114.
23. Id., p. 126.
24. Cf. MARX, ENGELS, Adresse du Comité Central à la Ligue des communistes, 1850.