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D. Que sont devenus les liens traditionnels ?

On pense, en priorité, à la famille, qui a toujours été considérée comme la cellule de base de la société et aux corps intermédiaires entre elle et l’État qui sont tous les groupements sociaux, politiques, économiques, culturels, qui apportent aux familles les services qu’elles ne peuvent assumer seules : communes, régions, écoles, entreprises, partis, syndicats, associations diverses. Tous corps intermédiaires qui fonctionnent selon le principe de subsidiarité qui privilégie toujours le niveau le plus bas c’est-à-dire le plus proche du citoyen et des familles.⁠[1]

Alexis de Tocqueville se montrait déjà pessimiste au XIXe siècle vis-à-vis de l’avenir de la famille : « Non seulement la démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux, mais elle lui cache ses descendants et le sépare de ses contemporains ; elle le ramène sans cesse vers lui seul et menace de le refermer enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur. » ⁠[2]

Un an plus tôt, Marx et Engels écrivaient : « La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Là où elle a pris le pouvoir, elle détruisit toutes les relations féodales, patriarcales, idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissaient l’homme féodal à ses supérieurs naturels, elle les a brisés sans pitié pour ne laisser d’autre lien entre l’homme et l’homme que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement comptant ». »[3]

Aujourd’hui, l’analyse n’est pas plus optimiste. L’individualisation, écrit Chantal Delsol, est « une libération progressive de toutes les contraintes qui, à travers les groupes, entravaient. L’individualisation est une émancipation : à mesure que les groupes se dépouillent du pouvoir et du sens, ceux-ci vont à l’individu (au moins en partie, car les individus affaiblis par leur solitude réclament à l’État de se charger d’une part des pouvoirs auparavant détenus par les corps). »[4]

Ajoutons encore, au niveau de la famille, que le phénomène d’individualisation a aussi été amplifié par la banalisation du divorce et l’amour libre de plus en plus répandu depuis le XXe siècle, alimenté par le féminisme et l’idéologie du gender qui introduit une dissociation entre union et procréation, entre procréation et éducation, entre parenté et parentalité, entre nature et culture.⁠[5]

Très longtemps, la religion a été un lien essentiel dans les sociétés traditionnelles. Toujours à propos De la Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville constatait que « les peuples religieux sont […] naturellement forts précisément à l’endroit où les peuples démocratiques sont faibles ; ce qui fait bien voir de quelle importance il est que les hommes gardent leur religion en devenant égaux »[6]. L’unité religieuse a été recherchée longtemps pour garantir l’unité du peuple et donc sa force. Au XVIe siècle, dans l’Empire romain de la nation germanique, a été appliqué le principe suivant lequel la religion du peuple était la religion du prince : « Cujus regio, eius religio » suivant la formule attribuée au juriste luthérien Joachim Stephani. Principe qui établit la primauté du politique sur le religieux pour faire opposition à la théocratie et au cléricalisme, au détriment de toute liberté de conscience. L’Islam, dans de nombreux pays, tolère mal les minorités religieuses d’autant moins qu’en maints endroits, la loi religieuse sert de loi civile ou du moins l’inspire. On n’y trouve aucune distinction entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Le principe d’unité idéologique vaut aussi pour les pays officiellement athées où, de nouveau, les minorités religieuses sont étroitement surveillées ou persécutées, particulièrement les minorités chrétiennes, dans la mesure où, semble-t-il, « les chrétiens sont le poil à gratter du monde ».[7]

Dans nos pays démocratiques, laïcs, nous vivons avec une multiplicité de religions. Un partisan du laïcisme⁠[8] déclarait : « C’est normal qu’il y ait une diversité de points de vue et que tout le monde puisse s’exprimer face aux grandes questions contemporaines. Il me semble, par exemple, que les débats qui ont eu lieu au Sénat à propos de l’euthanasie sont un bel exemple de dialogue interconvictionnel. Toutes les personnes qui avaient une parole autorisée dans ce domaine ont eu l’occasion de s’exprimer. Bien sûr, il était impossible d’arriver à une décision qui satisfasse tout le monde, mais au moins, tous les points de vue ont été entendus. Je dois également avouer que je me méfie beaucoup des discours institutionnels, car ils représentent rarement l’avis de tous. Quand j’entends un évêque ou un grand rabbin prendre position sur tel ou tel sujet, je me dis que sa parole ne représente que lui et qu’en ce sens, elle n’a pas plus de poids qu’une autre. En plus, on connaît souvent leur position d’avance. C’est pour cette raison que cela m’intéresse beaucoup plus d’entendre un groupe de chrétiens s’exprimant librement. » Ce discours est révélateur : en principe, toutes les opinions sont dignes d’être écoutées mais à condition, en tout cas en ce qui concerne les chrétiens auxquels sont associés ici les Juifs, qu’elles émanent des individus mais non de leurs représentants. Mais la parole d’un représentant de la laïcité organisée est-elle plus digne d’intérêt ? Finalement face à cette multiplicité d’avis, qui va décider ? Comment ? Selon quels critères ? Le nombre ? Le plus fort ? La vérité n’existant pas…​

La famille, les corps intermédiaires, l’unité religieuse malmenés, ne pouvons-nous nous rassembler au nom de quelque valeur ?

Pour Jean-Paul Sartre⁠[9], nous ne pouvons référer nos actions à aucune valeur : « il n’est écrit nulle part que le bien existe, qu’il faut être honnête, qu’il ne faut pas mentir…​ ». En fait, « tout est permis si Dieu n’existe pas[…]. Si […] Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitimeront notre conduite. » Sans Dieu créateur, il est impossible de parler d’un « concept d’homme », d’une « nature humaine » et donc de « valeurs« ». Même la morale laïque est incohérente lorsque, déclarant que Dieu est « une hypothèse inutile et coûteuse », elle cherche malgré tout à affirmer un bien et un mal a priori. Pour Sartre, « il est très gênant que Dieu n’existe pas, car avec lui disparaît toute possibilité de trouver des valeurs dans un ciel intelligible »[10].

Confronté « à la crise de la religion et à celle, tout aussi inéluctable, de la métaphysique rationaliste », crise qui nous enlève, comme le pensait Sartre, le moyen de fonder des valeurs, le philosophe athée Guy Haarscher ne voit comme seule solution, pour échapper au machiavélisme des gouvernants et à l’hédonisme des gouvernés, que « vouloir » échapper au « tout est permis » en respectant les droits de l’homme, dernières et fondamentales valeurs.⁠[11] Nous y reviendrons.

L’actualité a sorti de l’ombre Jean-Claude Michéa⁠[12] qui a été présenté, un peu rapidement, par certains journalistes comme le « penseur » des gilets jaunes. Ce philosophe « de gauche » a abandonné l’enseignement pour se retirer à la campagne où il tente de vivre en autosuffisance. Il jette un regard sévère sur le néolibéralisme triomphant mais aussi sur la social-démocratie qui, selon lui, a trahi ses idéaux. Un de ses livres porte le titre significatif Le loup dans la bergerie[13]: c’est-à-dire que le loup néolibéral est entré dans la bergerie socialiste. Le diagnostic qu’il porte sur notre société est très intéressant : « A l’horizon logique de cette tendance incessante de la société libérale à dissoudre dans le bain acide du Droit toutes les manières de vivre encore communes, on retrouve donc bien ce qu’Engels appelait, dès 1845, l’« atomisation du monde ». Processus qu’il décrivait comme la « désagrégation de l’humanité en monades dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière » (et, contrairement à l’idée que propagent aujourd’hui l’université bourgeoise et les médias officiels, cette dénonciation de la disparition progressive de tous les repères communs n’était nullement, à l’époque, le privilège d’une pensée « décliniste », « nostalgique » ou « réactionnaire » ; elle figurait également - n’importe quel historien des idées peut le vérifier sur-le-champ - au centre de toute la littérature socialiste). Le problème - et tous les anthropologues le savent -, c’est qu’une communauté humaine ne peut exister comme telle et assurer sa survie que dans la mesure où elle reproduit en permanence du lien. Ce qui suppose naturellement entre ses membres ce minimum de langage commun et de normes culturelles communes à défaut duquel les pratiques d’entraide et de solidarité quotidiennes sur lesquelles repose le lien social (et que Marcel Mauss a magistralement analysées dans l’Essai sur le don) laissent inévitablement la place au règne du « chacun-pour-soi » et à la guerre de tous contre tous. Or, quel peut bien être le langage commun d’une société que sa logique profonde conduit justement à privatiser continuellement toutes les valeurs qui rendaient encore possible l’existence d’une vie commune, (c’est-à-dire de systèmes de relations humaines échappant encore en grande partie aux rapports purement contractuels du Droit et de l’échange économique) et dont tous les membres, selon la formule du libéral John Rawls, doivent être pensés, par principe, comme « mutuellement indifférents » ? »[14]

Cette analyse est particulièrement intéressante et mérite qu’on s’y arrête. L’auteur parle d’une « désagrégation de l’humanité », de l’« atomisation du monde » déjà dénoncées par Engels⁠[15] au XIXe siècle ! Le libéralisme en est la cause. Quant aux conséquences décrites, ce sont bien celles déjà évoquées plus haut. Tout d’abord l’individualisme puisque le monde est divisé désormais en « monades » c’est-à-dire en unités « dont chacune a un principe de vie particulier et une fin particulière ». Dans ce grand délitement, il n’y a plus de « repères communs », plus de « langage commun », plus de « normes culturelles communes » et les « valeurs » sont privatisées. Or une société ne peut exister sans « lien », comme l’a montré le philosophe anthropologue Marcel Mauss⁠[16] considéré politiquement comme socialiste révolutionnaire et qui s’est rendu célèbre par son livre Essai sur le don[17] où il montre qu’une société se constitue par le don et le contre-don. C’est l’échange gratuit qui crée du lien⁠[18] et non pas le Droit ni l’échange économique. Au passage, il égratigne John Rawls, le champion du consensus, dont nous parlerons plus loin.

Un autre philosophe, autrichien puis britannique, Karl Popper⁠[19], met en exergue le relativisme comme, à la fois, cause et conséquence de la dissolution actuelle. Il n’hésite pas à écrire que « la principale maladie philosophique de notre temps est le relativisme intellectuel et le relativisme moral qui, au moins pour une part, en découle. Par relativisme, ou scepticisme si l’on préfère ce terme, j’entends la doctrine selon laquelle tout choix entre des théories rivales est arbitraire : soit parce que la vérité objective n’existe pas ; soit parce que, même si l’on admet qu’elle existe, il n’y a en tout cas pas de théorie qui soit vraie, ou (sans être vraie) plus proche de la vérité qu’une autre ; soit parce que, dans les cas où il y a deux théories ou plus, il n’existe aucun moyen de décider si l’une est supérieure à l’autre. […​] Certains des arguments invoqués à l’appui du relativisme découlent de la question même : « Qu’est-ce que la vérité ? », à laquelle le sceptique convaincu est sûr qu’il n’y a pas de réponse. »[20]

Dans ces conditions, peut-on espérer encore partager une culture commune ? Michéa a déjà répondu mais regardons de plus près.

Au sens large, le mot « culture » désigne tout ce par quoi l’homme affirme et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps. Mais nous savons, comme on nous le répète, qu’« Il n’y a plus ni vérité ni mensonge, ni stéréotype, ni invention, ni beauté, ni laideur, mais une palette infinie de plaisirs différents et égaux. La démocratie qui impliquait l’accès de tous à la culture se définit désormais par le droit de chacun à la culture de son choix ou à nommer culture sa pulsion du moment. » Dès lors, « ne parler de culture qu’au pluriel, en effet, c’est refuser aux hommes d’époques diverses ou de civilisations éloignées la possibilité de communiquer autour de significations pensables et de valeurs qui s’exhaussent du périmètre où elles ont surgi »[21].

Cette situation vient de loin. Déjà au XVIIe siècle, Descartes dérouté par la diversité des philosophies, doutait que l’on puisse y trouver quelque vérité assurée et ne mettait plus son espoir que dans la science comme nous l’avons vu. « Je ne dirai rien de la philosophie, sinon que, voyant qu’elle a été cultivée par les plus excellents esprits qui aient vécu depuis plusieurs siècles, et que néanmoins il ne s’y trouve encore aucune chose dont on ne dispute, et par conséquent qui ne soit douteuse, je n’avais point assez de présomption pour espérer d’y rencontrer mieux que les autres ; et que, considérant combien il peut y avoir de diverses opinions touchant une même matière, qui soient soutenues par des gens doctes, sans qu’il y en puisse avoir jamais plus d’une seule qui soit vraie, je réputais presque pour faux tout ce qui n’était que vraisemblable. »[22] Mais c’est au XVIIIe siècle que sera mise en cause l’existence éventuelle d’une culture simplement humaine susceptible de servir de ciment. Le théologien et philosophe Johann von Herder⁠[23], réagit contre la prétention des « lumières » qui se présentaient comme « le » modèle universel prônant le rationalisme, c’est-à-dire l’affirmation que la raison est la seule source d’une connaissance certaine susceptible d’unir tous les hommes. Dans son livre Une autre philosophie de l’histoire, publié en 1774, il défend au contraire l’existence d’un Volksgeist, c’est-à-dire d’un esprit du peuple acquis par le sang, la langue ou le sol. Dès lors, les passions, les sentiments, l’intériorité doivent l’emporter sur la raison abstraite et universaliste. Dans cette mouvance s’inscrit le mouvement littéraire et politique appelé Sturm und Drang (tempête et passion). Mouvement politique aussi car il s’inscrit dans le cadre d’une opposition nationale aux prétentions impérialistes de Napoléon Bonaparte.

En même temps, en France, va naître aussi un mouvement de rejet des « Lumières ». La révolution de 1789 avec ses prétentions universelles, va susciter des réactions nationalistes et traditionnalistes illustrées par Joseph de Maistre⁠[24], Louis de Bonald⁠[25] ou encore, plus tard Maurice Barrès⁠[26]. Ce nationalisme culturel nourrira la première guerre mondiale…​

Au cours du XXe siècle, va s’affirmer l’idée d’une pluralité de cultures aussi diverses soient-elles, aussi particulières soient-elles, au détriment de valeurs universelles ou dans l’ignorance des valeurs universelles qu’elles peuvent transporter. Or, sans références communes, il devient difficile de communiquer, comme le soulignait A. Finkielkraut et, de plus, non seulement la différence entre l’œuvre et le document s’estompe mais il n’est plus possible d’établir une hiérarchie entre les produits culturels ce qu’exprime très bien la formule « une paire de bottes vaut Shakespeare ».⁠[27] Elle illustre bien, comme le montre A. Finkielkraut, le fait qu’aujourd’hui on a tendance à estimer que « toutes les cultures sont également légitimes et [que] tout est culturel »[28].

L’effacement d’une culture critique⁠[29] au profit d’une culture ethnologique indifférenciée, a été favorisé par les travaux de Claude Lévi-Strauss (1908-2009) qui ont eu un retentissement international. À partir de là, une pédagogie de la relativité doit se répandre car le nationalisme culturel d’Herder peut justifier et la xénophobie et la xénophilie.

Goethe qui, au départ, fut séduit par les idées d’Herder, prit finalement ses distances conscient du risque qu’entraînait l’adhésion au particularisme : « Une tolérance généralisée sera atteinte le plus sûrement si on laisse en paix ce qui fait la particularité des différents individus humains et des différents peuples, tout en restant convaincu que le trait distinctif de ce qui est réellement méritoire réside dans son appartenance à toute l’humanité. »[30] On en revient à la question fondamentale de savoir si dans chaque homme, quelle que soit son histoire, nous trouvons des traits communs à toute l’humanité, s’il est possible de définir cette humanité, notre nature, et si nous l’acceptons ! Sans cela, nous sommes livrés à notre individualité, à notre particularité, à notre volonté, attitude bien exprimée de manière lapidaire par l’inscription trouvée sur ce tee-shirt :

Mijn wil is wet[31]

On y trouve l’écho de la pensée la plus célèbre de Protagoras⁠[32]: « L’homme est la mesure de toutes choses », traduite désormais par « je suis la mesure de toutes choses ! ».


1. Sur le plan de la politique européenne, le principe de subsidiarité est défini ainsi dans le Traité instituant la Communauté européenne (Article 5, § 1 et 2) : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».
2. De la démocratie en Amérique, III, II.
3. MARX Karl et ENGELS Friedrich, Le manifeste du parti communiste (1847), UGE, 1966.
4. DELSOL Chantal, Le crépuscule de l’universel, Cerf, 2020, p. 37.
5. Cf. MIRKOVIC Aude et BOURGES Béatrice, De la théorie du genre au mariage de même sexe…​ L’effet dominos, Peuple libre, 2013 ; PEETERS Marguerite A., Le gender, Une norme mondiale ?, Mame, 2013; HUSTON Nancy, Reflets dans un œil d’homme, Actes Sud, 2012.
6. Op. cit., III, XLVI.
7. Mgr M. Aupetit, archevêque de Paris, Messe 20 août 2020.
8. Grollet Philippe Coprésident de l’asbl Conseil central des Communautés philosophiques non confessionnelles de Belgique, in La libre Belgique, 24 septembre 2002.
9. 1905-1980.
10. SARTRE Jean-Paul, L’existentialisme est un humanisme, Nagel, 1946.
11. HAARSCHER Guy, Philosophie des droits de l’homme, Editions de l’Université de Bruxelles, 1993, p. 130.
12. Né en 1950.
13. Climats, 2018.
14. Le loup dans la bergerie, op. cit., ppp. 35-36.
15. Engels Friedrich, 1820-1895, auteur notamment avec Marx du Manifeste du parti communiste, 1848.
16. 1872-1950.
17. Publié en 1923-1924.
18. Notons que le pape Benoît XVI, dans son encyclique Caritas in veritate (2009) insiste sur l’importance du don et de la gratuité pour sortir de la crise économique sociale et finalement humaine que nous connaissons.
19. 1902-1994.
20. La Société ouverte et ses ennemis, t. 2, Seuil , 1979
21. FINKIELKRAUT Alain, La défaite de la pensée, Gallimard, 1987.
22. Discours de la méthode, I.
23. 1744-1803.
24. 1753-1821.
25. 1754-1840.
26. 1862-1923.
27. Il est difficile de préciser l’origine exacte de cette expression. Ce qui est sûr, c’est que l’idée émane d’un auteur nihiliste russe du XIXe siècle, sans doute Dmitri Ivanovich Pisarev (1840-1868) qui aurait écrit : « une paire de bottes est préférable à la poésie de Pouchkine » (1799-1837). Par la suite, la formule remaniée a servi chez divers auteurs à caractériser un personnage nihiliste. Ainsi, Dostoïevski (1821-1881), met cette formule dans la bouche de l’un des personnages de son roman (1866): « Et dites-moi, s’il vous plaît, qu’est-ce que vous trouvez si honteux même dans les puisards ? Je devrais être le premier à être prêt à nettoyer n’importe quel puisard que vous aimez. Et ce n’est pas une question d’abnégation : c’est simplement un travail, un travail honorable, utile qui est aussi bon qu’un autre et bien meilleur que le travail d’un Raphaël et d’un Pouchkine, car il est plus utile. » De son côté, Léon Tolstoï (1828-1910) écrivit : « pour l’homme du peuple, une paire de bottes vaut mille fois plus que la collection des œuvres complètes de Shakespeare ». Plus près de nous, le 14 décembre 1961, l’écrivain André Malraux (1901-1976), alors ministre des Affaires culturelles, lors d’un débat parlementaire, posant la question de savoir « Pourquoi sauver Reims, pourquoi sauver Versailles, plutôt que d’acheter de nouveaux blocs opératoires ? » évoqua la vieille formule venue de Russie et répondit qu’il fallait à la fois procurer des bottes à ceux qui n’en ont pas et faire lire Shakespeare. (Cf. Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Assemblée nationale, n° 105 AN, 15 décembre 1961, p. 5637-5638, 5638).
28. Op. cit., pp. 135-145: Alain Finkielkraut médite longuement sur cette formule.
29. Hannah Arendt, par exemple, estimait que l’homme cultivé « est quelqu’un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé ». (La crise de la culture, Folio-Essais, 1954-1968, p. 288) Choisir mais selon quel critère ? Au-delà des préférences personnelles, il est sûr que chaque culture est respectable. Chaque culture est respectable parce qu’elle parle de l’homme sujet et objet, héritier et être social. Chaque culture témoigne du lien entre l’esprit et le corps et peut être une porte d’accès à l’invisible. Mais, dans chaque culture, genre et sous-genre, l’objet culturel aide-t-il l’homme à grandir ?
30. GOETHE, Johann Wolfgand von, (1749-1832), in Écrits sur l’art, 1821.
31. En néerlandais, littéralement, « ma volonté est la loi« ».
32. 490-vers 420 av. J. C., il est considéré comme un penseur sophiste relativiste connu principalement à travers l’œuvre de Platon (428/427-348-347).