Nous en avons déjà parlé avec le P. Carrier qui s’était demandé comment inculturer l’enseignement social de l’Église. Le souci de l’inculturation n’est pas neuf dans l’Église. Les derniers souverains pontifes y ont été attentifs.[1] Il s’agit d’« une intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme, et l’enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines »[2]. « Par l’inculturation, l’Église incarne l’Évangile dans les diverses cultures et, en même temps, elle introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté ; elle leur transmet ses valeurs, en assumant ce qu’il y a de bon dans ces cultures et en les renouvelant de l’intérieur. »[3] En illustration exemplaire, François évoque l’attitude de Paul à Athènes, la « ville remplie d’idoles ».[4] Il ne fuit pas, ne méprise pas mais s’adresse à ces païens en partant de ce qu’ils connaissent, de cet autel au « dieu inconnu » qu’il a vu dans la ville et de ce qu’ont dit certains de leurs auteurs. Certes, à la fin de son discours, Paul qui avait été écouté avec attention jusque là va susciter la moquerie en parlant de la mort et de la résurrection du Christ. Il n’empêche que quelques-uns « s’attachèrent et embrassèrent la foi ».
Pour François, la leçon est claire : il faut « apprendre à construire des ponts avec la culture, avec ceux qui ne croient pas ou qui ont un credo différent du nôtre. » Et il insiste : « toujours construire des ponts, toujours la main tendue, pas d’agression ». Autrement , être « pontife », « pontifex », c’est-à-dire celui qui construit (facere) des ponts (pons).[5]
Comme le P. Carrier l’indiquait, il n’est pas nécessaire, d’entamer le dialogue sur les questions ultimes et proclamer dès l’abord la résurrection du Christ. Il est toujours possible d’entamer la rencontre sur quelque valeur commune. Martin Steffens n’hésite pas à dire: « Apprenons […] à croire, non pas en Dieu d’abord, mais en la beauté et la bonté des êtres. »[6]
De son côté, le cardinal Danneels rappelait l’importance de la culture universaliste et de la philosophie en particulier.[7]
La culture, en définitive, est un chemin où nous pouvons rencontrer n’importe quel homme mais un chemin qui nous invite à avancer pas à pas vers l’essentiel et sans le perdre de vue[8]. Comme l’écrit Jean-Paul II : « Le chemin à parcourir est assurément long et ardu ; les efforts à accomplir sont nombreux et considérables afin de pouvoir mettre en œuvre ce renouveau, ne serait-ce qu’en raison de la multiplicité et de la gravité des causes qui provoquent et prolongent les situations actuelles d’injustice dans le monde. Mais, comme l’histoire et l’expérience de chacun l’enseignent, il n’est pas difficile de retrouver à la base de ces situations des causes à proprement parler « culturelles », c’est-à-dire liées à certaines conceptions de l’homme, de la société et du monde. En réalité, au cœur du problème culturel, il y a le sens moral qui, à son tour, se fonde et s’accomplit dans le sens religieux. »[9]