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ii. De quoi s’agit-il ?

Ce n’est guère aisé de présenter en peu de mots l’essentiel de la pensée du P. Fessard. Le P. Louzeau nous prévient : « quiconque s’affronte à la pensée de notre auteur éprouvera probablement de grandes difficultés non seulement à la déchiffrer, c’est-à-dire à en percevoir les enjeux réels, mais plus encore à la transmettre à son tour, à la traduire dans un langage accessible qui en livre certaines richesses sans pour autant la trahir » !⁠[1]

Tentons tout de même d’éclaircir au mieux l’analyse proposée par le P. Fessard pour générer une société où se marient justice et charité.

La question qu’il se pose est de savoir comment parvenir à « unifier » des adversaires apparemment aussi irréductibles que ceux qu’il a trouvés de son temps ? Il s’agit donc d’une action bien plus profonde que celle proposée par Chantal Mouffe et plus complète puisqu’il ne s’agit pas, nous allons le voir, d’établir une frontière entre eux et nous mais bien de créer un nous y compris avec eux, un « nous-tous », dira Benoît XVI⁠[2].

Au lieu d’une communauté de lutte, pourrait-on dire en simplifiant la pensée de Chantal Mouffe, le P. Fessard propose une communauté de vie dans la paix.

Il est clair que ce n’est pas par un prêche sur le vivre-ensemble, une sorte de statu quo paisible, que le P. Fessard entame sa quête mais c’est une démarche pratique et dynamique qui doit faire advenir le bien commun même s’il paraît très hypothétique au départ⁠[3] et qu’il ne se décrète pas purement et simplement.

Le rôle de l’autorité, de toute autorité, est de faire croître le lien social. Tout homme peut être un « augmentateur » social. Toute personne peut être autorité puisque toute personne est appelée à faire grandir (augere) l’autre. C’est pourquoi G. Fessard définit l’autorité⁠[4] non seulement comme « médiatrice du bien commun » mais aussi comme « vouloir de sa propre fin »[5] : l’autorité du professeur a comme fin de faire grandir l’élève au point que celui-ci en sache autant que lui et que la hiérarchie de départ s’abolisse.

Cette action de l’autorité est appelée par l’amour comme l’a montré à maintes reprises le pape Benoît XVI⁠[6]. Elle fait croître le lien social en faisant apparaître partout le bien commun, par amour. Le bien commun n’est pas réductible, nous l’avons vu, à ces biens communs que sont, par exemple, l’eau et l’air ni à des biens communs qui seraient simplement des objets de notre volonté. Le bien commun universel et concret, transcendant, à l’origine et à la fin de toute autorité⁠[7], pousse les êtres à mieux vivre dans la paix et la fraternité et doit advenir par la grâce de toute autorité telle que définie.

A la base, le bien commun élémentaire est l’existence et la sécurité. La sécurité engendre un ordre de droit qui est aussi bien commun. Enfin, le bien commun est couronné par les valeurs universelles, humaines et divines à incarner.⁠[8] Autrement dit, plus simplement, notre bien commun est notre humanité elle-même dans toute sa plénitude : il faut prendre conscience que « nous sommes profondément liés parce que nous participons de la même espèce et que nous appartenons tous à un même environnement qui est constitutif de nous-mêmes. […] C’est en prenant en compte ces liens que nous pouvons définir ce qui est bien ou ce qui est mal, non pas en fonction de mes propres intérêts, mais au regard de la société et de tous ceux qui la constituent. » Dès lors, la vraie politique au sens large du terme, la politique à laquelle nous sommes tous invités, est celle de la sollicitude ou de la bienveillance. Elle consiste à « reconnaître que l’autre est presque un autre moi-même. Et ce qui me lie à lui n’est pas un élan de générosité, mais le fait qu’il me révèle à moi-même. Autrui est celui qui me permet de devenir moi-même. Il m’est donc indispensable, et je dois prendre soin de lui. »⁠[9]

Si nous sommes persuadés que nous sommes tous, sans exception, fils du même Père, nous devons vivre une fraternité avec chacun, inconditionnellement, puisque chacun est investi de la même dignité d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu. Chacun étant un être de relations, être social, nous avons à devenir toujours plus à l’image et à la ressemblance de Dieu, de plus en plus humains au sens le plus large du terme, mais ensemble pour, en étant plus hommes, mieux vivre ensemble, faire un peuple, une communauté en marche vers le bien commun. Il y a bien une « identité » à sauver et un « lien de nécessité a priori ».⁠[10]

Il s’agit de remplacer la dialectique telle qu’elle est envisagée par Marx⁠[11] ou encore par Chantal Mouffe (nous face à eux) par une dialectique qu’on peut appeler « conjugale » puis « familiale ».⁠[12]

Au point de départ, il s’agit de sortir de son égoïsme, de reconnaître l’autre comme mon égal, mon frère, un autre « moi », susceptible d’accéder au même bien que moi. Je renonce à être le centre du monde, à un bien immédiat, et je consens à perdre un peu d’espace de ma liberté, à m’ouvrir à un bien plus universel, je consens à ce que quelque chose de ma vie grandisse. Renoncer et consentir sont les deux mouvements qui construisent une communauté. L’homme qui devient époux renonce à une part de sa liberté, renonce à toutes les autres femmes et consent à devenir époux, consent à une alliance, à passer par le point de vue de l’autre. Le renoncement étant réciproque, il est vécu pour un mieux-être. Cette vie relationnelle, cette fraternité, génère le bien commun qui est d’aimer comme on est aimé.

Cette communauté première et fondatrice possède des biens pour garantir son existence et sa sécurité : les biens de la communauté . Mais elle ne peut se refermer sur elle-même au risque de dépérir : ces biens de la communauté pour qu’ils ne soient pas des biens particuliers sur lesquels nous nous replions, doivent être mis en tension avec l’orientation de chacune des communautés vers le bien qui est toujours relationnel. Le sommet du bien commun que nous avons en point de mire, c’est l’ensemble des valeurs, raisons de vivre et de mourir qu’une communauté reconnaît comme son impératif vital, Dieu finalement, notre Bien commun.⁠[13] Il faut donc à partir des biens de la communauté, avec eux, viser la communauté du bien, dans le partage, la fraternité et la reconnaissance mutuelle. d’abord dans l’accueil de l’enfant, de chaque enfant qui fait croître la famille. Le risque ici aussi est que la famille se replie sur elle-même, sur son bonheur. Elle peut encore et doit grandir en entrant en relation avec les autres familles et toute la vie sociale dont elle sera le creuset.

Au sein de la famille, en effet, on veille à ce que chacun ait part à ces biens de la terre donnés à tous pour sécuriser notre existence et que chacun prenne part, c’est-à-dire participe selon ses compétences. Les plus forts modèrent leur puissance pour aider les plus faibles et les plus faibles sont encouragés à ne pas se contenter de leur faiblesse mais à prendre part eux aussi. Nous sommes donc dans une dynamique mutuelle, un engagement réciproque où chacun s’engage dans la bienveillance c’est-à-dire en veillant au bien de l’autre, qui est aussi mon bien, dans la confiance qui est, en même temps, comme l’étymologie nous le confirme, une ferme espérance, la ferme espérance d’un bien commun supérieur.⁠[14]

Toute cette vie, on s’en rend facilement compte en pensant à sa propre expérience, est en tension permanente car il s’agit constamment de renoncer et de consentir et ce n’est jamais facile. La tentation de l’égoïsme, du retour en arrière est sans cesse présente. Une conversion personnelle, constante, est donc nécessaire mais toujours fragile mais cela ne suffit pas comme nous allons le voir.

Ce qui nous pousse, ce qui nous meut dans notre mouvement initial vers l’autre, c’est, bien sûr, la charité : Dieu nous a faits à son image, pour l’amour.⁠[15] En quoi consiste l’amour sinon dans la volonté de faire du bien ? Dès la conception, nous entrons dans l’engrenage de la charité[16], dans une dynamique ouverte à une humanité future, une dynamique qui nous tend vers la fraternité universelle. Cet amour « reçu et donné »[17] est inséparable de la vérité qui lui donne sa consistance car, comme l’explique Benoît XVI, « la vérité est, en effet, logos qui crée un dià-logos et donc une communication et une communion. En aidant les hommes à aller au-delà de leurs opinions et de leurs sensations subjectives, la vérité leur permet de dépasser les déterminismes culturels et historiques et de se rencontrer dans la reconnaissance de la substance et de la valeur des choses. »[18] Ce qui a constitué la famille, doit constituer les autres communautés jusqu’à la communauté universelle.⁠[19] Cela implique d’aller vers l’autre de dialoguer avec lui, de reconnaître qu’il peut m’aider à grandir comme je peux l’aider à grandir en étant d’abord juste avec lui c’est-à-dire en lui donnant « ce qui lui revient en raison de son être et de son agir. Je ne peux pas « donner » à l’autre du mien, sans lui avoir donné tout d’abord ce qui lui revient selon la justice. »[20] La justice, « inséparable de la charité »[21] lui est « intrinsèque », elle est « la première voie de la charité »[22], son « minimum »[23]. « d’une part, la charité exige la justice : la reconnaissance et le respect des droits légitimes des individus et des peuples. […] d’autre part, la charité dépasse la justice et la complète dans la logique du don et du pardon. »[24] Pas de vraie communauté sans justice ni sans amour c’est-à-dire sans don et pardon. Ici encore le modèle familial nous le révèle et nous montre en même temps le chemin à suivre dans les communautés plus larges jusqu’à la dimension du monde. Quelques illustrations suivront.

Justice et charité inséparables exigent que nous voulions le bien commun et que nous le recherchions. Aimer, c’est vouloir le bien de l’autre, bien individuel mais aussi bien commun puisque nous sommes des êtres sociaux, un bien qui « n’est pas recherché pour lui-même, mais pour les personnes qui font partie de la communauté ».⁠[25]

Cette communauté est composée de personnes différentes quant à leur sensibilité, leurs opinions, leurs croyances. Toutefois, comme déjà dit, toutes ces personnes aussi différentes soient-elles participent à la même humanité, sont de même nature⁠[26], sont toutes filles d’un même Père dira le chrétien et qui donc peuvent s’accorder sur un point de départ et puis étape après étape élargir et approfondir leur lien. On peut invoquer, comme le P. Fessard lui-même le fait⁠[27], la fameuse Règle d’or⁠[28] qui, dans un premier temps, nous invite à ne pas faire à autrui ce que l’on n’aimerait pas qu’il nous fasse mais qui, dans la loi nouvelle, prend une forme positive en nous invitant à faire à autrui ce que l’on voudrait qu’il nous fasse. Et donc d’aimer même nos ennemis !⁠[29] Posture qui réclame une double conversion !

On comprend aisément que les chrétiens sont expressément les premiers invités à la suite du Christ à être mieux que de simples « agents sociaux » : les « médiateurs », les « passeurs », les « augmentateurs » du bien commun, à entrer gratuitement dans l’« engrenage de la charité », engrenage « crucifiant »[30] puisqu’il s’agit de « passer du renoncement à l’égoïsme au consentement au lien », de « choisir le service d’autrui comme plénitude de grandeur de sa vie même. »[31] Sur le plan personnel, social, international, jusqu’à « cette cité de Dieu universelle vers laquelle avance l’histoire de la famille humaine ».⁠[32]

Dans cet engrenage de charité où l’on prend soin de l’autre, du plus proche au plus lointain, des « crans d’arrêt » sont nécessaires, des crans d’arrêt « qui permettent d’avancer sur cette voie. »[33] Ces « crans d’arrêt » sont les crans d’arrêt de la justice dont le rôle est « d’interdire à l’individu tout recul vers l’égoïsme grâce au caractère négatif de la loi. Tandis que le rôle de la charité est d’ouvrir toujours plus le moi à l’inspiration, afin que la personne trouve le moyen de communier avec tous. »⁠[34] Ainsi la communauté construit des lois pour vivre dans la paix et constituer le peuple rassemblé par le bien commun. C’est le rôle de la loi donnée sur le Sinaï. Il ne faut donc pas séparer charité et justice mais apprendre les codes qui nous permettent de vivre et de tenir à distance la violence pour que du vivre ensemble jaillisse pour chacun un mieux être dans une tension constante jusqu’aux dimensions de l’univers.


1. LOUZEAU Frédéric, op. cit., p. 345. On trouvera, en annexe 1, et même si c’est une gageure, un essai de résumé de cette « anthropologie sociale » du P. Fessard.
2. CV 7.
3. Dominique Coatanea dit à propos du bien commun : « Il n’est pas possible d’en donner une représentation statique puisqu’il est par essence un processus de genèse, une advenue jamais définitive et toujours en acte d’un état de la conscience au cœur de la culture. Il oriente les forces antagonistes vers la prise en compte de la part de l’autre au sein de son propre regard. Mais la puissance créatrice de vie qui travaille les antagonismes de fait peut advenir comme ordre de droit plus juste et se laisser engendrer par la dynamique de la charité. Le lent processus du bien commun est un incessant travail de la charité fécondant la vie du plus proche -et du plus fragile- au plus large, jusqu’à la vie des institutions internationales. » Cf. Bien commun sur le site du CERAS: www.doctrine-sociale-catholique.fr/index.php?id=6740
4. Dans Autorité et Bien commun (op. cit., pp. 12-13), il écrit : « autorité vient du latin augeo, parent du grec αὐξάνω qui signifie : faire croître, accroître, augmenter. Croissance, tel est donc le contenu originel sous-jacent du mot autorité. et comme il est naturel qu’une croissance soit définie par son début et son terme, les dérivés de augeo se sont spécifiés dans ces deux directions jusqu’à signifier d’un côté « produire, faire naître », et de l’autre « parfaire, accomplir ». Le substantif concret auctor équivalant au français « auteur » […​] témoigne de cette référence du concept au principe de croissance, tandis que l’abstrait auctoritas, -d’où vient directement notre mot d’autorité- vise au contraire une croissance qui, accomplie en elle-même, peut en outre servir de modèle ou d’exemple. […​] Sous les divers sens du mot « autorité », l’étymologie fait donc apparaître un dynamisme qui produit, fait croître et parfait le lien qui unit les êtres. Si bien que nous pourrions déjà, en une première approximation, définir l’essence de l’autorité : la puissance génératrice du lien social, tendant de soi à croître jusqu’à son accomplissement. »
5. Op. cit., p. 44.
6. Cf. les encycliques Deus caritas est, 2006 et Caritas in veritate, 2009 ; l’Exhortation apostolique Sacramentum amoris, 2007 et le livre Charité politique, Parole et silence,2013.
   Au niveau des communautés politiques, le Bien commun qui est, selon la définition de Léon XIII, « après Dieu, dans la société la loi première et dernière » (Au milieu des sollicitudes, 1892) comporte, selon Fessard, trois éléments essentiels:
   « 1/ A la base, l’existence et la sécurité du peuple, d’où résultent l’unité et la cohésion de la société, et qui permettent, dans la coexistence paisible des membres, les échanges essentiels à la vie du groupe ;
   2/ L’ordre de droit constitué par l’ensemble des règles juridiques et institutions destinées à étendre et à faire croître les échanges sociaux d’où résulte pour tous et chacun des membres leur développement harmonieux. Cet ordre de droit lui-même subsiste et ne grandit que sous l’influence d’une notion de justice et grâce à l’impulsion et au contrôle d’une autorité.
   3/ Enfin, au sommet du Bien commun, la Valeur ou Idéal, qui, raison d’être du lien social et des êtres qu’il unit, comprend les valeurs universelles, humaines et divines, qu’un peuple veut réaliser et incarner, vers lesquelles du moins il entend progresser. Cet Idéal où une nation rassemble ses raisons de vivre se représente concrètement aux yeux de ses membres, en général comme la vocation ou la mission historique__ de leur communauté, en particulier comme la cause par laquelle existence et sécurité peuvent et même doivent être risquées. »_ (Collaboration et résistance au pouvoir du Prince-esclave (1942), La conscience catholique devant la défaite et la révolution, cité in LOUZEAU F., op. cit., p. 674.) C’est Fessard qui souligne.
7. Interrogée par un journaliste lui demandant la différence entre le bien commun et l’intérêt général, la philosophe RIZZERIO Laura (Université de Namur) répond : « En lisant Aristote, on peut dire que l’intérêt général reste lié à ce qui est de l’ordre de l’utilitaire, et à la somme des intérêts particuliers. Le bien commun - qui doit être recherché par le politique, dit Aristote- dépasse la seule recherche des besoins essentiels. Il a pour objet d’offrir un cadre sociétal qui donne à l’homme le moyen de pouvoir accéder à la plénitude de son humanité et de sa liberté. » (La libre Belgique, 27 mars 2019). La Conférence des évêques de France, s’appuie sur la définition donnée dans Mater et Magistra, 65 et définit le bien commun comme « l’ensemble des conditions sociales permettant à la personne d’atteindre mieux et plus facilement son plein épanouissement ». Le commentaire précise : « C’est le bien du « nous tous » : le bien commun des personnes, saisies à la fois personnellement et ensemble, socialement. On pourrait dire que c’est le bien de la communion des personnes. Dans la vision catholique, le bien commun n’est pas l’intérêt général, lequel pourrait supporter le sacrifice du plus faible. […​] Bien entendu, dans le bien commun, il ne s’agit pas de considérer seulement le bien des compatriotes, mais aussi le bien de toute l’humanité, présente et à venir ». (Notre bien commun, Editions de l’Atelier, 2014)
8. Cf. COATANEA D., op. cit., pp. 54-55.
9. RIZZERIO Laura, op. cit.. Cf. BENOÎT XVI : « Œuvrer en vue du bien commun signifie d’une part, prendre soin et, d’autre part, se servir de l’ensemble des institutions qui structurent juridiquement, civilement et culturellement la vie sociale qui prend ainsi la forme de la pôlis, de la cité. On aime d’autant plus efficacement le prochain que l’on travaille davantage en faveur du bien commun qui répond également à ses besoins réels. Tout chrétien est appelé à vivre cette charité, selon sa vocation et selon ses possibilités d’influence au service de la pôlis. C’est là la voie institutionnelle -politique peut-on dire aussi- de la charité, qui n’est pas moins qualifiée et déterminante que la charité qui est directement en rapport avec le prochain, hors des médiations institutionnelles de la cité. » (CV 7).
10. Le CEC (n°1880) dit : « Une société est un ensemble de personnes liées de façon organique par un principe d’unité qui dépasse chacune d’elles. Assemblée à la fois visible et spirituelle, une société perdure dans le temps : elle recueille le passé et prépare l’avenir. Par elle, chaque homme est constitué « héritier », reçoit des « talents » qui enrichissent son identité et dont il doit développer les fruits. A juste titre, chacun doit le dévouement aux communautés dont il fait partie et le respect aux autorités en charge du bien commun. »
11. Pour faire court, rappelons que pour les marxistes, tout est en mouvement et ce mouvement s’explique par la lutte des contraires qui, en société, devient lutte des classes. C’est l’opposition des contraires qui est le moteur de l’histoire.
12. Le P. Alain Mattheeuws, sj, a montré que la dialectique homme-femme pouvait servir de « clef de lecture » dans l’encyclique Evangelium vitae de Jean-Paul II et pouvait « en faire jaillir de nouveaux traits originaux » (MATTHEEUWS Alain, La dialectique homme-femme dans Evangelium vitae, dans Anthropotes 16/2, 2000, pp. 399-421).
13. FESSARD conclut Autorité et Bien commun en ces termes (op. cit., p. 120) : « ce Bien commun indéterminé dont tout le monde parle, objet de tous les vœux mais se soustrayant aux mainmises de l’orgueil et de l’égoïsme, nous pouvons maintenant avec l’Église l’invoquer en l’appelant par son nom propre : il n’est autre que le Corps même du Christ, ce Corps mystique de l’Humanité-Dieu où, parce qu’il n’y a plus « ni homme ni femme, ni maître ni esclave, ni juif, ni grec », toute autorité humaine, bien plus toute autorité divine trouve sa fin et sa consommation. »
   Jacques Maritain décrit la conception chrétienne de la cité en la déclarant communautaire, personnaliste et pérégrinale. Communautaire, c’'est-à-dire « que, pour elle, la fin propre et spécificatrice de la cité et de la civilisation est un bien commun différent de la simple somme des biens individuels et supérieur aux intérêts de l’individu en tant que celui-ci est partie du tout social. Ce bien commun est essentiellement la droite vie terrestre de la multitude assemblée, d’un tout fait de personnes humaines : c’est-à-dire qu’il est à la fois matériel et moral. » Personnaliste car « ce bien commun temporel n’est pas fin ultime. Il est ordonné à quelque chose de meilleur ; le bien intemporel de la personne, la conquête de sa perfection et de sa liberté spirituelle. » […​] « il est essentiel au bien commun temporel de respecter et de servir les fins supra-temporelles de la personne humaine. » Pérégrinale : puisque la cité terrestre n’est donc pas la fin de la personne, elle est un moment de la destinée de l’homme qui vit « un équilibre de tension et de mouvement » où jamais il ne se résigne « à l’injustice, ou à la condition servile et à la misère de ses frères ». (MARITAIN J., Humanisme intégral (1936), Aubier, 1947, pp. 140 et 143).
14. Confiance comme confier viennent du latin confidentia et confidere : ferme espérance et espérer fermement.( B-vonW).
15. Le pape BENOÎT XVI a bien développé ce fait: « L’amour dans la vérité (caritas in veritate), dont Jésus s’est fait le témoin dans sa vie terrestre et surtout par sa mort et sa résurrection, est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière. L’amour -caritas- est une force extraordinaire qui pousse les personnes à s’engager avec courage et générosité dans le domaine de la justice et de la paix. […​] il s’agit là de la vocation déposée par Dieu dans le cœur et dans l’esprit de chaque homme.[…​] C’est notre vocation d’aimer nos frères dans la vérité de son dessein. » (CV 1). « L’amour […​] est le principe non seulement des microrelations : rapports amicaux, familiaux, en petits groupes, mais également des macrorelations : rapports sociaux, économiques, politiques. » (Id. 2)
16. FESSARD G., « Pax nostra », op. cit., 1936, p. 133.
17. CV 5.
18. CV 4. Un peu plus loin, Benoît XVI nous met en garde : « Le risque de notre époque réside dans le fait qu’à l’interdépendance déjà réelle entre les hommes et les peuples ne corresponde pas l’interaction éthique des consciences et des intelligences dont le fruit devrait être l’émergence d’un développement vraiment humain. » (CV 9).
19. Voici comment Fessard décrit cet élargissement (Autorité et Bien commun, op. cit., p. 117) : « Une génération, [l’Église] l’ignore moins que personne, est au principe de toute vie. Après l’avoir sanctifiée à sa source, dans la famille, elle en aperçoit l’épanouissement dans le peuple et la nation, et reconnaît la valeur d’une fraternité qui, toute limitée qu’elle soit, se tend néanmoins vers l’universel. Bien plus, se souvenant toujours d’être elle-même entée sur Israël, le Peuple élu entre tous, et héritière des promesses faites à Abraham, comment ne souhaiterait-elle pas que chaque peuple désire accomplir dans le monde des gestes de Dieu ? Mais, à la particularité des nationalismes et de leurs fraternités restreintes, elle oppose l’universalité de la Fraternité surnaturelle et humaine, fondée sur la Paternité divine. Par là, elle ne les empêche pas seulement de se clore d’abord pour s’entredéchirer ensuite, elle donne aussi un axe de référence et un sens au Droit et à la Justice qui peuvent coordonner les efforts des peuples vers l’unité humaine : du même coup elle protège la liberté de la personne humaine qui, dans le moindre individu, aspire à un au delà que ne remplacera jamais la plus glorieuse destinée nationale. »
20. CV 6.
21. PP 22.
22. CV 6.
23. PAUL VI, Allocution de la messe pour la Journée du développement, Bogota, 23 août 1968.
24. CV 6.
25. CV 7.
26. Le bien commun trouve son « fondement dans une anthropologie de l’être en relation, à l’encontre d’une vision atomisée de l’individu qui ne se pense comme libre que dégagé de tout lien social. » (COATANEA D., Bien commun, sur doctrine-sociale-catholique.fr/les-principes/291-bien-commun. Le pape François, précisera, dans l’encyclique Laudato si’, que l’être est en quadruple relation : avec soi-même, les autres, le cosmos et Dieu.
27. Cf. Pax nostra, op. cit., pp. 66-112 et COATANEA D., Justice et charité, op. cit., pp.92-96.
28. Cf. Olivier Du Roy, La règle d’or, Le retour d’une maxime oubliée, Cerf, 2009 et Commission théologique internationale, A la recherche d’une éthique universelle, Nouveau regard sur la loi naturelle, Cerf, 2009.
29. Cf. Lc 6, 27-36.
30. COATANEA D., Justice et charité, op. cit., pp. 89-90.
31. Id., p. 94. Le P. Fessard écrit : « Dans la mesure où je vivrai à l’exemple du Christ crucifié, je referai l’unité de ma vie intérieure que brise l’égoïsme et, du même coup, je deviendrai médiateur d’unité dans le monde, détruisant l’inimitié qui divise les hommes. » (Pax nostra, op. cit., p. 43).
32. CV 7.
33. COATANEA D., Justice et charité, op. cit., p. 88.
34. Id., p. 86.