Mais comment se passe « la transition de la famille au peuple sous l’action des relations familiales » puisque pour Fessard, « la fraternité étend le jeu des relations de paternité et de maternité au-delà de la famille » ?[1]
Au fur et à mesure que les parents vieillissent, ils « retombent en enfance » dit-on et les enfants deviennent les parents de leurs parents. On assiste à un renversement de situation : l’esclave devient maître du maître. Par la mort, les parents deviennent « choses ». L’emploi du mot ne doit pas choquer car dans le langage de saint Thomas, les enfants, à l’origine, sont des « choses ». Au moment de la mort, les enfants éloignés par leur vie adulte se réunissent pour un ultime hommage, pour des rites funéraires divers qui ont pour but justement de soustraire les parents à la corruption des choses. Et ces rites reviennent à dates fixes avec un nombre toujours plus grand de familles. C’est par ce culte des morts que se fonde « une tradition où s’alimente une « fidélité créatrice ». » Ce culte des morts fonde la patrie considérée comme un « échelon supérieur de la famille », une « unité sociale supérieure ». La fraternité confère aux parents qui les ont engendrés une nouvelle existence où les enfants deviennent parents de leurs parents. Et « la fraternité familiale, par l’entremise du culte des morts qu’elle assure, engendre une nouvelle unité sociale »[2]. Les nouvelles paternité et maternité exercées par les enfants s’étendent « à une multiplicité de familles, à la communauté d’un peuple ». A l’origine, les deux dialectiques constitutives du rapport homme-femme se sont vécues dans l’union sexuelle. Désormais le rapport homme-nature s’enracine dans une terre, une patrie, terre des pères et des morts. Une fidélité nouvelle et une unité nouvelle sont créées. Par la fraternité, la paternité et la maternité deviennent « paternité et maternité de la Patrie ».[3]