Nous retrouvons dans son enseignement la définition de l’Église comme
« mystère de communion », à la fois « Peuple de Dieu » et « Corps du
Christ », deux notions qui « se complètent » car « dans le Christ, nous
devenons réellement le Peuple de Dieu. Et « Peuple de Dieu » signifie donc
« tous » : du pape jusqu’au dernier enfant baptisé. » Et
« tous les baptisés sont appelés à la perfection de la vie chrétienne,
prêtres, religieux et laïcs, chacun selon son propre charisme et sa
propre vocation spécifique. » La vocation et la mission de chacun sont
« enracinées dans le Baptême et la Confirmation » avant toute différenciation.
Et donc, une fois encore, « le mandat d’évangéliser ne concerne pas
seulement quelques baptisés, mais chacun »
selon la voie qu’il a choisie. Tous, sans exception, nous sommes « sel
de la terre » et « lumière du monde ».
Au sein de ce peuple d’égaux, « la tendance séculière […] est
caractéristique des fidèles laïcs. Le monde, dans le tissu de la vie
familiale, professionnelle, sociale, est le lieu théologique, le domaine
et le moyen de réalisation de leur vocation et de leur
mission. » Hommes et femmes, « égaux en
dignité, sont appelés à s’enrichir réciproquement en communion et
collaboration, non seulement dans le mariage et dans la famille, mais
aussi dans la société dans toutes ses dimensions. » C’est bien ce
qu’avait développé l’« Exhortation apostolique Christifideles laÏci
qualifiée de magna charta du laïcat catholique de notre temps » qui est
« une révision organique des enseignements du Concile Vatican II à
propos des laïcs ». Cette exhortation « aiguille le discernement,
l’approfondissement et l’orientation de l’engagement laïc dans l’Église
face aux changements sociaux de ces années. » Elle « encourage la
« nouvelle saison d’association des fidèles laïcs » signe de la « richesse
et de la variété des ressources de l’Esprit Saint dans le tissu
ecclésial » « . « Tout contexte, toute circonstance
et toute activité où l’on s’attend à ce que puisse resplendir l’unité
entre la foi et la vie est confié à la responsabilité des fidèles laïcs,
mus par le désir de transmettre le don de la rencontre avec le Christ et
la certitude de la dignité de la personne humaine. Il leur revient de
prendre en charge le témoignage de la charité en particulier pour ceux
qui sont les plus pauvres, qui souffrent et sont dans le besoin, ainsi
que d’assumer tous les engagements chrétiens visant à édifier des
conditions de justice et de paix toujours plus grandes dans la
coexistence humaine, afin d’ouvrir de nouvelles frontières à
l’Évangile ! » »
Les chrétiens sont réellement le sel de la terre, la lumière du monde
car, dans tous les aspects de la vie, seule « la foi permet de lire de
manière nouvelle et approfondie la réalité et la transformer » ; de plus,
« l’espérance chrétienne élargit l’horizon limité de l’homme et le
projette vers l’élévation véritable de son être, vers Dieu » ; quant à
l’Évangile, il « est une garantie de liberté et un message de
libération ». Enfin, « la charité dans la vérité est la force la plus
efficace en mesure de changer le monde ».
C’est à la charité politique que sont conviés les laïcs, qu’ils soient
membres ou non de l’Action catholique. Si celle-ci « continue à demeurer
fidèle à ses profondes racines de foi, nourries par une totale adhésion
à la Parole de Dieu, par un amour inconditionné de l’Église, par une
attention vigilante à la vie civile et par un engagement de formation
permanent », elle est invitée à « servir de manière désintéressée la
cause du bien commun, pour l’édification d’un ordre juste de la société
et de l’État. »
Quel que soit son engagement, le laïc doit travailler à ce bien commun:
« C’est une exigence de la justice et de la charité que de vouloir le
bien commun et de le rechercher. Œuvrer en vue du bien commun signifie
d’une part, prendre soin et, d’autre part, se servir de l’ensemble des
institutions qui structurent juridiquement, civilement, et
culturellement la vie sociale qui prend ainsi la forme de la pólis, de
la cité. On aime d’autant plus efficacement le prochain que l’on
travaille davantage en faveur du bien commun qui répond également à ses
besoins réels. Tout chrétien est appelé à vivre cette charité, selon sa
vocation et selon ses possibilités d’influence au service de la pólis.
C’est là la voie institutionnelle – politique peut-on dire aussi – de la
charité, qui n’est pas moins qualifiée et déterminante que la charité
qui est directement en rapport avec le prochain, hors des médiations
institutionnelles de la cité. L’engagement pour le bien commun, quand la
charité l’anime, a une valeur supérieure à celle de l’engagement
purement séculier et politique. »
L’instrument qui permet de mettre en œuvre cette charité politique, de
travailler au bien commun, est la doctrine sociale de l’Église. Alors
que, la plupart du temps, on propose, pour résoudre les problèmes
sociaux, économiques et politiques, des solutions purement
« scientifiques », le pape souligne que la doctrine sociale de l’Église a
un immense avantage : elle a « une importante dimension
interdisciplinaire ». Pour répondre pleinement aux difficultés et aux
injustices, « les évaluations morales et la recherche scientifique
doivent croître ensemble et […] la charité doit les animer en un
ensemble interdisciplinaire harmonieux, fait d’unité et de
distinction ». C’est par cet heureuse conjonction que la doctrine
sociale de l’Église « peut remplir, dans cette perspective, une fonction
d’une efficacité extraordinaire. « En effet, « les principes fondamentaux de la doctrine sociale de
l’Église - tels que la dignité de la personne humaine, la subsidiarité
et la solidarité - sont d’une grande actualité et d’une grande valeur
pour la promotion de nouvelles voies de développement au service de tout
l’homme et de tous les hommes. »
Benoît XVI, dans les multiples tâches qui attendent les laïcs, met en
exergue le domaine politique au sens étroit et commun du terme sans
doute parce que les chrétiens ont eu tendance, depuis au moins une
génération, à déserter ce terrain pour diverses raisons ou en évitant
toute référence à l’enseignement de l’Église et se livrant à diverses
idéologies. Or, « la politique est un domaine très important de
l’exercice de la charité » et « il y a besoin d’hommes politiques
authentiquement chrétiens, mais plus encore de fidèles laïcs qui soient
témoins du Christ et de l’Évangile dans la communauté civile et
politique. » Et donc il revient « aux fidèles laïcs de participer
activement à la vie politique, de manière toujours cohérente avec les
enseignements de l’Église, en partageant les raisons bien fondées et les
grands idéaux dans la dialectique démocratique et dans la recherche d’un
large consensus avec tous ceux qui ont à cœur la défense de la vie et de
la liberté, la protection de la vérité et du bien de la famille, la
solidarité avec les plus indigents et la recherche nécessaire du bien
commun. Les chrétiens ne cherchent pas l’hégémonie politique ou
culturelle mais, partout où ils s’engagent, ils sont animés par la
certitude que le Christ est la pierre angulaire de toute construction
humaine. » Le pape est bien conscient
qu’« il s’agit d’un défi exigeant » mais comme « la diffusion d’un
relativisme culturel confus et d’un individualisme utilitariste et
hédoniste affaiblit la démocratie et favorise la domination des pouvoirs
forts », les laïcs engagés y compris les jeunes,
doivent « retrouver et raviver une authentique sagesse politique ; être
exigeants en ce qui concerne sa propre compétence ; se servir de manière
critique des recherches des sciences humaines ; affronter la réalité sous
tous ses aspects, en allant au-delà de toute réduction idéologique ou
prétention utopique ; être ouverts à tout dialogue et toute collaboration
véritables, en ayant à l’esprit que la politique est aussi un art
complexe d’équilibre entre des idéaux et des intérêts, mais sans jamais
oublier que la contribution des chrétiens est décisive uniquement si
l’intelligence de la foi devient intelligence de la réalité, clé de
jugement et de transformation. »
Pour se préparer à cette tâche, « l’appartenance des chrétiens aux
associations de fidèles, aux mouvements ecclésiaux et aux nouvelles
communautés, peut être une bonne école pour ces disciples et témoins,
soutenus par la richesse charismatique, communautaire, éducative et
missionnaire propre à ces institutions. » d’un autre côté, « la formation technique des hommes politiques
n’appartient pas à la mission de l’Église. […] Mais il appartient à
sa mission de « porter un jugement moral même en des matières qui
touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la
personne ou le salut des âmes l’exigent, en utilisant tous les moyens,
et ceux-là seulement, qui sont conformes à l’Évangile et en harmonie
avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des
situations ». L’Église se concentre en
particulier sur l’éducation des disciples du Christ, afin qu’ils soient
toujours davantage des témoins de sa Présence,
partout. »
Que les laïcs n’oublient pas non plus que, pour les aider dans leurs
multiples tâches, le Conseil pontifical pour les laïcs
travaille toujours « dans l’accueil, l’accompagnement, le discernement,
la reconnaissance et l’encouragement de ces réalités ecclésiales, en
favorisant l’approfondissement de leur identité catholique, les aidant à
s’insérer plus pleinement dans la grande tradition et dans le tissu
vivant de l’Église, et en soutenant leur développement missionnaire. »
La mission de ce Conseil pontifical est de « suivre avec une profonde
attention pastorale la formation, le témoignage et la collaboration des
fidèles laïcs dans les situations les plus diverses où est en jeu la
qualité authentique de la vie dans la société. » Et, comme ses
prédécesseurs, Benoît XVI rappelle « la nécessité et l’urgence de la
formation évangélique et de l’accomplissement pastoral d’une nouvelle
génération de catholiques engagés dans la politique qui soient cohérents
avec la foi qu’ils professent, qui aient de la rigueur morale, la
capacité de jugement culturel, la compétence professionnelle et la
passion du service pour le bien commun. »