Version imprimable multipages. Cliquer ici pour imprimer.

Retour à la vue standard.

iii. Jean-Paul II et les _« Christifideles laïci »_

Durant tout son pontificat, Jean-Paul II⁠[1] va mettre en œuvre les enseignements du Concile, les développer, les illustrer et les diffuser largement. Tout ce qui concerne l’action et la formation du laïcat retiendra particulièrement son attention.

d’emblée, comme ses prédécesseurs, il va insister sur la nécessité et l’urgence de l’engagement de chaque baptisé : « L’Église, en effet, en tant que peuple de Dieu, est aussi, selon l’enseignement déjà cité de saint Paul et admirablement rappelé par Pie XII, « Corps mystique du Christ ». Le fait de lui appartenir dérive d’un appel particulier uni à l’action salvifique de la grâce. Si nous voulons donc considérer cette communauté du peuple de Dieu, si vaste et tellement différenciée, nous devons avant tout regarder le Christ, qui dit d’une certaine manière à chaque membre de cette communauté : « Suis-moi (Jn 1, 43) ». C’est cela la communauté des disciples dont chaque membre suit le Christ de manière diverse, parfois très consciente et cohérente, parfois peu consciente et très incohérente. En ceci se manifestent aussi l’aspect profondément « personnel » et la dimension de cette société qui, en dépit de toutes les déficiences de la vie communautaire, au sens humain du terme, est communauté précisément par le fait que tous la constituent avec le Christ lui-même, ne fût-ce que parce qu’ils portent dans leur âme le signe indélébile du chrétien. »[2]

En 1987, du 1er au 30 octobre, il convoque un Synode auquel participeront soixante laïcs, hommes et femmes⁠[3], pour traiter des « laïcs dans l’Église et dans le monde, vingt ans après le concile Vatican II » . Un thème qui « touche en fait la composante la plus vaste du peuple de Dieu, nos frères et sœurs du laïcat qui, en vertu du baptême, forment tous ensemble avec nous une seule grande famille, l’Église. » Et « nous savons que, dans cette Église, il y a « diversité de ministères, mais unité de mission ». »[4]

Jean-Paul II précise les raisons de sa convocation. Cette réunion est importante tout d’abord parce qu’« au concile, écrit-il, nous avons contracté une dette envers l’Esprit-Saint, une dette que nous soldons par l’effort constant que nous faisons pour comprendre et actualiser tout ce que l’Esprit-Saint a suggéré à l’Église. » Ensuite, il s’agit de « confirmer la vocation de l’Église, la corroborer, lui donner des impulsions et des motivations nouvelles pour que cette Église puisse répondre aux exigences pastorales, en pleine fidélité à l’Esprit-Saint qui le guide. »[5]

Un observateur note que cette démarche synodale « loin de se limiter à la simple reprise des textes conciliaires […] constitue une authentique mise en œuvre de l’expérience conciliaire. »[6]

Le 30 décembre 1988, le pape publie une exhortation apostolique post-synodale intitulée Christifideles laïci (CL) sur la vocation et la mission des laïcs dans l’Église et dans le monde, exhortation présentée comme « un document de conclusion sur le laïcat chrétien ».⁠[7]

Notons, la nuance est importante, que dans tout le texte officiel, en latin, l’expression christifideles laïci est sans cesse employée et elle n’est jamais remplacée simplement, sauf dans quelques citations de textes antérieurs, par le mot laïci . L’expression a été réduite, dans la traduction française, à « fidèles laïcs » sans doute par facilité car, si l’on veut scrupuleusement respecter le texte latin, il faudrait dire les fidèles du Christ ou ceux qui croient au Christ et qui sont laïcs.⁠[8] Parmi ceux qui croient au Christ, on s’adresse spécialement aux laïcs. Manière de signifier que les fidèles laïcs font partie intégrante de l’ensemble des fidèles au même titre que les fidèles ordonnés.


1. 1978-2005.
2. Encyclique Redemptor hominis, 4 mars 1979.
3. Cf. EYT Pierre Mgr, La VIIe assemblée ordinaire du Synode des évêques, in Nouvelle Revue Théologique, 110/1, 1988. Il écrit (p. 5) : « Leur participation aux travaux de l’assemblée (interventions dans les congrégations générales et dans les groupes de travail), mais non aux votes, a fourni aux Pères du Synode des compléments d’information, de réflexion et de suggestion dont plus d’une proposition garde la trace. Cette collaboration s’est avérée si bénéfique que la question se pose de prévoir une telle présence d’hommes et de femmes laïcs, dans l’avenir, pour d’autres synodes ; lorsque, par exemple, le thème du synode le requerra. »
4. Lettre aux évêques accompagnant l’envoi de l’Instrumentum laboris, 22 avril 1987, in DC 5 juillet 1987, n° 1943, p. 687
5. Id..
6. FORESTIER, P. Luc, Les « critères d’ecclésialité » de Jean-Paul II au pape François, in DC n° 2527, juillet 2017, p. 51.
7. CL 2.
8. Les langues latines, espagnol, italien portugais, ont traduit, de même, fideles laicos, fideli laici, fiéis leigos. La traduction allemande est radicalement plus simple : Die laïen. Par contre, la traduction anglaise rend bien la nuance latine une première fois (CL 1) : The Lay Members of Christ’s Faithful People ; puis simplifie : lay faithful.

⁢a. Qui sont ces fidèles laïcs ?

Tout l’exhortation Christifideles laÏci s’articule à partir de l’image de la vigne où les ouvriers sont appelés.⁠[1]

Pour parler de ces ouvriers, Jean-Paul II s’appuie sur l’enseignement de Pie XII et des deux documents conciliaires Lumen gentium et Apostolicam actuositatem, analysés plus haut. Il reprend aussi, bien sûr, les propositions du synode pour affirmer que les laïcs ne sont pas simplement des ouvriers envoyés à la vigne. Ils sont une partie de la vigne qui représente Jésus et le peuple de Dieu⁠[2] . Par le baptême nous sommes régénérés, devenons fils et filles de Dieu et membres du Corps du Christ et de l’Église. Par le baptême puis la confirmation, nous participons à la mission du Christ, unique Sauveur, soutenus par l’eucharistie : « Par leur appartenance au Christ, Seigneur et Roi de l’Univers, les fidèles laïcs participent à son office royal et sont appelés par Lui au service du Royaume de Dieu et à sa diffusion dans l’histoire ».⁠[3]

Telle est la source de l’identité, de la dignité et de la vocation des laïcs qui, comme tout le Peuple de Dieu, selon l’Esprit, participent à la triple mission du Christ prêtre, prophète et roi, comme dit précédemment, en consacrant le monde, en annonçant l’Évangile et l’incarnant dans toute leur vie, enfin en détruisant en eux le péché, en servant Jésus dans leurs frères et en rendant à la création sa valeur originelle

Il ressort de tout ce qui précède qu’au sein du peuple de Dieu, il y a égalité entre tous les baptisés et que « le fidèle laïc est coresponsable, avec tous les ministres ordonnés et avec les religieux et les religieuses, de la mission de l’Église ». Coresponsable, à sa manière, selon « une modalité qui le distingue sans toutefois l’en séparer, du prêtre, du religieux, de la religieuse ». Le caractère propre du laïc est le caractère séculier qui l’ordonne au renouvellement de tout l’ordre temporel. Les laïcs doivent « chercher le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses temporelles qu’ils ordonnent selon Dieu ».⁠[4] Le monde est « le milieu et le moyen de la vocation chrétienne des fidèles laïcs, parce qu’il est lui-même destiné à glorifier Dieu le Père dans le Christ. »[5] C’est dans le monde que le laïc est appelé comme tout baptisé « à la sainteté, c’est-à-dire à la perfection de la charité ». L’appel à la sainteté est adressé « sans aucune différence »[6] c’est-à-dire « à tous ceux qui croient au Christ, quels que soient leur état et leur rang. »[7] Et « la sainteté de leur être » doit se manifester « dans la sainteté de tout leur agir »[8], particulièrement dans toutes « les réalités temporelles et dans la participation aux activités terrestres ».⁠[9]


1. Mt 20, 3-4.
2. Jn 15, 1 et svts : Jésus est le cep et ses disciples les sarments branchés sur le Christ par la ,foi et les sacrements de l’initiation chrétienne. « La vigne véritable, c’est le Christ ; c’est Lui qui donne vie et fécondité aux rameaux que nous sommes : par l’Église nous demeurons en Lui, sans qui nous ne pouvons rien faire. » (LG 6) .
3. CL 14.
4. Cf. LG 31.
5. CL 15.
6. CL 16.
7. Cf. LG 40.
8. L’exhortation apostolique de FRANCOIS, Gaudete et exultate, 19 mars 2018, reprend et développe tout cela.
9. CL 17.

⁢b. Une mobilisation générale

Le lecteur qui se rappelle l’enseignement du Concile ne sera pas étonné de lire que « Les fidèles laïcs doivent se sentir partie prenante dans cette entreprise, appelés qu’ils sont à annoncer et à vivre l’Évangile, en servant la personne humaine et la société dans tout ce que l’une et l’autre présentent de valeurs et d’exigences. »⁠[1]

L’appel lancé par le Seigneur aux ouvriers pour qu’ils aillent travailler à sa vigne, concerne tous les fidèles laïcs sans exception. C’est une « exigence » : l’inaction « est plus répréhensible que jamais. Il n’est permis à personne de rester à ne rien faire ». Pourquoi ? Parce que « chacun […] est configuré au Christ par la foi et les sacrements de l’initiation chrétienne, est inséré comme un membre vivant dans l’Église, et est sujet actif de sa mission de salut. »[2] Les chrétiens doivent être le « sel » et la « lumière » de ce monde.⁠[3]

Toutes les personnes sont concernées, « toutes et chacune, appelées à travailler pour l’avènement du Royaume de Dieu, selon la diversité des vocations, et des situations, des charismes et des ministères », selon l’âge, le sexe, les qualités personnelles, les conditions de vie. Toutes, sans exception, sont « membres de l’unique Corps du Christ »[4] et doivent travailler à la vigne du Seigneur. Toutes sont appelées à « vivre l’égale dignité chrétienne et la vocation universelle à la sainteté dans la perfection de l’amour » suivant des modalités « diverses et complémentaires ». « Tous les états de vie sont au service de la croissance de l’Église ». La spécificité de l’état du fidèle laïc est de vivre dans le siècle et de rappeler, à sa manière aux clercs « le sens des réalités terrestres et temporelles dans le dessein salvifique de Dieu ».⁠[5] « A l’intérieur de l’état de vie laïque se trouvent différentes « vocations » mais tous sont appelés à la sainteté. « Aucun talent, fût-ce le plus petit, ne peut rester caché et inutilisé. »[6]

L’« appel du Seigneur [est] adressé à tous, et en particulier aux fidèles laïcs, hommes et femmes. » Tout baptisé doit avoir la « conscience ecclésiale, c’est-à-dire la conscience d’être membre de l’Église de Jésus-Christ et de participer à son mystère de communion et à son énergie apostolique et missionnaire. » Il doit également avoir « conscience de l’extraordinaire dignité qui leur a été donnée par le Baptême : par grâce, nous sommes appelés à être des enfants aimés du Père, membres incorporés à Jésus-Christ et à son Église, temples vivants et saints de l’Esprit. »[7]

Quand Jean-Paul II, à la suite du Synode, place tous les baptisés face à leurs responsabilités, il entend bien toucher tout le monde chrétien sans exception, du plus petit au plus âgé. La suite le prouve.

Les enfants ont un rôle : ils nous révèlent des conditions essentielles pour entrer dans le royaume.⁠[8] Ils enrichissent la famille et l’Église et humanisent la société.⁠[9]

Les jeunes⁠[10], en dialogue avec l’Église, doivent être encouragés à « devenir des sujets actifs, qui prennent part à l’évangélisation et à la rénovation sociale »[11]

Les hommes et les femmes sont, bien sûr convoqués. Jean-Paul II insiste sur la contribution des femmes à l’apostolat. Cette contribution est indispensable en fonction de leur dignité personnelle et de leur égalité avec les hommes et alors qu’elles sont souvent victimes d’abus, de discrimination et de marginalisation. « Elles doivent se sentir engagées comme protagonistes au premier plan. » et participer pleinement « tant à la vie de l’Église qu’à la vie sociale et publique » en fonction de leurs dons, responsabilités particulières, de leur « vocation spéciale ».⁠[12] Le Saint Père insiste pour que l’on étudie et approfondisse « les fondements anthropologiques de la condition masculine et féminine »[13] car la femme participe « comme l’homme à la triple fonction de Jésus-Christ, Prêtre, Prophète et Roi ». Elle n’a pas accès au sacerdoce ministériel mais elle participe aux « Conseils pastoraux diocésains et paroissiaux, comme également aux Synodes diocésains et aux Conciles particuliers ». Elle participe à l’évangélisation et à la catéchèse dans la famille et les divers lieux d’éducation. Les problèmes de notre temps « exigent la présence active des femmes et, précisons-le, leur contribution typique et irremplaçable. » Elles ont deux tâches en particulier : « donner toute sa dignité à la vie d’épouse et de mère » et « assurer la dimension morale de la culture, c’est-à-dire une dimension vraiment humaine, conforme à la dignité de l’homme dans sa vie personnelle et sociale. » La femme nous révèle la priorité des valeurs humaines « à commencer par la valeur fondamentale de la vie ». Ainsi s’ouvre un champ d’apostolat important pour la femme : dans toutes les dimensions qu’elles soient socio-économiques ou socio-politiques de la vie des communautés politiques, « il faut respecter et promouvoir la dignité personnelle de la femme et sa vocation spécifique : dans le domaine non seulement individuel mais aussi communautaire »[14] Ceci dit, « on a à déplorer l’absence ou la présence insuffisante des hommes, dont un certain nombre se soustrait à ses propres responsabilités ecclésiales, de sorte que, seules, des femmes s’emploient à y faire face ». Jean-Paul II évoque « la participation à la prière liturgique à l’église, l’éducation et en particulier la catéchèse des enfants, la présence aux rencontres religieuses et culturelles, la collaboration aux initiatives de charité et aux entreprises missionnaires. » C’est « ensemble que les époux, en tant que couple, les parents et les enfants, en tant que famille, doivent vivre leur service de l’Église et du monde » à l’image de ce que le créateur a prévu à l’origine « que l’être humain soit « comme l’unité de deux ». »[15]

Les malades et les souffrants sont envoyés aussi comme ouvriers à la vigne « sous des modalités nouvelles et même plus précieuses ».⁠[16] La personne malade, handicapée, souffrante bénéficie des services spirituels et humains offerts par les consacrés et les laïcs et, en même temps, est un « sujet actif et responsable de l’œuvre d’évangélisation et de salut » par sa « participation à la souffrance salvifique du Christ » et son témoignage.⁠[17]

Enfin, pour les personnes âgées la mission est toujours possible et reste un devoir quel que soit l’âge mais elle prend une forme nouvelle.⁠[18]


1. CL 64
2. CL 3.
3. Mt 5, 13-14.
4. CL 55.
5. CL 45.
6. CL 56. Cf. Mt 25, 24-27.
7. CL 64.
8. Cf. Mt 18, 3-5 ; Lc 9, 48.
9. CL 47 . Cf. GS 48.
10. Cf. Lettre aux jeunes gens et jeunes filles du monde, 31 mars 1985.
11. CL 46. Jean-Paul II reprend ici la proposition 52 du Synode.
12. CL 49.
13. CL 50. Jean-Paul II renvoie le lecteur à sa lettre apostolique Mulieris dignitatem sur la dignité et la vocation de la femme, 15 août 1988.
14. CL 51.
15. CL 52.
16. CL 53. Jean-Paul II renvoie à sa lettre apostolique Salvifici doloris sur le sens chrétien de la souffrance humaine, 11 février 1984.
17. CL 54.
18. CL 48.

⁢c. L’état du monde

Nous savons qui sont les « ouvriers » mais quelle est cette « vigne », quel est ce monde où nous sommes appelés à agir sachant que Jésus-Christ, bonne nouvelle, fait de toute l’Église « le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »[1] ?

Gaudium et spes avait aussi offert une image du monde de son époque avec ses lumières et ses ombres. Trente ans plus tard, on peut relever des valeurs mais aussi « des problèmes et des difficultés encore plus graves que celles décrites par le Concile »[2] qui rendent une fois encore nécessaire et urgente la mobilisation de tous.

L’indifférence religieuse et diverses formes d’athéisme ont progressé: non contents de rejeter toute influence religieuse sur la vie sociale, bien des hommes aujourd’hui se croient investis d’une liberté totale au point parfois de se prendre pour Dieu. Il n’empêche qu’en même temps on constate que subsiste un besoin religieux.⁠[3]

La personne humaine est ballotée entre anéantissement et idolâtrie. Elle voit sa « dignité piétinée », elle est « instrumentalisée » et de plus en plus de législations portent atteinte à des droits fondamentaux : à la vie, à l’intégrité du corps, à la famille, à la procréation responsable, à des conditions de vie décentes, à la participation aux affaires publiques, à la liberté de conscience et de religion alors que beaucoup réclament le respect de leur dignité et manifestent la volonté de jouer un rôle dans les divers secteurs de la société.⁠[4]

L’aspiration à la paix dans la justice est contrebalancée malheureusement et gravement par la volonté de puissance de certains états, la violence, la guerre et le terrorisme.⁠[5]

Mais il y a encore un autre mal très grave qui touche les fidèles laïcs sur qui l’Église compte tant ! Les laïcs cèdent parfois à deux tentations : celle « de se consacrer avec un si vif intérêt aux services et aux tâches de l’Église, qu’ils en arrivent parfois à se désengager pratiquement de leurs responsabilités spécifiques au plan professionnel, social, économique, culturel et politique », et celle, en sens inverse, « de légitimer l’injustifiable séparation entre la foi et la vie, entre l’accueil de l’Évangile et l’action concrète dans les domaines temporels et terrestres les plus divers. »[6] Autrement dit, les premiers oublient que leur première mission de chrétiens est dans le monde ; les seconds estiment que leur action dans le monde n’a rien à voir avec leur foi. Alors que tous les aspects de la vie du laïc, tous les lieux qu’il fréquente, toutes les relations qu’il entretient doivent être informés du message du Christ. Voyons cela de plus près.


1. LG 1.
2. CL 4.
3. Id..
4. CL 5.
5. CL 6.
6. CL 2.

⁢d. Les lieux d’engagement

La mission des laïcs dans l’Église

L’Église se définit comme une communion des chrétiens avec le Christ et communion des chrétiens entre eux. Cette Église-communion se construit et vit par l’écoute de la Parole et par les sacrements.⁠[1] Elle est le nouveau Peuple de Dieu en marche vers le Royaume sous la conduite de l’Esprit. Une Église-corps dont tous les membres sont divers et complémentaires mais toujours reliés entre eux par l’Esprit qui est l’âme de ce corps et qui distribue parmi les fidèles laïcs charismes, charges et ministères.⁠[2]

On pense d’abord aux ministres ordonnés c’est-à-dire qui ont reçu le sacrement de l’Ordre. C’est le ministère des prêtres qui sont ordonnés au service de tout le peuple de Dieu, service nécessaire à la vie et à la mission des fidèles laïcs. A côté des ministres ordonnés et sous leur direction, dans des situations de réelle nécessité, des fidèles laïcs peuvent recevoir, en suppléance, certaines fonctions qui ne relèvent pas du sacrement de l’Ordre et qui ne transforment certainement pas les laïcs en pasteurs.⁠[3] De plus, Jean-Paul II, à cet endroit, rappelle que ce n’est pas là la mission propre des laïcs.

L’Esprit accorde aussi des dons spéciaux, appelés charismes, à certains. Quels que soient ces dons, comme le don de prophétiser ou de guérir, pour autant qu’ils soient reconnus officiellement comme fruits de l’Esprit Saint, ils doivent être utilisés au service de la croissance de l’Église.⁠[4]

Au sein des Églises particulières qui sont à l’image de l’Église universelle, les fidèles laïcs peuvent participer aux synodes diocésains, aux conciles particuliers, collaborer, être consultés suivant les modalités fixées par l’autorité ecclésiastique locale.⁠[5]

C’est surtout au niveau de la paroisse, « maison ouverte à tous et au service de tous », que le fidèle laïc participe aux responsabilités pastorales en union étroite avec les prêtres. C’est là qu’ils feront croître « une authentique communion ecclésiale », c’est là qu’ils éveilleront « l’élan missionnaire vers les incroyants et aussi vers ceux, parmi les croyants, qui ont abandonné ou laissé s’affaiblir la pratique de la vie chrétienne. »[6] Cet apostolat nécessaire et irremplaçable peut être personnel ou collectif par le biais de diverses associations. Tous y sont appelés. L’apostolat personnel peut toucher dans la durée tous les milieux où les fidèles sont insérés.⁠[7] Par des associations variées anciennes ou nouvelles, l’apostolat peut avoir plus d’efficacité tout en étant signe de communion et d’unité dans le Christ. Les laïcs du simple fait de leur baptême ont le droit de fonder et de diriger librement des associations pour autant que leur ecclésialité soit respectée.⁠[8]

Jean-Paul II établit cinq critères à respecter:

  1. « Le primat donné à la vocation de tout chrétien à la sainteté »

  2. « L’engagement à professer la foi catholique en accueillant et proclamant la vérité sur le Christ, sur l’Église et sur l’homme, en conformité avec l’enseignement de l’Église, qui l’interprète de façon authentique. Toute association de fidèles laïcs devra donc être un lieu d’annonce et de proposition de la foi et d’éducation à cette même foi dans son contenu intégral. »

  3. La communion avec le pape et l’évêque, ce qui demande « une disponibilité loyale à recevoir leurs enseignements doctrinaux et leurs directives pastorales », en même temps que le « légitime pluralisme » et la « collaboration mutuelle ».

  4. « L’accord et la coopération avec le but apostolique de l’Église », ce qui implique un authentique « élan missionnaire ».

  5. « L’engagement à être présents dans la société humaine pour le service de la dignité intégrale de l’homme, conformément à la doctrine sociale de l’Église. »[9]

Le rôle des pasteurs est de discerner, guider et « surtout encourager »[10] les associations. Les associations et mouvements qui acquièrent une dimension nationale ou internationale ont intérêt à recevoir une reconnaissance officielle à l’instar des mouvements et associations d’Action catholique. Pasteurs et fidèles doivent entretenir des rapports de fraternité pour que tous les dons et charismes collaborent à « l’édification de la maison commune » sans « esprit d’antagonisme et de contestation », sans division ni opposition.⁠[11] Sans confusions non plus. Jean-Paul II n’a pas hésité à dénoncer des phénomènes fréquents de « laïcisation du clergé » et, parallèlement, de « cléricalisation du laïcat »[12].

La mission des laïcs dans le monde

C’est ici surtout, en priorité, que les laïcs sont attendus. La communion au sein de l’Église est une communion missionnaire qui favorise, en même temps la communion d’une Église qui doit porter la bonne nouvelle au monde entier. L’Église-communion doit introduire à la mission : « celui qui ne porte pas de fruit ne reste pas dans la communion »[13] Cette mission n’est autre que l’évangélisation qui construit l’Église. Cette tâche dont aucun baptisé n’est exempt, dans le monde tel qu’il a été décrit, consiste à annoncer l’Évangile : « aucun ne peut refuser de donner sa réponse personnelle » à l’appel reçu.⁠[14]

Une nouvelle évangélisation est absolument nécessaire et urgente dans ce monde marqué de plus en plus par l’indifférence religieuse, la sécularisation et l’efflorescence de nombreuses sectes. Les fidèles laïcs doivent travailler à la « formation de communions ecclésiales mûres », en participant à cette vie communautaire, en vivant toutes leurs activités dans la lumière de l’Évangile et en allant vers « ceux qui n’ont pas encore la foi ou qui ne vivent pas selon la foi reçue au baptême. »[15]

La catéchèse exercée par les parents est fondamentale bien sûr mais l’évangélisation ne s’arrête pas là, elle doit s’étendre à tous les hommes à travers le monde entier⁠[16].

Comme il s’agit de servir les personnes puisque Jésus-Christ par son incarnation s’est, d’une certaine manière, uni à tout homme, les fidèles laïcs sont, par leur « caractère séculier » en première ligne pour évangéliser le monde c’est-à-dire pour témoigner de l’éminente et indestructible dignité de toute personne et dénoncer toute discrimination raciale, économique, sociale, culturelle, politique. En effet, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et rachetés par le sang du Christ, tous les hommes sont égaux en dignité, appelés à la participation et à la solidarité. Cette dignité « exige le respect, la défense et la promotion des droits naturels, universels et inviolables » de la personne à commencer par son droit à la vie quels que soient son âge et son état, droit menacé souvent par les pouvoirs politique et technologique. Le droit à la vie est le « droit premier, origine et condition de tous les autres droits de la personne »[17]. Autre droit fondamental à défendre, « mesure des autres droits fondamentaux » est « le droit à la liberté de conscience et à la liberté religieuse ». Le respect et le service de la personne implique le service de la société⁠[18] puisque l’homme est un être social et la première société fondement de toutes les autres est constituée par le couple, « expression première de la communion des personnes »[19] et la famille qui « constituent le premier espace pour l’engagement social des fidèles laïcs ». Couple et famille doivent être soutenus, culturellement, économiquement, politiquement puisque l’on peut dire que « l’avenir de l’humanité passe par la famille »[20]. C’est là que commence l’animation chrétienne de l’ordre temporel.⁠[21]

Cette animation se manifeste, depuis les origines et sous des formes variées, par le service de la charité envers le prochain à commencer par les plus pauvres et les plus faibles, sans oublier qu’il y a de nombreuses formes de pauvreté et de faiblesse. Le texte précise, en effet que la « la charité […] anime et soutient une solidarité active, très attentive à la totalité des besoins de l’être humain ».⁠[22]

Cette charité est personnelle mais aussi solidaire à travers des groupes, des communautés libres et informelles ou institutionnelles.⁠[23] Charité d’autant plus nécessaire que les institutions et initiatives publiques sont souvent « neutralisées par un fonctionnarisme impersonnel, une bureaucratie exagérée, des intérêts privés excessifs, un désintéressement facile et généralisé. »[24]

Alors que l’on a cru longtemps que l’aumône était le tout de la charité, Jean-Paul II rappelle, tout au long du n° 42 et à la suite de ses prédécesseurs, que la charité est inséparable de la justice. Charité et justice « exigent la reconnaissance totale et effective des droits de la personne, à laquelle est ordonnée la société avec ses structures et ses institutions »[25] et donc les fidèles laïcs « ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la « politique », à savoir l’action multiforme, économique, sociale, législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir, organiquement et par les institutions, le bien commun. » Etant bien entendu le sens large ou étroit que le mot politique peut prendre, en tout cas, il s’ensuit que « tous et chacun ont le droit et le devoir de participer à la politique ». Et les fidèles laïcs n’ont aucune excuse pour s’abstenir car « cette participation peut prendre une grande diversité et complémentarité de formes, de niveaux, de tâches et de responsabilités. Les accusations d’arrivisme, d’idolâtrie du pouvoir, d’égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les hommes du gouvernement, du parlement, de la classe dominante, des partis politiques, comme aussi l’opinion assez répandue que la politique est nécessairement un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le moins du monde ni le scepticisme ni l’absentéisme des chrétiens pour la chose publique. »[26] S’engager politiquement, c’est servir la personne et la société, c’est « poursuivre le bien commun, en tant que bien de tous les hommes et bien de tout homme « . Le bien commun désigne « l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir plus complètement et plus efficacement. »[27]

Dès lors, les missions imparties aux laïcs sont nombreuses et diverses. Ils doivent défendre et promouvoir en permanence la justice comme vertu et comme force morale à développer en faveur des droits et devoirs « de tous et de chacun sur la base de la dignité personnelle de l’être humain ». Ils doivent manifester un « esprit de service qui, joint à la compétence et à l’efficacité nécessaires, est indispensable pour rendre « transparente » et « propre » l’activité des hommes politiques », c’est-à-dire résister « aux manœuvres déloyales, au mensonge, [au] détournement des fonds publics au profit de quelques-uns ou à des fins de « clientélisme », [à] l’usage de procédés équivoques et illicites pour conquérir, maintenir, élargir le pouvoir à tout prix. » Ils doivent respecter la distinction des pouvoirs⁠[28], l’action citoyenne guidée par leur conscience chrétienne et l’action menée au nom de l’Église avec les pasteurs. L’Église, en effet, ne se confond avec aucune communauté ou système politique puisqu’elle est « le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine »[29]. Les laïcs seront en politique les témoins « des valeurs humaines et évangéliques » comme « la liberté et la justice, la solidarité, le dévouement fidèle et désintéressé au bien de tous, le style de vie simple, l’amour préférentiel pour les pauvres et les plus petits. » Cet engagement demande « toujours plus d’élan spirituel grâce à une participation réelle à la vie de l’Église et qu’ils soient éclairés par sa doctrine sociale. En cette tâche, ils pourront être accompagnés et aidés par les communautés chrétiennes et leurs pasteurs. »⁠[30] Cette action doit être solidaire et « la solidarité requiert la participation active et responsable de tous à la vie politique, de la part de chaque citoyen et des groupements les plus variés, depuis les syndicats jusqu’aux partis ; ensemble tous et chacun, nous sommes à la fois destinataires et participants actifs de la politique. » Cette action solidaire en faveur « de la vérité, de la justice et de la charité qui sont les fondements de la paix » doit se manifester non seulement sur le plan local ou national mais aussi international : « Les fidèles laïcs ne peuvent rester indifférents, étrangers ou paresseux devant tout ce qui est négation et compromission de la paix : violence et guerre, torture et terrorisme, camps de concentration, militarisation de la politique, course aux armements, menace nucléaire. » Dans cette optique, ils collaboreront avec tous ceux qui recherchent la paix et utiliseront « les organismes spécifiques et les institutions ». Il est capital d’éduquer à la paix, au dialogue et à la solidarité pour vaincre l’égoïsme, la haine, la vengeance, l’inimitié.⁠[31]

Bien d’autres chantiers attendent les fidèles laïcs. Ils ont à placer la personne au centre de la vie économico-sociale : les biens de la terre sont destinés à tous car ils sont nécessaires au développement de la personne. Tous ont le droit et le devoir de travailler pour développer la vie économique et acquérir une propriété privée qui a « une fonction sociale intrinsèque ». Encore faut-il bien organiser le travail pour éviter le chômage et en combattant les injustices : le lieu de travail est « un lieu où vit une communauté de personnes respectées dans leur particularité et dans leur droit à la participation ». C’est pourquoi il est nécessaire de « développer de nouvelles solidarités entre ceux qui participent au travail commun, de susciter de nouvelles formes d’entreprise et de provoquer une révision des systèmes de commerce, de finance et d’échanges technologiques ».⁠[32] De plus, il faut veiller au respect de la création et se servir intelligemment et respectueusement de ce don de manière responsable et mesurée en pensant aux générations futures.⁠[33]

Politique et économie doivent être réinvestis de même que le domaine de la culture : la « création et [la] transmission de la culture » sont « l’une des tâches les plus graves » à entreprendre surtout à une époque où la culture se détache de la foi et même des valeurs humaines et face à une culture scientifique et technologique incapable de répondre aux questions fondamentales que l’homme se pose.⁠[34] Il faut donc que les fidèles chrétiens soient présents dans l’école, l’université, les centres de recherche scientifique et technique, les lieux de création artistique et de réflexion humaniste. Cette tâche urgente s’impose : « évangéliser, […] en profondeur et jusque dans leurs racines, la culture et les cultures de l’homme. » Comme les instruments de communication sociale ont une grande influence, il s’agira aussi d’éduquer au sens critique, de « défendre la liberté et le respect de la dignité de la personne, et [de] favoriser la culture authentique des peuples, par un refus ferme et courageux de toute forme de monopolisation et de manipulation. » L’Évangile doit être annoncé partout : dans la presse, le cinéma, la radio, la télévision, le théâtre. ⁠[35]


1. CL 19.
2. CL 20.
3. CL 23.
4. CL 24.
5. CL 25.
6. CL 27.
7. CL 28.
8. CL 29.
9. Cf. CL 30. Le résumé repris ici est emprunté à Forestier, P. Luc, op. cit., p. 55.
10. CL 31.
11. CL 31.
12. Allocution aux évêques suisses à Einsiedeln, le 14 juin 1984.
13. CL 32. Cf. Jn 15, 2: « Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, [mon Père] l’enlève ».
14. CL 33.
15. CL 34.
16. CL 35.
17. CL 36-38.
18. CL 39.
19. GS 12.
20. CL 40. Jean-Paul II renvoie à cet endroit à son Exhortation apostolique Familiaris consortio, 1981 et à la Charte des Droits de la famille présentée en 1983 par le Saint-Siège à toutes les personnes, institutions et autorités intéressées à la mission de la famille dans le monde d’aujourd’hui. Cette charte « constitue un programme d’action complet et organique pour tous les fidèles laïcs qui, à des titres divers, sont intéressés à la promotion des valeurs et des exigences de la famille […​]. » (CL 40).
21. Familiaris consortio, 85.
22. CL 41.
23. « Différentes formes de bénévolat », service désintéressé, expression importante d’apostolat CL 41.
24. CL 41.
25. Jean-Paul II l’explique dans son encyclique Dives in misericordia, 30 novembre 1980, 12.
26. CL 42.
27. Jean-Paul II reprend ici la définition de GS 74.
28. Rien qu’entre 1981 et 1990, Jean-Paul II a abordé la question dans près de 70 discours, lettres ou homélies (Cf. CALLENS Claude, Un sens à la société, Essai de synthèse de la doctrine sociale de l’Église sous le pontificat de Jean-Paul II (de 1978 à 1991), ASOFAC, 1993, pp.52-54. Chaque fois, Jean-Paul II évoque précisément cette nécessaire distinction entre temporel et spirituel, le rôle du clerc et le rôle du laïc. Ce ne sont que des échos de textes plus officiels qui, à la fin du XXe siècle, ont donné plus de solennité encore à ces principes. Citons le Document de la Sacrée Congrégation pour les religieux et les Instituts séculiers (12 août 1980), la Déclaration de la Sacrée Congrégation pour le clergé (8 mars 1982), le Code de droit canonique (1983, cf. canons 285 et surtout 287), le Catéchisme de l’Église catholique (Cf. articles 898 et 899) et le Directoire pour le ministère et la vie des prêtres (1994).
29. Cf. GS 76.
30. Il s’agit de la proposition 28 des Pères synodaux.
31. CL 42.
32. CL 43. C’est ce que développe Benoît XVI dans l’encyclique Caritas in veritate, 2009.
33. François développera cela dans l’encyclique Laudato si’, 2015.
34. Jean-Paul II reprend à cet endroit la définition de GS 53: « tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours du temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain. » La question culturelle est développée dans le Discours prononcé par Jean-Paul II à l’UNESCO le 2 juin 1980.
35. CL 44.

⁢e. La formation du laïcat

Tout baptisé est appelé à la vigne : « il ne peut pas ne pas répondre, il ne peut pas ne pas assumer sa responsabilité »[1] Encore faut-il qu’il entende l’appel et découvre la volonté de Dieu en écoutant la Parole, en priant, en suivant un guide spirituel, en découvrant ses talents et dons et en prenant conscience de la situation concrète qu’il occupe dans le monde.⁠[2] L’appel entendu, encore faut-il y répondre. Or, pour porter du fruit, « une formation intégrale et permanente » est nécessaire⁠[3] avec un souci de cohérence.

Cette formation doit être « unitaire » et « intégrale ». qu’est-ce que cela signifie ?

Tout d’abord, les fidèles laïcs doivent se rendre compte que « dans leur existence, il ne peut y avoir deux vies parallèles : d’un côté, la vie qu’on nomme « spirituelle » avec ses valeurs et ses exigences ; et de l’autre, la vie dite « séculière », c’est-à-dire la vie de famille, de travail, de rapports sociaux, d’engagement politique, d’activités culturelles. […] Tous les secteurs de la vie laïque, en effet, rentrent dans le dessein de Dieu, qui les veut comme le « lieu historique » de la révélation et de la réalisation de la charité de Jésus-Christ à la gloire du Père et au service des frères. Toute activité, toute situation, tout engagement concret […], tout cela est occasion providentielle pour « un exercice continuel de la foi, de l’espérance et de la charité » « .⁠[4] On ne peut sous quelque prétexte que soit, fût-il spirituel, négliger les tâches terrestres ni agir dans le monde comme si cette action était étrangère à la vie religieuse⁠[5] : « une foi qui ne devient pas culture est une foi « qui n’est pas pleinement reçue, pas entièrement pensée, pas fidèlement vécue »[6]

Une formation « intégrale » est de plus en plus urgente, c’est-à-dire une formation spirituelle et doctrinale : « Il est tout à fait indispensable, en particulier, que les fidèles laïcs, surtout ceux engagés de diverses façons sur le terrain social ou politique, aient une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l’Église »[7]. C’est là que les fidèles laïcs trouveront les « moyens voulus pour former leur conscience sociale »[8]. Encore faut-il cultiver les valeurs humaines : « la compétence professionnelle, le sens familial et civique, et les vertus qui regardent la vie sociale telles que la probité, l’esprit de justice, la sincérité, la délicatesse, la force d’âme ; sans elles il n’y a pas de vraie vie chrétienne. »[9]

Reste à savoir où et comment se former ?

Dieu agit en nous, en fonction de notre disponibilité⁠[10], de même que toute l’Église en tant que mère, Église où le Pape « exerce son rôle de premier formateur […]. Non seulement les paroles qu’il prononce lui-même, mais aussi celles que transmettent les documents des divers Dicastères du Saint-Siège demandent être écoutées avec une docilité aimante par les fidèles laïcs. » A sa suite, l’évêque, la paroisse, les petites communautés ecclésiales seront formateurs. Les prêtres et les candidats aux Ordres, sont invités à « se préparer avec soin à être capables de favoriser la vocation et la mission des laïcs ». ⁠[11] Outre la famille chrétienne⁠[12], les écoles et universités catholiques où les maîtres et professeurs seront « de vrais témoins de l’Évangile, par l’exemple de leur vie, leur compétence et leur conscience professionnelle, l’inspiration chrétienne de leur enseignement, respectant toujours -évidemment- l’autonomie des différentes sciences et disciplines. » d’autres lieux sont à disposition : « les groupes, les associations et les mouvements ont leur place dans la formation des fidèles laïcs : ils ont, en effet, chacun avec leurs méthodes propres, la possibilité d’offrir une formation profondément ancrée dans l’expérience même de la vie apostolique ; ils ont également l’occasion de compléter, de concrétiser et de spécifier la formation que leurs membres reçoivent d’autres maîtres ou d’autres communautés. »[13]

En somme, « la formation n’est pas le privilège de certains, mais bien un droit et un devoir pour tous. » Il faut veiller à « la formation des formateurs » et porter « une attention spéciale à la culture locale ». Mais « il n’y a pas de formation véritable et efficace si chacun n’assume pas et ne développe pas par lui-même la responsabilité de sa formation : toute formation, en effet, est essentiellement « auto-formation ». »⁠[14]


1. CL 57.
2. CL 58.
3. CL 57.
4. CL 59. Jean-Paul II cite AA 4.
5. Id., cf. GS 43.
6. Id., Jean-Paul II cite son Discours aux participants au Congrès du Mouvement ecclésial d’engagement culturel, 16-1-1982.
7. CL 60.
8. Id., il s’agit de la proposition synodale 22.
9. Id., Jean-Paul II cite AA 4.
10. CL 63.
11. CL 61. Il s’agit de la proposition synodale 40.
12. CL 62.
13. Id..
14. CL 63.