C’est ici surtout, en priorité, que les laïcs sont attendus. La
communion au sein de l’Église est une communion missionnaire qui
favorise, en même temps la communion d’une Église qui doit porter la
bonne nouvelle au monde entier. L’Église-communion doit introduire à la
mission : « celui qui ne porte pas de fruit ne reste pas dans la
communion » Cette
mission n’est autre que l’évangélisation qui construit l’Église. Cette
tâche dont aucun baptisé n’est exempt, dans le monde tel qu’il a été
décrit, consiste à annoncer l’Évangile : « aucun ne peut refuser de
donner sa réponse personnelle » à l’appel reçu.
Une nouvelle évangélisation est absolument nécessaire et urgente dans ce
monde marqué de plus en plus par l’indifférence religieuse, la
sécularisation et l’efflorescence de nombreuses sectes. Les fidèles
laïcs doivent travailler à la « formation de communions ecclésiales
mûres », en participant à cette vie communautaire, en vivant toutes
leurs activités dans la lumière de l’Évangile et en allant vers « ceux
qui n’ont pas encore la foi ou qui ne vivent pas selon la foi reçue au
baptême. »
La catéchèse exercée par les parents est fondamentale bien sûr mais
l’évangélisation ne s’arrête pas là, elle doit s’étendre à tous les
hommes à travers le monde entier.
Comme il s’agit de servir les personnes puisque Jésus-Christ par son
incarnation s’est, d’une certaine manière, uni à tout homme, les fidèles
laïcs sont, par leur « caractère séculier » en première ligne pour
évangéliser le monde c’est-à-dire pour témoigner de l’éminente et
indestructible dignité de toute personne et dénoncer toute
discrimination raciale, économique, sociale, culturelle, politique. En
effet, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et rachetés par le
sang du Christ, tous les hommes sont égaux en dignité, appelés à la
participation et à la solidarité. Cette dignité « exige le respect, la
défense et la promotion des droits naturels, universels et inviolables »
de la personne à commencer par son droit à la vie quels que soient son
âge et son état, droit menacé souvent par les pouvoirs politique et
technologique. Le droit à la vie est le « droit premier, origine et
condition de tous les autres droits de la personne ». Autre droit fondamental à défendre, « mesure des autres droits
fondamentaux » est « le droit à la liberté de conscience et à la liberté
religieuse ». Le respect et le service de la personne implique le
service de la société puisque l’homme est un être
social et la première société fondement de toutes les autres est
constituée par le couple, « expression première de la communion des
personnes » et la famille qui « constituent le
premier espace pour l’engagement social des fidèles laïcs ». Couple et
famille doivent être soutenus, culturellement, économiquement,
politiquement puisque l’on peut dire que « l’avenir de l’humanité passe
par la famille ». C’est là que commence
l’animation chrétienne de l’ordre temporel.
Cette animation se manifeste, depuis les origines et sous des formes
variées, par le service de la charité envers le prochain à commencer par
les plus pauvres et les plus faibles, sans oublier qu’il y a de
nombreuses formes de pauvreté et de faiblesse. Le texte précise, en
effet que la « la charité […] anime et soutient une solidarité
active, très attentive à la totalité des besoins de l’être
humain ».
Cette charité est personnelle mais aussi solidaire à travers des
groupes, des communautés libres et informelles ou
institutionnelles. Charité
d’autant plus nécessaire que les institutions et initiatives publiques
sont souvent « neutralisées par un fonctionnarisme impersonnel, une
bureaucratie exagérée, des intérêts privés excessifs, un
désintéressement facile et généralisé. »
Alors que l’on a cru longtemps que l’aumône était le tout de la charité,
Jean-Paul II rappelle, tout au long du n° 42 et à la suite de ses
prédécesseurs, que la charité est inséparable de la justice. Charité et
justice « exigent la reconnaissance totale et effective des droits de la
personne, à laquelle est ordonnée la société avec ses structures et ses
institutions » et donc les fidèles
laïcs « ne peuvent absolument pas renoncer à la participation à la
« politique », à savoir l’action multiforme, économique, sociale,
législative, administrative, culturelle, qui a pour but de promouvoir,
organiquement et par les institutions, le bien commun. » Etant bien
entendu le sens large ou étroit que le mot politique peut prendre, en
tout cas, il s’ensuit que « tous et chacun ont le droit et le devoir de
participer à la politique ». Et les fidèles laïcs n’ont aucune excuse
pour s’abstenir car « cette participation peut prendre une grande
diversité et complémentarité de formes, de niveaux, de tâches et de
responsabilités. Les accusations d’arrivisme, d’idolâtrie du pouvoir,
d’égoïsme et de corruption, qui bien souvent sont lancées contre les
hommes du gouvernement, du parlement, de la classe dominante, des partis
politiques, comme aussi l’opinion assez répandue que la politique est
nécessairement un lieu de danger moral, tout cela ne justifie pas le
moins du monde ni le scepticisme ni l’absentéisme des chrétiens pour la
chose publique. » S’engager politiquement, c’est
servir la personne et la société, c’est « poursuivre le bien commun, en
tant que bien de tous les hommes et bien de tout homme « . Le bien
commun désigne « l’ensemble des conditions de vie sociale qui permettent
aux hommes, aux familles et aux groupements de s’accomplir plus
complètement et plus efficacement. »
Dès lors, les missions imparties aux laïcs sont nombreuses et diverses.
Ils doivent défendre et promouvoir en permanence la justice comme vertu
et comme force morale à développer en faveur des droits et devoirs « de
tous et de chacun sur la base de la dignité personnelle de l’être
humain ». Ils doivent manifester un « esprit de service qui, joint à
la compétence et à l’efficacité nécessaires, est indispensable pour
rendre « transparente » et « propre » l’activité des hommes politiques »,
c’est-à-dire résister « aux manœuvres déloyales, au mensonge, [au]
détournement des fonds publics au profit de quelques-uns ou à des fins
de « clientélisme », [à] l’usage de procédés équivoques et illicites
pour conquérir, maintenir, élargir le pouvoir à tout prix. » Ils doivent
respecter la distinction des pouvoirs, l’action citoyenne guidée par leur conscience
chrétienne et l’action menée au nom de l’Église avec les pasteurs.
L’Église, en effet, ne se confond avec aucune communauté ou système
politique puisqu’elle est « le signe et la sauvegarde du caractère
transcendant de la personne humaine ». Les laïcs
seront en politique les témoins « des valeurs humaines et évangéliques »
comme « la liberté et la justice, la solidarité, le dévouement fidèle et
désintéressé au bien de tous, le style de vie simple, l’amour
préférentiel pour les pauvres et les plus petits. » Cet engagement
demande « toujours plus d’élan spirituel grâce à une participation
réelle à la vie de l’Église et qu’ils soient éclairés par sa doctrine
sociale. En cette tâche, ils pourront être accompagnés et aidés par les
communautés chrétiennes et leurs pasteurs. » Cette action doit être solidaire et
« la solidarité requiert la participation active et responsable de tous
à la vie politique, de la part de chaque citoyen et des groupements les
plus variés, depuis les syndicats jusqu’aux partis ; ensemble tous et
chacun, nous sommes à la fois destinataires et participants actifs de la
politique. » Cette action solidaire en faveur « de la vérité, de la
justice et de la charité qui sont les fondements de la paix » doit se
manifester non seulement sur le plan local ou national mais aussi
international : « Les fidèles laïcs ne peuvent rester indifférents,
étrangers ou paresseux devant tout ce qui est négation et compromission
de la paix : violence et guerre, torture et terrorisme, camps de
concentration, militarisation de la politique, course aux armements,
menace nucléaire. » Dans cette optique, ils collaboreront avec tous ceux
qui recherchent la paix et utiliseront « les organismes spécifiques et
les institutions ». Il est capital d’éduquer à la paix, au dialogue et à
la solidarité pour vaincre l’égoïsme, la haine, la vengeance,
l’inimitié.
Bien d’autres chantiers attendent les fidèles laïcs. Ils ont à placer la
personne au centre de la vie économico-sociale : les biens de la terre
sont destinés à tous car ils sont nécessaires au développement de la
personne. Tous ont le droit et le devoir de travailler pour développer
la vie économique et acquérir une propriété privée qui a « une fonction
sociale intrinsèque ». Encore faut-il bien organiser le travail pour
éviter le chômage et en combattant les injustices : le lieu de travail
est « un lieu où vit une communauté de personnes respectées dans leur
particularité et dans leur droit à la participation ». C’est pourquoi il
est nécessaire de « développer de nouvelles solidarités entre ceux qui
participent au travail commun, de susciter de nouvelles formes
d’entreprise et de provoquer une révision des systèmes de commerce, de
finance et d’échanges technologiques ». De
plus, il faut veiller au respect de la création et se servir
intelligemment et respectueusement de ce don de manière responsable et
mesurée en pensant aux générations futures.
Politique et économie doivent être réinvestis de même que le domaine de
la culture : la « création et [la] transmission de la culture » sont
« l’une des tâches les plus graves » à entreprendre surtout à une époque
où la culture se détache de la foi et même des valeurs humaines et face
à une culture scientifique et technologique incapable de répondre aux
questions fondamentales que l’homme se pose.
Il faut donc que les fidèles chrétiens soient présents dans l’école,
l’université, les centres de recherche scientifique et technique, les
lieux de création artistique et de réflexion humaniste. Cette tâche
urgente s’impose : « évangéliser, […] en profondeur et jusque dans
leurs racines, la culture et les cultures de l’homme. » Comme les
instruments de communication sociale ont une grande influence, il
s’agira aussi d’éduquer au sens critique, de « défendre la liberté et le
respect de la dignité de la personne, et [de] favoriser la culture
authentique des peuples, par un refus ferme et courageux de toute forme
de monopolisation et de manipulation. » L’Évangile doit être annoncé
partout : dans la presse, le cinéma, la radio, la télévision, le théâtre.