Nous avons accordé une grande place à l’enseignement du pape Pie XII parce que celui-ci, à partir de son approfondissement de la théologie du Corps mystique du Christ, a bien mis en évidence l’importance, au sein de l’Église, de tout baptisé, consacré ou laïc, et souligné le rôle irremplaçable du laïc dans l’Église et dans le monde. C’est sur cette base que le Concile va travailler[1] et notamment sous l’impulsion du cardinal Wojtyla, le futur Jean-Paul II qui, durant tout son pontificat s’emploiera à développer et promouvoir les prises de position conciliaires. Il est donc important de s’attarder aux textes du Concile qui touchent au problème qui nous intéresse ici.
Le théologien allemand Bernhard Häring, expert au Concile Vatican II, écrit, en 1966, « que l’avenir verra en premier lieu, dans ce Concile, le concile qui a rendu aux laïcs le rôle qu’ils doivent remplir dans l’Église. »[2]
Pour la première fois dans l’histoire de l’Église, en effet, un concile va longuement se pencher sur la personne du laïc et son rôle dans l’Église et dans le monde. Dans la Constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium (LG), texte essentiel, tout le chapitre IV leur est consacré. Mais il est déjà question d’eux dès le chapitre II qui définit le peuple de Dieu[3]. Ce n’est pas tout : leur est entièrement consacré le décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem (AA) qui décrit longuement le pourquoi et le comment de l’engagement des laïcs. C’est à ces endroits précisément que le concile a repris, développé et approfondi les prises de position de Pie XII[4]. Enfin, pour nourrir et orienter l’action des laïcs, le concile va leur offrir le texte le plus long de l’ensemble, la Constitution pastorale Gaudium et spes (GS) sur l’Église dans le monde de ce temps.
Quant au cardinal Wojtyla, il a déployé une « très intense activité »[5] dans ce concile et notamment pour orienter le schéma sur l’Église qui deviendra la constitution dogmatique Lumen gentium et le schéma sur l’apostolat des laïcs qui deviendra le décret Apostolicam actuositatem. On sait que le futur Jean-Paul II a milité pour que soit mise en évidence l’unité du peuple de Dieu, pour que le laïcat soit fortement valorisé et que lui soient reconnus « le droit et le devoir d’être un agent actif de l’apostolat, en vertu de son baptême, et non en raison d’un mandat particulier »[6]. Ses interventions seront déterminantes[7] également dans la préparation de la constitution pastorale Gaudium et spes[8], non seulement au niveau de l’orientation générale mais aussi au niveau de la rédaction du texte au sein de la commission théologique chargée de ce travail. Le futur pape travailla en particulier sur le chapitre IV qui retiendra spécialement notre attention.[9] Le texte qui, après avoir décrit, avec une acuité particulière, l’état du monde contemporain, les obscurités, les changements psychologiques, moraux et religieux, les déséquilibres, les aspirations et les interrogations, propose, face aux différentes formes d’athéisme, la vision chrétienne de l’homme et de la société et les services que l’Église peut leur offrir.[10] C’est à cet endroit (chapitre IV) qu’est abordé « le rôle de l’Église dans le monde de ce temps. »[11]
Pour les Pères conciliaires, il s’agissait non seulement de répondre aux nécessités du temps mais aussi de revenir aux sources, aux Actes des Apôtres et aux épîtres qui montrent quelle place les laïcs occupèrent dans l’évangélisation aux premiers temps.