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i. De la chrétienté à la chrétienté ?

Tous enfants d’un même Père, nous sommes appelés à l’unité et dès les premiers siècles l’Église ne cessera de le proclamer. Non seulement les croyants venus d’horizons divers et attachés à des pratiques variées sont invités à vivre en concorde mais cette concorde doit aussi être vécue avec tous les hommes car « tous les êtres selon leur nature, tiennent de [Dieu] la vie et la subsistance.. »[1] Et à propos du Notre Père où l’on dit bien « Notre Père » et non « Mon Père », saint Cyprien de Carthage souligne que « notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, ce n’est pas pour un seul, mais pour tout le peuple, car nous, le peuple entier, nous ne faisons qu’un. »[2] Pour qu’il n’y ait pas d’ambigüité, le Concile Vatican II a bien précisé : « Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement envers certains hommes créés à l’image de Dieu. la relation de l’homme à Dieu le Père et la relation de l’homme à ses frères humains sont tellement liées que l’Écriture dit : « Qui n’aime pas ne connaît pas Dieu » (1 Jn 4, 8). Par là est sapé le fondement de toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme, entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité humaine et les droits qui en découlent. »[3]

Un temps, l’Église contemporaine a été hantée par la « chrétienté » entendue, par exemple, par Léon XIII, comme « comme une grande famille des nations chrétiennes et libres «⁠[4]. Pie XI, en 1922 s’y réfère aussi avec nostalgie, semble-t-il :  »…​il n’est point d’institution humaine en mesure d’imposer à toutes les nations une sorte de code international, adapté à notre époque, analogue à celui qui régissait au moyen âge cette véritable Société des Nations qui s’appelait la chrétienté »[5]

Mais, cette « chrétienté » considérée comme une « grande famille » ou une « véritable Société des nations », a-t-elle vraiment existé ? ⁠[6]

Le mot « chrétienté » tel qu’il est employé ici par les souverains pontifes renvoie à la période la plus accomplie apparemment du christianisme médiéval. Mais a-t-on vraiment connu à cette époque des XIe, XIIe et surtout XIIIe siècles une parfaite harmonie doctrinale et sociale qui offrirait un modèle hélas disparu ?

Quand on pense à cette époque, on est bien sûr frappé par l’essor artistique, scientifique et technique à travers l’Europe occidentale surtout. On se rappelle les échanges culturels entre les diverses régions d’Europe mais aussi l’ouverture vers les cultures grecques arabes et juives qui a favorisé le développement de la philosophie et de la théologie spéculative. Les historiens mais aussi les simples observateurs remarquent qu’il y a à ce moment une certaine unité sans uniformité : « Le moyen âge, c’est une de ses constantes, est encyclopédique et ouvert à toutes les influences. Au XIIe et au XIIIe siècles plus encore qu’à d’autres moments. Il s’intéresse à tout et il accepte tout. Il veut une culture universelle et il l’alimente aux sources les plus diverses : Antiquité classique ou chrétienne, Orient byzantin ou arménien, monde arabe ou celtique. Il évite pourtant le double péril de la dispersion et de l’éclectisme. Puissamment constructif, doué pour l’analyse autant que pour la synthèse, il réussit à ordonner degré par degré et à construire une civilisation originale. » ⁠[7]

Le principe de cette unité c’est l’Église qui « intègre et plie à ses conceptions les nouveautés les plus diverses »[8]. Il ne faut pas oublier qu’elle a le monopole de l’enseignement, qu’elle est visible par ses innombrables bâtiments⁠[9] et rythme toute la vie de la naissance à la mort et tout au long de la journée et de l’année par les innombrables fêtes religieuses chômées. Quant au prêtre, par la confession, il contrôle et oriente les consciences et par ce biais, moralise ou du moins tente de moraliser la société. L’Église ainsi « assure l’unité externe de la civilisation occidentale. si celle-ci ne connaît pas de frontières, c’est parce que l’Église lui sert de cadre et que l’Église est supra-nationale, qu’elle est la patrie de tous les chrétiens. C’est aussi l’Église qui fait l’unité profonde et l’originalité de la civilisation médiévale. C’est elle qui donne leur « vision du monde » aux artistes comme aux savants et leur permet de créer du neuf à partir d’éléments anciens « informés » par un nouvel esprit. C’est elle qui fonde cet équilibre caractéristique où chaque chose trouve sans difficulté sa place exacte dans un ensemble pensé par Dieu et révélé aux hommes. Cet équilibre où chaque être est à la fois lui-même et autre chose, a valeur personnelle et valeur de symbole. »[10]

Mais l’unité n’est pas absolue : « il existe des courants aberrants que l’Église a quelque peine à réduire, même en matière proprement religieuse ; les hérésies sont nombreuses et parfois puissantes. Et dès la seconde moitié du XIIIe siècle, les signes annonciateurs de profonds changements se précisent. L’Église accuse une baisse de son influence dans la vie publique comme dans le domaine de la culture. Elle voit échapper progressivement à son contrôle des États qui ont renforcé leur armature politique et administrative et s’appuient sur un sentiment national désormais conscient et des villes dont la bourgeoisie affiche une indépendance et un dynamisme croissants. Elle recule devant le réalisme grandissant des écrivains et des artistes. Elle donne d’ailleurs quelques marques de lassitude, trahit un certain épuisement, manifeste une tendance dangereuse à vivre de l’acquis. »[11]

L’unité intellectuelle soutenue par la langue latine va être mise à mal par la montée des littératures nationales et un certain dédain pour les modèles classiques. La théologie est alors comme à d’autres époques un lieu de débats et de querelles⁠[12]. L’unité religieuse est rompue depuis 1054, date du grand schisme avec l’Église d’orient, et au sein même de l’Église d’occident, on déplore de nombreuses hérésies comme celles des Vaudois⁠[13], en acceptant le poison des possessions temporelles ; que l’Église romaine était la grande prostituée décrite dans l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Apocalypse[Apocalypse], la mère et la maîtresse de toutes les erreurs ; que les prélats étaient des Scribes, et les religieux des Pharisiens ; que le pontife romain et tous les évêques étaient des homicides ; que le clergé ne devait avoir ni dîme ni terres ; que c’était un péché de doter les églises et les couvents, et que tous les clercs devaient gagner leur vie du travail de leurs mains, à l’exemple des apôtres ; enfin que lui, Vaudès, venait rétablir sur ses fondements primitifs la vraie société des enfants de Dieu_. » (Vie de Saint Dominique, 1872, chapitre 1). ], des Amauriciens⁠[14] ou encore des Cathares eux-mêmes influencés par les bogomiles ou encore les pauliciens venus de l’Est⁠[15]. Toutes ces hérésies⁠[16] sont combattues par les ordres mendiants mais aussi par la force.⁠[17] C’est la force aussi qui finira par sévir lors de l’évangélisation des régions nordiques et orientales de l’Europe. Dans un premier temps, la mission est pacifique mais suite à la résistance puis à l’hostilité des peuples païens, l’ordre des Chevaliers teutoniques dont la vocation était de protéger les pèlerins en route vers la Terre sainte, se voit confier une croisade qui sera une guerre d’extermination et de conquête avec la collaboration de l’ordre des Porte-Glaive.⁠[18]

Cette violence organisée à elle seule doit nous empêcher de faire de ce temps une sorte d’âge d’or du christianisme. Que vaut une unité toute relative par ailleurs si elle est acquise par la force ? Même si l’on peut caractériser le Moyen Age par « une tendance, une aspiration vers l’unité »[19], force est de constater que, même à la période la plus accomplie du christianisme médiéval, on n’a jamais connu une parfaite harmonie entre le spirituel et le temporel qui équivaudrait à un « modèle » de chrétienté. Cela a toujours été davantage un idéal vers lequel on a tendu avec plus ou moins de succès selon les époques qu’un moment où elle aurait été réalisée.⁠[20] Mais examinons de plus près cette aspiration à l’unité qui se manifeste, à l’époque, dans l’idée qu’on se fait des rapports entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. On voudrait que l’empereur soit, à côté du pape, « comme le bras à côté du cœur »[21], que les intérêts de l’un soient les intérêts de l’autre, qu’ils collaborent dans une œuvre commune.⁠[22] L’Église étant évidemment mère et maîtresse. Ainsi, au IVe concile de Latran, en 1215, elle convoque outre les patriarches, archevêques, évêques, ordres monastiques, chapitres des églises, cathédrales, collégiales, les autorités séculières -l’empereur Frédéric II, les rois de France, Angleterre, Hongrie- accompagnées de délégués des villes⁠[23]. Mais, dans la réalité, que se passe-t-il ? Les princes chrétiens sont confrontés à des querelles intestines et rivalisent entre eux: Angleterre, Ecosse, France, Allemagne, Flandres se rencontrent sur les champs de bataille. Et l’Église elle-même se trouve confrontée aux oppositions des princes. Henri II Plantagenêt (1133-1189) entre en conflit avec l’Église et encourage l’assassinat de Thomas Becket (1170). Jean sans Terre (1167-1216) se querelle avec le pape Innocent III qui jette l’http://fr.vikidia.org/wiki/Interdit_(religion)[interdit] sur l’Angleterre et excommunie le roi qui devra se reconnaître vassal de la papauté en 1208. Le pape Urbain IV (1261-1264) excommunie Manfred roi de Naples et de Sicile, confisque ses terres pour les redistribuer au comte d’Anjou (frère de Luis IX), futur Charles Ier, roi de Sicile. Il rétablit l’ordre dans les Etas pontificaux, affaiblit l’influence germanique et noue des alliances avec les responsables des villes et des États importants. Il soutient Henri III d’Angleterre (1207-1272) dans son combat contre les barons opposés à sa centralisation. Rappelons-nous aussi les relations plus qu’houleuses entre Frédéric II et les papes Honorius III (1216-1227) Grégoire IX (1227-1241) Innocent IV (1243-1254)⁠[24] ou encore la querelle entre Philippe le Bel et Boniface VIII (1294-1303)⁠[25] pour se rendre compte que l’harmonie ne règne pas dans la chrétienté.

Après la « querelle des investitures » qui a marqué les XIe et XIIe siècles⁠[26], nous assistons aux XIIe et XIIIe siècles à la lutte du Sacerdoce et de l’Empire : à qui revient la domination universelle ? Au pape ou à l’empereur ? En somme, le Pape voudrait établir la suprématie de son pouvoir sur les pouvoirs temporels au nom de la théorie des deux glaives formulée par saint Bernard⁠[27] et use, nous l’avons vu, de l’excommunication ou de la déposition lorsque les princes sont réticents à la croisade ou convoitent des terres relevant des États pontificaux. Mais les princes qui sont à l’intérieur de leurs frontières confrontés à des revendications de liberté et tentent d’asseoir leur autorité supportent de moins en moins la tutelle que le pape veut exercer sur leurs royaumes.⁠[28] Comme l’écrit L. Génicot, « dans cette douleur, le monde moderne s’enfante. Au travers des crises suscitées par des faiblesses de quelques-uns d’entre eux et par la résistance des forces traditionnelles, les souverains poursuivent la réalisation du programme qu’ils se sont plus ou moins consciemment tracé dès le XIIe siècle et qu’au XIIIe siècle, les légistes et les philosophes ont précisé, amplifié et légitimé.[…] Un nouvel ordre s’élabore ainsi, fondé sur l’absolutisme monarchique et le capitalisme marchand. »[29]

Au rêve de théocratie d’une part et d’empire universel d’autre part, succède la conception moderne de l’État national centralisé et laïque.⁠[30]

Il est difficile après ce rapide tour d’horizon de croire que la « grande famille », la « véritable Sociétés des nations » a été réalisée à un moment de l’histoire. Il n’empêche que l’Église, avec succès ou maladresse avec justesse ou partialité, ne sera jamais indifférente aux relations entre les hommes à travers le monde.


1. ATHANASE, Traité contre les païens, cité in HAZAËL-MASSIEUX Marie-Christine, Dictionnaire contemporain des Pères de l’Église, Leurs mots, leurs textes, leur langage, Bayard, 2011, p. 836.
2. CYPRIEN de Carthage, Sur la prière du Seigneur, cité in HAZAËL-MASSIEUX Marie-Christine, op. cit., p. 841.
3. Nostra Aetate, Les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, 5. Le P. CHERGE Christian de (1937-1996) est un moine cistercien qui fit partie des sept moines de Tibhirine vivant en Algérie pris en otage et assassinés en 1996. Il se demande comment « signifier visiblement » le mystère de la communion des saints parmi les musulmans et répond : « comment s’y prendre autrement qu’en aimant maintenant, gratuitement, ceux qu’un dessein mystérieux de Dieu prépare et sanctifie par la voie de l’Islam, et en vivant avec eux le partage eucharistique de tout le quotidien ? » (L’invincible espérance, Bayard/Centurion, 1997, p. 187).
4. Encyclique In plurimis, 5 mai 1888 in Marmy 413.
5. Encyclique Ubi arcano, 23 décembre 1922 in Marmy 948.
6. Notons que le mot est polysémique. il peut désigner simplement « une assemblée de croyants, un ensemble des adeptes, voire un ensemble des sociétés qui, depuis la fin de l’antiquité, ont fait du christianisme leur religion et qui sont rassemblés par le partage des mêmes idéaux religieux et les mêmes doctrines spirituelles. » Il peut désigner aussi un phénomène historique ou géopolitique : on parle de chrétienté du moyen-âge, d’Europe, d’Orient, de chrétienté orthodoxe, protestante, catholique.
   (Cf. http://cahiersdhistoire.net/seconde/histoire/la-chretiente-du-xieme-au-xiiieme-siecle/ ).
7. GENICOT Léopold, Les lignes de faîte du moyen âge, Casterman,1969, p.234.
8. Id., p. 235.
9. En Angleterre, on compte 2000 paroisses au XIIe siècle et 10.000 le siècle suivant. (http://cahiersdhistoire.net/seconde/histoire/la-chretiente-du-xieme-au-xiiieme-siecle/)
10. GENICOT Léopold, op. cit., p. 236.
11. Id..
12. Dès 1277, plusieurs propositions thomistes sont condamnées à Paris et Oxford.
13. Le P. LACORDAIRE Henri (1802-1861) rapporte les raisons pour lesquelles saint Dominique de Guzmàn combattit les Vaudois (du nom de Pierre Valdo ou Valdès, fondateur) au nom de l’Église : « Il crut impossible de sauver l’Église par l’Église. Il déclara que la véritable épouse de Jésus-Christ avait défailli sous link : http://fr.wikipedia.org/wiki/Constantin_Ier(empereur_romain)[Constantin
14. Les Amauriciens (du nom d’Amaury de Bène, fondateur mort en 1207 (?)) estiment que Dieu et l’Univers ne sont qu’un, que Dieu est tout, et que tout est Dieu . Sous l’influence de Joachim de Flore sans doute, ils pensent aussi qu’ après l’Âge de Dieu le Père (l’Âge des Patriarches) et l’Âge du Fils (la Chrétienté) viendrait un âge nouveau, celui du Saint-Esprit qui s’incarnera en chaque être humain conduit ainsi à la sainteté. Dès lors, les sacrements comme les lois religieuses ou humaines seront inutiles.
15. Toutes doctrines marquées par un dualisme plus ou moins radical.
16. Moins connues sont les doctrines hétérodoxes diffusées au XIIe siècle par Arnaud de Brescia (1090-1155), Henri de Lausanne (mort en 1148), Béranger de Tours (999-1088), Pierre de Bruys (mort en 1131).
17. L’hérésie cathare notamment, répandue dans presque toutes les régions d’Europe incite le pape et l’empereur en 1184 à instaurer l’inquisition épiscopale pour détecter l’hérésie et livrer le coupable au « bras séculier ». En 1206, saint Dominique (1170-1221) est chargé par le pape Innocent III (1198-1216) d’évangéliser les régions cathares. Par la suite, trois croisades (1209-1212 ; 1218-1219 ; 1225-1229) seront menées dans le sud de la France mais le dernier bastion du catharisme, Montségur (dans le sud de la France) ne tombera qu’en 1244. En 1229, Louis IX (1214-1270) organise la répression de l’hérésie par l’ordonnance Cupientes et prévoit la peine capitale. Entretemps, le concile de Latran IV de 1215 (canon 3), établit des mesures canoniques contre les hérétiques. En 1224, l’empereur Frédéric II (1194-1250) établit la « Loi de feu » qui condamne au bûcher toute personne convaincue d’hérésie par l’évêque du diocèse. Si les juges veulent lui conserver la vie, il aura la langue tranchée s’il a blasphémé la foi catholique. Cette loi d’Empire est tacitement acceptée par Honorius III (1216-1227) puis officialisée par Grégoire IX (1227-1241). C’est Grégoire IX qui officialisera la mission inquisitoriale des Dominicains par la bulle Excommunicamus en 1232. En 1252, par la bulle Ad extirpanda, le pape Innocent IV (1243-1254) autorise et règle l’usage de la torture par l’inquisition pour obtenir, si nécessaire, des aveux à condition que la torture n’entraîne la mort ou n’attente à l’intégrité physique, qu’elle ne soit utilisée qu’une seule fois et que l’inquisiteur ait des éléments de preuves quasi certains. La bulle concède aussi au pouvoir temporel le droit de confisquer les biens des hérétiques reconnus coupables à charge pour lui d’exécuter les peines.
   A propos des Juifs, ils seront aussi l’objet de mesures de répression non par anti-sémitisme mais par anti-judaïsme. Le IVe concile de Latran déjà cité légifèrera en la matière (port de la rouelle et autres discriminations vestimentaires. En 1244, Innocent IV ordonne de brûler le Talmud mais le même intervient de même que Clément VI (1265-1268) en faveur des Juifs faussement accusés de meurtres rituels ou de profanations des hosties. Il est interdit de les forcer au baptême ou de les mettre à mort sans jugement. l’inquisition vérifie la validité des conversions. N’empêche qu’un anti-sémitisme populaire continue à faire des ravages si bien que l’Angleterre (1290), la France (1306), l’Espagne (1492) les bannissent de leur territoire. Grégoire IX condamna, en 1236, les excès contre les Juifs lors de la cinquième croisade. (Cf. http://cahiersdhistoire.net/seconde/histoire/la-chretiente-du-xieme-au-xiiieme-siecle/ et Equipes Résurrection, 100 points chauds de l’histoire de l’Église, Desclée de Brouwer, 1979, pp. 120-123 et 126-127)
18. Cf. 100 points chauds de l’histoire de l’Église, op. cit., pp. 128-129. HUVELIN Henri, Ombres et lumières du moyen âge, Cours sur l’histoire de l’Église, 7, Editions Saint-Paul, 1966, p. 240-241.
19. HUVELIN Henri, op. cit., p. 238.
20. Dès 1300 la montée en puissance des royaumes et des villes va mettre à mal le rayonnement de l’Église elle-même « fatiguée par les efforts qu’elle a déployés au XIIIe siècle pour maintenir et même resserrer son emprise sur l’Occident, déchirée par des querelles et des schismes, aveulie par les abus qu’elle ne réussit pas à redresser, harcelée par les hérétiques. » (GENICOT Léopold, op. cit., p.239).
21. HUVELIN Henri, op. cit., p. 238.
22. A Byzance « Empire et Église paraissent presque identifiés l’un à l’autre ; l’empereur est aussi chef de l’Église. Il se conçoit lui-même comme représentant du Christ et, conformément à la figure de Melchisédech, qui était en même temps roi et prêtre (Gn 14, 18), il porte dès le VIe siècle le titre officiel de roi et prêtre ». A Rome abandonnée par l’empereur, « dès le début même de l’ère constantinienne, fut enseignée la diversité des pouvoirs : de fait, empereur et pape ont des pouvoirs séparés, ni l’un ni l’autre n’en possède la totalité. Le pape Gélase Ier (492496) […​] souligne le fait que seul le Christ détient la totalité des pouvoirs : « Celui-ci, en raison de la faiblesse humaine (orgueil !), a séparé, pour la succession des temps, les deux ministères, afin que personne ne s’enorgueillisse » […​] » Mais « contre pareille distinction, demeurent toujours vifs l’obscure tentation à la totalité et le désir de situer son pouvoir au-dessus de l’autre […​] ». (RATZINGER Joseph, L’Europe, ses fondements, aujourd’hui et demain, Editions Saint-Augustin, 2005, pp. 16-17).
23. METZ René, Histoire des conciles, PUF, Que sais-je ?, 1964, pp. 42-43.
24. Honorius III couronne l’empereur Frédéric II en 1220 à condition qu’il entreprenne la croisade promise dès 1215. Mais Frédéric II temporise malgré son mariage avec Isabelle, héritière du Royaume de Jérusalem, que le pape avait organisé pour l’inciter à partir. En 1227, Grégoire IX l’excommunie pour ne pas avoir honoré sa promesse. L’année suivante, il part malgré l’excommunication pour une brève croisade qui se termine en négociations et par un simulacre de bataille avec le sultan Malik al-Kamel avec qui des liens d’amitié s’étaient tissés, et le traité de Jaffa. Il récupère sans combattre la ville de Jérusalem et se couronne lui-même roi de Jérusalem le 18 mars 1229. Le conflit entre Frédéric et le pape Grégoire IX, puis Innocent IV, reprend. Les cités italiennes de Lombardie prennent parti pour Frédéric (les gibelins) mais de plus nombreuses s’opposent au pouvoir impérial et s’allient au pape (les guelfes ). Frédéric II l’emporte et réclame au pape une partie des villes lombardes. En 1244, Innocent IV fuit Rome et annonce la déposition de l’empereur au premier concile de Lyon, accordant même à ceux qui partiraient en guerre contre lui le statut de croisés. Le pape montrait ainsi qu’il était le maître du pouvoir temporel aussi bien que spirituel puisqu’il pouvait priver un souverain de son pouvoir politique. S’ensuivit une guerre civile indécise en Germanie comme en Italie dont Frédéric mort en en 1250 ne vit pas la fin.
25. Philippe le Bel pour mener ses guerres a besoin d’argent et lève un impôt sur le clergé que Boniface VIII condamne en 1296. Philippe Le Bel interdit alors toute exportation de valeurs hors du royaume de France, ce qui a pour effet de priver le pape d’une part importante de ses ressources. En 1302, par la bulle Unam Sanctam, Boniface VIII affirme la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel et, de ce fait, la supériorité du pape sur les rois, ces derniers étant responsables devant le chef de l’Église. Philippe le Bel réunit un concile des évêques de France pour condamner le pape qui, par la bulle Unam sanctam, en 1302,menace le roi d’excommunication. Le roi envoie son conseiller Guillaume de Nogaret en Italie afin d’arrêter le pape et de le faire juger par un concile. Boniface VIII est arrêté à Anagni mais délivré par la population. Il meurt un peu plus tard. son successeur Benoît XI (1303-1304) annule les bulles de son prédécesseur pour rétablir la paix. Son successeur consacre la victoire de la royauté française sur la papauté : Clément V ancien archevêque de Bordeaux installe la Papauté d’Avignon.
26. Les papes et les empereurs allemands s’opposent au sujet de la collation des bénéfices ecclésiastiques et de la nomination des évêques et des abbés que s’attribuaient les suzerains. Grégoire VII (1073-1085) condamne l’investiture laïque. L’empereur Henri IV fait proclamer la déchéance du pape qui, en retour dépose Henri IV (1076) obligé de s’humilier à Canossa (1077). La querelle ne s’arrêta pas pour autant et continua entre Urbain II, Pascal II, Gélase II et Henri IV et Henri V jusqu’en 1122 par le concordat de Worms qui rendait l’investiture spirituelle au Pape. (Mourre). Pour aller plus loin, on peut lire VOOSEN Elie, Papauté et Pouvoir civil à l’époque de Grégoire VII, Duculot, 1927.
27. Vicaire de Dieu sur la terre, chef suprême d’une société où tout doit être organisé en vue du salut, le pape dispose des deux pouvoirs ; du pouvoir spirituel qui est entre ses mains ; du pouvoir temporel, qui est entre les mains de l’empereur, mais aux ordres du pape. L’empereur se considère comme l’héritier de Charlemagne et des empereurs romains et à ces titres veut être maître de l’Italie et de Rome. Avec le droit romain ;, ils affirment tenir leur autorité de Dieu par l’élection des princes et non du pape. Au terme d’un siècle de guerres, d’intrigues, de conquêtes et de défaites, la papauté sort victorieuse « mais, avec l’autorité impériale, disparaissait la seule force capable de maintenir l’ordre entre les cités italiennes et à l’intérieur de chaque cité ; de plus, au cours de cette longue lutte, le pouvoir spirituel s’était laissé absorber par les affaires temporelles, menant une politique où la diplomatie et la guerre passaient de plus en plus avant les considérations d’ordre évangélique. » (Mourre) (Voir aussi : HEERS Jacques, Précis d’histoire du moyen âge, PUF, 1968, pp. 135-150.)
28. Gilles de Rome (1247-1316) écrit dans le De Ecclesiastica potestate qui synthétise la pensée de Boniface VIII: « Patet quod omnia temporalia sunt sub dominio Ecclesiae collocata, et si non de facto, quoniam multi forte huic juri rebellantur, de jure tamen et ex debito temporalia summo Pontifici sunt subjecta, a quo debito nullatenus absolvi » (Cité in JANET Paul, Histoire de la science politique dans ses rapports avec la morale, Librairie philosophique de Ladrange, 1872, Tome I, Livre II, p. 450.
29. Op. cit., p. 241. Est associé au capitalisme marchand un formidable essor industriel : voir GIMPEL Jean, La révolution industrielle au Moyen Age, Seuil/Points, 1975.
30. Cf. LAGARDE Georges de, La naissance de l’esprit laïque au déclin du moyen âge, 5 tomes, Nauwelaert, 1956. Voir aussi : KURTH Godefroid, L’Église aux tournants de l’histoire, Leçon IV, L’Église et le néo-césarisme, Société belge de librairie, 1900, pp. 69-96.