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i. A propos de Pie XI

On a reproché à Pie XI de s’être plus préoccupé du sort des catholiques que du sort des Juifs en Allemagne. On l’a même accusé de s’être réjoui d’avoir trouvé en Hitler un allié dans la lutte contre le communisme.⁠[1] Mais à travers ces reproches, c’est surtout son Secrétaire d’État qui est visé : le cardinal Eugenio Pacelli, le futur Pie XII dont l’action, déjà sous Benoît XV, alors qu’il était sous-secrétaire aux affaires ecclésiastiques, aurait toujours cherché à favoriser l’Allemagne.

Un Décret de la Congrégation du Saint Office du 21-3-1928 dénonce déjà, et en des termes clairs, l’antisémitisme : « Parce qu’il réprouve toutes les haines et les animosités entre les peuples, [le Siège apostolique] condamne au plus haut point la haine contre le peuple autrefois choisi par Dieu, cette haine qu’aujourd’hui l’on a coutume de désigner communément par le mot d’« antisémitisme ». »[2]

Le 6 décembre 1929, à propos des missions, Pie XI fustige le nationalisme : « Les Missions ne doivent en aucune façon faire du nationalisme, mais seulement du catholicisme […]. Le nationalisme a toujours été un fléau pour les Missions, et même il n’est pas exagéré de l’appeler une malédiction. »[3]

En octobre 1930, Ludwig Maria Hugo⁠[4], évêque de Mayence, condamne le national-socialisme dans ces termes : « Le programme national-socialiste contient des propositions inconciliables avec la doctrine et les principes catholiques. Il y a lieu notamment de considérer l’article 24 du programme[5], qu’aucun catholique ne peut accepter sans renier sa foi sur des points importants. […] La morale chrétienne est fondée sur l’amour du prochain. Les écrivains nationaux-socialistes ne reconnaissent pas ce commandement dans le sens enseigné par le Christ ; leur doctrine surestime la race germanique et sous-estime les races étrangères.

Les chefs du national-socialisme veulent un dieu allemand, un christianisme allemand, une Église allemande. Gottfried Feder[6]) économiste et homme politique. Un des premiers membres clés du parti nazi allemand. Il joua un rôle décisif dans la conception hitlérienne de l’économie et devint le théoricien économique du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Hitler lui rend hommage dans Mein Kampf. Il lui doit ses idées sur le « capitalisme et la finance juive ».] dit : « Le peuple allemand trouvera certainement un jour son déisme pour sa vie religieuse, une forme telle que la réclament les aspirations de son sang nordique. La trinité du sang, de la foi et de l’État sera alors réalisée. »

Ces conditions impliquent la réponse que comportent ces questions : « Un catholique peut-il s’inscrire dans le parti d’Hitler ? Un prêtre peut-il permettre que les membres de ce parti assistent comme tels à un enterrement ou à toute autre cérémonie religieuse ? Peut-on admettre aux sacrements un catholique qui se réclame des principes de ce parti ? » Nous devons réponde négativement. »[7]

A la suite de cet évêque, tous les évêques allemands publièrent déclarations ou lettres pastorales qui allèrent dans le même sens.⁠[8]

Le 23 janvier 1933, Mgr Gfoellner, évêque de Linz (Autriche) publie une lettre pastorale intitulée « Du véritable et du faux nationalisme »[9]. Tout en dénonçant l’influence funeste de l’ « athéisme juif » qui propage matérialisme, libéralisme, mammonisme[10], socialisme et communisme, l’auteur précise que cet « esprit juif international  est autre chose que la nationalité juive et la religion juive » et dénonce les thèses du national-socialisme : son matérialisme racial, sa haine du peuple juif, sa volonté de nationaliser l’État, l’Église et la morale. Il condamne explicitement les thèses défendues par Hitler dans Mein Kampf et de Rosenberg dans Le mythe du XXe siècle. Cette lettre qui eut un retentissement considérable en Allemagne souleva les protestations des Israélites (les Allemands étant plus nuancés que les Autrichiens) et des nationaux socialistes (les Autrichiens étant, cette fois, plus nuancés que les Allemands).

1933 est une année importante. Des élections sont organisées. Hitler veut une consécration légale alors qu’il aurait pu s’en passer comme il le reconnaîtra cyniquement⁠[11] L’Église, le parti catholique Zentrum, les associations catholiques vont devoir prendre position avant et après les élections.

Pour le Carême 1933, le cardinal von Faulhaber, archevêque de Munich publie une lettre sur les « Droits et devoirs des gouvernants et des gouvernés dans l’État ». le prélat y développe la doctrine traditionnelle de l’Église s’appuyant sur l’enseignement de Léon XIII (Immortale Dei et Sapientiae christianae) et de Pie XI (Lettre aux évêques argentins, 4 février 1931). La presse national-socialiste interprétant ce document de doctrine générale comme un ralliement à la politique d’Hitler, le secrétaire du cardinal publia le 2 mars 1933 une mise au point claire précisant qu’en fonction des principes rappelés, « les catholiques consciencieux ne peuvent pas faire profession de national-socialisme dans sa forme actuelle ».⁠[12]

Tandis que les associations catholiques publient un Manifeste, le 17 février 1933 qui clairement rejette l’ « extrémisme de droite et de gauche » signalant qu’ « il peut y avoir un bolchevisme sous le signe national », Mgr Kaas qui dirige le Zentrum pense qu’ « au nouveau dynamisme de la politique allemande, résultat de l’entrée de l’opposition national-socialiste dans le pacte, doit se joindre le frein de la modération et de la pondération de la politique positive, représentées par le Centre »[13] La publication du Manifeste provoqua la suspension des journaux qui l’avaient publié).

Après les élections du 5 mars 1933, qui portent au pouvoir une coalition entre les national-socialistes et les nationaux-allemands, le chancelier Hitler demande au Reichstag réuni à Postdam, les pleins pouvoirs (21 mars 1933) ; alors que les sociaux-démocrates protestent, Mgr Kaas au nom du Zentrum déclare laisser « en arrière des objections qui, en temps normaux, s’imposeraient à lui et seraient presque insurmontables » et faire « abstraction de toute objection de politique de parti ou autre, en cette heure où il faut imposer le silence aux considérations mesquines et étroites ». Dès lors, le Zentrum (malgré de nombreuses voix opposées) tend la main « à tous, même au adversaires d’hier, pour assurer la continuation de l’œuvre de salut national ». qu’est-ce qui pousse le Zentrum à ce ralliement ? L’illusion de pouvoir modérer et pondérer la nouvelle politique comme il a été dit plus haut mais aussi « la détresse critique où se trouvent actuellement la nation et l’État », « la mission gigantesque qu’est […] la reconstruction allemande » et surtout « les sombres nuages qui annoncent en Allemagne et autour de l’Allemagne la tempête ».

Mgr Kaas perdra très vite l’illusion de pouvoir jouer un rôle modérateur : le 5 mai il démissionne de son poste de chef du Zentrum et le 6 juillet, le Zentrum se dissout.

Les évêques aussi veulent croire en la bonne foi de Hitler, à l’abandon de l’anti-christianisme manifesté précédemment, puisqu’il déclare dans son discours-programme de ce 21 mars 1933 : « Le gouvernement national voit dans les deux confessions chrétiennes des facteurs d’une importance capitale pour la préservation de notre valeur en tant que nation. Il respectera les conventions que ces communautés ont conclues avec les États. Leurs droits seront respectés. Mais il escompte et il espère que, réciproquement, sera apprécié le travail de relèvement national et moral de notre peuple que le gouvernement s’est donné pour tâche. Son attitude envers les autres confessions sera celle d’une justice objective. […] Le gouvernement du Reich, estimant que le christianisme forme les assises inébranlables de la vie morale de notre peuple, est convaincu qu’il est nécessaire de continuer et de développer les rapports amicaux avec le Saint-Siège. »

Dans la Déclaration de la conférence épiscopale de Fulda, 29 mars 1933, les évêques, sans abroger les avertissements et les condamnations précédentes, reconnaissent que le chancelier Hitler « a fait des déclarations publiques et solennelles qui tiennent compte de l’inviolabilité de la doctrine de la foi catholique et des missions et des droits immuables de l’Église et dans lesquelles le gouvernement du Reich assure expressément que les traités d’État conclus entre l’Église et certains pays allemands conserveront leur vigueur »[14] Et l’Osservatore romano approuve cette attitude prudente et confiante: « Dans sa déclaration, l’épiscopat allemand pouvait donc tirer les légitimes conséquences que de telles assurances autorisaient. La condamnation des erreurs doctrinales reste entière, mais on se croit obligé de faire confiance aux nouvelles et solennelles promesses, qui en empêchent présentement l’application. »[15] De plus, le catholique Franz von Papen⁠[16] nommé vice-chancelier par Hitler convainc celui-ci de signer un concordat avec Rome pour que les catholiques apportent leur soutien au nouveau régime vu comme un rempart contre le bolchevisme. Un accord global avec l’ensemble de l’Allemagne était souhaité en vain depuis de nombreuses années par Rome.⁠[17].
   Dans les tribulations du temps, un des soucis de Pie XI fut de signer des concordats ou des accords (il en signa une quarantaine) avec de nombreux pays et quel que soit le régime, pour protéger les catholiques, la famille chrétienne, le mariage, l’éducation des enfants et préserver les institutions de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_(institution)[Église] (en évitant notamment l’ingérence des états dans les nominations d’évêques). On se souvient du Traité du Latran signé avec Mussolini en 1929. (Cf. ONORIO Joël-Benoît d’, La papauté, de la romanité à l’universalité, in BONNEFOUS E., ONORIO Joël-Benoît d’, FOYER J., La papauté au XXe siècle, Fondation Singer-Polignac, Cerf, 1999, pp. 23-24) On se souviendra aussi que Mgr Pacelli qui ne peut être soupçonné de sympathie pour le communisme tenta, en vain, dans les années 20 d’obtenir un concordat avec l’USSS. Personne n’a jamais songé à le lui reprocher. ‘Cf. CHENAUX Philippe, L’Église catholique et le communisme en Europe, De Lénine à Jean-Paul II, Cerf, 2009, pp. 43-50. ] La situation était délicate pour l’Église catholique minoritaire dans un pays protestant et toujours menacée, depuis le Chancelier impérial Otto von Bismarck par le Kulturkampf, le catholicisme étant considéré comme un corps étranger en Allemagne⁠[18], idée que les nazis reprirent dès l’origine du mouvement.

L’initiative allemande⁠[19], en 1933, fut donc une heureuse surprise⁠[20]. Pie XI dira de cet accord signé le 20 juillet, qu’il était « inattendu et inespéré ».⁠[21]

Comme les députés du Zentrum, les évêques devront vite déchanter.⁠[22] En Allemagne comme en Italie, bien des clauses de cet accord seront violées par les autorités politiques⁠[23] d’autre part, le gouvernement s’attaque dès 1933 aux associations et à la presse catholiques d’autant plus que l’Église va essayer le plus longtemps possible de renforcer son action. Elle réunit encore en juin 1934 un Katholikentag à Hoppegarten qui groupe 60.000 hommes mais qui va engendrer la campagne anti-catholique : on forcera les jeunes catholiques à entrer à la Hitlerjugend. On prend des mesures contre les écoles catholiques, en particulier on supprime les écoles confessionnelles. Enfin on s’attaque aux congrégations et à un certain nombre de prêtres, sous le prétexte, vrai ou faux, d’affaires de mœurs et de devises ». L’auteur note encore que « la lutte contre les catholiques est plus sévère » que la lutte contre les protestants. Par ailleurs, la déconfessionalisation ne porte vraiment de fruits qu’au sein du Reichstag : « plus de la moitié se déclarent déistes en 1943 […] alors qu’en 1933, 646 sur 664 étaient soit catholiques (144) soit protestants (502) » (Archives des sciences sociales des religions, 1966, vol. 22, n° 22, pp. 231-232).
   Voir aussi le Discours au Sacré Collège du 2 juin 1945, où Pie XII évoque la persécution religieuse, en Allemagne et dans les pays soumis au Reich, la violation du Concordat et l’emprisonnement des chrétiens, clercs et laïcs dans les bagnes, les camps de concentration et les prisons. ]. Le pouvoir nazi, comme le pouvoir fasciste, n’avait nulle intention de respecter sa signature. C’était une manœuvre pour désarmer une résistance.⁠[24] Se met en place une « persécution perfide et astucieuse », dira Pie XII⁠[25]. Dans l’encyclique Mit brennender Sorge, Pie XI écrira que le gouvernement allemand a « adopté comme norme permanente de ses actions, la falsification du traité, l’élusion du traité, l’évacuation du traité, et finalement, plus ou moins en public, la violation du traité. »[26]

En tout cas, Rome reste méfiante et vigilante.⁠[27]

Le 14 juillet 1933, la loi allemande sur la stérilisation va obliger l’Église d’Allemagne, les associations catholiques à prendre position dans la mesure où une contradiction existe entre cette loi et ce que dit l’encyclique Casti connubii[28].

Prenant le mal à la racine, vont se succéder des condamnations prononcées par la Congrégation du Saint-Office à l’encontre d’ouvrages propageant les théories racistes.

Le Saint-Office mettra à l’index des ouvrages développant les principales thèses nazies.⁠[29] Ainsi le livre d’Alfred Rosenberg, Der Mythus des 20 Jahrhunderts (Le Mythe du xx° siècle)⁠[30] et de Paul de Lagarde. Il influença Otmar von Verschuer (1896-link : 1969) médecin eugéniste et Steweart Houston Chamberlain (1855-1927) anglais naturalisé allemand qui http://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Schemann#cite_note-rider-1 épousa Eva, fille de Richard Wagner. Dans son livre Fondements du XIXe siècle (1899), Chamberlain soutient que la race supérieure décrite par Gobineau, race indo-européenne que Chamberlain désigne sous le terme de «  race aryenne » est l’ancêtre de toutes les classes dirigeantes d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Europe[Europe] et d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Asie[Asie], qu’elle subsiste à l’état pur en Allemagne. Il adhéra au pangermanisme, doctrine irrédentiste défendant l’idée que devraient être annexés tous les territoires de langue allemande. Cette théorie apparut en Italie vers 1870. Chamberlain consacra plusieurs monographies à des personnalités allemandes telles que Richard Wagner, Heinrich von Stein, Kant et Goethe. Il inspira Alfred Rosenberg et Adolf Hitler qui fut présent à ses funérailles en 1927. Hitler le cite dans Mein Kampf, 1925-1926, p. 141 (texte disponible sur www.radioislam.org)
   A propos du pangermanisme, Hitler écrit que l’Église catholique est « un obstacle au pangermanisme » (Mein Kampf, op. cit., pp. 58-59). ] condamné (Décret du 7 février 1934) en ces termes : « Ce livre traite avec mépris et rejette absolument tous les dogmes de l’Église catholique, voire les fondements de la religion chrétienne elle-même ; il proclame qu’il est nécessaire d’instituer une nouvelle religion ou religion allemande, et formule le principe suivant : « Une foi mythique nouvelle surgit aujourd’hui : la foi mythique du sang ; foi par laquelle on croit que la nature divine de l’homme peut être défendue par le sang ; foi appuyée sur une science très claire par laquelle il est établi que le sang nordique représente le mystère qui se substitue aux sacrements antiques et les dépasse. » Alfred Rosenberg (1893-1946) est l’idéologue du parti nazi. Pendant l’emprisonnement d’Hitler en 1924, il le remplace à la tête du parti et aurait influencé Hitler dans la rédaction de certains chapitres de Mein Kampf. Il sera condamné et pendu, en 1946, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

En 1934 est condamné le livre d’Ernest Bergmann, Die deutsche Nationalkirche (L’Église nationale allemande) : «  L’auteur nie la religion chrétienne ; le fait de la révélation ; la nécessité de la rédemption par Jésus-Christ crucifié, et celle de la grâce divine. Il affirme que la religion chrétienne, et spécialement le catholicisme, n’est rien autre qu’une création de la culture sémitique et romaine, opposée en conséquence au tempérament allemand. L’auteur assure en outre que l’Ancien Testament représente un péril moral pour la jeunesse allemande ; que le concept de la charité chrétienne est partout une cause de dégénérescence pour les peuples, parce qu’elle prend soin des infirmes et des débiles et qu’elle les autorise à procréer des enfants. L’auteur s’efforce de démontrer que le sang et l’espèce, dénommée vulgairement la « race », sont l’unique facteur du progrès culturel. Il estime qu’une nouvelle religion doit être instituée qui substitue l’athéisme pur — à savoir le panthéisme — à la foi au Dieu personnel. L’auteur préconise en outre un nationalisme exagéré et absolument radical, tout à fait contraire à la doctrine et à la culture chrétiennes. » (Décret du 9 février 1934).⁠[31]

Un an plus tard, c’est le livre An die Dunkelmaenner unserer Zeit. Eine Antwort auf die Angriffe gegen den « Mythus des 20 Jahrhun-derts ». Aux obscurantins de notre temps. Réponse aux attaques contre le « Mythe du XX siècle », d’Alfred Rosenberg qui subit les foudres du Saint-Office (Décret du19 juillet 1935).

Entre temps, les évêques allemands, suite à la Conférence de Fulda des 5-7 juin 1934, publient une Lettre collective qui, d’une part, dénonce le « néo-paganisme allemand » et, d’autre part, proteste contre « les facilités laissées aux païens », les  « entraves » imposées à l’Église catholique, les « formules fausses » que l’on répand, le « reproche de faire de la politique », « les accusations et les insultes ».⁠[32] C’est en dénonçant le paganisme, le néo-paganisme, que les évêques allemands entendent s’attaquer à l’idéologie régnante sans la nommer de son véritable nom. Le cardinal Faulhaber, le 8 septembre 1934, prononce un important discours où il oppose la lumière du christianisme face aux ténèbres du paganisme.⁠[33]

Le Saint-Père, dans une allocution devant le Consistoire secret du 1er avril 1935 se dit épouvanté à l’idée qu’une nouvelle guerre pourrait éclater mais espère encore qu’il n’en sera rien.⁠[34]

Le 28 avril 1935, lors de la clôture du jubilé de la Rédemption à Lourdes, le cardinal Pacelli, légat du Pape, déplore que beaucoup d’hommes ne comprennent plus le sens de la Croix et même sont scandalisés par cette « folie ». Il ajoute : « Ce qu’il y a de tragique, en effet, c’est que cette aversion pour la croix soit portée à son comble par ceux-là qui, niant le dogme fondamental du péché, rejettent l’idée même de rédemption comme injurieuse à la dignité humaine. Avec l’illusion de préconiser une nouvelle sagesse, ils ne sont en réalité que de lamentables plagiaires qui recouvrent de nouveaux oripeaux des erreurs bien vieilles. Peu importe qu’ils se massent autour du drapeau de la révolution sociale, qu’ils s’inspirent d’une fausse conception du monde et de la vie, qu’ils soient possédés par la superstition de la race ou du sang, leur philosophie aux uns comme aux autres repose sur des principes essentiellement opposés à ceux de la foi chrétienne, et, de tels principes, à aucun prix l’Église ne consent à pactiser avec eux. »[35]

En 1935 toujours, à plusieurs reprises, Pie XI demande que l’on prie pour la paix.⁠[36]

Suite à la conférence annuelle de l’épiscopat allemand, à Fulda, du 19 au 23 août 1935, les évêques publient une lettre pastorale⁠[37] qui ne sera pas diffusée dans la grande presse contrôlée par le pouvoir. Dans la presse catholique, elle ne fut pas publiée partout ou elle parut avec des coupures. Malgré ces interventions de la police d’État elle fut lue en chaire le 1er septembre. La lettre dénonce le nouveau « catéchisme » établi par les « ennemis de la foi », invite les fidèles à rester fermes dans la foi leur interdisant « de lire les revues et les livres, […] de fréquenter les réunions où notre foi et notre Église sont diffamées et où est blasphémé tout ce qui est sacré pour l’homme religieux » mais en leur ordonnant « de fréquenter et d’écouter les prédications de l’Église ». Le document rappelle que la « foi est le fondement de l’ordre moral dans le monde », qu’il « serait moralement fatal de ne considérer le mariage, contrairement aux lois chrétiennes, que sous l’angle de la pureté de la race à maintenir », qu’« on ne peut pas, comme homme privé, s’unir au Christ, et comme employé de l’État, combattre contre le Christ », que la liberté religieuse s’étend à l’espace public, que les parents ont le droit de choisir l’éducation qu’ils désirent pour leurs enfants⁠[38], que la jeunesse catholique restera fidèle à ses associations. Les évêques recommandent enfin de ne pas rendre le mal pour le mal mais de prier pour les ennemis, de conserver leur unité entre eux et avec le Saint-Père. Bref, tout le texte est une invitation à résister fermement mais pacifiquement à toutes les attaques idéologiques et physiques du pouvoir nazi.⁠[39]

A cette même conférence, il fut décidé de faire lire à tous les fidèles un texte qui avait été rédigé le 1er mars 1934, expliquant la prestation de serment civil auquel étaient contraints les prêtres considérés comme fonctionnaires de l’État. Ce serment de fidélité au Führer perturbait la conscience de nombreux catholiques qui y voyaient un changement de convictions religieuses. Ce serment devait être prêté « sans réserves et sans restrictions »[40]. Les évêques précisent : « Le chrétien catholique n’a pas besoin de ces réserves et restrictions. Car c’est et ce fut de tout temps la doctrine catholique qu’un serment, en tant qu’il est un acte solennel de respect envers Dieu, ne peut contenir rien qui soit en contradiction avec les devoirs envers Dieu et la fidélité due à la vérité. Une obligation qui, d’après la doctrine de la foi et des mœurs catholiques, est en contradiction avec les lois de Dieu, ne peut pas être l’objet d’un serment. En contradiction avec le respect dû à Dieu, elle ne peut faire l’objet d’un serment. Telle est la doctrine catholique que l’Église a le droit de proclamer en vertu de sa mission divine, droit qui lui est aussi reconnu dans le Concordat du Reich. »⁠[41]

En 1935 toujours, « l’agression fasciste contre l’Abyssinie suscita l’irritation de Pie XI qui exprima son désaccord de manière voilée le 27 août 1935 à l’occasion d’un discours devant le congrès international des infirmières catholiques. le journal intime de Mgr Tardini, à cette époque substitut de la Secrétairerie d’État pour les affaires ordinaires, nous apprend que le texte publié par l’Osservatore romano, avait en réalité fortement atténué les propos originaux du pape, à l’initiative de Mgr Pizzardo, chargé des affaires ecclésiastiques extraordinaires (c’est-à-dire extérieures) qui craignait des réactions du gouvernement fasciste italien. Selon le témoignage de Tardini, Pie XI accepta à contrecœur la formulation alambiquée choisie pour la publication, non sans répéter à ses collaborateurs qu’à ses yeux cette guerre était injuste car le fait de se trouver à l’étroit chez soi ne donnait pas à un peuple le droit d’aller s’installer chez son voisin. »[42]

A partir de 1936, la Documentation catholique va publier des dossiers reprenant, à partir du 1er janvier 1935, presque au jour le jour « les principaux faits et gestes dont les catholiques allemands ont été tantôt les auteurs et tantôt les victimes »[43] .

Le 21 mai 1936, les évêques des Pays-Bas déclarent « que ceux qui, à un degré important, accordent leur appui [au parti national-socialiste] ne peuvent pas être admis à la réception des saints sacrements. »[44]

Le14 mars 1937, paraît l’encyclique Mit brennender Sorge[45] après avoir vainement essayé toutes les voies de la persuasion, [Pie XI] se vit de toute évidence aux prises avec les violations délibérées d’un pacte officiel et d’une persécution religieuse, dissimulée ou manifeste, mais toujours durement menée, le dimanche de la Passion 1937, dans son encyclique Mit brennender Sorge, il dévoila au regard du monde ce que le national-socialisme était en réalité : l’apostasie orgueilleuse de Jésus-Christ, la négation de sa doctrine et de son œuvre rédemptrice, le culte de la force, l’idolâtrie de la race et du sang, l’oppression de la liberté et de la dignité humaine.
   Comme un coup de trompette qui donne l’alarme, le document pontifical, vigoureux -trop vigoureux, comme le pensait déjà plus d’un- fit sursauter les esprits et les cœurs.
   Beaucoup -même hors des frontières de l’Allemagne- qui, jusqu’alors avaient fermé les yeux sur l’incompatibilité de la conception nationale-socialiste et de la doctrine chrétienne, durent reconnaître et confesser leur erreur.
   Beaucoup, mais pas tous ! d’autres, dans les rangs mêmes des fidèles, étaient trop aveuglés par leurs préjugés ou séduits par l’espoir d’avantages politiques. L’évidence des faits signalés par Notre prédécesseur ne réussit pas à les convaincre, encore moins à les décider à changer de conduite/ Est-ce une simple coïncidence ? Certaines régions, qui furent ensuite les plus durement frappées par le système national-socialiste, furent précisément celles où l’encyclique Mit brennender Sorge avait été le moins ou même n’avait été aucunement entendue.
   Aurait-il été possible alors de freiner une fois pour toutes, par des mesures politiques opportunes et adaptées, le déchaînement de la violence brutale et de mettre le peuple allemand en état de se dégager des tentacules qui l’étreignaient ? Aurait-il été possible d’épargner de cette manière à l’Europe et au monde l’invasion de cette immense marée de sang ? Personne n’oserait se prononcer avec certitude. En tout cas, pourtant, personne ne pourrait reprocher à l’Église de n’avoir pas dénoncé et indiqué à temps le vrai caractère du mouvement national-socialiste et le danger auquel il exposait la civilisation chrétienne. » (Discours au Sacré Collège, 2 juin 1945). ] dont les deux principaux rédacteurs sont le cardinal Pacelli et l’archevêque de Munich von Faulhaber.⁠[46]

Pie XI y explique que l’Église a donné son consentement à la proposition de concordat faite par le gouvernement allemand « en dépit de nombreuses et graves considérations » pour épargner aux « fils et filles d’Allemagne, dans la mesure des possibilités humaines, les angoisses et les souffrances que, dans l’autre hypothèse, les circonstances du temps faisaient prévoir avec pleine certitude. » L’Église, patiente ne voulait pas « risquer d’arracher, avec l’ivraie, quelque plante précieuse ». Mais ce concordat a été unilatéralement trahi par « des intrigues qui, dès le début, ne visaient qu’à une guerre d’extermination. » Force est donc à l’Église de s’opposer « à un parti-pris qui cherche, par l’emploi ouvert ou dissimulé, de la force, à étrangler le droit garanti par les traités. »

Suit une série de condamnations de divers concepts nazis : du panthéisme⁠[47], du paganisme, du « Mythe du sang et de la race », de la divinisation de la race, du peuple, de l’État, de son chef⁠[48], de l’idée d’une religion et d’une église nationales qui tentent d’emprisonner Dieu « dans les frontières d’un seul peuple, dans l’étroitesse de la communauté de sang d’une seule race. » Une nouvelle Église se construit par la persécution des fidèles or une « Église nationale allemande […] n’est autre chose qu’un reniement de l’unique Église du Christ, l’évidente trahison de cette mission d’évangélisation universelle à la quelle, seule, une Église mondiale peut suffire et s’adapter. » Cette Église manipule et détourne le langage religieux : la révélation ne peut s’identifier  aux « suggestions  du sang et de la race », ni la foi n’être que « la joyeuse et fière confiance dans l’avenir de son peuple ». L’immortalité n’est pas « la continuation ici-bas de la vie collective dans la durée de son peuple ». Quant à la grâce, elle est rejetée « au nom d’un prétendu caractère allemand ». Le Saint Père s’insurge aussi contre les railleries dont sont l’objet, le péché originel, la Croix du Christ ou encore l’humilité.

Le pape dénonce comme blasphème la volonté de « voir bannies de l’Église et de l’école l’histoire et la sagesse des doctrines de l’Ancien testament ». Il rappelle que l’Église ne fait pas de discrimination entre les peuples, les ethnies, qu’elle est plus sensible à « la richesse de la variété » qu’au « péril des divergences ». Sont condamnées enfin « des lois humaines qui sont en contradiction insoluble avec le droit naturel ». Réduire le droit à « l’utilité du peuple », c’est décréter « l’état de guerre » dans la vie internationale et, dans la vie nationale, récuser « le fait fondamental que l’homme, en tant que personne, possède des droits qu’il tient de Dieu et qui doivent demeurer vis-à-vis de la collectivité hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les abolir ou à les négliger. »

Le pape plaide donc pour le droit à liberté religieuse⁠[49], pour le droit des parents « à régler l’éducation des enfants »[50] face à « l’iniquité des mesures de contrainte ».

Il invite, en conséquence, les chrétiens à la cohérence, au « courage héroïque », « à la défense courageuse de la vérité et à sa franche application à la réalité », « à dévoiler et à réfuter l’erreur ». Chaque chrétien  a le « devoir de dégager nettement sa responsabilité de celle du camp adverse, de libérer sa conscience de toute coopération coupable à une telle machination et à une telle corruption. » Il doit « opposer à la force matérielle des oppresseurs de l’Église l’intrépidité d’une foi profonde, la fermeté inébranlable d’une espérance sûre de l’éternité, l’irrésistible puissance d’une charité agissante. »

« Une chrétienté ayant repris conscience d’elle-même dans tous ses membres, rejetant tout partage, tout compromis avec l’esprit du monde, prenant au sérieux les commandements de Dieu et de l’Église, se conservant dans l’amour de Dieu et l’efficace amour du prochain, pourra et devra être pour le monde, malade à mort, mais qui cherche qu’on le soutienne, et qu’on lui indique sa route, un modèle et un guide, si l’on ne veut qu’une indicible catastrophe, un écroulement dépassant toute imagination ne fonde sur lui. »[51]

En mai 1937, l’archevêque Groeber de Fribourg dénonce l’utilisation perverse faite par le régime de certains procès contre des prêtres accusés d’immoralité.⁠[52]

Le 15 septembre 1937, l’Osservatore romano analyse le IXe Congrès de Nuremberg (7-13 septembre 1937) et dénonce son anti-christianisme. Il conclut : « qui pourrait garantir aux maîtres actuels de l’Allemagne que la semence de haine et de dénigrement de toute chose sacrée qui monte toujours plus en puissance sous les yeux des autorités, ne produira pas aussi en terre allemande des fruits qui doivent inspirer l’épouvante à tout véritable ami du peuple allemand et de son avenir. »[53]

A l’occasion des Vœux de Noël et de Nouvel An, en décembre 1937⁠[54], Pie XI déclare : « Il y a en fait la persécution en Allemagne. Depuis longtemps, on et on fait croire qu’il n’y a pas de persécution. Nous, Nous savons au contraire qu’elle existe, et que c’est une persécution grave et même comme il y en a rarement eu d’aussi terrible et pénible, d’aussi triste dans ses conséquences les plus profondes. C’est une persécution à laquelle ne manquent ni la prépondérance de la violence, ni la pression de la menace, ni les tromperies de l’astuce et de la fiction. » Il dénonce les calomnies contre sa personne et contre les évêques accusés de répandre une religion non catholique mais politique. A quoi le pape répond en disant « Nous ne faisons pas de politique […] Nous faisons de la religion et […] Nous ne voulons rien faire d’autre. […] Nous voulons ensuite que même dans la vie civique, dans la vie humaine et sociale, soient toujours respectés les droits de Dieu, qui sont aussi les droits des âmes. »

Le Saint-Office ne reste pas inactif : tous les livres d’Ernest Bergman sont condamnés par le Décret du 25 novembre 1937. Sont aussi condamnés, les livres de Raoul Françè (Décret du 30 décembre 1937), un « Sénèque raciste » dira l’Osservatore romano (10-11 janvier 1938). Sont condamnés ensuite les livres de Gustave Mensching, « partisan des courants religieux unitaires du troisième Reich » (Décret du 22 janvier 1938).

Le 12 mars 1938 a lieu l’Anschluss, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne. Le 10 avril, un referendum entérinait cette annexion à la grande satisfaction des catholiques. Ici aussi Franz von Papen joua un rôle important. Ambassadeur à Vienne depuis 1934, en excellente relation avec le cardinal Theodor Innitzer archevêque de Vienne, il « avait dit et redit que l’Anschluss serait le meilleur moyen de mettre fin à la persécution qui sévit en Allemagne contre le catholicisme et de faire reculer le racisme dans le parti national-socialiste lui-même. » ⁠[55] Le cardinal Innitzer⁠[56]. En signe de protestation, le 7 octobre 1938, à l’appel d’Innitzer, des milliers de jeunes gens viennent se rassembler pour prier et méditer dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Dans son sermon, le cardinal affirme alors : « Il n’y a qu’un seul guide (Führer en allemand): Jésus Christ. » Le lendemain, une centaine de nazis envahissent et saccagent la résidence de l’archevêque. (Wikipedia) ] suivi par presque la totalité des catholiques autrichiens acceptèrent avec enthousiasme mais très vite ils déchantèrent devant la persécution qui s’installa immédiatement comme en Allemagne.⁠[57]

Le 13 avril 1938, La Sacrée congrégation des séminaires et universités publie à la demande de Pie XI un Syllabus condamnant les théories racistes qui est adressé aux établissements catholiques du monde entier. Il est déclaré dans le préambule que « les maîtres devront s’appliquer de tous leurs moyens, à emprunter à la biologie, à l’histoire, à la philosophie, à l’apologétique, aux sciences juridiques et morales, des armes pour réfuter avec solidité et compétence les assertions insoutenables qui suivent :

l°) Les races humaines, par leurs caractères naturels et immuables, sont tellement différentes que la plus humble d’entre elles est plus loin de la plus élevée que de l’espèce animale la plus haute.
2°) Il faut, par tous les moyens, conserver et cultiver la vigueur de la race et la pureté du sang ; tout ce qui conduit à ce résultat est, par le fait même honnête et permis.

3°) C’est du sang, siège des caractères de la race, que toutes les qualités intellectuelles et morales de l’homme dérivent comme de leur source principale.

4°) Le but essentiel de l’éducation est de développer les caractères de la race et d’enflammer les esprits d’un amour brûlant de leur propre race comme du bien suprême.

5°) La religion est soumise à la loi de la race et doit lui être adaptée.

6°) La source première et la règle suprême de tout l’ordre juridique est l’instinct racial.
7°) Il n’existe que le Cosmos ou l’Univers être vivant ; toutes les choses, y compris l’homme, ne sont que les formes diverses s’amplifiant au cours des âges de l’universel vivant.

8°) Chaque homme n’existe que par l’État et pour l’État. Tout ce qu’il possède de droit dérive uniquement d’une concession de l’État.

A ces propositions si détestables, on pourra d’ailleurs en ajouter facilement d’autres. »[58]

Chacune de ces propositions condamnées correspond à une thèse défendue par Hitler dans Mein Kampf ou dans son Discours devant le Reichstag du 30 janvier 1937 ou encore par Rosenberg dans le Mythe du Vingtième siècle.⁠[59]

Le 30 avril 1938, Pie XI prenait ses quartiers d’été, comme d’habitude, à Castel-Gandolfo. Or, le 3 mai, Hitler arrivait à Rome, le jour même où l’Église fête l’Invention de la vraie Croix⁠[60]. L’Osservatore romano (2 mai) précise que le pape quitte Rome non « par mesquine diplomatie, mais simplement parce que l’air de Castel-Gandolfo lui fait du bien tandis que celui d’ici lui fait mal. » On glosa évidemment sur cet air mauvais de Rome. On constata que les musées du Vatican furent fermés durant toute la visite d’Adolf Hitler, que le nonce accrédité auprès du roi d’Italie était absent aux réceptions, que l’Osservatore romano ne publia pas un mot sur cette visite, le Pape quant à lui avait interdit aux institutions religieuses d’arborer la croix gammée comme le prescrivaient les autorités italiennes. Enfin, le 4 mai, le Pape déclarait devant une assemblée venue le saluer : « De tristes choses se produisent, de tristes choses, de loin et de près. Et parmi ces tristes choses, il y a celle-ci : à savoir qu’on ne trouve pas qu’il soit trop déplacé ni intempestif de dresser à Rome, le jour de la sainte Croix, l’insigne d’une autre croix qui n’est pas la Croix du Christ. C’est faire assez comprendre jusqu’à quel point il est nécessaire de prier, prier, prier, afin que la miséricorde de Dieu soit faite et descende elle aussi dans toute son étendue. Nous sommes en vérité les premiers à avoir besoin de cette infinie miséricorde qui s’est étendue, dès le principe, jusqu’à ceux qui crucifièrent Notre-Seigneur. »[61]

Le 14 juillet 1938, d’éminents ( ?) universitaires fascistes publiaient un manifeste raciste, explicitement antisémite reproduit et salué par la presse.⁠[62] Un éminent jésuite y répondit dans deux numéros de la Civiltà Cattolica (16 juillet et 6 août), reproduits dans l’Osservatore romano des 21 juillet et 13 août sous le titre « Autour de la nationalité ». Les conclusions de ce long article scientifiquement rigoureux sont courageuses, vu le contexte, et sans équivoque : « … étant donné une telle incertitude, une telle obscurité, aussi absolue, dans le concept de race, il est non seulement antiscientifique, mais tout à fait monstrueusement illogique de vouloir fonder sur lui une théorie quelconque sur la nation. Bien que les fanatismes idéologiques puissent violenter les données de la science et de l’histoire, tout homme de bon sens ne pourra faire moins que de repousser dédaigneusement ces acrobaties de la pensée, véritables aberrations mentales collectives. L’honneur de la science et de l’humanité réclame qu’une bonne fois on relègue parmi les rebuts de telles conceptions arbitraires, qui n’ont aucun fondement sérieux.[…]…ni la race, ni la langue, ni la religion, ni le territoire, ne constituent l’essence de la nation, et, […]en conséquence, celle-ci doit être recherchée dans quelque autre élément, qui ramène à l’unité les individus marqués par tous ces caractères distinctifs. »[63]

Le 15 juillet 1938, Pie XI condamne de nouveau le « nationalisme exagéré » comme « contraire à l’esprit du Credo », « contraire à la foi », contraire à la catholicité de l’Église.⁠[64]

A cela, on peut ajouter son Discours aux assistants ecclésiastiques de la jeunesse italienne de l’Action catholique du 21-7-1938, où Pie XI réaffirme l’unité du genre humain et condamne le nationalisme, le racisme, le séparatisme : « il y a quelque chose de bien pire que l’une ou l’autre formule de racisme et de nationalisme : l’esprit qui les dicte. Il faut dire, en effet, qu’il y a quelque chose de particulièrement détestable, c’est cet esprit de séparatisme, de nationalisme exagéré qui, précisément, par ce qu’il n’est pas chrétien, parce qu’il n’est pas religieux, finit par n’être même pas humain. »

Huit jours plus tard, le 28 juillet 1938, devant les élèves du Collège pontifical urbain de la Propagande, jeunes clercs de 37 nations différentes, il reprend le thème et l’amplifie dans un discours « violemment antiraciste » écrira le ministre Ciano le 30, dans son Diario. Pie XI rappelle que « catholique veut dire universel, non raciste, non nationaliste, au sens séparatiste de ces deux attributs. […] Nous ne voulons rien séparer dans la famille humaine ; car Nous considérons ici -c’est clair- le racisme et le nationalisme exagéré, ainsi qu’on en parle communément, c’est-à-dire comme des barrières élevées entre hommes et hommes, entre peuples et peuples. » S’attardant ensuite au mot race que certains estiment plus approprié pour parler des animaux, le Pape nuance : « De même que l’on dit genre, on peut dire race ; et l’on doit dire que les hommes sont avant tout un grand et seul genre, une grande et seule famille d’êtres vivants, engendrés et générateurs. Ainsi le genre humain est une seule race, universelle « catholique ».

On ne peut toutefois nier que dans cette race universelle il y ait place pour les races spéciales, comme pour tant de variations diverses, comme pour beaucoup de nationalités qui sont encore plus spécialisées. Et de même que dans les vastes compositions musicales il y a de grandes variations dans lesquelles, toutefois, l’on voit le même motif général qui les inspire revenir souvent, mais avec des tonalités, des intonations, des expressions diverses, de même dans le genre humain, il existe une seule grande race humaine universelle, catholique, une seule grande et universelle famille, et, avec elle, en elle, des variations diverses. »[65]

Continuant à jouer avec les mots, et prenant en exemple ces jeunes clercs de la « Propagande », appartenant à 37 nations différentes, Pie XI évoque alors « la vraie juste et saine pratique d’un racisme répondant à la dignité et à la réalité humaines ; car la réalité humaine c’est d’être des hommes et non des bêtes sauvages, des existences quelconques ; la dignité humaine, c’est d’être une seule et grande famille, le genre humain, la race humaine. […] voici ce qu’et pour l’Église le vrai racisme, le racisme proprement dit, le racisme sain, digne de chacun des hommes dans leur grande collectivité. Tous de même, tous faisant l’objet de la même affection universelle, tous appelés à la même lumière de vérité, de bien, de charité chrétienne ; appelés à être tous dans leur propre pays, dans les nationalités particulières de chacun, dans la race particulière, les propagateurs de cette idée si grande et si magnifiquement maternelle, humaine, avant même d’être chrétienne. »[66]

Le 28 août 1938 est rendue publique une lettre pastorale de l’épiscopat allemand⁠[67] qui prend la défense du pape et se livre à une longue critique sans concession du régime et de son idéologie. Sont dénoncées non seulement les attaques contre le Pape mais aussi les entraves à la vie catholiques, la volonté d’expulser la religion de l’espace public, la manipulation de l’histoire, le pacte secret que l’Église entretiendrait avec le communisme, les encouragements aux apostasies, l’accusation d’incivisme catholique. Les évêques montrent en fait que le régime « a déclaré aux religions une guerre d’extermination parce que l’on soutient qu’elles créent une fissure dans l’âme de la nation allemande et qu’elles tendent à diminuer les forces mêmes de la patrie. »[68] Et les évêques ajoutent : « Cela ne peut être que la pensée d’un insensé, qui ne connaît pas l’histoire du christianisme ni sa lumière et sa chaleur -lesquelles demeurent intégralement,- et qui ignore la tendance innée de l’homme vers la Vérité dernière et la paix intime. » Un « novateur » a imaginé un « Dieu allemand » qui n’est pas le Dieu créateur, personnel et supraterrestre. Dès lors, « la spiritualité et l’au-delà sont un fantôme ». Finalement, cette nouvelle religion ouvre la porte au naturalisme et à l’athéisme. Et de se poser la question : « L’Allemagne est-elle donc en sûreté en face des cavaliers de l’Apocalypse ? »[69]

Il condamne de nouveau l’antisémitisme dans son Discours aux pèlerins rassemblés par la Radio catholique belge, le 6-9-1938. Après avoir lu, dans un missel offert par la délégation belge, la prière eucharistique « Et comme il t’a plu d’accueillir les présents d’Abel le Juste, le sacrifice de notre père Abraham, et celui que t’offrit Melchisédech ton grand prêtre, en signe du sacrifice parfait, regarde cette offrande avec amour, et dans ta bienveillance, accepte-la », le Pape avoue : « L’antisémitisme n’est pas compatible avec la pensée et la réalité sublimes qui sont exprimées dans ce texte. C’est un mouvement antipathique, un mouvement auquel nous ne pouvons, nous chrétiens, avoir aucune part. »[70] « La promesse a été faite à Abraham et à sa descendance. Le texte ne dit pas, remarque saint Paul, in seminibus tamquam in pluribus, sed in semine, tamquam in uno, quod est Christus. La promesse se réalise dans le Christ et par le Christ en nous qui sommes les membres de son Corps mystique. Par le Christ et dans le Christ, nous sommes de la descendance spirituelle d’Abraham.

Non, il n’est pas possible aux chrétiens de participer à l’antisémitisme. Nous reconnaissons à quiconque le droit de se défendre, de prendre les moyens de se protéger contre tout ce qui menace ses intérêts légitimes. Mais l’antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites. »[71]

Le 20 octobre 1938, recevant les membres d’un Congrès international d’archéologie chrétienne, le pape dénonce à nouveau et avec violence les persécutions en Allemagne et en Autriche en évoquant Julien l’Apostat et Néron. Mais il se montre aussi optimiste en rappelant le sort de Napoléon III, Bismarck et Guillaume II.⁠[72]

Le 20 décembre 1938, la Documentation catholique publie un long dossier intitulé Le mystère du sang dans l’économie du salut.[73] Il s’ouvre avec un important discours du cardinal Van Roey suivi des prises de position des cardinaux Verdier (Paris), Schuster (Milan), Cerejeira (Lisbonne) et Faulhaber (Munich), condamnant le racisme, l’antisémitisme, le totalitarisme.

Le 24 décembre 1938, lors de sa présentation des vœux de Noël et di Nouvel An, Pie XI exprime ses « amères tristesses », les attaques contre l’Action catholique, l’Église et le mariage chrétien en Italie. Il revient sur « la récente apothéose préparée dans cette Rome même pour une croix ennemie de la Croix du Christ, à cette blessure portée au Concordat », sans égards, ajoute-t-il, pour ses « cheveux blancs ». ⁠[74]

Le 10 février 1939, Pie XI devait prononcer un discours devant les évêques d’Italie. Pie XI ne le prononça pas car la mort le saisit  alors qu’« il était encore en train d’écrire les mots de son discours par lesquels il prenait congé de ses évêques d’Italie »[75]. Toutefois, le 26 janvier 1959, Jean XXIII révéla, quelques extraits de ce message. Notamment ces « lignes pleines d’enseignements utiles pour tous les temps » :

« Ce que Nous estimons devoir dire à vous et de vous, Nous devons le dire d’abord à Nous-même et de Nous-même.

Vous savez, très chers et vénérables Frères, comment souvent on traite la parole du pape. On s’occupe de Nous et non seulement en Italie, de Nos allocutions, de Nos audiences, le plus souvent pour en altérer le sens et même en inventant du commencement à la fin, pour Nous faire dire des sottises et des absurdités. Il y a une presse qui peut tout dire contre Nous et Nos affaires, même en rappelant et en interprétant faussement et perversement l’histoire proche et lointaine de l’Église, jusqu’à nier opiniâtrement toute persécution en Allemagne, négation qu’accompagne l’accumulation fausse et calomnieuse de politique, comme la ; persécution de Néron s’accompagnait de l’accusation de l’incendie de Rome. Et on laisse dire, puisque’ notre presse ne peut même pas contredire ou rectifier.

Vous ne pouvez vous attendre à ce que votre parole soit mieux traitée, même quand il s’agit de la parole des pasteurs sacrés divinement établis, parole prêchée ou écrite ou imprimée, pour éclairer, avertir, sauver les âmes.

Prenez garde, très chers Frères dans le Christ, et n’oubliez pas que bien souvent il y a des observateurs et des délateurs (dites des espions et vous direz la vérité) qui, par zèle ou pour avoir été chargés, vous écoutent pour vous dénoncer sans avoir compris rien de rien ; cela va sans dire, ou en ayant compris, au besoin, tout le contraire : tout en ayant en leur faveur (il faut s’en souvenir comme Notre-Seigneur pour ses bourreaux) la grande, la souveraine excuse de l’ignorance.

Bien pire encore quand cette excuse doit faire place à cette circonstance aggravante de la folle présomption de celui qui croit et dit tout savoir, alors qu’évidemment il ne sait même pas ce qu’est l’Église, ce qu’est le pape, ce qu’est un évêque, ce qu’est le lien de foi et de charité qui nous unit tous dans l’amour et le service de jésus, notre Roi et Seigneur. Il y a malheureusement des pseudo-catholiques qui semblent heureux quand ils croient découvrir une différence, un désaccord, d’après eux (s’entend), entre un évêque et un autre, mieux encore entre un évêque et le Pape. »

Le 10 février 1939, Pie XI meurt donc. De toutes tendances⁠[76] Le pape Pie XI n’avait donc pas changé : son pontificat s’achevait comme il avait commencé. Alors pourquoi était-il dénoncé par les dictatures totalitaires ? Pourquoi la presse allemande imprime-t-elle qu’avec lui le plus dangereux adversaire du nazisme disparaît ? Pourquoi lui-même, au cours de ces dernières années, avait-il pris contre le nazisme hitlérien une position de combat ?
   Il avait charge d’âmes. Il avait dû défendre l’Église catholique et romaine contre la persécution matérielle. Il avait dû préserver le dogme chrétien, la pensée chrétienne contre cet incroyable retour de paganisme élémentaire qui restera une des stupeurs des historiens d e l’avenir. Tout cela est clair, tout cela est vrai. Mais en agissant comme il l’a fait, le pape Pie XI prenait aussi la défense de cette cause de la paix qui restait à ses yeux primordiale, car il avait compris que le racisme hitlérien, comme aussi le fascisme mussolinien, constituent contre la paix des menaces permanentes et, si je puis dire, des dangers organiques.
   La cause de la paix est inséparable de la cause de la liberté, de l’égalité entre les hommes. Le despotisme absolu d’un homme trouble la paix. L’oppression dirigée contre une catégorie d’hommes en raison de leurs opinions ou de leur origine trouble la paix. La négation des vertus morales et des « valeurs » spirituelles trouble la paix. La résolution proclamée d’user de la force pour satisfaire aux besoins ou aux appétits nationaux, la préparation systématique du recours à la force troublent la paix. L’idolâtrie organisée autour des hommes qui détiennent la force trouble la paix. Un grand Pape pacificateur a donc pu, a donc dû considérer comme son devoir -comme son devoir envers la paix- de borner ou de combattre l’ambition des puissances racistes, la propagation des théories racistes dans le monde. Voilà en quoi l’effort serein et magnifique du pape Pie XI a pu converger avec l’effort des grandes démocraties universelles. Voilà pourquoi quelque chose de plus que le respect dû à son grand rôle et à son grand courage nous incline devant son cercueil. » (Cf. D.C. n° 892, 5 mars 1939, col. 335-336). Il est sûr que, jusqu’au dernier instant de sa vie intellectuelle, Pie XI fut obsédé par la paix. Son dernier discours jamais prononcé (cf. plus haut), se termine par une invocation ou plutôt une « exultation » des « ossements glorieux » des apôtres venus fonder à Rome l’Église universelle : « Prophétisez, ossements chers et vénérés, la venue ou le retour à la religion du Christ de tous les peuples, de toutes les nations, de toutes les races, toutes unies et devenus consanguines dans le lien commun de la grande famille humaine. Prophétisez, enfin, ossements des apôtres, l’ordre la tranquillité, la paix, la paix pour tout ce monde, qui, tout en semblant pris d’une folie d’homicide et de suicide des armements, veut la paix, à tout prix, et, avec Nous, l’implore du Dieu de la paix et a confiance de l’obtenir. » ], les autorités des différents pays et la presse du monde entier, à l’exception de l’URSS qui ne fit aucun commentaire, saluèrent le « pape de la paix ». C’est l’expression qui revint le plus souvent. Il convient de mettre en exergue la réaction des autorités israélites qui virent en lui un défenseur face au racisme et à l’antisémitisme.⁠[77]

Le 2 mars 1939, Pie XII est élu Pape. Le 19 mars, Mgr Kerkhofs, évêque de Liège, fait lire, dans les églises des cantons de l’Est, un mandement condamnant le racisme et le national-socialisme, « des hérésies extrêmement dangereuses ». Il se réfère à l’encyclique Mit brennender Sorge mais aussi à un sermon de l’évêque italien de Cremone qui résume très bien les causes de la condamnation : « La condamnation de la chimère racique allemande intervient parce qu’il s’agit d’un système proprement religieux -philosophique qui nie en principe la foi catholique et la civilisation chrétienne. Ce système matérialiste voit dans le sang les causes initiales dirigeantes pour la vie spirituelle. Il nie tout ordre surnaturel, l’unité d’origine de la race humaine, le péché originel, la Rédemption et la divinité du Christ. Il nie l’existence d’un Dieu personnel et la fondation de l’Église et ne conçoit l’immortalité que dans la survivance racique du sang dans les générations qui se suivent. »[78]


1. DESMURS Ferdinand, Pie XI, le pape qui ordonna le ralliement à Hitler, Golias, 2008. Il est piquant, en revoyant les textes de l’époque, que les nazis accusaient, de leur côté, le pape d’être l’ « allié de Moscou » (Cf. Discours du cardinal Faulhaber, archevêque de Munich à l’occasion de l’anniversaire du couronnement de Pie XI, le 12 février 1938, in DC, n° 869, 5 avril 1938, col. 394-404). Le cardinal Verdier, archevêque de Paris, lui aussi est considéré comme un « allié de Staline ». (Cf. DC, n° 869, 5 avril 1938, col. 402-403)
2. Le Saint-Office apporte cette précision pour qu’on ne comprenne pas mal la dissolution que le décret annonce de l’association Amici Israël. Cette association fondée à Rome en 1926 rassemblait des cardinaux, archevêques, évêques et prêtres qui voulaient se consacrer à la conversion des Juifs. Cette dissolution fut motivée par une publication contenant des suggestions contraires au sensu Ecclesiae et non par antisémitisme donc. En effet, précise encore le texte, « la Sainte Église catholique a toujours prié pour le peuple juif qui était jusqu’au temps du Christ le dépositaire des promesses divines. Elle n’a jamais cessé de faire cela, malgré l’aveuglement obstiné duquel ce peuple était affecté, ou plutôt à cause de cet aveuglement. Dans le même sentiment de charité, le Saint-Siège apostolique a protégé le peuple juif contre les persécutions injustes dont il était l’objet. »
3. Le Saint Père recommande encore : « Les Missions et les missionnaires doivent s’occuper par-dessus tout et uniquement des choses de Dieu. […] Personne ne peut servir deux maîtres. Toutes les Missions et tous les missionnaires doivent se proposer toujours comme but l’union des pensées, l’union des cœurs, l’union des volontés, afin que cette union des sentiments puisse produire l’union des œuvres, dans laquelle se trouve le secret de tout succès. » (in DC, 233, n° 505, col. 259).
4. 1871-1935.
5. Le Programme en 25 points est le nom du programme politique du Parti ouvrier allemand national-socialiste qui a été proclamé le 24 février 1920 à Munich par Adolf Hitler. Le point 24 stipule : « Nous exigeons la liberté au sein de l’État de toutes les confessions religieuses, dans la mesure où elles ne mettent pas en danger son existence ou n’offensent pas le sentiment moral de la race germanique. Le Parti en tant que tel défend le point de vue d’un christianisme positif, sans toutefois se lier à une confession précise. Il combat l’esprit judéo-matérialiste à l’intérieur et à l’extérieur, et est convaincu qu’un rétablissement durable de notre peuple ne peut réussir que de l’intérieur, sur la base du principe : l’intérêt général passe avant l’intérêt particulier. »
6. Gottfried Feder (1883 –http://fr.wikipedia.org/wiki/1941[1941
7. Cité in SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 97-98.
8. On peut citer, en exemple, la lettre pastorale de l’épiscopat bavarois du 11 février 1931 : « Le national-socialisme contient des hérésies dans son programme culturel parce qu’il rejette ou interprète de façon erronée des points doctrinaux essentiels de la foi catholique et parce qu’il veut, d’après les déclarations de ses chefs, remplacer la foi chrétienne par une nouvelle conception du monde. Des représentants dirigeants du national-socialisme mettent la race au-dessus de la religion. Ils rejettent les révélations de l’Ancien Testament et même le décalogue mosaïque. Ils prennent position contre la primauté du pape romain, parce qu’il est, disent-ils, un dignitaire étranger, et ils jouent avec l’idée d’une Église nationale allemande. Selon le paragraphe 24 du programme national-socialiste, la loi morale chrétienne, qui est pourtant éternellement valable, doit se modeler sur le sentiment moral de la race germanique. Les conceptions du droit de la révolution, pourvu qu’elle soit couronnée de succès, et de la primauté de la force devant le droit sont incompatibles avec la sociologie chrétienne. Des manifestations du parti et des chefs du parti, on peut constater ceci : ce que le national-socialisme appelle christianisme n’est pas le christianisme du Christ. » (Cité in SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 98-99)
9. Cf. Documentation catholique, n° 649, 11 mars 1933, col. 579-597.
10. Expression créée, pour certains, par John Ruskin, écrivain et peintre anglais, 1819-1900, pour d’autres par le philosophe moraliste Thomas Carlyle (1705-1881), il est, en tout cas, repris par Richard Wagner (1813-1883) dans ses écrits antisémites : « Le mammonisme provient d’une déficience morale et d’un manque d’amour, ces deux lacunes étant archétypiquement juives ». (Cf. « The noble antisemitism of Richard Wagner », in The Historical Journal, 25-3-1982, pp.751-763.) Le mammonisme, qui renvoie au « culte du veau d’or », est une métonymie de la cupidité attribuée aux juifs. L’expression est reprise par Adolf Hitler, à partir de 1922 au moins. Elle circule de nos jours comme un code dans les milieux antisémites. (Cf. PELLETIER Philippe, Interrogations sur le concept de décroissance, sur le site des Forums creusois, 15-2-2010.
11. Vainqueur des élections, Hitler, le 21 mars 1933 au Reichstag de Postdam présente son programme et, en fin de discours, demande les pleins pouvoirs en menaçant : le gouvernement « offre aux partis du Reichstag la possibilité d’un développement pacifique de l’Allemagne qui mènerait dans l’avenir à une entente générale des partis, mais, d’autre part, il n’hésitera pas à faire front à un refus signifiant la résistance. A vous, Messieurs les députés, de décider entre la paix et la guerre. » A un député social-démocrate qui conteste le programme de politique intérieure tel qu’il a été présenté, Hitler répond : « Nous aurions pu nous passer des élections et nous aurions pu ne pas convoquer le Reichstag. […] C’est uniquement parce que nous considérons l’Allemagne et sa misère et les nécessités de la vie nationale qu’en cette heure nous faisons appel au Reichstag allemand pour obtenir ce que nous aurions pu prendre sans cela. » (DC, n°658, 13 mai 1933, col. 1178-1179.)
12. Cf. DC, n° 652, 1er avril 1933, col. 781-790.
13. Voir le dossier publié dans DC, n° 656, 29 avril 1933 , col. 1025-1063.
14. Voir le dossier publié dans DC, n° 658, 13 mai 1933, col. 1155-1216.
15. OR, 3-4 avril 1933.
16. 1879-1969. Ce militaire et homme politique fit partie du Zentrum catholique. Il fut chancelier du président Hindenbourg de juin à décembre 1932. Le cabinet qu’il forma s’efforça d’inclure les nazis mais l’agitation nazie et communiste le força à abandonner son poste. Néanmoins, il servit d’intermédiaire entre Hindenbourg et Hitler, persuadé que Hitler chancelier ne présentait pas de risques à condition que lui-même soit vice-chancelier pour surveiller les nazis. C’est ainsi que Hitler accéda au pouvoir le 30 janvier 1933. Bien que vite désillusionné, il aida Hitler dans la négociation du concordat avec Rome (20 juillet 1933). Plusieurs de ses amis et collaborateurs furent assassinés mais il accepta malgré tout d’être ambassadeur à Vienne puis à Ankara. Arrêté à la fin de la guerre, il fut acquitté par le tribunal de Nuremberg mais un tribunal allemand lui infligea quelques mois de travaux forcés dans le cadre de la dénazification. (Mourre)
17. Pie XI avait demandé à Mgr Pacelli, nonce apostolique en Allemagne d’engager des négociations avec la République de Weimar. Mais le gouvernement fédéral ne souhaitait pas entretenir des relations directes avec une religion. En revanche, il permit des négociations au niveau des Länder. En conséquence, des concordats furent signés avec la Bavière (29 mars 1924), la Prusse (24 juin 1929) ou encore le pays de Bade (12 décembre 1932), tous dans des conditions globalement favorables à l’http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_catholique_romaine[Église catholique romaine
18. Entre 1871 et 1880, l’Église catholique fut persécutée au nom de ce principe.(cf. LAUNAY Marcel, La papauté à l’aube du XXe siècle, Cerf, 1997, pp. 36-39).
19. Dans Mit brennender Sorge, Pie XI écrit : « Lorsque, dans l’été de 1933, à la demande du gouvernement du Reich, Nous acceptâmes de reprendre les négociations pour un concordat, sur la base d’un projet élaboré quelques années auparavant, et que nous en vînmes ainsi à un accord solennel qui vous donna satisfaction à tous, vénérables Frères, Nous fûmes poussé par la sollicitude qui s’imposait de sauvegarder la liberté de la mission salutaire de l’Église en Allemagne et d’assurer le salut des âmes qui lui sont confiées, en même temps que par le désir de rendre un service d’intérêt capital à la prospérité pacifique et au bien-être du peuple allemand. Nous avons lutté avec Nous-même avant de finir par décider, malgré de nombreuses et graves préoccupations, de ne pas refuser Notre consentement. […] Nous voulions épargner à Nos fidèles, à Nos fils d’Allemagne, selon les possibilités humaines, les tensions et les tribulations auxquelles il aurait certainement fallu s’attendre en cas contraire, étant données les circonstances du moment, et Nous voulions démontrer à tous par les faits que, cherchant uniquement le Christ et ce qui appartient au Christ, Nous ne refusions à personne, pourvu qu’on ne le repoussât pas, la main de l’Église mère. »
   Von Papen mentait donc lorsque, immédiatement après la signature, il déclara devant l’Association des universitaires catholiques à Maria-Laach, que « le pape, en considération de la lutte du national-socialisme contre le bolchevisme et le mouvement des sans-Dieu, s’est déclaré prêt à soutenir le mouvement national-socialiste. » (Cité par André Saint-Denis, op. cit., p. 103.) Von Papen se faisait des illusions sur son propre pouvoir réel. Il comptait, en août, participer au traditionnel Katholikentag de Munich qui devait être consacré au Concordat dont il avait été un des artisans. Mais le congrès fut annulé par son président, le prince Alois de Löwenstein, les nazis ayant refusé de donner les autorisations nécessaires suite aux refus des responsables du Katholikentag de prêter allégeance à Adolf Hitler (Cf. Thomas Grossmann, Note d’information sur le Katholikentag de Sarrebrück (http://osnabrueck.katholikentag.de/data/text_kt_franz_050815.pdf).
20. Après la guerre, Pie XII expliquera : « Au printemps de 1933, le gouvernement allemand pressa le Saint-Siège de conclure un concordat avec le Reich, idée qui rencontra aussi l’assentiment de l’épiscopat et de la plus grand partie tout au moins des catholiques allemands. En effet, ni les concordats déjà conclus avec quelques États particuliers de l’Allemagne (Länder) ni la Constitution de Weimar ne leur semblaient assurer et garantir suffisamment de respect de leurs convictions, de leur foi, de leurs droits et de leur liberté d’action. Dans de telles conditions, ces garanties ne pouvaient être obtenues qu’au moyen d’un accord, dans la forme solennelle d !un Concordat avec le gouvernement central du Reich. Il faut ajouter qu’après la proposition faite par celui-ci, la responsabilité de toutes les conséquences douloureuses seraient retombées, en cas de refus, sur le Saint-Siège. » (Discours au Sacré Collège, 2 juin 1945).
21. Signalons que le 26 mars 1957, la Cour constitutionnelle fédérale a reconnu la validité de ce concordat toujours en vigueur.
22. Dans un premier temps, l’Église d’Allemagne se réjouit de ce concordat qui semble non seulement mettre fin aux campagnes anti-catholiques mais offrir une assise légale à l’action pastorale de l’Église (Cf. l’important dossier publié par DC, n°672, 7 octobre 1933, col. 451-560 ou encore n° 678, 18 novembre 1933, col. 903-930). Certains même croiront voir dans l’organisation corporative du Reich, des convergences avec les principes décrits par Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno.(cf. Discours du Dr HACKELSBERGER Albert in DC, n° 683, 23 décembre 1933, col. 1233-1247). Le vice-chancelier von Papen lui-même, le 14 janvier 1934, n’hésite pas à saluer « les efforts héroïques du Führer dans le sens catholique » : en ce qui concerne précisément l’encyclique Quadragesimo anno, « il a été réservé au Führer de la nouvelle Allemagne, Adolf Hitler, de mettre les directives en actes en édifiant la société du troisième Reich ». (DC, n° 691, 17 février 1934, col. 418-419). Les chrétiens sociaux d’Autriche répliqueront en dénonçant les erreurs du vice-chancelier qui lui-même prétendait répondre aux critiques des évêques autrichiens. (id., col.416-425).
   Notons que sur le plan politique, Hitler voudra rassurer les grandes puissances sur ses bonnes intentions pacifiques comme en témoigne le Pacte de Rome, pacte d’entente et de collaboration entre le Reich, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, signé le 7 juin 1933. L’Église allemande n’est pas la seule à avoir été dupée. Il n’y a pas que les hommes d’Église à avoir, un temps, très court, cru au respect des accords conclus. Le 1er janvier 1935, devant le corps diplomatique et s’adressant au nonce apostolique qui, dans son discours, s’était inquiété de l’avenir de la paix mondiale, Hitler déclarera : « Nulle part ailleurs le besoin de paix ne peut se faire plus fort qu’en Allemagne […] l’Allemagne sera toujours un garant sûr de la paix.[…] Je ne vois dans les relations entre les peuples, aucun problème qui ne puisse trouver une solution amiable si on le traite avec compréhension. Je ne puis croire que la bonne volonté fasse aujourd’hui défaut dans l’esprit de n’importe quelle autorité responsable de l’étranger. En tout cas, le peuple allemand et son gouvernement sont résolus à contribuer pour leur part à l’établissement de relations entre les peuples qui assurent une collaboration loyale sur la base de l’égalité des droits de tous et qui, seule, puisse garantir le bien-être et le progrès de l’humanité. » (DC, n° 732, 12 janvier 1935, col. 73-74 ; voir aussi le discours d’Hitler du 1er janvier 1936, DC, n° 780, 25 janvier 1936, col. 198)). Le 29 septembre 1938 sont signés les accords de Munich entre la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne. L’annexion du pays des Sudètes (en Tchécoslovaquie) par l’Allemagne est reconnue avec l’espoir ou la certitude que la guerre serait évitée. Dès mars 1939, Hitler viola les accords, « convaincu que les démocraties abdiqueraient de nouveau devant le risque d’une guerre » (Mourre). Le 6 décembre 1938, France et Allemagne signent une déclaration de bonne entente…
   Plus interpellant encore, le 30 janvier 1939, prononce un long discours devant le Reichstag, Hitler dénonce « la presse et la propagande juives » et précise que « seuls ces éléments s’acharnent à espérer une guerre » et déclare : « Mais moi, je crois en une longue paix ». Il se réjouit des bonnes relations avec l’Angleterre et la France, d’avoir à ses frontières des « États neutres, véritablement amis » et de citer, entre autres la Belgique, la Hollande, le Danemark et la Norvège qui seront envahis…(DC n° 895, 20 avril 1939, col. 506-507).
23. La répression nazie ne se fit pas attendre. SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 107-118, dresse la liste des persécutions : écoles catholiques fermées, associations de jeunesse dissoutes, presse catholique muselée ou nazifiée (voir les inquiétudes des évêques allemands, dès 1933 in DC, n° 697, 31 mars 1934, col. 847-863), prêtres et évêques emprisonnés, exilés, diffamés, biens confisqués. Dans son compte-rendu du livre de ZIPPEL Friedrich, Kirchenkampf in Deutschland 1933-1945, W de Gruyter, 1965, François-Georges Dreyfus écrit : « … en même temps que l’État place les Églises sous contrôle, il entreprend une déchristianisation systématique qui s’appuie sur la glorification des traditions religieuses et morales des anciens Germains, popularisées par la plupart des chefs nazis. […
24. Sur les résistances allemandes, on peut se rapporter au site http://resistanceallemande.online.fr/
25. Lettre aux évêques d’Allemagne, 1er novembre 1945.
26. Quant à savoir si Rome devait signer ce Concordat, la réponse de Georges Jarlot est sans ambigüité : « L‘encyclique du 14 mars 1937 apporte la réponse. Il y a continuité de l’un à l’autre document. La solennelle condamnation contenue dans le second n’aurait pas été possible si le premier n’avait pas existé. Ses trente-deux articles, avec le protocole, fournissaient une base, juridiquement incontestable sur laquelle, durant quatre ans, allaient s’appuyer les actes diplomatiques, les protestations écrites et verbales de la secrétairerie d’État contre les atteintes portées aux droits fondamentaux de l’Église d’Allemagne. Et ces documents sont à la source de l’encyclique Mit brennender Sorge : elle en constitue la synthèse. d’où nous pouvons conclure à la nécessité du Concordat. Le Saint-Siège savait en le signant, qu’il serait violé. Mais il prévoyait qu’il serait un prologue de la condamnation du paganisme tyrannique avec lequel il acceptait de traiter. « Nous sommes prêt, avait dit Pie XI, après une incartade de Mussolini, à traiter même avec le diable ». L’encyclique du 14 mars 1937 prouve qu’il avait raison. » (JARLOT Georges, Doctrine pontificale et histoire : Pie XI doctrine et action 1922-1939, Universita Gregoriana Editrice, 1973, pp. 389-390).
   Notons que la presse allemande national-socialiste ou non sera très critique vis-à-vis de concordat signé le 1er mai 1934 entre de Saint-Siège et l’Autriche. Elle estime que la part faite à l’Église catholique est trop belle. (DC, n° 730, 29 décembre 1934, col. 1251-1326).
27. Pie XI, le 27 octobre 1933, recevant l’Association de la jeunesse catholique allemande, exprime son inquiétude pour l’avenir de cette jeunesse et de la religion en Allemagne. (Cf. DC, n° 678, 18 novembre 1933, col. 903-906 ; il reviendra sur le sujet le 4 avril 1934, dans un nouveau discours à la jeunesse catholique allemande, DC, n° 710, 30 juin 1934, col. 1646-1649). Forts de l’existence du concordat, les évêques allemands, dans l’ensemble, se veulent plus optimistes (cf. id. , col. 906-930). Dans une Lettre collective du 21 décembre 1933, les évêques autrichiens rappellent que le concordat « n’est en aucune façon la reconnaissance et l’approbation des erreurs ecclésiastiques et religieuses du national-socialisme ». Ils s’interrogent : « Ce concordat est-il réellement observé et pratiqué et de quelle manière ? C’est là une question dont le Saint-Siège apostolique est juge. Personne n’ignore cependant combien sont tendues les relations entre l’Église et l’État dans l’Empire allemand et quelles sérieuses inquiétudes elles justifient. » Et les évêques autrichiens citent des paroles prononcées par Pie XI le 27 octobre devant les jeunes Allemands, quand il avoue que c’est « une heure très grave pour l’Allemagne » et qu’il confie « ses grandes préoccupations pour la jeunesse allemande, et même […] ses angoisses pour la religion en Allemagne. » Suit la dénonciation de quatre erreurs fondamentales du national-socialisme : le racisme (et la stérilisation qu’il entraîne), l’antisémitisme, le nationalisme et l’idée d’une Église nationale. ( DC, n° 691, 17 février 1934, col. 407-409).
28. Cf. DC, n° 674, 21 octobre 1933, col.673-9-699 et n° 676, 4 novembre 1933, col. 817-828.
29. Se marient parfaitement racisme et anti-christianisme comme en témoignent ces extraits de Mein Kampf (texte disponible sur www.radioislam.org):
   « Un État raciste doit donc, avant tout, faire sortir le mariage de l’abaissement où l’a plongé une continuelle adultération de la race et lui rendre la sainteté d’une institution, destinée à créer des êtres à l’image du Seigneur et non des monstres qui tiennent le milieu entre l’homme et le singe » (p. 210)
   « Il est tout à fait conforme à la ligne de conduite actuelle de nos Églises qu’elles pèchent contre le respect dû à l’homme, image du Seigneur, ressemblance sur laquelle elles insistent tant ; elles parlent toujours de l’Esprit et laissent déchoir au rang de prolétaire dégénéré le réceptacle de l’Esprit. Puis on s’étonne avec un air stupide du peu d’influence qu’a la foi chrétienne dans son propre pays, de l’épouvantable « irréligion » de cette misérable canaille dégradée physiquement et dont le moral est naturellement tout aussi gâté ; et l’on se dédommage en prêchant avec succès la doctrine évangélique aux Hottentots et aux Cafres. Tandis que nos peuples d’Europe, à la plus grande louange et gloire de Dieu, sont rongés d’une lèpre morale et physique, le pieux missionnaire s’en va dans l’Afrique centrale et fonde des missions pour les nègres, jusqu’à ce que notre « civilisation supérieure » ait fait de ces hommes sains, bien que primitifs et arriérés, une engeance de mulâtres fainéants. Nos deux confessions chrétiennes répondraient bien mieux aux plus nobles aspirations humaines si, au lieu d’importuner les nègres avec des missions dont ils ne souhaitent ni ne peuvent comprendre l’enseignement, elles voulaient bien faire comprendre très sérieusement aux habitants de l’Europe que les ménages de mauvaise santé feraient une œuvre bien plus agréable à Dieu, s’ils avaient pitié d’un pauvre petit orphelin sain et robuste et lui tenaient lieu de père et de mère, au lieu de donner la vie à un enfant maladif qui sera pour lui-même et pour les autres une cause de malheur et d’affliction. » (p. 211)
   « De temps en temps, les journaux illustrés mettent sous les yeux de nos bons bourgeois allemands le portrait d’un nègre qui, en tel ou tel endroit, est devenu avocat, professeur, ou pasteur, ou même ténor tenant les premiers rôles ou quelque chose de ce genre. Pendant que nos bourgeois imbéciles admirent les effets miraculeux de ce dressage et sont pénétrés de respect pour les résultats qu’obtient la pédagogie moderne, la Juif rusé y découvre un nouvel argument à l’appui de la théorie qu’il veut enfoncer dans I’esprit des peuples et qui proclame l’égalité des hommes. Cette bourgeoisie en décadence n’a pas le plus léger soupçon du péché qu’on commet ainsi contre la raison ; car c’est une folie criminelle que de dresser un être, qui est par son origine un demi-singe, jusqu’à ce qu’on le prenne pour un avocat, alors que des millions de représentants de la race la plus civilisée doivent végéter dans des situations indignes d’eux. On pèche contre la volonté du Créateur quand on laisse les hommes les mieux doués étouffer par centaines de milliers dans le marais du prolétariat actuel, tandis qu’on dresse des Hottentots et des Cafres à exercer des professions libérales. Car il ne s’agit là que d’un dressage, comme pour un caniche, et non d’une « culture » scientifique. » (p 224)
30. Ce livre défend des thèses qui ne sont pas tout à fait originales. On y retrouve des influences bien connues. Notamment celle de Jean Arthur de Gobineau (1816-1882) et de son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855). Ce livre fut traduit en allemand par Ludwig Schemann (1852-link : 1938), disciple de Richard Wagner, d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Schopenhauer[Arthur Schopenhauer
31. En ce qui concerne la condamnation des livres de Rosenberg et de Bergmann, on peut consulter le dossier in DC, n° 694, 10 mars 1934, col. 611-626.
32. DC, n° 715, 1er septembre 1934, col.266-276.
33. DC, n° 726, 1er décembre 1934, col. 995-1005.
34. « Voici que le ciel se couvre de nuages noirs, voici que de sinistres éclairs le sillonnent et déchirent les ténèbres remplissant le cœur des hommes de trouble et d’épouvante […]. Que les peuples s’entre-déchirent de nouveau, que le sang fraternel soit de nouveau répandu, que sur terre, sur mer et dans les airs, tous les moyens soient mis en œuvre pour le massacre et la destruction totale , ce serait un crime si monstrueux et un tel accès de folie que Nous ne croyons pas qu’on puisse en arriver là […]. qu’il se trouve quelqu’un -ce qu’à Dieu ne plaise, et Nous avons confiance que cela n’arrivera pas- qui ose méditer et préparer un tel fléau, Nous ne pourrions Nous empêcher de renouveler avec tristesse au Dieu tout-puissant cette prière : « Seigneur, dissipez les peuples qui veulent la guerre ». (Ps 67, 31). »
35. DC, n° 749, 11 mai 1935, col.1204-1205.
36. Voir DC, n° 762, 14 septembre 1935, col. 323-327.
37. 20 août 1935. Cf. DC, n° 763, 28 septembre 1935, col. 390-401.
38. Voir aussi la Lettre collective de l’épiscopat allemand, 21 avril 1936, in DC, n° 797, 23 mai 1936, col. 1283-1286).
39. Au passage, les évêques repoussent aussi l’accusation qui sera souvent portée contre les catholiques d’être liés aux communistes. (Voir aussi la Lettre collective de l’épiscopat allemand du 20 août 1936 mettant en garde contre le « bolchevisme » et se défendant de tout compromis avec cette idéologie in DC, n° 813, 24 octobre 1936, col. 645-649).
40. Décret du 12 juillet 1935 du ministre du Reich pour la science, l’éducation et la formation nationale. (DC, n° 763, 28 septembre 1935, col. 405).
41. Id.
42. PRUDHOMME Claude, Missions chrétiennes et colonisation, XVE-XXe siècle, Cerf, 2004, pp. 161-162.
43. N° 799, 6 juin 1936, col. 1411-1456 ; n° 807, 22 août 1936, col. 273-310 ; n° 811, 10 octobre 1936, col. 523-568 ; n° 819, 5 décembre 1936, col.1027-1084 ; n° 831, 27 février 1937, col.515-576 ; n° 844, 29 mai 1937, col.1347-1380 ; n° 845, 5 juin 1937, col.1437-1459. Délibérément, la revue utilise peu la presse des catholiques allemands qui ont quitté leur pays, ne traite pas tous les sujets et ne reprend pas non plus toutes les exactions commises par le régime. Néanmoins, l’échantillon relativement volumineux est bien représentatif de la situation de l’Église en Allemagne et susceptible d’éclairer les Allemands réfugiés à l’étranger et ceux qu’ils influencent sur « la juste valeur »  de la conduite de l’Église en Allemagne. Un certain nombre de ces Allemands étaient, en effet, « impatients de voir une action antihitlérienne se déclencher, et déçus dans leur attente de voir se produire des actes à répercussion politique. »
44. DC, n° 801, 20 juin 1936, col.1543.
45. En fait, l’encyclique rédigée en allemand et imprimée dès le 10 mars a été envoyée aux évêques et aux prêtres qui la reçurent le matin même du dimanche des rameaux, jour auquel il était prévu qu’elle fût lue dans les paroisses. Par cette manœuvre discrète, elle échappa en grande partie à la Gestapo et put être lue telle quelle sur le champ.
   Voici comment Pie XII la présente, après la guerre, sa réception et son influence : « Lorsque […
46. d’autres évêques allemands avaient travaillé à la préparation du texte.
47. Le cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, explique que « le fond du conflit […] entre l’Allemagne et l’Église est cette lutte profonde de l’État pour s’identifier avec la notion absolue de vérité et de droit. Ses racines cachées se trouvent dans les tendances panthéistes de la philosophie allemande qui identifie Dieu avec l’État. » (Message de Noël 1937, in DC, n° 867, 5 mars 1938, p. 266.) Par la suite, dans cet intéressant message, le prélat dénonce le « césarisme totalitaire », le racisme, le nationalisme et le conservatisme, visant explicitement l’Action française.
48. « Celui qui, dans une sacrilège méconnaissance des différences essentielles entre Dieu et la créature, entre l’Homme-Dieu et les enfants des hommes, ose dresser un mortel, fût-il le plus grand de tous les temps, aux côtés du Christ, bien plus, au-dessus de Lui ou contre Lui, celui-là mérite de s’entendre dire qu’il est un prophète de néant, auquel s’applique le mot effrayant de l’Écriture : Celui qui habite dans les cieux se moque d’eux (Ps 2, 4). »
49. « Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la vivre comme elle veut être vécue ».
50. « Si quelqu’un voulait vous annoncer un Évangile autre que celui que vous avez reçu sur les genoux d’une pieuse mère, des lèvres d’un père croyant, ou par l’enseignement d’un éducateur fidèle à son Dieu et à son Église qu’il soit anathème (Ga 1, 9). »
51. Le gouvernement allemand réagit immédiatement contre ce texte : « l’encyclique contient de sérieuses attaques contre les intérêts de la nation allemande. Elle essaie de diminuer l’autorité du Reich, de nuire aux intérêts de l’Allemagne à l’étranger et avant tout met en danger la paix de la communauté par un appel direct aux catholiques. » (Hans Kerl, ministre des affaires religieuses, 23 mars 1937, cité in CHARGUERAUD Marc-André, Les Papes, Hitler et la Shoah, 1932-1945, Labor et Fides, 2002, pp. 53-58). Le lendemain, L’Humanité titre : « Hitler déclare la guerre aux catholiques. La gestapo a perquisitionné chez Mgr von Preysing, évêque de Berlin. Le Führer interdit aux SS de baptiser leurs enfants. » (24 mars). Pour la presse française d’ailleurs, cette encyclique est une condamnation de l’hitlérisme (Le Figaro, L’Humanité et l’Echo de Paris du 24 mars), du racisme (Le Matin, 24 mars), du nazisme (La Croix et le Populaire du 24 mars). Dès 1937, la persécution des catholiques va s’intensifier : procès contre les congrégations religieuses, perquisitions et saccages dans certains évêchés, 82 établissements d’enseignement catholiques sont fermés, 1.100 prêtres sont emprisonnés. En 1938, 304 d’entre eux sont déportés à Dachau, les organisations catholiques sont dissoutes, l’école confessionnelle interdite. (Cf. CHARGUERAUD Marc-André, op. cit. et BLET P., Pie XII et la seconde guerre mondiale, Perrin, 1997). Dans le n° 869 de la Documentation catholique, déjà cité, on peut lire l’énumération des persécutions, des manipulations dans l’information, la description de la propagande anticatholique par les « affiches murales ».
   On trouvera aussi d’autres réactions nationales-socialistes ou encore françaises et vaticane dans DC n°837-838, 10-17 avril 1937, col.922-936.
52. Cette lettre pastorale a été interdite, diffusée par polycopie puis reproduite par l’agence Kipa (Katholische internationale Presseagentur), à Fribourg (Suisse)
53. DC n° 857, 20 octobre 1937, col. 540-542.
54. Cf.  DC, n° 864, 20 janvier 1938, col. 70-73.
55. Semaine religieuse de Paris, 30 juillet 1938, citée in DC, n° 883, 5 novembre 1938, col. 1301-1304.
56. (1875-1955). En 1938, le cardinal Innitzer soutient publiquement l’link : Anschluss, l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich par crainte du bolchevisme soviétique : « Ceux qui ont charge d’âmes et les fidèles, se rangeront sans condition derrière le grand État allemand et le Führer, car la lutte historique contre la criminelle illusion du bolchevisme et pour la sécurité de la vie allemande, pour le travail et le pain, pour la puissance et l’honneur du Reich et pour l’unité de la nation allemande est visiblement accompagnée de la bénédiction de la Providence. » Une grande partie des églises autrichiennes furent immédiatement pavoisées de croix gammées. Dès le 15 mars 1938, Innitzer rencontre personnellement Adolf Hitler lorsque celui-ci vient à Vienne, et le 18 mars, avec les autres évêques autrichiens, signe une déclaration rédigée par le Gauleiter Bürckel favorable à l’Anschluss, ajoutant de sa main la formule « Heil Hitler ! ». Le 27 mars suivant, cette déclaration collective de l’épiscopat d’Autriche est lue dans toutes les Églises du territoire autrichien : «  (…) Nous reconnaissons avec joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore œuvre éminente dans le domaine de la construction nationale et économique comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et la nation allemande, et notamment pour les couches les plus pauvres de la population…​ Au jour du plébiscite, il va sans dire que c’est pour nous un devoir national, en tant qu’link : Allemands, de nous déclarer pour le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens croyants qu’ils sauront ce qu’ils doivent à leur nation. ».
   Aussitôt, à Rome, Radio Vatican dénonce la diffusion de ce texte ; le pape Pie XI et le cardinal Pacelli convoquent Innitzer au Vatican et lui demandent de s’expliquer devant eux. Le 6 avril, avant de rencontrer le pape, Innitzer s’entretient avec le Cardinal Pacelli qui lui ordonne de rédiger un document, au nom de tous les évêques d’Autriche, à paraître dans l’link : Osservatore Romano, affirmant que : « La déclaration solennelle des évêques autrichiens […​] n’avait pas pour but d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la loi de Dieu », et précisant également que cette première déclaration avait été faite sans l’link : accord de Rome.
   Pendant les mois qui suivent, les Allemands abrogent le régime concordataire autrichien et interdisent les organisations et journaux dépendant de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Catholicisme[Église catholique
57. Cf. les Lettres pastorales collectives de l’épiscopat autrichien du 19 août 1938 relatives aux mesures imposées par l’État en ce qui concerne le mariage et la révocation de la reconnaissance par l’État des écoles dirigées par les religieuses (DC, n° 882, 30 octobre 1938, col. 1219-1224. Cf. également The Universe, 7 octobre 1938, cité in DC, n° 883, 5 novembre 1938, col. 1303-1306.
58. . In DC, n°872, 20 mai 1938, pp. 579-580.
59. Voir la démonstration faite par SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 86-96.
60. d’après des témoignages historiques, Sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin Ier, découvrit la Croix de Jésus lors d’un pèlerinage en Palestine, qu’elle aurait entrepris en 326. L’importance de l’évènement donna naissance à la fête de l’invention (ce qui veut dire découverte) de la « Sainte-Croix ». Plus tard, une célébration annuelle fut décrétée, portant le nom « Exaltation de la précieuse et vivifiante Croix » (fêtée le 14 septembre). 
   (http://www.orleans.catholique.fr/cathedrale/index.php?2006/12/14/7-histoire-de-la-sainte-croix).
61. Cf. DC, n° 873, 5 juin 1938, col.685-697.
62. Cf. DC, n° 879, 5 septembre 1938, col. 1049-1054.
63. DC, n° 879, 5 septembre 1938, col.1063-1082.
64. Discours lors de l’audience accordée au Chapitre général des Sœurs de Notre-Dame du Cénacle, in Documentation catholique, n° 879, 5 septembre 1938, col. 1054-1055.
65. Défendant l’Action catholique menacée par le fascisme, le pape prévient : « celui qui frappe l’Action catholique frappe l’Église parce qu’il frappe la vie catholique » et il renchérit : « quiconque frappe l’Action catholique frappe le pape, et quiconque frappe le pape meurt. » En français, il ajoute encore : « Qui mange du Pape en meurt ».
66. In DC, n° 879, 5 septembre 1938, col. 1056-1062.
67. Cf. DC, n° 880, 30 septembre 1938, col. 1103-1113.
68. L’attaque, en réalité, vise non seulement l’Église mais aussi le christianisme : « déjà la répudiation de l’Ancien Testament le révèle. En outre, on a défini le christianisme comme une relique fossilisée des temps passés, complètement inutile et inefficace pour notre temps.
   En s’écartant donc de lui, en s’appuyant sur la race et le sang, on a affirmé que la personne et la vie de Jésus-Christ s’opposent à la nature de l’homme allemand, que les enseignements principaux de sa doctrine, spécialement le dogme du péché originel et de la Rédemption, de la récompense et du châtiment après la mort, ne sont autre chose que des superstitions de l’Asie mineure, imposées aux populations germaniques après que celles-ci eurent été subjuguées. »
69. On se souvient qu’en 1962, Vincente Minelli, pour dénoncer le nazisme, intitula son film « Les quatre cavaliers de l’Apocalypse ».
   On peut se demander quelle fut l’attitude des Églises luthériennes. La plupart furent fidèles aux dirigeants nazis et cette attitude suscita une réaction : la constitution d’une Église confessante qui regroupe d’éminentes personnalités comme Karl Barth (expulsé d’Allemagne), Martin Niemoller (sympathisant du régime envoyé à Dachau) et Dietrich Bonhoeffer (mort en camp de concentration) mais qui ne resta pas unie.
70. Mgr Picard, président de la Radio catholique belge, qui assiste à l’entretien note, dans La Libre Belgique du 14 septembre 1938 : « Ici le pape ne parvient plus à contenir son émotion. Il ne voulait pas se laisser gagner par cette émotion. Mais il n’y put réussir. Et c’est en pleurant qu’il cite les passages de saint Paul mettant en lumière notre descendance spirituelle d’Abraham. » 
71. Cf. DC, n° 885, 5 décembre 1938, col. 1459-1460. L’insistance de Pie XI peut s’expliquer aussi par le fait que l’antisémitisme avait gagné bien des milieux chrétiens. Le P. Charles sj, avait, dans un article de la Nouvelle Revue Théologique (n° 8, septembre-octobre 1938 ; 9 novembre 1938) démontré que l’opuscule « Protocole des Sages de Sion » qui alimentait la thèse d’un complot juif et franc-maçon pour conquérir le monde, était un faux. Sa thèse provoqua une polémique non seulement dans la DC (20 juin 1938 ; 20 octobre 1938 ; 5 décembre 1938) mais aussi dans la Revue catholique des idées et des faits (21 octobre 1938) et d’autres revues en Europe et en Amérique. (Hitler cite les Protocoles dans Mein Kampf, op. cit., pp. 160-161).
   On sait aussi que Pie XI, malade, cardiaque et diabétique, prévoyait une encyclique sur l’unité du genre humain (Humani generis unitas, 1938-1939) où de nouveau seraient dénoncés l’étatisme, le nationalisme, le racisme et l’antisémitisme. Travaillèrent à ce projet lancé en juin 1938, trois jésuites dont le P. Gustav Gundlach, théologien allemand « antinazi convaincu et décidé » qui sera le théologien préféré de Pie XII en matière politique et sociale. Pie XI meurt en février 1939 sans avoir eu le temps évidemment de parachever l’ouvrage proposé. (Cf. PASSELECQ Georges et SUCHECKY Bernard, L’encyclique cachée de Pie XI, Préface de Emile Poulat, Ed. La Découverte, 1995).
72. Cf. DC, n° 884, 20 novembre 1938, col. 1411-1414.
73. N° 886, col. 1481-1510.
74. O.R., 25 décembre 1938 et D.C. n° 889, 20 janvier 1939, col. 67-72. Pie XI termine son discours, de manière très émouvante, par l’offrande de sa vie : « Nous avons offert Notre vie, désormais vieillie, pour la paix et la prospérité des peuples ; Nous l’offrons de nouveau pour que reste intacte la paix intérieure, la paix des âmes et des consciences, et la florissante prospérité de cette Italie, qui, parmi les peuples qui Nous sont tous chers, Nous est très chère, de même que sa patrie était particulièrement chère à Jésus qui se livrait lui-même à la Passion et à la mort pour le genre humain. »
75. JEAN XXIII, Lettre aux évêques d’Italie à l’occasion du XXXe anniversaire des accords du Latran, in DC, n° 1298, 1er mars 1959.
76. Il faut lire l’hommage rendu par Léon Blum dans le Populaire du 11 février 1939. Après avoir rappelé que le jour de son élection, le pape Pie XI s’était présenté comme le pape de la paix, Léon Blum écrit: « J’ai lu dans les journaux d’hier que les derniers mots intelligibles qu’il ait prononcés dans son agonie étaient encore : « Pace, pace… La paix, la paix. » […
77. En France, le grand rabbin Maurice Liber déclare : « Le judaïsme recommande et prescrit de rendre les derniers devoirs, non seulement aux coreligionnaires selon les rites de la religion commune, mais encore aux hommes des autres confessions, nos frères en humanité, créés par le Père commun et à ,sa divine image. Cet hommage suprême est dû à plus forte raison à ceux qui oint honoré l’humanité et la religion par la dignité dont ils ont été investis, par le rôle et la mission qu’ils ont remplis, l’ascendant qu’ils ont exercé, les bienfaits qu’ils ont prodigués, le haut exemple qu’ils ont donné à leur génération, l’autorité avec laquelle ils ont professé et le courage avec lequel ils ont défendu les doctrines dont ils étaient les fidèles dépositaires et les mainteneurs intrépides. A tous ces titres, les Français de religion israélite joignent leur hommage à celui que tous les Français, que tous les chrétiens, adressent avec une impressionnante unanimité, à la mémoire du pape Pie XI que Dieu a rappelé à lui… ». (Univers israélite, 17 février 1939).
   A cet hommage se joint celui du grand rabbin de Paris Julien Weill : « La mort de Pie XI m’émeut profondément et douloureusement. A la vénération universelle qui entourait l’auguste Pontife, le judaïsme s’associait de tout cœur, admirant et honorant en lui un grand serviteur de Dieu, un véritable apôtre de la justice sociale, de la paix et de la fraternité humaine. A plusieurs reprises, Pie XI dénonça avec une fermeté et une netteté lumineuse les pernicieuses erreurs du paganisme raciste, et il a condamné l’antisémitisme comme inconciliable avec la loi chrétienne et comme fauteur d’iniquités et de violences odieuses. Je suis sûr d’être l’interprète des sentiments de tous mes coreligionnaires en saluant avec respect la grande figure de Pie XI et en donnant dans nos prières une expression religieuse à notre hommage de regret et de gratitude envers ce grand serviteur du Dieu de justice et d’amour. » (Epoque, 11 février 1939).
   Ces deux témoignages ont été publiés in D. C. n° 892, 5 mars 1939, col. 290.
78. Cf. D.C. n° 896, 5 mai 1939, col . 589-592. Notons que le mot « racique » qui n’apparaît pas ou plus dans les dictionnaires est employé de temps à autre. Ainsi Jean-Guy Rens, l’utilise pour parler, à propos du nazisme de son « idée racique de l’État » (http://rens.ca/2012/2/2-2regime-politique-la-politique-interieure/)
   On parle aussi, à propos d’animaux, de « codes raciques » (cf. www.swissherdbook.ch)