⁢i. A propos de Pie XI

On a reproché à Pie XI de s’être plus préoccupé du sort des catholiques que du sort des Juifs en Allemagne. On l’a même accusé de s’être réjoui d’avoir trouvé en Hitler un allié dans la lutte contre le communisme.⁠[1] Mais à travers ces reproches, c’est surtout son Secrétaire d’État qui est visé : le cardinal Eugenio Pacelli, le futur Pie XII dont l’action, déjà sous Benoît XV, alors qu’il était sous-secrétaire aux affaires ecclésiastiques, aurait toujours cherché à favoriser l’Allemagne.

Un Décret de la Congrégation du Saint Office du 21-3-1928 dénonce déjà, et en des termes clairs, l’antisémitisme : « Parce qu’il réprouve toutes les haines et les animosités entre les peuples, [le Siège apostolique] condamne au plus haut point la haine contre le peuple autrefois choisi par Dieu, cette haine qu’aujourd’hui l’on a coutume de désigner communément par le mot d’« antisémitisme ». »[2]

Le 6 décembre 1929, à propos des missions, Pie XI fustige le nationalisme : « Les Missions ne doivent en aucune façon faire du nationalisme, mais seulement du catholicisme […]. Le nationalisme a toujours été un fléau pour les Missions, et même il n’est pas exagéré de l’appeler une malédiction. »[3]

En octobre 1930, Ludwig Maria Hugo⁠[4], évêque de Mayence, condamne le national-socialisme dans ces termes : « Le programme national-socialiste contient des propositions inconciliables avec la doctrine et les principes catholiques. Il y a lieu notamment de considérer l’article 24 du programme[5], qu’aucun catholique ne peut accepter sans renier sa foi sur des points importants. […] La morale chrétienne est fondée sur l’amour du prochain. Les écrivains nationaux-socialistes ne reconnaissent pas ce commandement dans le sens enseigné par le Christ ; leur doctrine surestime la race germanique et sous-estime les races étrangères.

Les chefs du national-socialisme veulent un dieu allemand, un christianisme allemand, une Église allemande. Gottfried Feder[6]) économiste et homme politique. Un des premiers membres clés du parti nazi allemand. Il joua un rôle décisif dans la conception hitlérienne de l’économie et devint le théoricien économique du NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei). Hitler lui rend hommage dans Mein Kampf. Il lui doit ses idées sur le « capitalisme et la finance juive ».] dit : « Le peuple allemand trouvera certainement un jour son déisme pour sa vie religieuse, une forme telle que la réclament les aspirations de son sang nordique. La trinité du sang, de la foi et de l’État sera alors réalisée. »

Ces conditions impliquent la réponse que comportent ces questions : « Un catholique peut-il s’inscrire dans le parti d’Hitler ? Un prêtre peut-il permettre que les membres de ce parti assistent comme tels à un enterrement ou à toute autre cérémonie religieuse ? Peut-on admettre aux sacrements un catholique qui se réclame des principes de ce parti ? » Nous devons réponde négativement. »[7]

A la suite de cet évêque, tous les évêques allemands publièrent déclarations ou lettres pastorales qui allèrent dans le même sens.⁠[8]

Le 23 janvier 1933, Mgr Gfoellner, évêque de Linz (Autriche) publie une lettre pastorale intitulée « Du véritable et du faux nationalisme »[9]. Tout en dénonçant l’influence funeste de l’ « athéisme juif » qui propage matérialisme, libéralisme, mammonisme[10], socialisme et communisme, l’auteur précise que cet « esprit juif international  est autre chose que la nationalité juive et la religion juive » et dénonce les thèses du national-socialisme : son matérialisme racial, sa haine du peuple juif, sa volonté de nationaliser l’État, l’Église et la morale. Il condamne explicitement les thèses défendues par Hitler dans Mein Kampf et de Rosenberg dans Le mythe du XXe siècle. Cette lettre qui eut un retentissement considérable en Allemagne souleva les protestations des Israélites (les Allemands étant plus nuancés que les Autrichiens) et des nationaux socialistes (les Autrichiens étant, cette fois, plus nuancés que les Allemands).

1933 est une année importante. Des élections sont organisées. Hitler veut une consécration légale alors qu’il aurait pu s’en passer comme il le reconnaîtra cyniquement⁠[11] L’Église, le parti catholique Zentrum, les associations catholiques vont devoir prendre position avant et après les élections.

Pour le Carême 1933, le cardinal von Faulhaber, archevêque de Munich publie une lettre sur les « Droits et devoirs des gouvernants et des gouvernés dans l’État ». le prélat y développe la doctrine traditionnelle de l’Église s’appuyant sur l’enseignement de Léon XIII (Immortale Dei et Sapientiae christianae) et de Pie XI (Lettre aux évêques argentins, 4 février 1931). La presse national-socialiste interprétant ce document de doctrine générale comme un ralliement à la politique d’Hitler, le secrétaire du cardinal publia le 2 mars 1933 une mise au point claire précisant qu’en fonction des principes rappelés, « les catholiques consciencieux ne peuvent pas faire profession de national-socialisme dans sa forme actuelle ».⁠[12]

Tandis que les associations catholiques publient un Manifeste, le 17 février 1933 qui clairement rejette l’ « extrémisme de droite et de gauche » signalant qu’ « il peut y avoir un bolchevisme sous le signe national », Mgr Kaas qui dirige le Zentrum pense qu’ « au nouveau dynamisme de la politique allemande, résultat de l’entrée de l’opposition national-socialiste dans le pacte, doit se joindre le frein de la modération et de la pondération de la politique positive, représentées par le Centre »[13] La publication du Manifeste provoqua la suspension des journaux qui l’avaient publié).

Après les élections du 5 mars 1933, qui portent au pouvoir une coalition entre les national-socialistes et les nationaux-allemands, le chancelier Hitler demande au Reichstag réuni à Postdam, les pleins pouvoirs (21 mars 1933) ; alors que les sociaux-démocrates protestent, Mgr Kaas au nom du Zentrum déclare laisser « en arrière des objections qui, en temps normaux, s’imposeraient à lui et seraient presque insurmontables » et faire « abstraction de toute objection de politique de parti ou autre, en cette heure où il faut imposer le silence aux considérations mesquines et étroites ». Dès lors, le Zentrum (malgré de nombreuses voix opposées) tend la main « à tous, même au adversaires d’hier, pour assurer la continuation de l’œuvre de salut national ». qu’est-ce qui pousse le Zentrum à ce ralliement ? L’illusion de pouvoir modérer et pondérer la nouvelle politique comme il a été dit plus haut mais aussi « la détresse critique où se trouvent actuellement la nation et l’État », « la mission gigantesque qu’est […] la reconstruction allemande » et surtout « les sombres nuages qui annoncent en Allemagne et autour de l’Allemagne la tempête ».

Mgr Kaas perdra très vite l’illusion de pouvoir jouer un rôle modérateur : le 5 mai il démissionne de son poste de chef du Zentrum et le 6 juillet, le Zentrum se dissout.

Les évêques aussi veulent croire en la bonne foi de Hitler, à l’abandon de l’anti-christianisme manifesté précédemment, puisqu’il déclare dans son discours-programme de ce 21 mars 1933 : « Le gouvernement national voit dans les deux confessions chrétiennes des facteurs d’une importance capitale pour la préservation de notre valeur en tant que nation. Il respectera les conventions que ces communautés ont conclues avec les États. Leurs droits seront respectés. Mais il escompte et il espère que, réciproquement, sera apprécié le travail de relèvement national et moral de notre peuple que le gouvernement s’est donné pour tâche. Son attitude envers les autres confessions sera celle d’une justice objective. […] Le gouvernement du Reich, estimant que le christianisme forme les assises inébranlables de la vie morale de notre peuple, est convaincu qu’il est nécessaire de continuer et de développer les rapports amicaux avec le Saint-Siège. »

Dans la Déclaration de la conférence épiscopale de Fulda, 29 mars 1933, les évêques, sans abroger les avertissements et les condamnations précédentes, reconnaissent que le chancelier Hitler « a fait des déclarations publiques et solennelles qui tiennent compte de l’inviolabilité de la doctrine de la foi catholique et des missions et des droits immuables de l’Église et dans lesquelles le gouvernement du Reich assure expressément que les traités d’État conclus entre l’Église et certains pays allemands conserveront leur vigueur »[14] Et l’Osservatore romano approuve cette attitude prudente et confiante: « Dans sa déclaration, l’épiscopat allemand pouvait donc tirer les légitimes conséquences que de telles assurances autorisaient. La condamnation des erreurs doctrinales reste entière, mais on se croit obligé de faire confiance aux nouvelles et solennelles promesses, qui en empêchent présentement l’application. »[15] De plus, le catholique Franz von Papen⁠[16] nommé vice-chancelier par Hitler convainc celui-ci de signer un concordat avec Rome pour que les catholiques apportent leur soutien au nouveau régime vu comme un rempart contre le bolchevisme. Un accord global avec l’ensemble de l’Allemagne était souhaité en vain depuis de nombreuses années par Rome.⁠[17].
   Dans les tribulations du temps, un des soucis de Pie XI fut de signer des concordats ou des accords (il en signa une quarantaine) avec de nombreux pays et quel que soit le régime, pour protéger les catholiques, la famille chrétienne, le mariage, l’éducation des enfants et préserver les institutions de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_(institution)[Église] (en évitant notamment l’ingérence des états dans les nominations d’évêques). On se souvient du Traité du Latran signé avec Mussolini en 1929. (Cf. ONORIO Joël-Benoît d’, La papauté, de la romanité à l’universalité, in BONNEFOUS E., ONORIO Joël-Benoît d’, FOYER J., La papauté au XXe siècle, Fondation Singer-Polignac, Cerf, 1999, pp. 23-24) On se souviendra aussi que Mgr Pacelli qui ne peut être soupçonné de sympathie pour le communisme tenta, en vain, dans les années 20 d’obtenir un concordat avec l’USSS. Personne n’a jamais songé à le lui reprocher. ‘Cf. CHENAUX Philippe, L’Église catholique et le communisme en Europe, De Lénine à Jean-Paul II, Cerf, 2009, pp. 43-50. ] La situation était délicate pour l’Église catholique minoritaire dans un pays protestant et toujours menacée, depuis le Chancelier impérial Otto von Bismarck par le Kulturkampf, le catholicisme étant considéré comme un corps étranger en Allemagne⁠[18], idée que les nazis reprirent dès l’origine du mouvement.

L’initiative allemande⁠[19], en 1933, fut donc une heureuse surprise⁠[20]. Pie XI dira de cet accord signé le 20 juillet, qu’il était « inattendu et inespéré ».⁠[21]

Comme les députés du Zentrum, les évêques devront vite déchanter.⁠[22] En Allemagne comme en Italie, bien des clauses de cet accord seront violées par les autorités politiques⁠[23] d’autre part, le gouvernement s’attaque dès 1933 aux associations et à la presse catholiques d’autant plus que l’Église va essayer le plus longtemps possible de renforcer son action. Elle réunit encore en juin 1934 un Katholikentag à Hoppegarten qui groupe 60.000 hommes mais qui va engendrer la campagne anti-catholique : on forcera les jeunes catholiques à entrer à la Hitlerjugend. On prend des mesures contre les écoles catholiques, en particulier on supprime les écoles confessionnelles. Enfin on s’attaque aux congrégations et à un certain nombre de prêtres, sous le prétexte, vrai ou faux, d’affaires de mœurs et de devises ». L’auteur note encore que « la lutte contre les catholiques est plus sévère » que la lutte contre les protestants. Par ailleurs, la déconfessionalisation ne porte vraiment de fruits qu’au sein du Reichstag : « plus de la moitié se déclarent déistes en 1943 […] alors qu’en 1933, 646 sur 664 étaient soit catholiques (144) soit protestants (502) » (Archives des sciences sociales des religions, 1966, vol. 22, n° 22, pp. 231-232).
   Voir aussi le Discours au Sacré Collège du 2 juin 1945, où Pie XII évoque la persécution religieuse, en Allemagne et dans les pays soumis au Reich, la violation du Concordat et l’emprisonnement des chrétiens, clercs et laïcs dans les bagnes, les camps de concentration et les prisons. ]. Le pouvoir nazi, comme le pouvoir fasciste, n’avait nulle intention de respecter sa signature. C’était une manœuvre pour désarmer une résistance.⁠[24] Se met en place une « persécution perfide et astucieuse », dira Pie XII⁠[25]. Dans l’encyclique Mit brennender Sorge, Pie XI écrira que le gouvernement allemand a « adopté comme norme permanente de ses actions, la falsification du traité, l’élusion du traité, l’évacuation du traité, et finalement, plus ou moins en public, la violation du traité. »[26]

En tout cas, Rome reste méfiante et vigilante.⁠[27]

Le 14 juillet 1933, la loi allemande sur la stérilisation va obliger l’Église d’Allemagne, les associations catholiques à prendre position dans la mesure où une contradiction existe entre cette loi et ce que dit l’encyclique Casti connubii[28].

Prenant le mal à la racine, vont se succéder des condamnations prononcées par la Congrégation du Saint-Office à l’encontre d’ouvrages propageant les théories racistes.

Le Saint-Office mettra à l’index des ouvrages développant les principales thèses nazies.⁠[29] Ainsi le livre d’Alfred Rosenberg, Der Mythus des 20 Jahrhunderts (Le Mythe du xx° siècle)⁠[30] et de Paul de Lagarde. Il influença Otmar von Verschuer (1896-link : 1969) médecin eugéniste et Steweart Houston Chamberlain (1855-1927) anglais naturalisé allemand qui http://fr.wikipedia.org/wiki/Ludwig_Schemann#cite_note-rider-1 épousa Eva, fille de Richard Wagner. Dans son livre Fondements du XIXe siècle (1899), Chamberlain soutient que la race supérieure décrite par Gobineau, race indo-européenne que Chamberlain désigne sous le terme de «  race aryenne » est l’ancêtre de toutes les classes dirigeantes d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Europe[Europe] et d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Asie[Asie], qu’elle subsiste à l’état pur en Allemagne. Il adhéra au pangermanisme, doctrine irrédentiste défendant l’idée que devraient être annexés tous les territoires de langue allemande. Cette théorie apparut en Italie vers 1870. Chamberlain consacra plusieurs monographies à des personnalités allemandes telles que Richard Wagner, Heinrich von Stein, Kant et Goethe. Il inspira Alfred Rosenberg et Adolf Hitler qui fut présent à ses funérailles en 1927. Hitler le cite dans Mein Kampf, 1925-1926, p. 141 (texte disponible sur www.radioislam.org)
   A propos du pangermanisme, Hitler écrit que l’Église catholique est « un obstacle au pangermanisme » (Mein Kampf, op. cit., pp. 58-59). ] condamné (Décret du 7 février 1934) en ces termes : « Ce livre traite avec mépris et rejette absolument tous les dogmes de l’Église catholique, voire les fondements de la religion chrétienne elle-même ; il proclame qu’il est nécessaire d’instituer une nouvelle religion ou religion allemande, et formule le principe suivant : « Une foi mythique nouvelle surgit aujourd’hui : la foi mythique du sang ; foi par laquelle on croit que la nature divine de l’homme peut être défendue par le sang ; foi appuyée sur une science très claire par laquelle il est établi que le sang nordique représente le mystère qui se substitue aux sacrements antiques et les dépasse. » Alfred Rosenberg (1893-1946) est l’idéologue du parti nazi. Pendant l’emprisonnement d’Hitler en 1924, il le remplace à la tête du parti et aurait influencé Hitler dans la rédaction de certains chapitres de Mein Kampf. Il sera condamné et pendu, en 1946, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

En 1934 est condamné le livre d’Ernest Bergmann, Die deutsche Nationalkirche (L’Église nationale allemande) : «  L’auteur nie la religion chrétienne ; le fait de la révélation ; la nécessité de la rédemption par Jésus-Christ crucifié, et celle de la grâce divine. Il affirme que la religion chrétienne, et spécialement le catholicisme, n’est rien autre qu’une création de la culture sémitique et romaine, opposée en conséquence au tempérament allemand. L’auteur assure en outre que l’Ancien Testament représente un péril moral pour la jeunesse allemande ; que le concept de la charité chrétienne est partout une cause de dégénérescence pour les peuples, parce qu’elle prend soin des infirmes et des débiles et qu’elle les autorise à procréer des enfants. L’auteur s’efforce de démontrer que le sang et l’espèce, dénommée vulgairement la « race », sont l’unique facteur du progrès culturel. Il estime qu’une nouvelle religion doit être instituée qui substitue l’athéisme pur — à savoir le panthéisme — à la foi au Dieu personnel. L’auteur préconise en outre un nationalisme exagéré et absolument radical, tout à fait contraire à la doctrine et à la culture chrétiennes. » (Décret du 9 février 1934).⁠[31]

Un an plus tard, c’est le livre An die Dunkelmaenner unserer Zeit. Eine Antwort auf die Angriffe gegen den « Mythus des 20 Jahrhun-derts ». Aux obscurantins de notre temps. Réponse aux attaques contre le « Mythe du XX siècle », d’Alfred Rosenberg qui subit les foudres du Saint-Office (Décret du19 juillet 1935).

Entre temps, les évêques allemands, suite à la Conférence de Fulda des 5-7 juin 1934, publient une Lettre collective qui, d’une part, dénonce le « néo-paganisme allemand » et, d’autre part, proteste contre « les facilités laissées aux païens », les  « entraves » imposées à l’Église catholique, les « formules fausses » que l’on répand, le « reproche de faire de la politique », « les accusations et les insultes ».⁠[32] C’est en dénonçant le paganisme, le néo-paganisme, que les évêques allemands entendent s’attaquer à l’idéologie régnante sans la nommer de son véritable nom. Le cardinal Faulhaber, le 8 septembre 1934, prononce un important discours où il oppose la lumière du christianisme face aux ténèbres du paganisme.⁠[33]

Le Saint-Père, dans une allocution devant le Consistoire secret du 1er avril 1935 se dit épouvanté à l’idée qu’une nouvelle guerre pourrait éclater mais espère encore qu’il n’en sera rien.⁠[34]

Le 28 avril 1935, lors de la clôture du jubilé de la Rédemption à Lourdes, le cardinal Pacelli, légat du Pape, déplore que beaucoup d’hommes ne comprennent plus le sens de la Croix et même sont scandalisés par cette « folie ». Il ajoute : « Ce qu’il y a de tragique, en effet, c’est que cette aversion pour la croix soit portée à son comble par ceux-là qui, niant le dogme fondamental du péché, rejettent l’idée même de rédemption comme injurieuse à la dignité humaine. Avec l’illusion de préconiser une nouvelle sagesse, ils ne sont en réalité que de lamentables plagiaires qui recouvrent de nouveaux oripeaux des erreurs bien vieilles. Peu importe qu’ils se massent autour du drapeau de la révolution sociale, qu’ils s’inspirent d’une fausse conception du monde et de la vie, qu’ils soient possédés par la superstition de la race ou du sang, leur philosophie aux uns comme aux autres repose sur des principes essentiellement opposés à ceux de la foi chrétienne, et, de tels principes, à aucun prix l’Église ne consent à pactiser avec eux. »[35]

En 1935 toujours, à plusieurs reprises, Pie XI demande que l’on prie pour la paix.⁠[36]

Suite à la conférence annuelle de l’épiscopat allemand, à Fulda, du 19 au 23 août 1935, les évêques publient une lettre pastorale⁠[37] qui ne sera pas diffusée dans la grande presse contrôlée par le pouvoir. Dans la presse catholique, elle ne fut pas publiée partout ou elle parut avec des coupures. Malgré ces interventions de la police d’État elle fut lue en chaire le 1er septembre. La lettre dénonce le nouveau « catéchisme » établi par les « ennemis de la foi », invite les fidèles à rester fermes dans la foi leur interdisant « de lire les revues et les livres, […] de fréquenter les réunions où notre foi et notre Église sont diffamées et où est blasphémé tout ce qui est sacré pour l’homme religieux » mais en leur ordonnant « de fréquenter et d’écouter les prédications de l’Église ». Le document rappelle que la « foi est le fondement de l’ordre moral dans le monde », qu’il « serait moralement fatal de ne considérer le mariage, contrairement aux lois chrétiennes, que sous l’angle de la pureté de la race à maintenir », qu’« on ne peut pas, comme homme privé, s’unir au Christ, et comme employé de l’État, combattre contre le Christ », que la liberté religieuse s’étend à l’espace public, que les parents ont le droit de choisir l’éducation qu’ils désirent pour leurs enfants⁠[38], que la jeunesse catholique restera fidèle à ses associations. Les évêques recommandent enfin de ne pas rendre le mal pour le mal mais de prier pour les ennemis, de conserver leur unité entre eux et avec le Saint-Père. Bref, tout le texte est une invitation à résister fermement mais pacifiquement à toutes les attaques idéologiques et physiques du pouvoir nazi.⁠[39]

A cette même conférence, il fut décidé de faire lire à tous les fidèles un texte qui avait été rédigé le 1er mars 1934, expliquant la prestation de serment civil auquel étaient contraints les prêtres considérés comme fonctionnaires de l’État. Ce serment de fidélité au Führer perturbait la conscience de nombreux catholiques qui y voyaient un changement de convictions religieuses. Ce serment devait être prêté « sans réserves et sans restrictions »[40]. Les évêques précisent : « Le chrétien catholique n’a pas besoin de ces réserves et restrictions. Car c’est et ce fut de tout temps la doctrine catholique qu’un serment, en tant qu’il est un acte solennel de respect envers Dieu, ne peut contenir rien qui soit en contradiction avec les devoirs envers Dieu et la fidélité due à la vérité. Une obligation qui, d’après la doctrine de la foi et des mœurs catholiques, est en contradiction avec les lois de Dieu, ne peut pas être l’objet d’un serment. En contradiction avec le respect dû à Dieu, elle ne peut faire l’objet d’un serment. Telle est la doctrine catholique que l’Église a le droit de proclamer en vertu de sa mission divine, droit qui lui est aussi reconnu dans le Concordat du Reich. »⁠[41]

En 1935 toujours, « l’agression fasciste contre l’Abyssinie suscita l’irritation de Pie XI qui exprima son désaccord de manière voilée le 27 août 1935 à l’occasion d’un discours devant le congrès international des infirmières catholiques. le journal intime de Mgr Tardini, à cette époque substitut de la Secrétairerie d’État pour les affaires ordinaires, nous apprend que le texte publié par l’Osservatore romano, avait en réalité fortement atténué les propos originaux du pape, à l’initiative de Mgr Pizzardo, chargé des affaires ecclésiastiques extraordinaires (c’est-à-dire extérieures) qui craignait des réactions du gouvernement fasciste italien. Selon le témoignage de Tardini, Pie XI accepta à contrecœur la formulation alambiquée choisie pour la publication, non sans répéter à ses collaborateurs qu’à ses yeux cette guerre était injuste car le fait de se trouver à l’étroit chez soi ne donnait pas à un peuple le droit d’aller s’installer chez son voisin. »[42]

A partir de 1936, la Documentation catholique va publier des dossiers reprenant, à partir du 1er janvier 1935, presque au jour le jour « les principaux faits et gestes dont les catholiques allemands ont été tantôt les auteurs et tantôt les victimes »[43] .

Le 21 mai 1936, les évêques des Pays-Bas déclarent « que ceux qui, à un degré important, accordent leur appui [au parti national-socialiste] ne peuvent pas être admis à la réception des saints sacrements. »[44]

Le14 mars 1937, paraît l’encyclique Mit brennender Sorge[45] après avoir vainement essayé toutes les voies de la persuasion, [Pie XI] se vit de toute évidence aux prises avec les violations délibérées d’un pacte officiel et d’une persécution religieuse, dissimulée ou manifeste, mais toujours durement menée, le dimanche de la Passion 1937, dans son encyclique Mit brennender Sorge, il dévoila au regard du monde ce que le national-socialisme était en réalité : l’apostasie orgueilleuse de Jésus-Christ, la négation de sa doctrine et de son œuvre rédemptrice, le culte de la force, l’idolâtrie de la race et du sang, l’oppression de la liberté et de la dignité humaine.
   Comme un coup de trompette qui donne l’alarme, le document pontifical, vigoureux -trop vigoureux, comme le pensait déjà plus d’un- fit sursauter les esprits et les cœurs.
   Beaucoup -même hors des frontières de l’Allemagne- qui, jusqu’alors avaient fermé les yeux sur l’incompatibilité de la conception nationale-socialiste et de la doctrine chrétienne, durent reconnaître et confesser leur erreur.
   Beaucoup, mais pas tous ! d’autres, dans les rangs mêmes des fidèles, étaient trop aveuglés par leurs préjugés ou séduits par l’espoir d’avantages politiques. L’évidence des faits signalés par Notre prédécesseur ne réussit pas à les convaincre, encore moins à les décider à changer de conduite/ Est-ce une simple coïncidence ? Certaines régions, qui furent ensuite les plus durement frappées par le système national-socialiste, furent précisément celles où l’encyclique Mit brennender Sorge avait été le moins ou même n’avait été aucunement entendue.
   Aurait-il été possible alors de freiner une fois pour toutes, par des mesures politiques opportunes et adaptées, le déchaînement de la violence brutale et de mettre le peuple allemand en état de se dégager des tentacules qui l’étreignaient ? Aurait-il été possible d’épargner de cette manière à l’Europe et au monde l’invasion de cette immense marée de sang ? Personne n’oserait se prononcer avec certitude. En tout cas, pourtant, personne ne pourrait reprocher à l’Église de n’avoir pas dénoncé et indiqué à temps le vrai caractère du mouvement national-socialiste et le danger auquel il exposait la civilisation chrétienne. » (Discours au Sacré Collège, 2 juin 1945). ] dont les deux principaux rédacteurs sont le cardinal Pacelli et l’archevêque de Munich von Faulhaber.⁠[46]

Pie XI y explique que l’Église a donné son consentement à la proposition de concordat faite par le gouvernement allemand « en dépit de nombreuses et graves considérations » pour épargner aux « fils et filles d’Allemagne, dans la mesure des possibilités humaines, les angoisses et les souffrances que, dans l’autre hypothèse, les circonstances du temps faisaient prévoir avec pleine certitude. » L’Église, patiente ne voulait pas « risquer d’arracher, avec l’ivraie, quelque plante précieuse ». Mais ce concordat a été unilatéralement trahi par « des intrigues qui, dès le début, ne visaient qu’à une guerre d’extermination. » Force est donc à l’Église de s’opposer « à un parti-pris qui cherche, par l’emploi ouvert ou dissimulé, de la force, à étrangler le droit garanti par les traités. »

Suit une série de condamnations de divers concepts nazis : du panthéisme⁠[47], du paganisme, du « Mythe du sang et de la race », de la divinisation de la race, du peuple, de l’État, de son chef⁠[48], de l’idée d’une religion et d’une église nationales qui tentent d’emprisonner Dieu « dans les frontières d’un seul peuple, dans l’étroitesse de la communauté de sang d’une seule race. » Une nouvelle Église se construit par la persécution des fidèles or une « Église nationale allemande […] n’est autre chose qu’un reniement de l’unique Église du Christ, l’évidente trahison de cette mission d’évangélisation universelle à la quelle, seule, une Église mondiale peut suffire et s’adapter. » Cette Église manipule et détourne le langage religieux : la révélation ne peut s’identifier  aux « suggestions  du sang et de la race », ni la foi n’être que « la joyeuse et fière confiance dans l’avenir de son peuple ». L’immortalité n’est pas « la continuation ici-bas de la vie collective dans la durée de son peuple ». Quant à la grâce, elle est rejetée « au nom d’un prétendu caractère allemand ». Le Saint Père s’insurge aussi contre les railleries dont sont l’objet, le péché originel, la Croix du Christ ou encore l’humilité.

Le pape dénonce comme blasphème la volonté de « voir bannies de l’Église et de l’école l’histoire et la sagesse des doctrines de l’Ancien testament ». Il rappelle que l’Église ne fait pas de discrimination entre les peuples, les ethnies, qu’elle est plus sensible à « la richesse de la variété » qu’au « péril des divergences ». Sont condamnées enfin « des lois humaines qui sont en contradiction insoluble avec le droit naturel ». Réduire le droit à « l’utilité du peuple », c’est décréter « l’état de guerre » dans la vie internationale et, dans la vie nationale, récuser « le fait fondamental que l’homme, en tant que personne, possède des droits qu’il tient de Dieu et qui doivent demeurer vis-à-vis de la collectivité hors de toute atteinte qui tendrait à les nier, à les abolir ou à les négliger. »

Le pape plaide donc pour le droit à liberté religieuse⁠[49], pour le droit des parents « à régler l’éducation des enfants »[50] face à « l’iniquité des mesures de contrainte ».

Il invite, en conséquence, les chrétiens à la cohérence, au « courage héroïque », « à la défense courageuse de la vérité et à sa franche application à la réalité », « à dévoiler et à réfuter l’erreur ». Chaque chrétien  a le « devoir de dégager nettement sa responsabilité de celle du camp adverse, de libérer sa conscience de toute coopération coupable à une telle machination et à une telle corruption. » Il doit « opposer à la force matérielle des oppresseurs de l’Église l’intrépidité d’une foi profonde, la fermeté inébranlable d’une espérance sûre de l’éternité, l’irrésistible puissance d’une charité agissante. »

« Une chrétienté ayant repris conscience d’elle-même dans tous ses membres, rejetant tout partage, tout compromis avec l’esprit du monde, prenant au sérieux les commandements de Dieu et de l’Église, se conservant dans l’amour de Dieu et l’efficace amour du prochain, pourra et devra être pour le monde, malade à mort, mais qui cherche qu’on le soutienne, et qu’on lui indique sa route, un modèle et un guide, si l’on ne veut qu’une indicible catastrophe, un écroulement dépassant toute imagination ne fonde sur lui. »[51]

En mai 1937, l’archevêque Groeber de Fribourg dénonce l’utilisation perverse faite par le régime de certains procès contre des prêtres accusés d’immoralité.⁠[52]

Le 15 septembre 1937, l’Osservatore romano analyse le IXe Congrès de Nuremberg (7-13 septembre 1937) et dénonce son anti-christianisme. Il conclut : « qui pourrait garantir aux maîtres actuels de l’Allemagne que la semence de haine et de dénigrement de toute chose sacrée qui monte toujours plus en puissance sous les yeux des autorités, ne produira pas aussi en terre allemande des fruits qui doivent inspirer l’épouvante à tout véritable ami du peuple allemand et de son avenir. »[53]

A l’occasion des Vœux de Noël et de Nouvel An, en décembre 1937⁠[54], Pie XI déclare : « Il y a en fait la persécution en Allemagne. Depuis longtemps, on et on fait croire qu’il n’y a pas de persécution. Nous, Nous savons au contraire qu’elle existe, et que c’est une persécution grave et même comme il y en a rarement eu d’aussi terrible et pénible, d’aussi triste dans ses conséquences les plus profondes. C’est une persécution à laquelle ne manquent ni la prépondérance de la violence, ni la pression de la menace, ni les tromperies de l’astuce et de la fiction. » Il dénonce les calomnies contre sa personne et contre les évêques accusés de répandre une religion non catholique mais politique. A quoi le pape répond en disant « Nous ne faisons pas de politique […] Nous faisons de la religion et […] Nous ne voulons rien faire d’autre. […] Nous voulons ensuite que même dans la vie civique, dans la vie humaine et sociale, soient toujours respectés les droits de Dieu, qui sont aussi les droits des âmes. »

Le Saint-Office ne reste pas inactif : tous les livres d’Ernest Bergman sont condamnés par le Décret du 25 novembre 1937. Sont aussi condamnés, les livres de Raoul Françè (Décret du 30 décembre 1937), un « Sénèque raciste » dira l’Osservatore romano (10-11 janvier 1938). Sont condamnés ensuite les livres de Gustave Mensching, « partisan des courants religieux unitaires du troisième Reich » (Décret du 22 janvier 1938).

Le 12 mars 1938 a lieu l’Anschluss, le rattachement de l’Autriche à l’Allemagne. Le 10 avril, un referendum entérinait cette annexion à la grande satisfaction des catholiques. Ici aussi Franz von Papen joua un rôle important. Ambassadeur à Vienne depuis 1934, en excellente relation avec le cardinal Theodor Innitzer archevêque de Vienne, il « avait dit et redit que l’Anschluss serait le meilleur moyen de mettre fin à la persécution qui sévit en Allemagne contre le catholicisme et de faire reculer le racisme dans le parti national-socialiste lui-même. » ⁠[55] Le cardinal Innitzer⁠[56]. En signe de protestation, le 7 octobre 1938, à l’appel d’Innitzer, des milliers de jeunes gens viennent se rassembler pour prier et méditer dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Dans son sermon, le cardinal affirme alors : « Il n’y a qu’un seul guide (Führer en allemand): Jésus Christ. » Le lendemain, une centaine de nazis envahissent et saccagent la résidence de l’archevêque. (Wikipedia) ] suivi par presque la totalité des catholiques autrichiens acceptèrent avec enthousiasme mais très vite ils déchantèrent devant la persécution qui s’installa immédiatement comme en Allemagne.⁠[57]

Le 13 avril 1938, La Sacrée congrégation des séminaires et universités publie à la demande de Pie XI un Syllabus condamnant les théories racistes qui est adressé aux établissements catholiques du monde entier. Il est déclaré dans le préambule que « les maîtres devront s’appliquer de tous leurs moyens, à emprunter à la biologie, à l’histoire, à la philosophie, à l’apologétique, aux sciences juridiques et morales, des armes pour réfuter avec solidité et compétence les assertions insoutenables qui suivent :

l°) Les races humaines, par leurs caractères naturels et immuables, sont tellement différentes que la plus humble d’entre elles est plus loin de la plus élevée que de l’espèce animale la plus haute.
2°) Il faut, par tous les moyens, conserver et cultiver la vigueur de la race et la pureté du sang ; tout ce qui conduit à ce résultat est, par le fait même honnête et permis.

3°) C’est du sang, siège des caractères de la race, que toutes les qualités intellectuelles et morales de l’homme dérivent comme de leur source principale.

4°) Le but essentiel de l’éducation est de développer les caractères de la race et d’enflammer les esprits d’un amour brûlant de leur propre race comme du bien suprême.

5°) La religion est soumise à la loi de la race et doit lui être adaptée.

6°) La source première et la règle suprême de tout l’ordre juridique est l’instinct racial.
7°) Il n’existe que le Cosmos ou l’Univers être vivant ; toutes les choses, y compris l’homme, ne sont que les formes diverses s’amplifiant au cours des âges de l’universel vivant.

8°) Chaque homme n’existe que par l’État et pour l’État. Tout ce qu’il possède de droit dérive uniquement d’une concession de l’État.

A ces propositions si détestables, on pourra d’ailleurs en ajouter facilement d’autres. »[58]

Chacune de ces propositions condamnées correspond à une thèse défendue par Hitler dans Mein Kampf ou dans son Discours devant le Reichstag du 30 janvier 1937 ou encore par Rosenberg dans le Mythe du Vingtième siècle.⁠[59]

Le 30 avril 1938, Pie XI prenait ses quartiers d’été, comme d’habitude, à Castel-Gandolfo. Or, le 3 mai, Hitler arrivait à Rome, le jour même où l’Église fête l’Invention de la vraie Croix⁠[60]. L’Osservatore romano (2 mai) précise que le pape quitte Rome non « par mesquine diplomatie, mais simplement parce que l’air de Castel-Gandolfo lui fait du bien tandis que celui d’ici lui fait mal. » On glosa évidemment sur cet air mauvais de Rome. On constata que les musées du Vatican furent fermés durant toute la visite d’Adolf Hitler, que le nonce accrédité auprès du roi d’Italie était absent aux réceptions, que l’Osservatore romano ne publia pas un mot sur cette visite, le Pape quant à lui avait interdit aux institutions religieuses d’arborer la croix gammée comme le prescrivaient les autorités italiennes. Enfin, le 4 mai, le Pape déclarait devant une assemblée venue le saluer : « De tristes choses se produisent, de tristes choses, de loin et de près. Et parmi ces tristes choses, il y a celle-ci : à savoir qu’on ne trouve pas qu’il soit trop déplacé ni intempestif de dresser à Rome, le jour de la sainte Croix, l’insigne d’une autre croix qui n’est pas la Croix du Christ. C’est faire assez comprendre jusqu’à quel point il est nécessaire de prier, prier, prier, afin que la miséricorde de Dieu soit faite et descende elle aussi dans toute son étendue. Nous sommes en vérité les premiers à avoir besoin de cette infinie miséricorde qui s’est étendue, dès le principe, jusqu’à ceux qui crucifièrent Notre-Seigneur. »[61]

Le 14 juillet 1938, d’éminents ( ?) universitaires fascistes publiaient un manifeste raciste, explicitement antisémite reproduit et salué par la presse.⁠[62] Un éminent jésuite y répondit dans deux numéros de la Civiltà Cattolica (16 juillet et 6 août), reproduits dans l’Osservatore romano des 21 juillet et 13 août sous le titre « Autour de la nationalité ». Les conclusions de ce long article scientifiquement rigoureux sont courageuses, vu le contexte, et sans équivoque : « … étant donné une telle incertitude, une telle obscurité, aussi absolue, dans le concept de race, il est non seulement antiscientifique, mais tout à fait monstrueusement illogique de vouloir fonder sur lui une théorie quelconque sur la nation. Bien que les fanatismes idéologiques puissent violenter les données de la science et de l’histoire, tout homme de bon sens ne pourra faire moins que de repousser dédaigneusement ces acrobaties de la pensée, véritables aberrations mentales collectives. L’honneur de la science et de l’humanité réclame qu’une bonne fois on relègue parmi les rebuts de telles conceptions arbitraires, qui n’ont aucun fondement sérieux.[…]…ni la race, ni la langue, ni la religion, ni le territoire, ne constituent l’essence de la nation, et, […]en conséquence, celle-ci doit être recherchée dans quelque autre élément, qui ramène à l’unité les individus marqués par tous ces caractères distinctifs. »[63]

Le 15 juillet 1938, Pie XI condamne de nouveau le « nationalisme exagéré » comme « contraire à l’esprit du Credo », « contraire à la foi », contraire à la catholicité de l’Église.⁠[64]

A cela, on peut ajouter son Discours aux assistants ecclésiastiques de la jeunesse italienne de l’Action catholique du 21-7-1938, où Pie XI réaffirme l’unité du genre humain et condamne le nationalisme, le racisme, le séparatisme : « il y a quelque chose de bien pire que l’une ou l’autre formule de racisme et de nationalisme : l’esprit qui les dicte. Il faut dire, en effet, qu’il y a quelque chose de particulièrement détestable, c’est cet esprit de séparatisme, de nationalisme exagéré qui, précisément, par ce qu’il n’est pas chrétien, parce qu’il n’est pas religieux, finit par n’être même pas humain. »

Huit jours plus tard, le 28 juillet 1938, devant les élèves du Collège pontifical urbain de la Propagande, jeunes clercs de 37 nations différentes, il reprend le thème et l’amplifie dans un discours « violemment antiraciste » écrira le ministre Ciano le 30, dans son Diario. Pie XI rappelle que « catholique veut dire universel, non raciste, non nationaliste, au sens séparatiste de ces deux attributs. […] Nous ne voulons rien séparer dans la famille humaine ; car Nous considérons ici -c’est clair- le racisme et le nationalisme exagéré, ainsi qu’on en parle communément, c’est-à-dire comme des barrières élevées entre hommes et hommes, entre peuples et peuples. » S’attardant ensuite au mot race que certains estiment plus approprié pour parler des animaux, le Pape nuance : « De même que l’on dit genre, on peut dire race ; et l’on doit dire que les hommes sont avant tout un grand et seul genre, une grande et seule famille d’êtres vivants, engendrés et générateurs. Ainsi le genre humain est une seule race, universelle « catholique ».

On ne peut toutefois nier que dans cette race universelle il y ait place pour les races spéciales, comme pour tant de variations diverses, comme pour beaucoup de nationalités qui sont encore plus spécialisées. Et de même que dans les vastes compositions musicales il y a de grandes variations dans lesquelles, toutefois, l’on voit le même motif général qui les inspire revenir souvent, mais avec des tonalités, des intonations, des expressions diverses, de même dans le genre humain, il existe une seule grande race humaine universelle, catholique, une seule grande et universelle famille, et, avec elle, en elle, des variations diverses. »[65]

Continuant à jouer avec les mots, et prenant en exemple ces jeunes clercs de la « Propagande », appartenant à 37 nations différentes, Pie XI évoque alors « la vraie juste et saine pratique d’un racisme répondant à la dignité et à la réalité humaines ; car la réalité humaine c’est d’être des hommes et non des bêtes sauvages, des existences quelconques ; la dignité humaine, c’est d’être une seule et grande famille, le genre humain, la race humaine. […] voici ce qu’et pour l’Église le vrai racisme, le racisme proprement dit, le racisme sain, digne de chacun des hommes dans leur grande collectivité. Tous de même, tous faisant l’objet de la même affection universelle, tous appelés à la même lumière de vérité, de bien, de charité chrétienne ; appelés à être tous dans leur propre pays, dans les nationalités particulières de chacun, dans la race particulière, les propagateurs de cette idée si grande et si magnifiquement maternelle, humaine, avant même d’être chrétienne. »[66]

Le 28 août 1938 est rendue publique une lettre pastorale de l’épiscopat allemand⁠[67] qui prend la défense du pape et se livre à une longue critique sans concession du régime et de son idéologie. Sont dénoncées non seulement les attaques contre le Pape mais aussi les entraves à la vie catholiques, la volonté d’expulser la religion de l’espace public, la manipulation de l’histoire, le pacte secret que l’Église entretiendrait avec le communisme, les encouragements aux apostasies, l’accusation d’incivisme catholique. Les évêques montrent en fait que le régime « a déclaré aux religions une guerre d’extermination parce que l’on soutient qu’elles créent une fissure dans l’âme de la nation allemande et qu’elles tendent à diminuer les forces mêmes de la patrie. »[68] Et les évêques ajoutent : « Cela ne peut être que la pensée d’un insensé, qui ne connaît pas l’histoire du christianisme ni sa lumière et sa chaleur -lesquelles demeurent intégralement,- et qui ignore la tendance innée de l’homme vers la Vérité dernière et la paix intime. » Un « novateur » a imaginé un « Dieu allemand » qui n’est pas le Dieu créateur, personnel et supraterrestre. Dès lors, « la spiritualité et l’au-delà sont un fantôme ». Finalement, cette nouvelle religion ouvre la porte au naturalisme et à l’athéisme. Et de se poser la question : « L’Allemagne est-elle donc en sûreté en face des cavaliers de l’Apocalypse ? »[69]

Il condamne de nouveau l’antisémitisme dans son Discours aux pèlerins rassemblés par la Radio catholique belge, le 6-9-1938. Après avoir lu, dans un missel offert par la délégation belge, la prière eucharistique « Et comme il t’a plu d’accueillir les présents d’Abel le Juste, le sacrifice de notre père Abraham, et celui que t’offrit Melchisédech ton grand prêtre, en signe du sacrifice parfait, regarde cette offrande avec amour, et dans ta bienveillance, accepte-la », le Pape avoue : « L’antisémitisme n’est pas compatible avec la pensée et la réalité sublimes qui sont exprimées dans ce texte. C’est un mouvement antipathique, un mouvement auquel nous ne pouvons, nous chrétiens, avoir aucune part. »[70] « La promesse a été faite à Abraham et à sa descendance. Le texte ne dit pas, remarque saint Paul, in seminibus tamquam in pluribus, sed in semine, tamquam in uno, quod est Christus. La promesse se réalise dans le Christ et par le Christ en nous qui sommes les membres de son Corps mystique. Par le Christ et dans le Christ, nous sommes de la descendance spirituelle d’Abraham.

Non, il n’est pas possible aux chrétiens de participer à l’antisémitisme. Nous reconnaissons à quiconque le droit de se défendre, de prendre les moyens de se protéger contre tout ce qui menace ses intérêts légitimes. Mais l’antisémitisme est inadmissible. Nous sommes spirituellement des sémites. »[71]

Le 20 octobre 1938, recevant les membres d’un Congrès international d’archéologie chrétienne, le pape dénonce à nouveau et avec violence les persécutions en Allemagne et en Autriche en évoquant Julien l’Apostat et Néron. Mais il se montre aussi optimiste en rappelant le sort de Napoléon III, Bismarck et Guillaume II.⁠[72]

Le 20 décembre 1938, la Documentation catholique publie un long dossier intitulé Le mystère du sang dans l’économie du salut.[73] Il s’ouvre avec un important discours du cardinal Van Roey suivi des prises de position des cardinaux Verdier (Paris), Schuster (Milan), Cerejeira (Lisbonne) et Faulhaber (Munich), condamnant le racisme, l’antisémitisme, le totalitarisme.

Le 24 décembre 1938, lors de sa présentation des vœux de Noël et di Nouvel An, Pie XI exprime ses « amères tristesses », les attaques contre l’Action catholique, l’Église et le mariage chrétien en Italie. Il revient sur « la récente apothéose préparée dans cette Rome même pour une croix ennemie de la Croix du Christ, à cette blessure portée au Concordat », sans égards, ajoute-t-il, pour ses « cheveux blancs ». ⁠[74]

Le 10 février 1939, Pie XI devait prononcer un discours devant les évêques d’Italie. Pie XI ne le prononça pas car la mort le saisit  alors qu’« il était encore en train d’écrire les mots de son discours par lesquels il prenait congé de ses évêques d’Italie »[75]. Toutefois, le 26 janvier 1959, Jean XXIII révéla, quelques extraits de ce message. Notamment ces « lignes pleines d’enseignements utiles pour tous les temps » :

« Ce que Nous estimons devoir dire à vous et de vous, Nous devons le dire d’abord à Nous-même et de Nous-même.

Vous savez, très chers et vénérables Frères, comment souvent on traite la parole du pape. On s’occupe de Nous et non seulement en Italie, de Nos allocutions, de Nos audiences, le plus souvent pour en altérer le sens et même en inventant du commencement à la fin, pour Nous faire dire des sottises et des absurdités. Il y a une presse qui peut tout dire contre Nous et Nos affaires, même en rappelant et en interprétant faussement et perversement l’histoire proche et lointaine de l’Église, jusqu’à nier opiniâtrement toute persécution en Allemagne, négation qu’accompagne l’accumulation fausse et calomnieuse de politique, comme la ; persécution de Néron s’accompagnait de l’accusation de l’incendie de Rome. Et on laisse dire, puisque’ notre presse ne peut même pas contredire ou rectifier.

Vous ne pouvez vous attendre à ce que votre parole soit mieux traitée, même quand il s’agit de la parole des pasteurs sacrés divinement établis, parole prêchée ou écrite ou imprimée, pour éclairer, avertir, sauver les âmes.

Prenez garde, très chers Frères dans le Christ, et n’oubliez pas que bien souvent il y a des observateurs et des délateurs (dites des espions et vous direz la vérité) qui, par zèle ou pour avoir été chargés, vous écoutent pour vous dénoncer sans avoir compris rien de rien ; cela va sans dire, ou en ayant compris, au besoin, tout le contraire : tout en ayant en leur faveur (il faut s’en souvenir comme Notre-Seigneur pour ses bourreaux) la grande, la souveraine excuse de l’ignorance.

Bien pire encore quand cette excuse doit faire place à cette circonstance aggravante de la folle présomption de celui qui croit et dit tout savoir, alors qu’évidemment il ne sait même pas ce qu’est l’Église, ce qu’est le pape, ce qu’est un évêque, ce qu’est le lien de foi et de charité qui nous unit tous dans l’amour et le service de jésus, notre Roi et Seigneur. Il y a malheureusement des pseudo-catholiques qui semblent heureux quand ils croient découvrir une différence, un désaccord, d’après eux (s’entend), entre un évêque et un autre, mieux encore entre un évêque et le Pape. »

Le 10 février 1939, Pie XI meurt donc. De toutes tendances⁠[76] Le pape Pie XI n’avait donc pas changé : son pontificat s’achevait comme il avait commencé. Alors pourquoi était-il dénoncé par les dictatures totalitaires ? Pourquoi la presse allemande imprime-t-elle qu’avec lui le plus dangereux adversaire du nazisme disparaît ? Pourquoi lui-même, au cours de ces dernières années, avait-il pris contre le nazisme hitlérien une position de combat ?
   Il avait charge d’âmes. Il avait dû défendre l’Église catholique et romaine contre la persécution matérielle. Il avait dû préserver le dogme chrétien, la pensée chrétienne contre cet incroyable retour de paganisme élémentaire qui restera une des stupeurs des historiens d e l’avenir. Tout cela est clair, tout cela est vrai. Mais en agissant comme il l’a fait, le pape Pie XI prenait aussi la défense de cette cause de la paix qui restait à ses yeux primordiale, car il avait compris que le racisme hitlérien, comme aussi le fascisme mussolinien, constituent contre la paix des menaces permanentes et, si je puis dire, des dangers organiques.
   La cause de la paix est inséparable de la cause de la liberté, de l’égalité entre les hommes. Le despotisme absolu d’un homme trouble la paix. L’oppression dirigée contre une catégorie d’hommes en raison de leurs opinions ou de leur origine trouble la paix. La négation des vertus morales et des « valeurs » spirituelles trouble la paix. La résolution proclamée d’user de la force pour satisfaire aux besoins ou aux appétits nationaux, la préparation systématique du recours à la force troublent la paix. L’idolâtrie organisée autour des hommes qui détiennent la force trouble la paix. Un grand Pape pacificateur a donc pu, a donc dû considérer comme son devoir -comme son devoir envers la paix- de borner ou de combattre l’ambition des puissances racistes, la propagation des théories racistes dans le monde. Voilà en quoi l’effort serein et magnifique du pape Pie XI a pu converger avec l’effort des grandes démocraties universelles. Voilà pourquoi quelque chose de plus que le respect dû à son grand rôle et à son grand courage nous incline devant son cercueil. » (Cf. D.C. n° 892, 5 mars 1939, col. 335-336). Il est sûr que, jusqu’au dernier instant de sa vie intellectuelle, Pie XI fut obsédé par la paix. Son dernier discours jamais prononcé (cf. plus haut), se termine par une invocation ou plutôt une « exultation » des « ossements glorieux » des apôtres venus fonder à Rome l’Église universelle : « Prophétisez, ossements chers et vénérés, la venue ou le retour à la religion du Christ de tous les peuples, de toutes les nations, de toutes les races, toutes unies et devenus consanguines dans le lien commun de la grande famille humaine. Prophétisez, enfin, ossements des apôtres, l’ordre la tranquillité, la paix, la paix pour tout ce monde, qui, tout en semblant pris d’une folie d’homicide et de suicide des armements, veut la paix, à tout prix, et, avec Nous, l’implore du Dieu de la paix et a confiance de l’obtenir. » ], les autorités des différents pays et la presse du monde entier, à l’exception de l’URSS qui ne fit aucun commentaire, saluèrent le « pape de la paix ». C’est l’expression qui revint le plus souvent. Il convient de mettre en exergue la réaction des autorités israélites qui virent en lui un défenseur face au racisme et à l’antisémitisme.⁠[77]

Le 2 mars 1939, Pie XII est élu Pape. Le 19 mars, Mgr Kerkhofs, évêque de Liège, fait lire, dans les églises des cantons de l’Est, un mandement condamnant le racisme et le national-socialisme, « des hérésies extrêmement dangereuses ». Il se réfère à l’encyclique Mit brennender Sorge mais aussi à un sermon de l’évêque italien de Cremone qui résume très bien les causes de la condamnation : « La condamnation de la chimère racique allemande intervient parce qu’il s’agit d’un système proprement religieux -philosophique qui nie en principe la foi catholique et la civilisation chrétienne. Ce système matérialiste voit dans le sang les causes initiales dirigeantes pour la vie spirituelle. Il nie tout ordre surnaturel, l’unité d’origine de la race humaine, le péché originel, la Rédemption et la divinité du Christ. Il nie l’existence d’un Dieu personnel et la fondation de l’Église et ne conçoit l’immortalité que dans la survivance racique du sang dans les générations qui se suivent. »[78]


1. DESMURS Ferdinand, Pie XI, le pape qui ordonna le ralliement à Hitler, Golias, 2008. Il est piquant, en revoyant les textes de l’époque, que les nazis accusaient, de leur côté, le pape d’être l’ « allié de Moscou » (Cf. Discours du cardinal Faulhaber, archevêque de Munich à l’occasion de l’anniversaire du couronnement de Pie XI, le 12 février 1938, in DC, n° 869, 5 avril 1938, col. 394-404). Le cardinal Verdier, archevêque de Paris, lui aussi est considéré comme un « allié de Staline ». (Cf. DC, n° 869, 5 avril 1938, col. 402-403)
2. Le Saint-Office apporte cette précision pour qu’on ne comprenne pas mal la dissolution que le décret annonce de l’association Amici Israël. Cette association fondée à Rome en 1926 rassemblait des cardinaux, archevêques, évêques et prêtres qui voulaient se consacrer à la conversion des Juifs. Cette dissolution fut motivée par une publication contenant des suggestions contraires au sensu Ecclesiae et non par antisémitisme donc. En effet, précise encore le texte, « la Sainte Église catholique a toujours prié pour le peuple juif qui était jusqu’au temps du Christ le dépositaire des promesses divines. Elle n’a jamais cessé de faire cela, malgré l’aveuglement obstiné duquel ce peuple était affecté, ou plutôt à cause de cet aveuglement. Dans le même sentiment de charité, le Saint-Siège apostolique a protégé le peuple juif contre les persécutions injustes dont il était l’objet. »
3. Le Saint Père recommande encore : « Les Missions et les missionnaires doivent s’occuper par-dessus tout et uniquement des choses de Dieu. […] Personne ne peut servir deux maîtres. Toutes les Missions et tous les missionnaires doivent se proposer toujours comme but l’union des pensées, l’union des cœurs, l’union des volontés, afin que cette union des sentiments puisse produire l’union des œuvres, dans laquelle se trouve le secret de tout succès. » (in DC, 233, n° 505, col. 259).
4. 1871-1935.
5. Le Programme en 25 points est le nom du programme politique du Parti ouvrier allemand national-socialiste qui a été proclamé le 24 février 1920 à Munich par Adolf Hitler. Le point 24 stipule : « Nous exigeons la liberté au sein de l’État de toutes les confessions religieuses, dans la mesure où elles ne mettent pas en danger son existence ou n’offensent pas le sentiment moral de la race germanique. Le Parti en tant que tel défend le point de vue d’un christianisme positif, sans toutefois se lier à une confession précise. Il combat l’esprit judéo-matérialiste à l’intérieur et à l’extérieur, et est convaincu qu’un rétablissement durable de notre peuple ne peut réussir que de l’intérieur, sur la base du principe : l’intérêt général passe avant l’intérêt particulier. »
6. Gottfried Feder (1883 –http://fr.wikipedia.org/wiki/1941[1941
7. Cité in SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 97-98.
8. On peut citer, en exemple, la lettre pastorale de l’épiscopat bavarois du 11 février 1931 : « Le national-socialisme contient des hérésies dans son programme culturel parce qu’il rejette ou interprète de façon erronée des points doctrinaux essentiels de la foi catholique et parce qu’il veut, d’après les déclarations de ses chefs, remplacer la foi chrétienne par une nouvelle conception du monde. Des représentants dirigeants du national-socialisme mettent la race au-dessus de la religion. Ils rejettent les révélations de l’Ancien Testament et même le décalogue mosaïque. Ils prennent position contre la primauté du pape romain, parce qu’il est, disent-ils, un dignitaire étranger, et ils jouent avec l’idée d’une Église nationale allemande. Selon le paragraphe 24 du programme national-socialiste, la loi morale chrétienne, qui est pourtant éternellement valable, doit se modeler sur le sentiment moral de la race germanique. Les conceptions du droit de la révolution, pourvu qu’elle soit couronnée de succès, et de la primauté de la force devant le droit sont incompatibles avec la sociologie chrétienne. Des manifestations du parti et des chefs du parti, on peut constater ceci : ce que le national-socialisme appelle christianisme n’est pas le christianisme du Christ. » (Cité in SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 98-99)
9. Cf. Documentation catholique, n° 649, 11 mars 1933, col. 579-597.
10. Expression créée, pour certains, par John Ruskin, écrivain et peintre anglais, 1819-1900, pour d’autres par le philosophe moraliste Thomas Carlyle (1705-1881), il est, en tout cas, repris par Richard Wagner (1813-1883) dans ses écrits antisémites : « Le mammonisme provient d’une déficience morale et d’un manque d’amour, ces deux lacunes étant archétypiquement juives ». (Cf. « The noble antisemitism of Richard Wagner », in The Historical Journal, 25-3-1982, pp.751-763.) Le mammonisme, qui renvoie au « culte du veau d’or », est une métonymie de la cupidité attribuée aux juifs. L’expression est reprise par Adolf Hitler, à partir de 1922 au moins. Elle circule de nos jours comme un code dans les milieux antisémites. (Cf. PELLETIER Philippe, Interrogations sur le concept de décroissance, sur le site des Forums creusois, 15-2-2010.
11. Vainqueur des élections, Hitler, le 21 mars 1933 au Reichstag de Postdam présente son programme et, en fin de discours, demande les pleins pouvoirs en menaçant : le gouvernement « offre aux partis du Reichstag la possibilité d’un développement pacifique de l’Allemagne qui mènerait dans l’avenir à une entente générale des partis, mais, d’autre part, il n’hésitera pas à faire front à un refus signifiant la résistance. A vous, Messieurs les députés, de décider entre la paix et la guerre. » A un député social-démocrate qui conteste le programme de politique intérieure tel qu’il a été présenté, Hitler répond : « Nous aurions pu nous passer des élections et nous aurions pu ne pas convoquer le Reichstag. […] C’est uniquement parce que nous considérons l’Allemagne et sa misère et les nécessités de la vie nationale qu’en cette heure nous faisons appel au Reichstag allemand pour obtenir ce que nous aurions pu prendre sans cela. » (DC, n°658, 13 mai 1933, col. 1178-1179.)
12. Cf. DC, n° 652, 1er avril 1933, col. 781-790.
13. Voir le dossier publié dans DC, n° 656, 29 avril 1933 , col. 1025-1063.
14. Voir le dossier publié dans DC, n° 658, 13 mai 1933, col. 1155-1216.
15. OR, 3-4 avril 1933.
16. 1879-1969. Ce militaire et homme politique fit partie du Zentrum catholique. Il fut chancelier du président Hindenbourg de juin à décembre 1932. Le cabinet qu’il forma s’efforça d’inclure les nazis mais l’agitation nazie et communiste le força à abandonner son poste. Néanmoins, il servit d’intermédiaire entre Hindenbourg et Hitler, persuadé que Hitler chancelier ne présentait pas de risques à condition que lui-même soit vice-chancelier pour surveiller les nazis. C’est ainsi que Hitler accéda au pouvoir le 30 janvier 1933. Bien que vite désillusionné, il aida Hitler dans la négociation du concordat avec Rome (20 juillet 1933). Plusieurs de ses amis et collaborateurs furent assassinés mais il accepta malgré tout d’être ambassadeur à Vienne puis à Ankara. Arrêté à la fin de la guerre, il fut acquitté par le tribunal de Nuremberg mais un tribunal allemand lui infligea quelques mois de travaux forcés dans le cadre de la dénazification. (Mourre)
17. Pie XI avait demandé à Mgr Pacelli, nonce apostolique en Allemagne d’engager des négociations avec la République de Weimar. Mais le gouvernement fédéral ne souhaitait pas entretenir des relations directes avec une religion. En revanche, il permit des négociations au niveau des Länder. En conséquence, des concordats furent signés avec la Bavière (29 mars 1924), la Prusse (24 juin 1929) ou encore le pays de Bade (12 décembre 1932), tous dans des conditions globalement favorables à l’http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_catholique_romaine[Église catholique romaine
18. Entre 1871 et 1880, l’Église catholique fut persécutée au nom de ce principe.(cf. LAUNAY Marcel, La papauté à l’aube du XXe siècle, Cerf, 1997, pp. 36-39).
19. Dans Mit brennender Sorge, Pie XI écrit : « Lorsque, dans l’été de 1933, à la demande du gouvernement du Reich, Nous acceptâmes de reprendre les négociations pour un concordat, sur la base d’un projet élaboré quelques années auparavant, et que nous en vînmes ainsi à un accord solennel qui vous donna satisfaction à tous, vénérables Frères, Nous fûmes poussé par la sollicitude qui s’imposait de sauvegarder la liberté de la mission salutaire de l’Église en Allemagne et d’assurer le salut des âmes qui lui sont confiées, en même temps que par le désir de rendre un service d’intérêt capital à la prospérité pacifique et au bien-être du peuple allemand. Nous avons lutté avec Nous-même avant de finir par décider, malgré de nombreuses et graves préoccupations, de ne pas refuser Notre consentement. […] Nous voulions épargner à Nos fidèles, à Nos fils d’Allemagne, selon les possibilités humaines, les tensions et les tribulations auxquelles il aurait certainement fallu s’attendre en cas contraire, étant données les circonstances du moment, et Nous voulions démontrer à tous par les faits que, cherchant uniquement le Christ et ce qui appartient au Christ, Nous ne refusions à personne, pourvu qu’on ne le repoussât pas, la main de l’Église mère. »
   Von Papen mentait donc lorsque, immédiatement après la signature, il déclara devant l’Association des universitaires catholiques à Maria-Laach, que « le pape, en considération de la lutte du national-socialisme contre le bolchevisme et le mouvement des sans-Dieu, s’est déclaré prêt à soutenir le mouvement national-socialiste. » (Cité par André Saint-Denis, op. cit., p. 103.) Von Papen se faisait des illusions sur son propre pouvoir réel. Il comptait, en août, participer au traditionnel Katholikentag de Munich qui devait être consacré au Concordat dont il avait été un des artisans. Mais le congrès fut annulé par son président, le prince Alois de Löwenstein, les nazis ayant refusé de donner les autorisations nécessaires suite aux refus des responsables du Katholikentag de prêter allégeance à Adolf Hitler (Cf. Thomas Grossmann, Note d’information sur le Katholikentag de Sarrebrück (http://osnabrueck.katholikentag.de/data/text_kt_franz_050815.pdf).
20. Après la guerre, Pie XII expliquera : « Au printemps de 1933, le gouvernement allemand pressa le Saint-Siège de conclure un concordat avec le Reich, idée qui rencontra aussi l’assentiment de l’épiscopat et de la plus grand partie tout au moins des catholiques allemands. En effet, ni les concordats déjà conclus avec quelques États particuliers de l’Allemagne (Länder) ni la Constitution de Weimar ne leur semblaient assurer et garantir suffisamment de respect de leurs convictions, de leur foi, de leurs droits et de leur liberté d’action. Dans de telles conditions, ces garanties ne pouvaient être obtenues qu’au moyen d’un accord, dans la forme solennelle d !un Concordat avec le gouvernement central du Reich. Il faut ajouter qu’après la proposition faite par celui-ci, la responsabilité de toutes les conséquences douloureuses seraient retombées, en cas de refus, sur le Saint-Siège. » (Discours au Sacré Collège, 2 juin 1945).
21. Signalons que le 26 mars 1957, la Cour constitutionnelle fédérale a reconnu la validité de ce concordat toujours en vigueur.
22. Dans un premier temps, l’Église d’Allemagne se réjouit de ce concordat qui semble non seulement mettre fin aux campagnes anti-catholiques mais offrir une assise légale à l’action pastorale de l’Église (Cf. l’important dossier publié par DC, n°672, 7 octobre 1933, col. 451-560 ou encore n° 678, 18 novembre 1933, col. 903-930). Certains même croiront voir dans l’organisation corporative du Reich, des convergences avec les principes décrits par Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno.(cf. Discours du Dr HACKELSBERGER Albert in DC, n° 683, 23 décembre 1933, col. 1233-1247). Le vice-chancelier von Papen lui-même, le 14 janvier 1934, n’hésite pas à saluer « les efforts héroïques du Führer dans le sens catholique » : en ce qui concerne précisément l’encyclique Quadragesimo anno, « il a été réservé au Führer de la nouvelle Allemagne, Adolf Hitler, de mettre les directives en actes en édifiant la société du troisième Reich ». (DC, n° 691, 17 février 1934, col. 418-419). Les chrétiens sociaux d’Autriche répliqueront en dénonçant les erreurs du vice-chancelier qui lui-même prétendait répondre aux critiques des évêques autrichiens. (id., col.416-425).
   Notons que sur le plan politique, Hitler voudra rassurer les grandes puissances sur ses bonnes intentions pacifiques comme en témoigne le Pacte de Rome, pacte d’entente et de collaboration entre le Reich, la Grande-Bretagne, la France et l’Italie, signé le 7 juin 1933. L’Église allemande n’est pas la seule à avoir été dupée. Il n’y a pas que les hommes d’Église à avoir, un temps, très court, cru au respect des accords conclus. Le 1er janvier 1935, devant le corps diplomatique et s’adressant au nonce apostolique qui, dans son discours, s’était inquiété de l’avenir de la paix mondiale, Hitler déclarera : « Nulle part ailleurs le besoin de paix ne peut se faire plus fort qu’en Allemagne […] l’Allemagne sera toujours un garant sûr de la paix.[…] Je ne vois dans les relations entre les peuples, aucun problème qui ne puisse trouver une solution amiable si on le traite avec compréhension. Je ne puis croire que la bonne volonté fasse aujourd’hui défaut dans l’esprit de n’importe quelle autorité responsable de l’étranger. En tout cas, le peuple allemand et son gouvernement sont résolus à contribuer pour leur part à l’établissement de relations entre les peuples qui assurent une collaboration loyale sur la base de l’égalité des droits de tous et qui, seule, puisse garantir le bien-être et le progrès de l’humanité. » (DC, n° 732, 12 janvier 1935, col. 73-74 ; voir aussi le discours d’Hitler du 1er janvier 1936, DC, n° 780, 25 janvier 1936, col. 198)). Le 29 septembre 1938 sont signés les accords de Munich entre la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne. L’annexion du pays des Sudètes (en Tchécoslovaquie) par l’Allemagne est reconnue avec l’espoir ou la certitude que la guerre serait évitée. Dès mars 1939, Hitler viola les accords, « convaincu que les démocraties abdiqueraient de nouveau devant le risque d’une guerre » (Mourre). Le 6 décembre 1938, France et Allemagne signent une déclaration de bonne entente…
   Plus interpellant encore, le 30 janvier 1939, prononce un long discours devant le Reichstag, Hitler dénonce « la presse et la propagande juives » et précise que « seuls ces éléments s’acharnent à espérer une guerre » et déclare : « Mais moi, je crois en une longue paix ». Il se réjouit des bonnes relations avec l’Angleterre et la France, d’avoir à ses frontières des « États neutres, véritablement amis » et de citer, entre autres la Belgique, la Hollande, le Danemark et la Norvège qui seront envahis…(DC n° 895, 20 avril 1939, col. 506-507).
23. La répression nazie ne se fit pas attendre. SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 107-118, dresse la liste des persécutions : écoles catholiques fermées, associations de jeunesse dissoutes, presse catholique muselée ou nazifiée (voir les inquiétudes des évêques allemands, dès 1933 in DC, n° 697, 31 mars 1934, col. 847-863), prêtres et évêques emprisonnés, exilés, diffamés, biens confisqués. Dans son compte-rendu du livre de ZIPPEL Friedrich, Kirchenkampf in Deutschland 1933-1945, W de Gruyter, 1965, François-Georges Dreyfus écrit : « … en même temps que l’État place les Églises sous contrôle, il entreprend une déchristianisation systématique qui s’appuie sur la glorification des traditions religieuses et morales des anciens Germains, popularisées par la plupart des chefs nazis. […
24. Sur les résistances allemandes, on peut se rapporter au site http://resistanceallemande.online.fr/
25. Lettre aux évêques d’Allemagne, 1er novembre 1945.
26. Quant à savoir si Rome devait signer ce Concordat, la réponse de Georges Jarlot est sans ambigüité : « L‘encyclique du 14 mars 1937 apporte la réponse. Il y a continuité de l’un à l’autre document. La solennelle condamnation contenue dans le second n’aurait pas été possible si le premier n’avait pas existé. Ses trente-deux articles, avec le protocole, fournissaient une base, juridiquement incontestable sur laquelle, durant quatre ans, allaient s’appuyer les actes diplomatiques, les protestations écrites et verbales de la secrétairerie d’État contre les atteintes portées aux droits fondamentaux de l’Église d’Allemagne. Et ces documents sont à la source de l’encyclique Mit brennender Sorge : elle en constitue la synthèse. d’où nous pouvons conclure à la nécessité du Concordat. Le Saint-Siège savait en le signant, qu’il serait violé. Mais il prévoyait qu’il serait un prologue de la condamnation du paganisme tyrannique avec lequel il acceptait de traiter. « Nous sommes prêt, avait dit Pie XI, après une incartade de Mussolini, à traiter même avec le diable ». L’encyclique du 14 mars 1937 prouve qu’il avait raison. » (JARLOT Georges, Doctrine pontificale et histoire : Pie XI doctrine et action 1922-1939, Universita Gregoriana Editrice, 1973, pp. 389-390).
   Notons que la presse allemande national-socialiste ou non sera très critique vis-à-vis de concordat signé le 1er mai 1934 entre de Saint-Siège et l’Autriche. Elle estime que la part faite à l’Église catholique est trop belle. (DC, n° 730, 29 décembre 1934, col. 1251-1326).
27. Pie XI, le 27 octobre 1933, recevant l’Association de la jeunesse catholique allemande, exprime son inquiétude pour l’avenir de cette jeunesse et de la religion en Allemagne. (Cf. DC, n° 678, 18 novembre 1933, col. 903-906 ; il reviendra sur le sujet le 4 avril 1934, dans un nouveau discours à la jeunesse catholique allemande, DC, n° 710, 30 juin 1934, col. 1646-1649). Forts de l’existence du concordat, les évêques allemands, dans l’ensemble, se veulent plus optimistes (cf. id. , col. 906-930). Dans une Lettre collective du 21 décembre 1933, les évêques autrichiens rappellent que le concordat « n’est en aucune façon la reconnaissance et l’approbation des erreurs ecclésiastiques et religieuses du national-socialisme ». Ils s’interrogent : « Ce concordat est-il réellement observé et pratiqué et de quelle manière ? C’est là une question dont le Saint-Siège apostolique est juge. Personne n’ignore cependant combien sont tendues les relations entre l’Église et l’État dans l’Empire allemand et quelles sérieuses inquiétudes elles justifient. » Et les évêques autrichiens citent des paroles prononcées par Pie XI le 27 octobre devant les jeunes Allemands, quand il avoue que c’est « une heure très grave pour l’Allemagne » et qu’il confie « ses grandes préoccupations pour la jeunesse allemande, et même […] ses angoisses pour la religion en Allemagne. » Suit la dénonciation de quatre erreurs fondamentales du national-socialisme : le racisme (et la stérilisation qu’il entraîne), l’antisémitisme, le nationalisme et l’idée d’une Église nationale. ( DC, n° 691, 17 février 1934, col. 407-409).
28. Cf. DC, n° 674, 21 octobre 1933, col.673-9-699 et n° 676, 4 novembre 1933, col. 817-828.
29. Se marient parfaitement racisme et anti-christianisme comme en témoignent ces extraits de Mein Kampf (texte disponible sur www.radioislam.org):
   « Un État raciste doit donc, avant tout, faire sortir le mariage de l’abaissement où l’a plongé une continuelle adultération de la race et lui rendre la sainteté d’une institution, destinée à créer des êtres à l’image du Seigneur et non des monstres qui tiennent le milieu entre l’homme et le singe » (p. 210)
   « Il est tout à fait conforme à la ligne de conduite actuelle de nos Églises qu’elles pèchent contre le respect dû à l’homme, image du Seigneur, ressemblance sur laquelle elles insistent tant ; elles parlent toujours de l’Esprit et laissent déchoir au rang de prolétaire dégénéré le réceptacle de l’Esprit. Puis on s’étonne avec un air stupide du peu d’influence qu’a la foi chrétienne dans son propre pays, de l’épouvantable « irréligion » de cette misérable canaille dégradée physiquement et dont le moral est naturellement tout aussi gâté ; et l’on se dédommage en prêchant avec succès la doctrine évangélique aux Hottentots et aux Cafres. Tandis que nos peuples d’Europe, à la plus grande louange et gloire de Dieu, sont rongés d’une lèpre morale et physique, le pieux missionnaire s’en va dans l’Afrique centrale et fonde des missions pour les nègres, jusqu’à ce que notre « civilisation supérieure » ait fait de ces hommes sains, bien que primitifs et arriérés, une engeance de mulâtres fainéants. Nos deux confessions chrétiennes répondraient bien mieux aux plus nobles aspirations humaines si, au lieu d’importuner les nègres avec des missions dont ils ne souhaitent ni ne peuvent comprendre l’enseignement, elles voulaient bien faire comprendre très sérieusement aux habitants de l’Europe que les ménages de mauvaise santé feraient une œuvre bien plus agréable à Dieu, s’ils avaient pitié d’un pauvre petit orphelin sain et robuste et lui tenaient lieu de père et de mère, au lieu de donner la vie à un enfant maladif qui sera pour lui-même et pour les autres une cause de malheur et d’affliction. » (p. 211)
   « De temps en temps, les journaux illustrés mettent sous les yeux de nos bons bourgeois allemands le portrait d’un nègre qui, en tel ou tel endroit, est devenu avocat, professeur, ou pasteur, ou même ténor tenant les premiers rôles ou quelque chose de ce genre. Pendant que nos bourgeois imbéciles admirent les effets miraculeux de ce dressage et sont pénétrés de respect pour les résultats qu’obtient la pédagogie moderne, la Juif rusé y découvre un nouvel argument à l’appui de la théorie qu’il veut enfoncer dans I’esprit des peuples et qui proclame l’égalité des hommes. Cette bourgeoisie en décadence n’a pas le plus léger soupçon du péché qu’on commet ainsi contre la raison ; car c’est une folie criminelle que de dresser un être, qui est par son origine un demi-singe, jusqu’à ce qu’on le prenne pour un avocat, alors que des millions de représentants de la race la plus civilisée doivent végéter dans des situations indignes d’eux. On pèche contre la volonté du Créateur quand on laisse les hommes les mieux doués étouffer par centaines de milliers dans le marais du prolétariat actuel, tandis qu’on dresse des Hottentots et des Cafres à exercer des professions libérales. Car il ne s’agit là que d’un dressage, comme pour un caniche, et non d’une « culture » scientifique. » (p 224)
30. Ce livre défend des thèses qui ne sont pas tout à fait originales. On y retrouve des influences bien connues. Notamment celle de Jean Arthur de Gobineau (1816-1882) et de son Essai sur l’inégalité des races humaines (1853-1855). Ce livre fut traduit en allemand par Ludwig Schemann (1852-link : 1938), disciple de Richard Wagner, d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Schopenhauer[Arthur Schopenhauer
31. En ce qui concerne la condamnation des livres de Rosenberg et de Bergmann, on peut consulter le dossier in DC, n° 694, 10 mars 1934, col. 611-626.
32. DC, n° 715, 1er septembre 1934, col.266-276.
33. DC, n° 726, 1er décembre 1934, col. 995-1005.
34. « Voici que le ciel se couvre de nuages noirs, voici que de sinistres éclairs le sillonnent et déchirent les ténèbres remplissant le cœur des hommes de trouble et d’épouvante […]. Que les peuples s’entre-déchirent de nouveau, que le sang fraternel soit de nouveau répandu, que sur terre, sur mer et dans les airs, tous les moyens soient mis en œuvre pour le massacre et la destruction totale , ce serait un crime si monstrueux et un tel accès de folie que Nous ne croyons pas qu’on puisse en arriver là […]. qu’il se trouve quelqu’un -ce qu’à Dieu ne plaise, et Nous avons confiance que cela n’arrivera pas- qui ose méditer et préparer un tel fléau, Nous ne pourrions Nous empêcher de renouveler avec tristesse au Dieu tout-puissant cette prière : « Seigneur, dissipez les peuples qui veulent la guerre ». (Ps 67, 31). »
35. DC, n° 749, 11 mai 1935, col.1204-1205.
36. Voir DC, n° 762, 14 septembre 1935, col. 323-327.
37. 20 août 1935. Cf. DC, n° 763, 28 septembre 1935, col. 390-401.
38. Voir aussi la Lettre collective de l’épiscopat allemand, 21 avril 1936, in DC, n° 797, 23 mai 1936, col. 1283-1286).
39. Au passage, les évêques repoussent aussi l’accusation qui sera souvent portée contre les catholiques d’être liés aux communistes. (Voir aussi la Lettre collective de l’épiscopat allemand du 20 août 1936 mettant en garde contre le « bolchevisme » et se défendant de tout compromis avec cette idéologie in DC, n° 813, 24 octobre 1936, col. 645-649).
40. Décret du 12 juillet 1935 du ministre du Reich pour la science, l’éducation et la formation nationale. (DC, n° 763, 28 septembre 1935, col. 405).
41. Id.
42. PRUDHOMME Claude, Missions chrétiennes et colonisation, XVE-XXe siècle, Cerf, 2004, pp. 161-162.
43. N° 799, 6 juin 1936, col. 1411-1456 ; n° 807, 22 août 1936, col. 273-310 ; n° 811, 10 octobre 1936, col. 523-568 ; n° 819, 5 décembre 1936, col.1027-1084 ; n° 831, 27 février 1937, col.515-576 ; n° 844, 29 mai 1937, col.1347-1380 ; n° 845, 5 juin 1937, col.1437-1459. Délibérément, la revue utilise peu la presse des catholiques allemands qui ont quitté leur pays, ne traite pas tous les sujets et ne reprend pas non plus toutes les exactions commises par le régime. Néanmoins, l’échantillon relativement volumineux est bien représentatif de la situation de l’Église en Allemagne et susceptible d’éclairer les Allemands réfugiés à l’étranger et ceux qu’ils influencent sur « la juste valeur »  de la conduite de l’Église en Allemagne. Un certain nombre de ces Allemands étaient, en effet, « impatients de voir une action antihitlérienne se déclencher, et déçus dans leur attente de voir se produire des actes à répercussion politique. »
44. DC, n° 801, 20 juin 1936, col.1543.
45. En fait, l’encyclique rédigée en allemand et imprimée dès le 10 mars a été envoyée aux évêques et aux prêtres qui la reçurent le matin même du dimanche des rameaux, jour auquel il était prévu qu’elle fût lue dans les paroisses. Par cette manœuvre discrète, elle échappa en grande partie à la Gestapo et put être lue telle quelle sur le champ.
   Voici comment Pie XII la présente, après la guerre, sa réception et son influence : « Lorsque […
46. d’autres évêques allemands avaient travaillé à la préparation du texte.
47. Le cardinal Cerejeira, patriarche de Lisbonne, explique que « le fond du conflit […] entre l’Allemagne et l’Église est cette lutte profonde de l’État pour s’identifier avec la notion absolue de vérité et de droit. Ses racines cachées se trouvent dans les tendances panthéistes de la philosophie allemande qui identifie Dieu avec l’État. » (Message de Noël 1937, in DC, n° 867, 5 mars 1938, p. 266.) Par la suite, dans cet intéressant message, le prélat dénonce le « césarisme totalitaire », le racisme, le nationalisme et le conservatisme, visant explicitement l’Action française.
48. « Celui qui, dans une sacrilège méconnaissance des différences essentielles entre Dieu et la créature, entre l’Homme-Dieu et les enfants des hommes, ose dresser un mortel, fût-il le plus grand de tous les temps, aux côtés du Christ, bien plus, au-dessus de Lui ou contre Lui, celui-là mérite de s’entendre dire qu’il est un prophète de néant, auquel s’applique le mot effrayant de l’Écriture : Celui qui habite dans les cieux se moque d’eux (Ps 2, 4). »
49. « Le croyant a un droit inaliénable à professer sa foi et à la vivre comme elle veut être vécue ».
50. « Si quelqu’un voulait vous annoncer un Évangile autre que celui que vous avez reçu sur les genoux d’une pieuse mère, des lèvres d’un père croyant, ou par l’enseignement d’un éducateur fidèle à son Dieu et à son Église qu’il soit anathème (Ga 1, 9). »
51. Le gouvernement allemand réagit immédiatement contre ce texte : « l’encyclique contient de sérieuses attaques contre les intérêts de la nation allemande. Elle essaie de diminuer l’autorité du Reich, de nuire aux intérêts de l’Allemagne à l’étranger et avant tout met en danger la paix de la communauté par un appel direct aux catholiques. » (Hans Kerl, ministre des affaires religieuses, 23 mars 1937, cité in CHARGUERAUD Marc-André, Les Papes, Hitler et la Shoah, 1932-1945, Labor et Fides, 2002, pp. 53-58). Le lendemain, L’Humanité titre : « Hitler déclare la guerre aux catholiques. La gestapo a perquisitionné chez Mgr von Preysing, évêque de Berlin. Le Führer interdit aux SS de baptiser leurs enfants. » (24 mars). Pour la presse française d’ailleurs, cette encyclique est une condamnation de l’hitlérisme (Le Figaro, L’Humanité et l’Echo de Paris du 24 mars), du racisme (Le Matin, 24 mars), du nazisme (La Croix et le Populaire du 24 mars). Dès 1937, la persécution des catholiques va s’intensifier : procès contre les congrégations religieuses, perquisitions et saccages dans certains évêchés, 82 établissements d’enseignement catholiques sont fermés, 1.100 prêtres sont emprisonnés. En 1938, 304 d’entre eux sont déportés à Dachau, les organisations catholiques sont dissoutes, l’école confessionnelle interdite. (Cf. CHARGUERAUD Marc-André, op. cit. et BLET P., Pie XII et la seconde guerre mondiale, Perrin, 1997). Dans le n° 869 de la Documentation catholique, déjà cité, on peut lire l’énumération des persécutions, des manipulations dans l’information, la description de la propagande anticatholique par les « affiches murales ».
   On trouvera aussi d’autres réactions nationales-socialistes ou encore françaises et vaticane dans DC n°837-838, 10-17 avril 1937, col.922-936.
52. Cette lettre pastorale a été interdite, diffusée par polycopie puis reproduite par l’agence Kipa (Katholische internationale Presseagentur), à Fribourg (Suisse)
53. DC n° 857, 20 octobre 1937, col. 540-542.
54. Cf.  DC, n° 864, 20 janvier 1938, col. 70-73.
55. Semaine religieuse de Paris, 30 juillet 1938, citée in DC, n° 883, 5 novembre 1938, col. 1301-1304.
56. (1875-1955). En 1938, le cardinal Innitzer soutient publiquement l’link : Anschluss, l’annexion de l’Autriche au Troisième Reich par crainte du bolchevisme soviétique : « Ceux qui ont charge d’âmes et les fidèles, se rangeront sans condition derrière le grand État allemand et le Führer, car la lutte historique contre la criminelle illusion du bolchevisme et pour la sécurité de la vie allemande, pour le travail et le pain, pour la puissance et l’honneur du Reich et pour l’unité de la nation allemande est visiblement accompagnée de la bénédiction de la Providence. » Une grande partie des églises autrichiennes furent immédiatement pavoisées de croix gammées. Dès le 15 mars 1938, Innitzer rencontre personnellement Adolf Hitler lorsque celui-ci vient à Vienne, et le 18 mars, avec les autres évêques autrichiens, signe une déclaration rédigée par le Gauleiter Bürckel favorable à l’Anschluss, ajoutant de sa main la formule « Heil Hitler ! ». Le 27 mars suivant, cette déclaration collective de l’épiscopat d’Autriche est lue dans toutes les Églises du territoire autrichien : «  (…) Nous reconnaissons avec joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore œuvre éminente dans le domaine de la construction nationale et économique comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et la nation allemande, et notamment pour les couches les plus pauvres de la population…​ Au jour du plébiscite, il va sans dire que c’est pour nous un devoir national, en tant qu’link : Allemands, de nous déclarer pour le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens croyants qu’ils sauront ce qu’ils doivent à leur nation. ».
   Aussitôt, à Rome, Radio Vatican dénonce la diffusion de ce texte ; le pape Pie XI et le cardinal Pacelli convoquent Innitzer au Vatican et lui demandent de s’expliquer devant eux. Le 6 avril, avant de rencontrer le pape, Innitzer s’entretient avec le Cardinal Pacelli qui lui ordonne de rédiger un document, au nom de tous les évêques d’Autriche, à paraître dans l’link : Osservatore Romano, affirmant que : « La déclaration solennelle des évêques autrichiens […​] n’avait pas pour but d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la loi de Dieu », et précisant également que cette première déclaration avait été faite sans l’link : accord de Rome.
   Pendant les mois qui suivent, les Allemands abrogent le régime concordataire autrichien et interdisent les organisations et journaux dépendant de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Catholicisme[Église catholique
57. Cf. les Lettres pastorales collectives de l’épiscopat autrichien du 19 août 1938 relatives aux mesures imposées par l’État en ce qui concerne le mariage et la révocation de la reconnaissance par l’État des écoles dirigées par les religieuses (DC, n° 882, 30 octobre 1938, col. 1219-1224. Cf. également The Universe, 7 octobre 1938, cité in DC, n° 883, 5 novembre 1938, col. 1303-1306.
58. . In DC, n°872, 20 mai 1938, pp. 579-580.
59. Voir la démonstration faite par SAINT-DENIS André, op. cit., pp. 86-96.
60. d’après des témoignages historiques, Sainte Hélène, la mère de l’empereur Constantin Ier, découvrit la Croix de Jésus lors d’un pèlerinage en Palestine, qu’elle aurait entrepris en 326. L’importance de l’évènement donna naissance à la fête de l’invention (ce qui veut dire découverte) de la « Sainte-Croix ». Plus tard, une célébration annuelle fut décrétée, portant le nom « Exaltation de la précieuse et vivifiante Croix » (fêtée le 14 septembre). 
   (http://www.orleans.catholique.fr/cathedrale/index.php?2006/12/14/7-histoire-de-la-sainte-croix).
61. Cf. DC, n° 873, 5 juin 1938, col.685-697.
62. Cf. DC, n° 879, 5 septembre 1938, col. 1049-1054.
63. DC, n° 879, 5 septembre 1938, col.1063-1082.
64. Discours lors de l’audience accordée au Chapitre général des Sœurs de Notre-Dame du Cénacle, in Documentation catholique, n° 879, 5 septembre 1938, col. 1054-1055.
65. Défendant l’Action catholique menacée par le fascisme, le pape prévient : « celui qui frappe l’Action catholique frappe l’Église parce qu’il frappe la vie catholique » et il renchérit : « quiconque frappe l’Action catholique frappe le pape, et quiconque frappe le pape meurt. » En français, il ajoute encore : « Qui mange du Pape en meurt ».
66. In DC, n° 879, 5 septembre 1938, col. 1056-1062.
67. Cf. DC, n° 880, 30 septembre 1938, col. 1103-1113.
68. L’attaque, en réalité, vise non seulement l’Église mais aussi le christianisme : « déjà la répudiation de l’Ancien Testament le révèle. En outre, on a défini le christianisme comme une relique fossilisée des temps passés, complètement inutile et inefficace pour notre temps.
   En s’écartant donc de lui, en s’appuyant sur la race et le sang, on a affirmé que la personne et la vie de Jésus-Christ s’opposent à la nature de l’homme allemand, que les enseignements principaux de sa doctrine, spécialement le dogme du péché originel et de la Rédemption, de la récompense et du châtiment après la mort, ne sont autre chose que des superstitions de l’Asie mineure, imposées aux populations germaniques après que celles-ci eurent été subjuguées. »
69. On se souvient qu’en 1962, Vincente Minelli, pour dénoncer le nazisme, intitula son film « Les quatre cavaliers de l’Apocalypse ».
   On peut se demander quelle fut l’attitude des Églises luthériennes. La plupart furent fidèles aux dirigeants nazis et cette attitude suscita une réaction : la constitution d’une Église confessante qui regroupe d’éminentes personnalités comme Karl Barth (expulsé d’Allemagne), Martin Niemoller (sympathisant du régime envoyé à Dachau) et Dietrich Bonhoeffer (mort en camp de concentration) mais qui ne resta pas unie.
70. Mgr Picard, président de la Radio catholique belge, qui assiste à l’entretien note, dans La Libre Belgique du 14 septembre 1938 : « Ici le pape ne parvient plus à contenir son émotion. Il ne voulait pas se laisser gagner par cette émotion. Mais il n’y put réussir. Et c’est en pleurant qu’il cite les passages de saint Paul mettant en lumière notre descendance spirituelle d’Abraham. » 
71. Cf. DC, n° 885, 5 décembre 1938, col. 1459-1460. L’insistance de Pie XI peut s’expliquer aussi par le fait que l’antisémitisme avait gagné bien des milieux chrétiens. Le P. Charles sj, avait, dans un article de la Nouvelle Revue Théologique (n° 8, septembre-octobre 1938 ; 9 novembre 1938) démontré que l’opuscule « Protocole des Sages de Sion » qui alimentait la thèse d’un complot juif et franc-maçon pour conquérir le monde, était un faux. Sa thèse provoqua une polémique non seulement dans la DC (20 juin 1938 ; 20 octobre 1938 ; 5 décembre 1938) mais aussi dans la Revue catholique des idées et des faits (21 octobre 1938) et d’autres revues en Europe et en Amérique. (Hitler cite les Protocoles dans Mein Kampf, op. cit., pp. 160-161).
   On sait aussi que Pie XI, malade, cardiaque et diabétique, prévoyait une encyclique sur l’unité du genre humain (Humani generis unitas, 1938-1939) où de nouveau seraient dénoncés l’étatisme, le nationalisme, le racisme et l’antisémitisme. Travaillèrent à ce projet lancé en juin 1938, trois jésuites dont le P. Gustav Gundlach, théologien allemand « antinazi convaincu et décidé » qui sera le théologien préféré de Pie XII en matière politique et sociale. Pie XI meurt en février 1939 sans avoir eu le temps évidemment de parachever l’ouvrage proposé. (Cf. PASSELECQ Georges et SUCHECKY Bernard, L’encyclique cachée de Pie XI, Préface de Emile Poulat, Ed. La Découverte, 1995).
72. Cf. DC, n° 884, 20 novembre 1938, col. 1411-1414.
73. N° 886, col. 1481-1510.
74. O.R., 25 décembre 1938 et D.C. n° 889, 20 janvier 1939, col. 67-72. Pie XI termine son discours, de manière très émouvante, par l’offrande de sa vie : « Nous avons offert Notre vie, désormais vieillie, pour la paix et la prospérité des peuples ; Nous l’offrons de nouveau pour que reste intacte la paix intérieure, la paix des âmes et des consciences, et la florissante prospérité de cette Italie, qui, parmi les peuples qui Nous sont tous chers, Nous est très chère, de même que sa patrie était particulièrement chère à Jésus qui se livrait lui-même à la Passion et à la mort pour le genre humain. »
75. JEAN XXIII, Lettre aux évêques d’Italie à l’occasion du XXXe anniversaire des accords du Latran, in DC, n° 1298, 1er mars 1959.
76. Il faut lire l’hommage rendu par Léon Blum dans le Populaire du 11 février 1939. Après avoir rappelé que le jour de son élection, le pape Pie XI s’était présenté comme le pape de la paix, Léon Blum écrit: « J’ai lu dans les journaux d’hier que les derniers mots intelligibles qu’il ait prononcés dans son agonie étaient encore : « Pace, pace… La paix, la paix. » […
77. En France, le grand rabbin Maurice Liber déclare : « Le judaïsme recommande et prescrit de rendre les derniers devoirs, non seulement aux coreligionnaires selon les rites de la religion commune, mais encore aux hommes des autres confessions, nos frères en humanité, créés par le Père commun et à ,sa divine image. Cet hommage suprême est dû à plus forte raison à ceux qui oint honoré l’humanité et la religion par la dignité dont ils ont été investis, par le rôle et la mission qu’ils ont remplis, l’ascendant qu’ils ont exercé, les bienfaits qu’ils ont prodigués, le haut exemple qu’ils ont donné à leur génération, l’autorité avec laquelle ils ont professé et le courage avec lequel ils ont défendu les doctrines dont ils étaient les fidèles dépositaires et les mainteneurs intrépides. A tous ces titres, les Français de religion israélite joignent leur hommage à celui que tous les Français, que tous les chrétiens, adressent avec une impressionnante unanimité, à la mémoire du pape Pie XI que Dieu a rappelé à lui… ». (Univers israélite, 17 février 1939).
   A cet hommage se joint celui du grand rabbin de Paris Julien Weill : « La mort de Pie XI m’émeut profondément et douloureusement. A la vénération universelle qui entourait l’auguste Pontife, le judaïsme s’associait de tout cœur, admirant et honorant en lui un grand serviteur de Dieu, un véritable apôtre de la justice sociale, de la paix et de la fraternité humaine. A plusieurs reprises, Pie XI dénonça avec une fermeté et une netteté lumineuse les pernicieuses erreurs du paganisme raciste, et il a condamné l’antisémitisme comme inconciliable avec la loi chrétienne et comme fauteur d’iniquités et de violences odieuses. Je suis sûr d’être l’interprète des sentiments de tous mes coreligionnaires en saluant avec respect la grande figure de Pie XI et en donnant dans nos prières une expression religieuse à notre hommage de regret et de gratitude envers ce grand serviteur du Dieu de justice et d’amour. » (Epoque, 11 février 1939).
   Ces deux témoignages ont été publiés in D. C. n° 892, 5 mars 1939, col. 290.
78. Cf. D.C. n° 896, 5 mai 1939, col . 589-592. Notons que le mot « racique » qui n’apparaît pas ou plus dans les dictionnaires est employé de temps à autre. Ainsi Jean-Guy Rens, l’utilise pour parler, à propos du nazisme de son « idée racique de l’État » (http://rens.ca/2012/2/2-2regime-politique-la-politique-interieure/)
   On parle aussi, à propos d’animaux, de « codes raciques » (cf. www.swissherdbook.ch)

⁢ii. A propos de Pie XII

Le lecteur peut consulter le site http://www.pie12.com/index.php?category/Actualites consacré à Pie XII. On y trouve une foule de renseignements et une abondante bibliographie tenue à jour.⁠[1]

Nous ne ferons donc ici que mettre en exergue quelques événements.

En évoquant de nouveau le pontificat de Pie XI, nous avons vu l’action menée par le futur Pie XII. Nous avons aussi précédemment suivi presque pas à pas ses efforts en tant que souverain pontife au service de la paix. Efforts pour empêcher le « pacte d’acier » entre l’Allemagne et l’Italie, efforts pour préserver la Pologne, efforts pour empêcher Italiens et Espagnols de s’associer aux nazis, efforts pour tenter d’empêcher la guerre, de l’arrêter, de préparer la paix.⁠[2]

Il n’empêche que beaucoup encore aujourd’hui considèrent ce pape comme coupable de silence face au génocide juif et même de collusion avec l’hitlérisme.

Il n’est donc pas inutile de rappeler quelques faits.

Ce qu’on peut appeler la « légende noire » a pris corps dans le grand public⁠[3] en 1963, date à laquelle le dramaturge allemand d’extrême-gauche Rolf Hochhuth produit une pièce intitulée « Le Vicaire »[4]. C’est cette pièce qui va ternir la réputation d’un pape que le monde entier, à l’exception des nazis et des communistes, avait loué jusque là.⁠[5] L’autorité de Pie XII a été « discréditée par les secteurs communistes pendant la période la guerre froide ».⁠[6]

Evoquant la pièce, et avec beaucoup d’indulgence, le cardinal Montini, le futur pape Paul VI, écrira : « On ne joue pas avec des sujets et des personnages historiques portés à la connaissance du public par l’imagination créatrice de gens de théâtre insuffisamment doués de discernement historique et -Dieu veuille que cela ne soit pas le cas ici- d’honnêteté humaine ».⁠[7] En tout cas, la conclusion de spectacle c’est que « seuls les communistes et l’Union soviétique ont été efficaces » contre le génocide juif.⁠[8] Peut-être cherchaient-ils à faire oublier l’antisémitisme stalinien ?⁠[9]

Nous avons suivi l’action du Nonce Pacelli puis du Pape Pie XII avant, pendant et après la guerre.

Rappelons que nonce apostolique en Bavière, le futur Pie XII assiste dès 1923 à la montée de la droite nationaliste qui assimile les jésuites, les juifs et les protestants à des ennemis de l’Allemagne. Il dénonce auprès de Pie XI le caractère anti-catholique de la tentative de coup d’État par Hitler. En mai 1924, il écrit que le nazisme « est peut-être la pire hérésie de notre époque ».⁠[10]

Des quarante-quatre discours prononcés comme nonce en Allemagne entre 1917 et 1929, quarante dénoncent un aspect ou un autre de l’idéologie nazie.⁠[11] et il est titulaire d’une licence de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_de_Californie_%C3%A0_Berkeley[université de Californie à Berkeley], une maîtrise et un doctorat à l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_Brandeis[Université Brandeis] et a reçu l’http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Ordination_rabbinique&action=edit&redlink=1[ordination rabbinique] au séminaire théologique juif des États-Unis d’Amérique.]

En août 1929, il décrit, au nonce apostolique autrichien, Hitler comme « un redoutable agitateur politique ». Il ajoute : « ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu’il dit et écrit porte l’empreinte de son égoïsme ; c’est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin - je n’arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu’il écrit et dit. Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu’est Mein Kampf ? »[12]

Entre 1933 et 1939, le cardinal Pacelli envoie 55 notes de protestation au gouvernement allemand qui ne respecte pas le concordat.

En mars 1935, dans une lettre ouverte à l’évêque de Cologne, il traite les nazis de « faux prophètes, orgueilleux tel Lucifer » et la même année, devant des pèlerins à Lourdes, il dénonce les idéologies « possédées par la superstition de la race et du sang ». A sœur Pasqualina, sa secrétaire, il déclare que « Hitler est tout à fait obsédé. Il détruit tout ce dont il n’a pas besoin et est capable de piétiner des cadavres. »[13]

En 1935 encore, devant des milliers de pèlerins à Lourdes, il dénonce les idéologies « possédées par la superstition de la race et du sang »[14]

En 1935 toujours, lors d’une réunion avec Dietrich von Hildebrand⁠[15] il déclare que la réconciliation entre la chrétienté et le racisme nazi est impossible puisqu’ils sont aussi différents que l’eau et le feu.⁠[16]

En 1937, il rédige avec le cardinal Faulhaber l’encyclique Mit brennender Sorge et, à Notre-Dame de Paris, il qualifie l’Allemagne de « nation puissante et noble que de mauvais bergers fourvoient vers une idéologie de race. »[17]

Lors de l’élection du Pape, l’Humanité souligne que la brièveté du Conclave et le choix de Mgr Pacelli « prennent plus de sens encore quand on sait quelles insolences exclusives lancèrent Hitler et Mussolini contre sa personne et ce qu’elle signifie pour eux. »[18]

En 1938, l’approbation de l’Anschluss par l’épiscopat autrichien va être très mal reçue au Vatican. Le 27 mars, cette déclaration collective de l’épiscopat d’Autriche est lue dans toutes les Églises du territoire autrichien : « (…) Nous reconnaissons avec joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore œuvre éminente dans le domaine de la construction nationale et économique comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et la nation allemande, et notamment pour les couches les plus pauvres de la population…​ Au jour du plébiscite, il va sans dire que c’est pour nous un devoir national, en tant qu’Allemands, de nous déclarer pour le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens croyants qu’ils sauront ce qu’ils doivent à leur nation. ». Aussitôt, à Rome, Radio Vatican dénonce la diffusion de ce texte ; le pape Pie XI et le cardinal Pacelli convoquent le cardinal-archevêque de Vienne Innitzer au Vatican et lui demandent de s’expliquer devant eux. Le 6 avril, avant de rencontrer le pape, Innitzer s’entretient avec le Cardinal Pacelli, qui lui ordonne de rédiger un document, au nom de tous les évêques d’Autriche, à paraître dans l’Osservatore Romano, affirmant que : « La déclaration solennelle des évêques autrichiens […] n’avait pas pour but d’être une approbation de quelque chose qui est incompatible avec la loi de Dieu  », et précisant également que cette première déclaration avait été faite sans l’link : accord de Rome.⁠[19] Pendant les mois qui suivent, les Allemands abrogent le régime concordataire autrichien et interdisent les organisations et journaux dépendant de l’⁠Église catholique. En signe de protestation, le 7 octobre 1938, à l’appel d’Innitzer, des milliers de jeunes gens viennent se rassembler pour prier et méditer dans la cathédrale Saint-Étienne de Vienne. Dans son sermon, le cardinal affirme alors : «  Il n’y a qu’un seul guide (Führer en allemand) : Jésus Christ. » Le lendemain, une centaine de nazis envahissent et saccagent la résidence de l’archevêque. Le cardinal Innitzer se rétracte alors complètement et écrit : « On nous a misérablement trompés. L’Allemagne venait à nous comme une mère à ses enfants ; nous savons maintenant ce que cela signifie. La haine du national-socialisme, égale à celle du communisme, s’est ici déchainée sans retenue contre l’Église. On veut faire de l’Autriche un champ d’expérience pour voir jusqu’où peut aller l’anéantissement du christianisme. Cela ne peut plus durer. On ne répond même pas à nos protestations incessantes. Il faudra voir bien en venir à la lutte ouverte. Les évêques ont été loyaux et confiants, on les a systématiquement abusés. Il faut qu’on sache... » Les relations ambigües entre Innitzer et le régime nazi suscitèrent de nombreuses critiques après la Seconde Guerre mondiale.

Le 28 octobre 1939, le New York Times salue, en première page, l’encyclique Summi pontificatus par ce titre : « Le pape condamne le racisme, les dictateurs et ceux qui violent les traités. »[20] Des milliers de copies seront larguées par avion au-dessus du sol allemand.⁠[21]

En 1939 et 1940, il met en contact les opposants d’Hitler et les Britanniques et avertit les alliés de la prochaine invasion des Pays-Bas, Belgique et France.⁠[22]

Durant la guerre, l’attitude Pie XII face aux nazis sera comparable à celle de Jean XXIII face aux régimes communistes⁠[23]. Il ne fit pas pression sur le Congrès pour augmenter l’accueil des réfugiés juifs. Pendant la guerre, le président américain n’a pas cherché à aider les Juifs d’Europe, considérant que le principal objectif devait être l’écrasement du régime nazihttp://fr.wikipedia.org/wiki/Franklin_Delano_Roosevelt#cite_note-145[[\]\]. Malgré la pression des Juifs américains, de sa femme et de l’opinion publique américaine, le président ne dévia pas de cette direction. Il ne fut pas mis au courant des projets de bombardements d’http://fr.wikipedia.org/wiki/Auschwitz_(camps)[Auschwitz] ou des voies ferrées.] : prudente. Comme l’explique Alexis Curvers : « Approuvée, recommandée et pratiquée par le pape, une telle politique exigeait évidemment de lui et de toute l’Église officielle une grande modération de langage. Et cette modération qu’on blâme chez Pie XII est précisément celle que les mêmes critiques admirent chez Jean XXIII, parce que celui-ci en a usé, et probablement pour les mêmes raisons, dans ses rapports avec les régimes communistes. On ne peut à la fois demander grâce pour les victimes, qu’elles soient juives ou chrétiennes, et lancer l’anathème à la face des bourreaux tout-puissants. »[24] Le cardinal Montini confirme : « Une attitude de condamnation et de protestation comme celle qu’il [Hochhuth] reproche au pape de n’avoir pas adoptée, eût été non seulement inutile, mais encore nuisible. […] Si, par hypothèse, Pie XII avait fait ce que Hochhuth lui reproche de n’avoir pas fait, il en serait résulté de telles représailles et de telles ruines que, une fois la guerre finie, le même Hochhuth aurait pu, avec une plus grande objectivité historique, politique et morale, écrire un autre drame beaucoup plus réaliste.. »[25]

Si pour les raisons dites, Pie XII est prudent, l’Osservatore romano qui n’est pas tenu par la même réserve se montre sévère dans ses condamnations.⁠[26] Il en est de même pour Radio Vatican : en janvier 1940, le pape demande que à la station « de rendre publiques les épouvantables cruautés de la tyrannie barbare ».⁠[27]

Selon le New York Times du 14 mars 1940, « face à Ribbentrop, le Pape a pris la défense des Juifs allemands et polonais » et a rappelé les atrocités commises par les nazis.⁠[28]

Le 13 mai 1940, devant l’ambassadeur italien Alfieri qui quittait le Saint-Siège pour Berlin, Pie XII déclare : « Nous devrions dire des paroles de feu contre ce qui se passe en Pologne et la seule raison qui Nous retienne de le faire est de savoir que, si Nous parlions, Nous rendrions la condition de ces malheureux encore plus dure ».⁠[29]

Le 23 décembre 1940, le Time magazine publie cet hommage d’Albert Einstein : « Lorsque la révolution nazie survient en Allemagne, c’est sur les universités que je comptais pour défendre la liberté, dont j’étais moi-même un amoureux, car je savais qu’elles avaient toujours mis en avant leur attachement à la cause de la vérité ; mais non, les universités furent immédiatement réduites au silence. Alors je me tournai vers les grands éditeurs de journaux, dont les éditoriaux enflammés des jours passés avaient proclamé leur amour de la liberté ; mais eux aussi, en quelques courtes semaines et comme els universités, furent réduits au silence. Dans la campagne entreprise par Hitler pour faire disparaître la vérité, seule l’Église catholique se tenait carrément e n travers du chemin. Je ne m’étais jamais spécialement intéressé à l’Église auparavant l’Église, mais maintenant je ressens pour elle une grande affection et admiration, parce qu’elle seule a eu le courage et la persévérance de se poser en défenseur de la vérité intellectuelle et de la liberté morale. Je suis donc bien forcé d’avouer que, maintenant, c’est sans réserve que je fais l’éloge de ce qu’autrefois je dédaignais. »

En 1942, Pie XII envoie son nonce protester auprès du gouvernement français de Vichy contre « les arrestations inhumaines et les déportations de juifs depuis la France occupée vers la Silésie et certaines régions de Russie ». Le 6 août 1942, le New York Times titre : « On dit que le pape prend la défense des juifs déportés de France ». Trois Semaines plus tard, le Times écrit : « Vichy arrête les juifs ; le pape est ignoré ». A l’automne, Les services de Goebbels distribuent dix millions d’exemplaires décrivant Pie XII comme le « pape pro-juif » à cause de ses interventions françaises.⁠[30]

Dans le radio-message de Noël 1942, Pie XII parle de ces « centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive ». Le 26 décembre, le New York Times écrit : « La voix de Pie XII est un cri dans le silence et la nuit qui enveloppent l’Europe cet hiver. […] En appelant de ses vœux un « véritable nouvel ordre » fondé sur la liberté, la justice et l’amour […] le pape se place à l’opposé d’Hitler ». Une résistante célèbre, Malou Blum⁠[31], dira : « Pour nous, le message de Noël 1942 était une condamnation claire du nazisme ».⁠[32]

Le 2 juin 1943, Pie XII dénonce les exactions pour cause de nationalité ou de race⁠[33] et explique la prudence agissante de l’Église⁠[34].

En 1942, Le Pape déclare à un visiteur : « Le danger communiste est bien réel mais en ce moment c’est le danger nazi qui m’inquiète le plus ».⁠[35]

Le 30 avril 1943, Pie XII écrit à Mgr Konrad von Preysing, évêque de Berlin : « Jour après jour, parviennent à Notre connaissance des actes inhumains qui n’ont rien à voir avec les réelles nécessités de la guerre et qui Nous remplissent de stupeur et d’effroi » et félicite les prélats qui ont pris la défense de la personne humaine « que les victimes soient ou non les enfants de l’Église ».⁠[36] 

Le 21 janvier 1943, Pie XII écrit au cardinal Faulhaber : « Nous avons toujours caractérisé Notre’ attitude dans la guerre par le mot « impartialité » et non par le mot « neutralité ». Neutralité pourrait être compris dans le sens d’u ne indifférence passive, qui ne convient pas au chef de l’Église. Impartialité signifie pour Nous juger les choses selon la vérité et la justice. Mais en cela quand il s’est agi de déclarations publiques de Notre part, Nous avons eu tous les égards possibles à la situation de l’Église’ dans les différents pays pour épargner aux catholiques des lieux des difficultés que l’on pouvait éviter ».⁠[37]

Le 16 octobre 1943, informé⁠[38] de la déportation des Juifs de Rome, Pie XII demande à son secrétaire d’État, le cardinal Maglione de protester. Maglione avertit l’ambassadeur d’Allemagne que le Pape ne pourrait garder le silence s’ils arrêtaient des Juifs. Dans le même temps, Pie XII envoyait son neveu Carlo Pacelli demander à Mgr Alois Hudal, sympathisant allemand, d’intervenir. et protesta. Ces démarches restant vaines, Pie XII envoie son confident le plus proche, le père général des Salvatoriens, le P. Pfeiffer auprès du gouverneur militaire de Rome, le général Stahel, pour que cesse cette persécution sinon le pape lancerait une protestation publique. Stahel, par crainte d’une invasion du Vatican intervint immédiatement.⁠[39] L’opération qui devait durer deux jours fut arrêtée le jour même et seuls 1000 des 8000 Juifs réclamés par Hitler furent déportés.⁠[40]

C’est cette année-là que Cahim Weitzmann, le futur premier président israélien écrit que « le Saint-Siège prête son puissant soutien afin d’améliorer le sort de mes frères persécutés. »[41]

Le 22 juin 1944, le rabbin André Zaoui, aumônier capitaine du Corps expéditionnaire français adresse une lettre à Pie XII où il remercie le Saint-Père et les prêtres qui ont aidé les juifs persécutés. Il raconte qu’il a visité l’Institut Pie XI « qui a protégé pendant plus de six mois une soixantaine d’enfants juifs dont quelques petits réfugiés de France ».⁠[42]

En 1944 toujours, le Grand Rabbin d’Israël Isaac Herzog déclare dans un message que « le peuple israélien n’oubliera jamais ce que le Pape et ses délégués font pour nos malheureux frères et sœurs dans les heures les plus sombres de notre histoire. Ils sont inspirés par les principes de la religion qui sont les fondements de la vraie civilisation. C’est la preuve de l’existence de la providence divine dans ce monde ».⁠[43] Durant l’été 44, Rome étant libérée, Pie XII s’adresse à un groupe de juifs romains venus le remercier pour sa protection : « Pendant des siècles les juifs ont été traités injustement et méprisés. L’heure est venue de les traiter avec justice et humanité. Dieu le veut et l’Église le veut. Saint Paul nous dit que les juifs sont nos frères. qu’ils soient également nos amis. »[44]

Dans une Allocution à un groupe de 70 déportés juifs libérés des camps de concentration allemands et délégués par la United Jewish appeal au Vatican, le 29 novembre 1944, pour exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs pour son action en leur faveur. Ils

viennent exprimer leur gratitude et leur reconnaissance au Pape pour sa sollicitude durant la guerre, « très honorés de pouvoir remercier personnellement le Saint-Père, pour la générosité qu’il leur a démontrée pendant la terrible période nazie », Pie XII dira : le Siège apostolique « n’a jamais, fût-ce aux moments les plus critiques, laissé le moindre doute que ses maximes et son action extérieure, n’admettaient ni ne peuvent admettre aucune des conceptions qui dans l’histoire de la civilisation seront rangées parmi les égarements les plus déplorables et les plus déshonorant de la pensée et du sentiment des hommes ». Il ajoutera : « Votre présence ici veut être un témoignage intime de gratitude de la part d’hommes et de femmes qui, en des temps angoissants pour eux et souvent même sous la menace d’un péril de mort imminent, ont expérimenté comment l’Église catholique et ses vrais disciples savent dans l’exercice de la charité s’élever au -dessus de toutes les limites étroites et arbitraires créées par l’égoïsme humain et par les passions raciales. »

On sait que les prises de position de Pie XII inspirèrent à Hitler le désir de « coffrer ce ramassis d’agitateurs ». Plusieurs plans d’enlèvement du pape et d’invasion du Vatican.⁠[45]

A la fin de la guerre, Moshe Sharett, le second premier ministre israélien rencontre Pie XII et déclare : « mon devoir était de leur dire merci à lui et à l’Église catholique au nom de tous les juifs pour tout ce qu’ils avaient fait dans les pays occupés. »[46]

La guerre se terminant, Pie XII reprend clairement la parole. Aux fidèles de Rome, le 18 mars 1945, il déclare dans son Allocution : « A ceux qui se sont laissé séduire par les fauteurs de la violence et qui, après les avoir suivis inconsidérément, commencent enfin à revenir de leurs illusions, consternés de voir jusqu’où les a conduits leur servile docilité, il ne reste plus d’autre chemin de salut que de répudier définitivement l’idolâtrie des nationalismes absolus, les orgueils de la race et du sang, les convoitises d’hégémonie dans la possession des biens terrestres, et d’adopter résolument l’esprit de sincère fraternité, fondé sur le culte du Père divin de tous les hommes, et dans lequel les notions trop longtemps opposées de droit et de devoir, de profit et de charges, s’harmonisent dans la justice et dans la charité. » Et au Sacré Collège, le 2 juin 1945, il rappelle les douze années passées en Allemagne qui lui ont permis de découvrir les qualités de ce peuple qui lui permettront de se redresser « quand il aura repoussé de lui le spectre satanique exhibé par le national-socialisme et quand les coupables (comme Nous avons déjà eu l’occasion de l’exposer d’autres fois) auront expié les crimes qu’ils ont commis. » Pie XII explique ensuite quelle fut l’attitude l’Église durant cette période sombre.

En septembre 1945, Léon Kubowitzy, secrétaire général du Congrès juif mondial, remercie personnellement le pape pour ses diverses interventions et fait un don de 20.000dolars aux œuvres du Vatican « en reconnaissance de l’aide apportée par le Saint-Siège aux juifs persécutés par le fascisme et le nazisme ».⁠[47]

1er novembre 1945, Pie XII dans sa Lettre aux évêques allemands, les félicite pour l’attitude qu’ils ont eue durant « la persécution perfide et astucieuse dont l’Église d’Allemagne a été victime ».

En 1945 toujours, Israel Zoller (Zolli), grand rabbin de Rome depuis 1940, se convertit, avec son épouse, au catholicisme. Pour prénom de baptême, il choisit de s’appeler « Eugenio Pio », et sa femme « Eugenia », en hommage au pape Pie XII, en raison de son action pour les Juifs de Rome pendant la Seconde Guerre mondiale. Selon l’Ephéméride du journal Direct Matin du 13 février 2013, très impressionné par l’attitude du pontife pendant la guerre, il écrira : « Il n’existe pas de lieu de souffrances que l’esprit d’amour de Pie XII n’ait atteint… Au cours de l’Histoire, aucun héros n’a commandé une telle armée. Aucune force militaire n’a été plus combattante, aucune n’a été plus combattue, aucune n’a été plus héroïque que celle menée par Pie XII au nom de la charité chrétienne. » » Myriam, la fille du rabbin Zolli, écrit : « Pacelli et mon père étaient des figures tragiques dans un monde où toute référence morale avait disparu. Le gouffre du mal s’était ouvert, mais personne ne le croyait, et les grands de ce monde - Roosevelt, Staline, de Gaulle - étaient silencieux. Pie XII avait compris que Hitler n’honorerait de pactes avec personne, que sa folie pouvait se diriger dans la direction des catholiques allemands ou du bombardement de Rome, et il agit en connaissance de cause. Le pape était comme quelqu’un contraint à agir seul parmi les fous d’un hôpital psychiatrique. Il a fait ce qu’il pouvait. Il faut comprendre son silence dans le cadre d’un tel contexte, non comme une lâcheté, mais comme un acte de prudence[48]. »⁠[49] Devenu professeur à l’⁠Institut biblique pontifical, Eugenio Zolli mourut à Rome en 1956, à l’âge de 74 ans. Son autobiographie publiée en 1954, Prima dell’alba, décrit les circonstances de sa conversion et explique les raisons de son admiration envers Pie XII. On y lit notamment : « La rayonnante charité du Pape, penché sur toutes les misères engendrées par la guerre, sa bonté pour mes coreligionnaires traqués, furent pour moi l’ouragan qui balaya mes scrupules à me faire catholique. »[50]

Le7 septembre 1945, Giuseppe Nathan, commissaire de l’Union des communautés israélites, rend grâce « au souverain Pontife, aux religieux et aux religieuses qui n’ont vu dans les persécutés que des frères, selon les indications du Saint-Père ».⁠[51]

Le 21 septembre 1945, le docteur Leo Kubowitski, secrétaire du Congrès Juif Mondial, est reçu par Pie XII afin de lui présenter ses remerciements pour l’œuvre effectuée par l’Église Catholique dans toute l’Europe en défense du peuple juif.⁠[52]

Le 11 octobre 1945, le le Secrétaire général du Congrès juif mondial remercie personnellement le pape pour ses diverses interventions et fait un don de 20.000 dollars aux œuvres du Vatican « en reconnaissance de l’aide apportée par le Saint-Siège aux Juifs persécutés par le fascisme et le nazisme ».⁠[53]

En 1955, à l’occasion des célébrations du 10e anniversaire de la Libération, l’Union des Communautés juives italiennes déclare que le 17 avril sera la « Journée de la reconnaissance » « pour l’aide apportée par le pape pendant la guerre ».⁠[54]

Le 26 mai 1955, l’Orchestre philarmonique d’Israël avec 94 musiciens, sous la direction de Paul Kletzki se rend au Vatican pour y interpréter la VIIe symphonie de Beethoven « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par le Pape pour sauver un grand nombre de Juifs pendant la Seconde guerre mondiale »[55]

Sont intéressantes aussi les réactions à la mort de Pie XII survenue le 8 octobre 1958, publiées, pour la plupart et entre autres, par la Documentation catholique, n°1289, le 26 octobre 1958 :  

« Au soir de ce grand et illustre pontificat, pendant lequel l’humanité a connu les plus terribles épreuves, j’évoque avec émotion et respect la haute figure de Pie XII, dont le fervent témoignage a inspiré à tant d’hommes le courage et l’espérance. » (Général De Gaulle, président du Conseil)

« Nous sentons tous que le monde s’est appauvri en perdant un homme qui a joué un tel rôle dans la défense des valeurs spirituelles et de la paix et qui s’est acquis le respect des représentants de toutes les confessions. » (Harold Mac Millan, premier ministre britannique)

« Nous avons à cœur d’exprimer notre profonde sympathie à l’Église catholique plongée dans le deuil par la mort du Pape Pie XII. » (Grand Rabbinat de France)

« Le monde est devenu plus pauvre du fait de la mort du pape Pie XII. Il avait consacré sa vie entière à la dévotion envers Dieu et au service de l’humanité. Ennemi déclaré et averti de la tyrannie, il avait toujours été un ami plein de sympathie et un bienfaiteur pour les opprimés, et sa main secourable se tendait toujours promptement pour secourir les malheureuses victimes de la guerre.

Il s’était fait opiniâtrement, sans peur et sans esprit partisan, le champion de la cause d’une paix juste entre les nations du monde. Doué d’une vision profonde, il a su demeurer à la mesure d’un monde changeant sans cesse et n’a jamais perdu de vue la destinée éternelle de l’humanité. » (Général Eisenhower, président des États-Unis)

« C’était un grand homme et un homme bon et je l’aimais. » (Maréchal Montgomery, Sunday Times).

« Nous partageons la douleur de l’humanité. Pie XII a servi l’idéal le plus noble de la paix et de la compassion ». « Pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs et pour invoquer la pitié envers leurs victimes. La vie de notre temps a été enrichie par une voix qui exprimait les grandes vérités morales au-dessus du tumulte des conflits quotidiens. Nous pleurons un grand serviteur de la paix ». (Golda Meir, ministre des Affaires étrangères d’Israël, le 9 Octobre 1958)

Les Juifs « se souviendront toujours de ce que l’Église catholique a fait pour eux sur l’ordre du Pape au moment des persécutions raciales. Quand la guerre mondiale faisait rage, Pie XII s’est prononcé souvent pour condamner la fausse théorie des races. » « De nombreux prêtres ont été emprisonnés et ont sacrifié leur vie pour aider les juifs » « Nous avons pu plus que tous les autres, bénéficier de la compassion, de la bonté et de la magnanimité du pape pendant les tristes années de persécution et de terreur alors que tout laissait à penser que nous ne pourrions pas nous en sortir ». (Dr Elio Toaff, grand rabbin de Rome, Le monde, 10 Octobre 1958.)⁠[56] A l’agence Reuter, le même déclara : « Les Juifs se souviendront toujours de ce que l’Église a fait durant la seconde guerre mondiale, grâce au pape Pie XII. Ce dernier s’opposa toujours à la fameuse théorie de la discrimination raciale. Un grand nombre d’Israélites trouvèrent asile dans des couvents et le Pape promit d’aider les Juifs de Rome lorsque les occupants allemands leur demandèrent de leur verser 50 kilos d’or en 1944. Les communautés israélites portent le deuil du pape et prient Dieu de bénir la grande âme du disparu. »[57].

A partir de 1963, les condamnations se multiplient ressassant les mêmes critiques.

Mais, de plus en plus de témoignages vont contredire cette campagne de dénigrement. Et plus le temps passe et plus on constate que, malgré l’acharnement de certains et en raison même de leur persistance, nombre d’études très fouillées ont été suscitées par l’accumulation des mensonges. Ainsi, la vérité affleure de nouveau et finira par s’imposer.

En 1963, Pinchas Lapide, consul d’Israël à Milan du vivant de Pie XII, déclare au journal Le Monde : « Je peux affirmer que le pape, le Saint-Siège, les nonces et toute l’Église catholique ont sauvé de 150.000 à 400.00 juifs d’une mort certaine… L’église catholique sauva davantage de vies juives pendant la guerre que toutes les autres églises, institutions religieuses et organisations de sauvetage réunis  ».⁠[58]

En juin 1963 déjà, le bulletin des élèves de l’Athénée israélite de Bruxelles, Maïmonide consacre un article à Pie XII : « Les Juifs et le Vatican sous Pie XII », sous la plume d’Edith Mutz. On y lit que « la véritable raison du silence relatif de Pie XII n’était certes pas la crainte d’aller dans un camp de concentration, mais celle d’aggraver le cas de ceux qui s’y trouvaient. »[59] L’auteur rappelle qu’en 1937, les journaux allemands déclaraient : « Pie XI était à moitié juif ; le cardinal Pacelli, Pie XII, l’est complètement ». On trouve aussi dans le même article le témoignage du Dr Safran qui fut le grand rabbin de Roumanie durant la guerre : la médiation du Pape, écrit-il, « sauva les Juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée ». Il est aussi rappelé qu’en 1946, « on vite entrer au Vatican un groupe de Juifs au visage marqué par la souffrance : septante rescapés des fours crématoires venaient remercier Pie XII de son attitude pendant la guerre. […] Chaque année, des délégués de partout vinrent rendre hommage au Pape. Mme Golda Meïr, ministre des Affaires étrangères d’Israël, le remercia d’avoir élevé la voix en faveur des Juifs. »[60]

En 1964, Maurice Edelman, président de l’association anglo-juive et député travailliste déclare : « L’intervention du pape Pie XII a permis de sauver des dizaines de milliers de juifs pendant la guerre. » ⁠[61]

En 1964 encore, Albrecht von Kessel, collaborateur de M. von Weizsaecker, ambassadeur du 3ème Reich près le Vatican déclare : « Je romps le silence, en ces mois où se déroule l’action du « Vicaire » parce que j’étais membre de l’ambassade allemande près le Saint-Siège et parce que je crois, avec mon expérience de douze années de nazisme et de terreur, pouvoir contribuer à porter un jugement sur les faits romains.

La tâche de notre ambassade n’était pas facile. Hitler était capable dans son hystérisme de tout crime. Il avait toujours envisagé la possibilité de faire prisonnier le pape et de le déporter dans le « Grand Reich » -dans la période qui va de septembre 1943 à juin 1944- c’est-à-dire jusqu’à l’arrivée des alliés. Si le pape s’était opposé à cette mesure, il était possible qu’on le fasse abattre « tandis qu’il tentait de s’enfuir » comme on l’a annoncé à ce moment-là à propos de certains morts…auf der Flucht erschossen !

Nous pensions que notre principal devoir était d’empêcher au moins ce crime (l’assassinat du pape), méfait qui aurait été perpétré au nom du peuple allemand.

M. von Weizsaecher devait lutter sur deux fronts : recommander au Saint-Siège -au Pape donc- de ne pas entreprendre d’action inconsidérée, c’est-à-dire d’action dont peut-être il ne percevait pas toutes les dernières et catastrophiques conséquences… d’autre part, il devait chercher à persuader les nazis au moyen de rapports diplomatiques faits avec art que le Vatican faisait preuve de « bonne » volonté et que les innombrables actions particulières du Saint-Siège en faveur des Juifs étaient choses insignifiantes à ne pas prendre au sérieux.

Nous tous membres de l’ambassade d’Allemagne près le Vatican, bien que nous fussions d’avis différents sur la situation, nous étions sans exception d’accord sur ce point : une protestation solennelle de pie XII contre la persécution des Juifs l’aurait probablement exposé, lui et toute la curie romaine, à un très grave danger et certainement alors en l’automne 43, celle-ci n’aurait sauvé la vie à aucun Juif. Hitler déchaîné, réagissait d’autant plus horriblement qu’il trouvait plus de résistance. »[62]

En 1975, le Dr Safran, Grand Rabbin de Roumanie, a estimé à 400.000, les juifs de Roumanie sauvés de la déportation par l’œuvre de St Raphaël organisée par Pie XII. « La médiation du Pape sauva les juifs du désastre, à l’heure où la déportation des Roumains était décidée »[63]

Le 11 septembre 1987, Jean-Paul II, devant 200 personnalités représentant presque toutes les organisations juives des États-Unis, rassemblées au Centre culturel de Miami, rappelait « les efforts énergiques et sans équivoque des papes contre l’antisémitisme et le nazisme au plus fort de la persécution contre les juifs ». Après avoir évoqué Pie XI déclarant le 6 septembre 1938 que « l’antisémitisme ne peut être accepté » et qu’il y avait « en outre l’opposition totale entre le christianisme et le nazisme en affirmant que la croix nazie était une « ennemie de la croix du Christ » (Allocution de Noël 1938) », Jean-Paul II se disait _« convaincu que l’histoire révélera d’une manière d plus en plus évidente et convaincante combien Pie XII ressentait profondément la tragédie du peuple juif et avec quel effort soutenu il oeuvra pour lui venir en aide efficacement pendant la Seconde Guerre mondiale. »[64]

En 1998, le P. Pierre Blet sj qui a travaillé à la publication des Actes et documents relatifs à la Seconde guerre mondiale[65] et à l’attitude de Pie XII, commente ses travaux dans un article intitulé « La légende à l’épreuve des archives ».⁠[66] Il y décrit le travail accompli durant 15 ans et qui l’amène à conclure à l’ « inanité des attaques » contre le pape. Le travail du P. Blet et de ses collaborateurs étant mis lui-même en cause, le P. Blet dénonce, preuves à l’appui, le parti-pris et la malhonnêteté de certains journalistes.⁠[67]

En 2001 paraît le livre d’Antonio Gaspari déjà cité dans lequel il cite le rabbin David Dalin (New York) : « Pie XII fut l’une des personnalités les plus critiques envers le nazisme. Sur 44 discours que Pacelli a prononcés en Allemagne entre 1917 et 1929, 40 dénoncent les dangers imminents de l’idéologie nazie. En mars 1935, dans une lettre ouverte à l’évêque de Cologne, il appelle les nazis « faux prophètes à l’orgueil de Lucifer ». […] Sa première encycliques en tant que pape, Summi pontificatus de 1939 était si clairement anti-raciste que les avions alliés en lâchèrent des milliers de copies sur l’Allemagne. »[68]

Attardons-nous un peu au cas de ce rabbin, éminent historien, spécialiste, entre autres, des relations entre juifs et chrétiens, appartenant à un courant conservateur du judaïsme.⁠[69] A partir de 2001, il va apporter de nombreux témoignages en faveur de Pie XII. Dans un long article publié le 26 février 2001 dans The Weekly Standard Magazine[70], après avoir salué tout particulièrement les travaux sérieux du P. Blet, de Margherita Marchione⁠[71], Ralph McInerny⁠[72], surtout de Ronald Rychlak⁠[73], D. Dalin dénonce les livres qui ont fait le plus de bruit dans la presse mais qui témoignent d’un « certain manque de compréhension de l’histoire »[74] et qui utilisent l’Holocauste pour attaquer l’institution papale et Jean-Paul II. A l’opposé, des auteurs juifs prennent la défense de Pie XII comme Pinchas Lapide déjà cité, Joseph Lichten⁠[75], Livia Rotkirchen⁠[76], Jeno Lavai⁠[77]. Le rabbin appelle à la barre d’autres sommités juives, les historiens : Sir Martin Gilbert, spécialiste anglais de l’holocauste, Michael Tagliacozzo, rescapé de l’holocauste et qui possède un dossier « Calomnies à l’encontre de Pie XII »[78] et Richard Breitman, « seul historien a avoir eu accès aux dossiers d’espionnage américain de la Deuxième Guerre mondiale » qui déclare que des documents secrets prouvent que « Hitler se méfiait du Saint-Siège car il cachait des Juifs ».

Le rabbin conclut : « Pie XII ne fut pas le pape de Hitler, loin de là. Il fut l’un des soutiens les plus fermes de la cause juive, à un moment où elle en avait le plus besoin. […] On peut lire dans le Talmud que « celui qui sauve une seule vie sauve l’humanité ». Pie XII, plus qu’aucun autre homme d’État du XXe siècle, a accompli cela à l’heure où le destin des Juifs européens était menacé. Aucun autre pape n’avait été autant loué par les Juifs avant lui, et ils ne se sont pas trompés. Leur gratitude ainsi que celle de tous les survivants de l’Holocauste prouve que Pie XII fut véritablement et profondément un Juste parmi les Nations. »[79]

Le 20 juin 2008 sur les ondes de radio Vatican, Gary Krupp⁠[80] fondateur de Pave the Way Foundation[81], affirme : « Pie XII a sauvé dans le monde plus de Juifs que toute autre personne dans l’histoire ».⁠[82]

Le 13 septembre 2008 est organisé à Rome un symposium international sur le pontificat de Pie XII à l’initiative de la Fondation américaine Pave the Way Foundation de New York. Y participent des historiens et des rabbins ayant survécu à l’holocauste, témoins de l’œuvre d’assistance portée aux Juifs. Le fondateur et président de la fondation, Gary Krupp y a notamment projeté une video dans laquelle Mgr Giovanni Ferrofino qui était le secrétaire du nonce apostolique en Haïti, de 1939 à 1946, témoigne qu’il recevait deux fois par an des télégrammes cryptés lui demandant des visas à l’intention de Juifs devant fuir l’Europe occupée.⁠[83]

Le 9 octobre 2008, le pape Benoît XVI prononçait une importante homélie pour le 50e anniversaire de la mort de Pie XII.⁠[84] Salue son courage et sa patience, son action aux côtés de Benoît XV pour mettre fin à l’ « inutile massacre » de la Grande Guerre et le fait d’ « avoir décelé dès son avènement le danger constitué par la monstrueuse idéologie nationale-socialiste, avec ses pernicieuses racines antisémites et anticatholiques ». Durant la guerre, son amour pour Rome s’incarna dans une « intense œuvre de charité qu’il accomplissait envers les persécutés, sans tenir compte d’aucune distinction de religion, d’ethnie, de nationalité, d’appartenance politique ». Il refusa de quitter la ville menacée : « Je ne laisserai pas Rome et mon poste, même si je devais en mourir »[85] Pour partager le sort de la population, il se priva de nourriture, de chauffage, de vêtements, et de commodités. Benoît XVI rappelle les messages de 1942 et 1943 que nous avons cités, où Pie XII dénonce déportation et extermination et conclut cette période de la guerre en affirmant que Pie XII « a souvent agi dans le secret et le silence, parce qu’à la lumière des situations concrètes de la complexité de ce moment historique, il avait l’intuition que c’était seulement de cette manière que l’on pouvait éviter le pire et sauver le plus grand nombre possible de juifs. ». Rappelant l’éloge de Golda Meir, Benoît XVI regrette que le débat historique n’ait pas toujours été serein avant d’évoquer l’ « extraordinaire actualité » et la fermeté de nombre de ses enseignements qui en font un réel « précurseur du Concile Vatican II »[86]

Le 13 octobre 2008, plusieurs Juifs italiens ont témoigné devant les caméras de la télévision italienne avoir été sauvés par des membres de l’Église avec le soutien de Pie XII lors des persécutions nazies. Parmi eux se trouvait Emmanuele Pacifici⁠[87], le fils de Riccardo Pacifici, rabbin de Gênes durant la guerre⁠[88].

Le 27 octobre 2008, Arrigo Levi déclare que l’action discrète de Pie XII a pu « éviter la mort de milliers d’autres juifs ».[89]

En novembre 2008, le président de la république italienne Giorgio Napolitano, à la veille de visiter Israël et les territoires palestiniens, a accordé une interview au quotidien israélien Yedioth Ahronot et rappelé, à cette occasion la protection et l’aide apportée par les institutions religieuses à un grand nombre de juifs : « ce sont des milliers, entre vingt et trente mille, de Juifs italiens et même étrangers qui trouvèrent refuge et protection contre les persécutions en Italie ; et s’ils étaient souvent hébergés et protégés par de parfaits inconnus, un très grand nombre le furent dans des institutions religieuses. » Le 24 novembre, le Président a inauguré une plaque à la mémoire des « écoles d’urgence » (Scuole di emergenza) créées en 1938 pour accueillir les élèves et les enseignants juifs expulsés des écoles publiques en vertu des lois raciales.⁠[90]

En juin 2009, le site Internet de l’Union des communautés juives italiennes fait état de « fausses accusations » contre Pie XII. Paolo Mieli, dont une partie de la famille a disparu dans la Shoah, qualifie d’ « absurdes » les accusations portées contre Pie XII et dénonce une « manipulation historique » qu’il faudrait analyser : « prendre pour argent comptant les accusations contre Pacelli, c’est comme traîner sur le banc des coupables présumés, avec les mêmes chefs d’accusation, Roosevelt et Churchill, en les accusant de na pas avoir parlé plus clairement des persécutions antisémites ». Il conclut : « Je refuse d’imputer la mort des miens à une personne qui n’en est pas responsable ». L’historien et journaliste juif Giogio Israel⁠[91] parle d’une diabolisation de celui « qui ne suit pas certains clichés même lorsque cela est en vue d’un bien comme c’est le cas avec Pie XII dont les efforts pour sauver le plus grand nombre de juifs possibles ont été immédiatement reconnus par ceux qui en ont été les bénéficiaires directes et les témoins ». Il ajoute : « Ce ne fut pas tel ou tel couvent ou le geste de compassion de quelques-uns, et personne ne peut penser que toute cette solidarité dont témoignèrent les églises et les couvents, ait pu avoir lieu à l’insu du pape, voire sans son consentement. La légende de Pie XII est la plus absurde de toutes celles qui circulent ». Un autre historien, Roberto Pertici, souligne que les mérites du pape ont été « méconnus dans le monde anglo-saxon » et cachés dans le « monde soviétique, irrité par l’anti-totalitarisme de Pie XII et de l’Église en général ».⁠[92]

Le samedi 2 janvier 2010, la revue Marianne[93]publiait, à la « une » et suite à la possible béatification de Pie XII : « Le pape qui garda le silence face à Hitler ». Le 11 janvier, dans la même publication, un de ses chroniqueurs, Roland Hureaux, prenait la défense de Pie XII en déclarant qu’il avait agi « en homme responsable plutôt qu’en donneur de leçons ». « Il aurait fallu, continue le chroniqueur, une immaturité inouïe à imaginer que le pape aurait pu prendre la parole à tort et à travers sans se préoccuper d’abord de cette responsabilité. »

Le 21 janvier 2010, le philosophe juif Bernard-Henri Lévy déclarait : « On s’étonnera que, dans le silence assourdissant qui marqua le monde entier lors de la shoah, l’on fasse porter tout le poids -ou presque- à celui qui, parmi les dirigeants d’alors, n’avait ni canons ni avions à disposition ; ne ménagea pas ses efforts pour partager, avec ceux qui avaient des avions et des canons des informations dont il avait connaissance ; sauva en personne, à Rome et ailleurs, un tr ès grand nombre de ceux dont il avait la responsabilité morale ».⁠[94]

Le 29 juin 2010, la Fondation Pave The Way annonçait que l’historien Michael Hesemann, représentant la Fondation, avait découvert dans les archives du Vatican des lettres envoyées le 30 novembre 1938 et le 9 janvier 1939 par le cardinal Pacelli aux nonciatures et délégations apostoliques demandant 200.000 visas pour des « catholiques non-aryens » et « juifs convertis », langage propre à tromper les nazis qui, dans le concordat de 1933, autorisaient le Saint-Siège à aider les « catholiques non-aryens ». Le courrier précisait : « que l’on veille à ce que des sanctuaires soient mis à disposition pour sauvegarder leur vie spirituelle et protéger leur culte, leurs coutumes et leurs traditions religieuses. » Matteo Luigi Napolitano, professeur de sciences politiques à l’Université d’Urbino, attire notre attention toute particulière sur une lettre du 9 janvier 1939, envoyée à plus de 60 prélats, où, en latin, mais très explicitement, Pacelli recommande : « N’entreprenez pas de sauver seulement les Juifs mais aussi les synagogues, les centres culturels et tout ce qui appartient à leur foi : les rouleaux de la Torah, les bibliothèques, etc. ».⁠[95] En terminant, Benoît XVI que la cause de béatification de Pie XII « ait une heureuse issue ».

En mai 2011, la Fondation Pave The Way, révélait que des documents découverts montraient que les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient exercé des pressions sur Pie XII pour qu’il se taise⁠[96].

En juin 2011, l’ambassadeur d’Israël au Vatican, Mordechai Lewy, a reconnu l’action de Pie XII et du Vatican lors de la Seconde Guerre mondiale en déclarant : « Il y a tout lieu de penser que ces institutions religieuses catholiques ont recueilli des Juifs avec l’accord et le soutien de la plus haute hiérarchie vaticane » Et que « Ce serait donc une erreur de dire que l’Église catholique, le Vatican et le pape lui-même n’ont rien voulu faire pour sauver des Juifs. C’est le contraire qui est vrai. »[97] Il a également reconnu « La volonté vaticane de sauver les juifs »[98]

Le 14 mars 2012, Zenit répercutait une nouvelle émanant de la Fondation Pave the WXay qui, dans les archives de Yad Vashem, on avait découvert que le futur pape Pie PXII était favorable dès 1917 à la création d’un territoire juif en Israël.⁠[99]

Le 30 janvier 2013, l’Osservatore romano publiait un compte-rendu de Luca M. Possati⁠[100] relatant les recherches effectuées par Patricia M. McGolfrick, de la Middlesex University de Londres, dans les Archives nationales britanniques. Dans un article intitulé New Perspectives on Pius XII and Vatican Financial Transactions during the Second War, l’historienne révèle que Pie XII a combattu le nazisme par des investissements de millions de dollars réalisés aux États-Unis pour soutenir l’industrie de guerre, des actions humanitaires destinées aux troupes alliées, aux populations meurtries⁠[101] et aux Églises persécutées.⁠[102]

*

Toutes ces déclarations et manifestations⁠[103] semblent corroborer ce que Paolo Mieli, directeur du Corriere della Sera écrivait : « L’aversion contre Pie XII est née dans le monde anglo-saxon et protestant[104], pas dans le monde juif qui, au contraire, s’est adapté dans le temps pour ne pas être pris à contrepied par une campagne internationale. »[105]

Reste la question de savoir pourquoi le mémorial Yad Vashem ne reconnaît pas l’œuvre de Pie XII en faveur des Juifs persécutés. Une photo de Pie XII s’y trouve non parmi les criminels mais en tant que personne qui n’a rien fait et avec des inscriptions offensantes pour les catholiques. Le P. Gumpel a publié, en 2008, une interview de Sir Martin Gilbert qu’il présente comme l’historien juif le plus fameux et le plus compétent sur la Shoah. Cet historien affirme que chaque phrase de l’inscription à Yad Vashem est une falsification de l’histoire. Le P. Gumpel conclut que « Yad Vashem manque de logique. d’un côté ils disent : « Tant que nous et nos chercheurs n’avons pas examiné tous les documents qui se trouvent dans les Archives secrètes du Vatican, nous ne pouvons pas juger ». C’est une chose. Mais malgré cela, ils ont déjà jugé et ils ont déjà condamné, ce qui est dépourvu de logique et tout à fait inacceptable du point de vue historique. »[106]

Quatre ans plus tard, en 2012, il semble, que la direction du musée de l’Holocauste ait entendu les protestations. Le mémorial Yad Vashem, tout en évoquant la controverse⁠[107], a décidé de changer le texte accompagnant la photo de Pie XII. Faisant écho au message de Noël 1942 où le pape intervenait en faveur de « centaines de milliers de personnes qui, sans avoir commis de faute, mais pour des raisons de classe ou nationalité, sont destinées à la mort ou à des conditions progressives de dépérissement », le nouveau texte fait état du nombre considérable d’activités de secours entreprises par l’Église catholique pour sauver les Juifs et de l’intervention personnelle de Pie XII pour encourager ces activités et protéger les Juifs.⁠[108]

*

On peut laisser la conclusion à Philippe Chenaux, professeur d’histoire à l’université du Latran : « Ce prétendu silence n’en était pas un, […] le pape en tant que « chef visible de l’Église » et par conséquent « Père commun » des nations et des peuples ne pouvait parler comme le responsable d’une Église locale (en l’occurrence l’Église polonaise). Il devait tenir compte, en pasteur responsable, des intérêts de toute l’Église, à commencer par ceux des quarante millions de catholiques allemands. S’il n’est plus possible de nier aujourd’hui « un certain silence » du pape, qui ne fut pas total, il convient de reconnaître dans le même temps que ce fut « un silence délibéré » et, comme tel, douloureux, dans l’intérêt même des victimes. Plus diplomate que prophète, Pie XII jugea, selon sa conscience, qu’il valait mieux rester prudent dans la dénonciation des crimes et tenter de faire tout ce qu’il était possible de faire pour sauver le plus de vies humaines. »[109]

Risquons enfin risquer une analogie.

Lorsque 3 jeunes touristes belges qui s’étaient égarés sans le savoir dans une zone militaire, sont arrêtés, en septembre 2009, et incarcérés à la prison d’Evin à Téhéran, le ministère belge des Affaires étrangères demanda aux parents et amis la plus grande réserve et de s’abstenir de toute manifestation ou protestation publique. Dans la plus grande discrétion les autorités négocièrent et finirent par obtenir trois mois plus tard la libération des trois jeunes gens. Le ministre remercia publiquement les parents et amis pour leur patience.⁠[110] Il en fut de même lorsque cinq employés de MSF, dont un Belge, furent capturés en Syrie, le ministère des Affaires étrangères demanda la même discrétion et même l’identité des cinq personnes ne fut communiquée.⁠[111]

Personne n’a reproché au gouvernement belge de n’avoir pas dénoncé publiquement l’arbitraire du régime iranien ou sa paranoïa ni fustigé les kidnappeurs.

Le dossier n’est pas clos.

On sait, par l’ami juif du pape François, le rabbin Abraham Skorka, que le Saint-Père entend faire toute la lumière sur l’action de Pie XII durant la seconde guerre mondiale dès que toutes les archives du Vatican seront classées en vue d’une consultation.⁠[112]

Et, en effet, le 2 mars 2020, a eu lieu l’ouverture des archives concernant le pontificat de Pie XII. Plus de deux millions de documents, couvrant la période de 1939 à 1958, dont beaucoup sont numérisés seront accessibles aux chercheurs. Ainsi pourra-t-on mieux connaître le rôle joué par Pie XII lors de la seconde guerre mondiale.


1. Dans les Actes du Colloque de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence, sous la direction de CHELINI Jean et ONORIO Joël-Benoît d’, Pie XII et la Cité, Téqui, 1988, on trouve aussi beaucoup de références pour les années précédant 1988, bien sûr.
2. Voir notamment COSTE R., op. cit., pp. 256-261. Nous avons qu’à l’époque, certains accusaient Pie XII de vouloir attiser la guerre. Le Souverain Pontife était bien conscient de cette calomnie : « Quand les circonstances des temps et des passions humaines permettront ou postuleront la publication de documents encore inédits relatifs à la constante action pacificatrice de l’Église durant cette affreuse guerre […] alors on verra plus clair que le jour en plein midi, la sottise de telles accusations ». ( Discours aux travailleurs italiens, 13 juin 1943). Le 18 mai 1952, dans un Discours au personnel du Ministère de la défense, Pie XII résumait ainsi son temps de guerre : « A l’imitation du divin Rédempteur, Nous-même, depuis que le Seigneur voulut Nous élever, malgré Notre indignité, au souverain pontificat, Nous n’avons rien omis pour défendre la pâix, pour avertir les gouvernants et les peuples des périls de la guerre, pour proposer des normes capables d’écarter de nouveaux conflits, pour en circonscrire et en adoucir les désastreuses conséquences. Vraiment en toute sincérité Nous pouvons demander : Quid est quod ultra debuimus facere et non fecimus. qu’est-ce que Nous devions faire de plus et que n’avons pas fait ? »
3. L’historien suisse Ph. Chenaux, professeur à l’université du Latran note qu’à la mort de Pie XII, Claudel, Maritain et Mauriac avaient soulevé la question du « silence » mais sans rencontré beaucoup d’échos. Il ne donne pas de références. (La Libre Belgique, 7 octobre 2008).
4. A propos de cette pièce et de sa genèse, un ancien général des services secrets roumains, Ion Mihai Pacepa, a prétendu que « Le Vicaire » (Der Stellvertreter) de Rolf Hochhuth, aurait été écrit et utilisé par le KGB pour discréditer le pape Pie XII. Les révélations de cet ancien conseiller du président Nicolae Ceausescu, qui s’est par la suite enfui pour se réfugier aux États-Unis, ont été publiées par le National Review Online, une revue télématique américaine d’histoire (cf. Moscow’s Assault on the Vatican).
   Suite à ces déclarations, le Père Peter Gumpel, rapporteur de la cause de béatification de Pie XII, a rappelé que l’œuvre originale, qui durait huit heures, avait été, selon les critiques de théâtre, « manifestement écrite par un débutant ».  Pour améliorer la pièce et faire en sorte qu’elle puisse être jouée, Erwin Piscator, un habile metteur en scène et producteur, est venu en aide à Hochhuth. Selon le Père Gumpel, Erwin Piscator était « manifestement communiste. Réfugié en Union soviétique pendant la Deuxième guerre mondiale, il avait travaillé en Allemagne et aux États-Unis auprès de bureaux et d’universités notoirement procommunistes ».  + Il est évident pour le Père Gumpel, éminent connaisseur de cette période et de la politique du Saint-Siège pendant les années dont parle l’ancien espion communiste, que « la réduction de la pièce à deux heures et le montage du texte avec les calomnies contre Pie XII sont dus à l’influence de Piscator ».  + Quant à la responsabilité de l’Union soviétique dans cette opération, le Père jésuite explique qu’« au Vatican on savait depuis longtemps que la Russie bolchevique était à l’origine de cette campagne de discrédit contre Pie XII ». Et pour confirmer ses dires, le Père Gumpel ajoute que « dans les pays occupés par les communistes après la seconde guerre mondiale, ‘Le Vicaire’ de Hochhuth était obligatoirement représenté au moins une fois par an dans toutes les grandes villes ». Le Père Gumpel affirme encore que « les quotidiens et les revues communistes comme l’Unità en Italie et l’Humanité en France, ont fait et continuent de faire une grande propagande à l’œuvre de Hochhuth. Aucun doute donc quant à son influence communiste »« Je ne peux affirmer que Hochhuth était un agent des russes, - affirme le Père Gumpel - mais il est évident que son œuvre a été fortement influencée par l’appareil communiste ». A ce propos, le Père Pierre Blet, historien de renom, lui aussi jésuite, a affirmé plus d’une fois que « le drame de Hochhuth ne fait pas partie de l’historiographie et que, par conséquent, c’est comme s’il n’existait pas. S’il a fait tant de bruit c’est parce qu’il s’agit d’un artifice monté de toutes pièces par Moscou pour guider la campagne contre PieXII et le discréditer ». Selon le Père Gumpel, « grâce au « Vicaire », Hochhuth a bénéficié de la propagande des communistes mais aussi de celle des ennemis de l’Église et il est intéressant de noter que la représentation de la pièce a été refusée non seulement à Rome mais également en Israël ».  Quant à la crédibilité du général Ion Mihai Pacepa, le Père Gumpel a déclaré : « Il ne faut pas oublier qu’il est l’un des plus hauts fonctionnaires des services secrets des pays de l’Europe de l’Est à s’être enfui en Occident et que bon nombre de faits qu’il a rapportés exigent des précisions »
   Selon l’historien Giovanni Maria Van, la pièce relance nombre d’accusations portées par Mikhail Markovich Scheinmann dans son livre Der Vatican im Zweiten Weltkrieg, publié d’abord en russe par l’Institut historique de l’Académie soviétique des sciences, organe de propagande de l’idéologie communiste. (Zenit, 23 juin 2009).
   En ce qui concerne les tentatives soviétiques d’infiltrer des agents au Vatican - des tentatives réussies selon l’ancien espion roumain -, le Père Gumpel a rappelé que dans deux institutions de la Compagnie de Jésus, à savoir l’Institut pontifical d’études orientales et le Collège pontifical Russicum, les soviétiques « ont tenté de faire entrer des séminaristes espions ». « Il s’agit d’une affaire que je connais directement, a-t-il souligné. Il a été facile de les démasquer car leur attitude a éveillé de tels soupçons qu’ils ont fini par être chassés. Il était évident qu’ils n’avaient pas la vocation ». Le Père Gumpel doute que des espions soviétiques aient pu avoir accès aux archives secrètes du Vatican et s’emparer de matériel pour monter les calomnies contre Pie XII, comme l’affirme le général roumain. Mgr Sergio Pagano, Préfet des Archives secrètes du Vatican, a écrit au Père Gumpel que « les documents relatifs à Pie XII, pendant la période dont parle l’ancien espion roumain, n’étaient pas encore aux Archives secrètes. Les documents qui les intéressaient se trouvaient aux Archives de la Secrétairerie d’État ».  A ce propos, le Père jésuite a expliqué : «  Ceux qui ne savent pas comment fonctionnent les choses au Vatican confondent facilement les Archives secrètes du Vatican et les archives de la Secrétairerie d’État ». Le Père Gumpel a donc confié que ces révélations « confirment ce que nous savions depuis longtemps et que le Père Pierre Blet a maintes fois souligné ». (Zenit, 19 février 2007)
   Après le triomphe universel du « Vicaire », Rolf Hochhuth écrit et monte une autre pièce de théâtre, « Soldaten, Nekrolog auf Genf », (Soldats, une nécrologie pour Genève), en 1967. Il s’agit, pour lui, cette fois-ci, de démontrer que le Premier Ministre et général polonais Wladyslaw Sikorski, qui meurt dans un accident d’avion en 1943, fut en réalité assassiné par Winston Churchill. Cette pièce de théâtre s’appuie sur les thèses de l’historien anglais David Irving. Une profonde amitié unira désormais ces deux personnages. David Irving, est aujourd’hui déconsidéré, en tant qu’historien, car il est notoirement négationniste.
5. Le film Amen de Costa-Gravas en 2002 relance la polémique. Lors du 50ème anniversaire de la mort de Pie XII, en 2008, de nouvelles accusations sont lancées avec d’autant plus de vigueur que l’on parle d’un procès en béatification du Souverain Pontife. Nous avons déjà cité le livre de DESMURS Ferdinand, Pie XI, le pape qui ordonna le ralliement à Hitler, Golias auquel on peut ajouter VERHOFSTADT Dirk, Pius XII en de vernietiging der Joden, Houtekief, livre relayé complaisamment par La Libre Belgique, 26 septembre 2008, pp. 28-29, deux pleines pages avec un titre occupant la moitié d’une page : « Pie XII avait aussi opté pour l’Ordre nouveau ! ». L’auteur y affirme notamment que l’encyclique Mit brennender Sorge ne parle pas du nazisme mais « des excès contre le Concordat ». Par contre, le film de Jerry London, Le noir et le pourpre, en 1983, avec Gregory Peck et Christopher Plummer ne jouira pas du battage médiatique. Il raconte l’action de Monseigneur O’Flaherty attaché au Vatican qui sauva des milliers de Juifs et d’alliés. 3 000 Juifs se réfugient à Castel Gandolfo, environ 200 à 400 sont embauchés dans la garde suisse du Vatican et 1 500 sont cachés dans des monastères, des couvents ou des collèges. 3 700, sont cachés dans des familles (Cf. http://www.rootsweb.ancestry.com/~irlker/scarlet.html)
6. ROSSI Cardinal Opilio, Pie XII dans l’Église, in CHELINI Jean et ONORIO Joël-Benoît d’(sous la direction de)Pie XII et la cité, Actes du colloque de la Faculté de droit d’Aix-en-Provence, Téqui-Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1988, p. 14.
7. Lettre de juin 1963 à la revue The Tablet, cité par le Père Claude Bressolette sur http://www.equipes-notre-dame.com
8. Cf. BOURDARIAS Jean, L’image de Pie XII dans la presse, in CHELINI Jean et ONORIO Joël-Benoît d’(sous la direction de)Actes du Colloque d’Aix-en-Provence, op. cit., p. 431.
9. Staline soutient le projet de création de l’État d’Israël dans l’espoir d’en faire un bastion socialiste. Mais il change d’attitude lorsqu’Israël accepte un prêt américain de 100 millions de dollars. En 1948, il ferme le Comité antifasciste juif qu’il avait autorisé en 1941 et lance en 1949 la « lutte contre le cosmopolitisme ». Déjà en 1942, son collaborateur Andreï Jdanov avait lancé un programme de « déjudaïsation » de l’etablishment culturel soviétique. A la mort de Jdanov, en 1948, il utilise ce décès contre les médecins juifs (cf. MARIE Jean-Jacques, 1953, les derniers complots de Staline : l’affaire des blouses blanches, Ed. Complexe, 1993). L’année 1953 révèle l’ « hystérie antisémite » de Staline. (Cf. RUCKER Laurent, Staline, Israël et les Juifs, PUF, 2001).
10. Wikipedia (sans référence).
11. DALIN Rabbin D., Pie XII et les Juifs, in DC, n° 2266, 17 mars 2002, p. 291. Considéré comme un rabbin conservateur, David Dalin a d’abord été professeur associé d’histoire juive à l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Universit%C3%A9_de_Hartford[université de Hartford
12. Wikipedia (sans référence).
13. Cf. Père BRESSOLETTE Claude sur http://www.equipes-notre-dame.com et Rabbin DALIN D., Pie XII et les Juifs, in DC, n° 2266, 17 mars 2002, p. 291
14. Rabbin DALIN D., op. cit., p. 292.
15. 1889-1977. Ce philosophe et théologien allemand converti du protestantisme avait dès 1914 considéré que l’invasion de la Belgique était un crime ce qui, dès cette époque, le rendit suspect aux yeux des nationalistes. Dès les années vingt, il est sur la liste noire des nazis. Alors qu’il enseigne à Vienne, il est condamné à mort par contumace en 1935 et échappe de peu à l’arrestation en 1938. Pie XII le surnommait « le docteur de l’Église du XXe siècle ». Il fut aussi très apprécié de Jean-Paul II et Benoît XVI qui en ont fait maintes fois l’éloge.
16. DALIN D., op. cit., p. 292.
17. Id..
18. Cité par BOURDARIAS Jean, journaliste chargé de l’information religieuse au Figaro, in L’image de Pie XII dans la presse, in Actes du Colloque d’Aix-en-Provence, op. cit., p. 430.
19. DUCE Alessandro, La Santa Sede e la questione ebraica (1933-1945), Roma, Edizioni Studium, 2006, pp. 7 et 63).
20. Le Pape y rappelle la parole de Paul : « il n’y a ni païen, ni juif » (Col 3, 11).
21. DALIN D., op. cit., p. 292.
22. Id..
23. On peut comparer aussi Pie XII à quelques-uns de ses contemporains. Faut-il rappeler les persécutions exercées par le régime stalinien contre les Juifs ? Faut-il rappeler les jugements parfois sévères de Winston Churchill publiés le 8 février 1920, dans l’article « Zionism versus Bolshevism » dans le « Illustrated Sunday Herald » ou encore repris plus récemment par Amy Iggulden sous le titre The Churchill you didn’t know, paru dans le Guardian, du 28 novembre 2002. Ou encore l’attitude du président Roosevelt. Dès avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, il avait dénoncé l’oppression et les lois de Nuremberg. Pourtant, il considérait également qu’il ne pouvait intervenir directement dans les affaires internes de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_Reich[Allemagne
24. Pie XII, le pape outragé, Robert Laffont, 1964, p. 19.
25. Cf. Lettre supra.
26. COSTE R., op. cit., pp. 211-228.
27. Rabbin DALIN D., Pie XII et les Juifs, in DC n° 226, 17 mars 2002, p. 291. L’auteur poursuit : « une semaine plus tard,  le Jewish Advocate de Boston parle cette émission comme d’une « dénonciation franche des atrocités allemandes en Pologne qui sont autant de négations de la conscience morale humaine Dans son éditorial, le New York Times écrit alors : « Le Vatican s’est exprimé avec une autorité qui ne peut être mise en doute et a confirmé que la Pologne vivait bel et bien sous le règne de la terreur ». Enfin, en Angleterre, le Manchester Guardian salue Radio Vatican comme « la voix de la Pologne torturée ». » 
28. Le ministre allemand des affaires étrangères était venu accuser le Saint-Siège de s’être rangé aux côtés des alliés. Le pape avait répondu par une longue liste d’atrocités commises par les Allemands. (DALIN D., op. cit., p. 292.
29. OR, 17 octobre 1978, p. 8.
30. DALIN D., id..
31. Elle collabora avec Simone Weil à la diffusion clandestine des cahiers de Témoignage chrétien (cf. DUCROCQ Marie-Pascale, Simone Weil, l’appel universel à la sainteté, Ed. St Augustin, 2005, pp. 47-78). Cette femme qui, adolescente, avait lu Mein Kampf, a laissé son témoignage dans un livre : Le choix de la résistance, Cerf, 1998.
32. La Croix, 28 février 2002.
33. Allocution au Sacré Collège  : « d’autre part, vous ne vous étonnerez pas, Vénérables Frères et chers fils, si notre cœur réagit avec une sollicitude toute prévenante et émue aux prières de ceux qui se tournent vers nous avec des yeux d’anxieuse imploration, tourmentés comme ils le sont, en raison de leur de leur race ou de leur nationalité, par des malheurs plus grands, par des douleurs plus pénétrantes et plus lourdes, et livrés, même sans faute de leur part à des mesures d’extermination. Que les chefs du peuple n’oublient pas que celui qui (pour utiliser le langage de l’Écriture Sainte), « porte le glaive », ne peut disposer de la vie et de la mort des hommes que selon la loi de Dieu, de qui vient toute puissance ( cf. Rm . 13, 4) ! ».
34. « Vous n’attendez pas que Nous exposions ici, même partiellement, ce que nous avons tenté et essayé d’accomplir pour atténuer leurs souffrances, améliorer leur situation morale et juridique, pour défendre leurs droits religieux imprescriptibles, subvenir à leur détresse et à leurs nécessités. Toute parole de Notre part, adressée à ce propos aux autorités compétentes, toute allusion publique devaient être sérieusement pesées et mesurée par Nous, dans l’intérêt même de ceux qui souffrent pour ne pas rendre, malgré Nous, leur situation encore plus grave et plus insupportable. Malheureusement, les améliorations manifestement obtenues ne correspondent pas à l’immense sollicitude maternelle de l’Église en faveur de ces groupes particuliers, soumis aux plus cruelles vicissitudes ; et comme Jésus en face de sa ville devait s’écrier avec douleur : Quoties volui ! . . . et noluisti ! ( Lc13, 34), de même son Vicaire, bien qu’il demandât seulement compassion et retour sincère aux règles élémentaires du droit et de l’humanité, s’est trouvé souvent devant des portes qu’aucune clé ne pouvait ouvrir. » (Id.).
   A propos des prises de position des Église locales, il écrit dans une lettre à l’évêque de Berlin où il cite Mgr LIchtenberg qui avait fait prier pour les Juifs dans la cathédrale Ste Edwige de Berlin et qui mourra pendant sa déportation à Dachau : « En ce qui concerne les déclaration épiscopales, Nous laissons aux pasteurs en fonction sur place le soin d’apprécier si, et en quelle mesure, le danger de représailles et de pression, ainsi que peut-être d’autres circonstances dues à la longueur et à la psychologie de la guerre, conseillent la réserve -malgré les raisons qu’il y aurait d’intervenir- afin d’éviter des maux plus grands. C’est l’un des motifs pour lesquels Nous-même Nous Nous imposons des limites dans Nos déclarations. L’expérience que Nous avons faite en 1942, en laissant reproduire librement à l’usage des fidèles des documents pontificaux, justifie Notre attitude, dans la mesure où Nous pouvons le voir. » (Lettre citée in ONORIO Joël-Benoît d’, Ecce sacerdos magnus, in Actes du Colloque d’Aix-en Provence, op. cit., p. 44. Lettre publiée in DC, n° 1417, 2 février 1964, col. 216.) Pie XII fait sans douta allusion à ce qui s’est passé aux Pays-Bas. (Cf. infra).
   Cette politique rejoint la conclusion à laquelle le Comité international de la Croix-Rouge était arrivé : « Tout d’abord, les protestations ne servent à rien ; en outre, elles peuvent rendre un très mauvais service à ceux à qui on voudrait venir en aide. » (BLET P., Actes et documents Actes et documents relatifs à la Seconde guerre mondiale, 12 vol., Cité du Vatican, 1965-1981, IX, p. 133).
35. Cité par le Rabbin DALIN D., Pie XII et les Juifs, in DC, n° 2266, 17 mars 2002, p. 291.
36. Cf. ONORIO Joël-Benoît d’, Ecce sacerdos magnus, in Actes du Colloque d’Aix-en Provence, op. cit., p. 44. Lettre publiée in DC, n° 1417, 2 février 1964, col. 216.
37. In BLET P., Actes et documents…, op. cit., II, p. 293.
38. Par la Princesse Enza Pignatelli Aragona Cortes. Dans les archives américaines, on a découvert que les alliés qui avaient déchiffré les codes allemands, étaient au courant, une semaine avant le déclenchement de l’opération que l’arrestation des juifs romains se préparait. Ils décidèrent de ne pas prévenir les Romains pour protéger leurs services de renseignement. Ce qui fait écrire à Jeno Levai, grand spécialiste hongrois de l’Holocauste que, par une ironie « particulièrement regrettable, […] la seule et unique personne de toute l’Europe occupée qui a fait plus que quiconque pour arrêter les atrocités contre les juifs et atténuer leurs conséquences est aujourd’hui le bouc émissaire des défaillances d’autres. » (Zenit, 30 mai 2010)
39. Le général Dietrich Beelitz, officier de liaison avec le bureau du maréchal Albert Kesserling et le commandement d’Hitler fut témoin de la conversation entre Himmler et Stahel qui prétendit que l’opération avait dû être arrêtée pour des raisons militaires. Quand le mensonge de Stahel fut connu, Himmler l’envoya sur le front de l’Est. La Fondation Pave the Way qui a découvert ces faits, possède aussi le témoignage du lieutenant Nikolaus Kunkel, officier allemand du quartier général du gouverneur militaire de Rome qui les confirme. (Zenit, 30 mai 2010).
40. Le P. GUMPEL, cité in Dimanche, 18 mars 2001.
41. DALIN D., op. cit., p. 295.
42. La lettre est reproduite dans le catalogue de l’exposition consacrée à la vie de Pie XII en 2008, au Vatican : « L’uomo et il pontificato 1876-1958 », Libreria Editrice Vaticana, p. 157. (Cf. Zenit, 3 novembre 2008).
43. Cf. DALIN D., op. cit., p. 295. Comment le pape a-t-il pu apporter son aide ? Les interventions du Vatican s’effectuèrent de fait par le biais des clergés nationaux et des nonces. Les démarches de Mgr Rotta à Budapest et de Mgr Burzio à Bratislava, par exemple, permirent ainsi de sauver plusieurs centaines de milliers de Juifs. Quand le 16 octobre 1943, les Juifs de Rome furent raflés, Pie XII demanda à son secrétaire d’État de convoquer l’ambassadeur Ernst von Weizsäcker. Le compromis trouvé fut d’échanger le silence du pape contre l’arrêt immédiat de cette rafle. Si des milliers de Juifs furent ainsi sauvés, près d’un millier de Juifs déjà raflés moururent à Auschwitz. Les défenseurs du Pape indiquent que son action directe et indirecte aurait permis de sauver entre 700 000 et 860 000 Juifs. Plusieurs institutions juives, comme on va le voir, l’ont remercié à différentes reprises pour ses actes. Ce sont incontestablement les juifs d’Italie qui bénéficièrent le mieux des efforts de Pie XII puisque 80ù d’entre eux furent sauvés alors que 80% des juifs d’Europe étaient exterminés. On peut consulter à ce sujet le mémoire de Mgr CAROLL-ABBING J. Patrick, But for a Grace of God, 1965 (1912-2001, cf. The Telegraph, 13 juillet 2001). A partir d’octobre 1943, Pie XII demande aux églises et aux couvents d’Italie de recueillir des juifs, dans 155 couvents et monastères de Rome, à Castel Gandolfo, à l’Université grégorienne, dans les caves de l’Institut biblique pontifical, au Vatican même. Ailleurs, cardinaux et évêques suivirent le mouvement comme à Gênes, à Assise, à Fiume, en Campanie …
   Si l’on veut des renseignements plus précis sur le fonctionnement d’un des réseaux clandestins créés par Pie XII, le « Raphaël Verein », on peut lire l’interview du dernier membre en vie (97 ans en 2010), le P. Giancarlo Centioni sur Zenit, 15 janvier 2010. Le P. Gumpel a deux documents écrits qui témoignent de l’action de Pie XII : une note de novembre 1943 extraite du Mémorial des religieuses Augustines du Monastère des Quatre Saints couronnés, disant : « Le Saint-Père veut sauver ses enfants, y compris les Juifs, et ordonne aux monastères d’accorder l’hospitalité aus persécutés » et l’autre adressée à l’évêque d’Assise Mgr Nicolini qui l’a montré à son collaborateur le P. Brugnazzi. Tous deux ont été déclarés « Justes parmi les Nations », Le site Yad Vashem sonsacre d’ailleurs une section au « réseau d’Assise ». (Zenit, 4 mars 2009)
   Quant à la question de savoir si, aux excommunications de facto, l’excommunication nominative, publique de Hitler aurait servi à quelque chose, Don Luigi Sturzo, fondateur du Mouvement démocrate pendant la guerre, fit remarquer que de telles excommunications qui ont été prononcées contre Elisabeth Ire ou Napoléon, n’ont rien changé dans leur politique. (DALIN D., op. cit., p. 293.) En tout cas, le parti nazi a été excommunié par les évêques catholiques allemands dès 1930 (Révélé par Pave The Way, cf. Zenit, 6 octobre 2009).
44. DALIN D., op. cit., p. 293.
45. Sur les conseils d’Ernst von Wiezsäker (1882-1951), ambassadeur au Saint-Siège, secrétaire général aux affaires étrangères auprès de Ribbentrop, de Rudolf Rahn (1900-1975) diplomate et agent de renseignements, et du général SS Karl Wolff (1900-1984), second de Heinrich Himmler, Hitler finit par abandonner son projet. ( cf. DALIN D., op. cit., p. 293) Mais, en janvier 1944 un nouveau complot baptisé « Rabat-Föhn » devait être exécuté par des SS déguisés en Italiens. Ils devaient s’introduire au Vatican et « massacrer Pie XII et le reste » en fonction de la « position pro-juive du Pape ». (Documents fascistes publiés en 1998 et résumés par MARCHIONE M., in Pope Pius XII et évoqués par DALIN D., op. cit., p. 294).
   Conscient de la menace, Pie XII avertit les cardinaux qu’ils devaient se tenir prêts à se réfugier dans un pays neutre. Lui-même signa une lettre de démission (fait confirmé par la secrétaire de Pie XII : Sr Pascalina Lehnert) et donna instructions aux cardinaux pour former un gouvernement en exil et élire le nouveau Pape. Le secrétaire d’État, quant à lui, ordonnait dans une lettre à la garde suisse de ne pas résister. (Découverte faite par la Fondation Pave the Way, cf. Zenit, 30 mai 2010).
   Le 16 juin 2009, le quotidien Avvenire a confirmé l’intention qu’a eue Hitler de déporter ou tuer Pie XII et le roi pour se venger des Italiens qui avaient arrêté Mussolini. Le journaliste Diego Vanzi a pu visionner des documents auprès du fils d’un des protagonistes qui n’étaient pas du tout décidés à exécuter une telle mission. L’un fut pendu, un autre se suicida pour éviter l’arrestation et le troisième fut envoyé sur le front de l’Est.
46. DALIN D., op. cit., p. 295.
47. DALIN D., op. cit., p. 295. Dans le même esprit, le sénateur Lévi fit don à Pie XII, en remerciement de son action en faveur des Juifs, du palais occupé actuellement par la nonciature près la république italienne. (cf. ONORIO J.-B. d’, op. cit., p. 46)
49.   CABAUD Judith,  Eugenio Zolli et le pape Pie XII, Kephas, novembre 2006.  De la même, Eugenio Zolli, Ed. F.-X. de Guibert, 2000.
50.  Monde et Vie, n°152, 18 mai 1995.
51. OR, 8-9-1945.
52. OR, 23-9-1945.
53. New-York Times, 11 octobre 1945.
54. Cité in DALIN David, Pie XII et les Juifs, Le Mythe du pape d’Hitler, Tempora, 2007. On évoque aussi ce « Jour de gratitude » pour l’assistance fournée par le pape durant la guerre » sur le site juif tunisien www.harissa.com
55. Cité in GASPARI Antonio, Gli ebrei salvati da Pio XII, Ed. Art, 2001. Le rabbin Dalin note que jamais le gouvernement israélien n’aurait payé le voyage de l’orchestre qui n’a jamais joué Wagner parce qu’il était le compositeur de Hitler, pour rendre hommage « au Pape de Hitler » ! « Au contraire, écrit-il, le concert sans précédent de l’Orchestre philarmonique israélien est un geste unique de gratitude collective envers un grand ami du peuple juif. » (op. cit., p. 295).
56. Déclaration publiée aussi dans Le Monde, 10.10.1958. Elio Toaff, né en 1915, a été Grand rabbin de Rome de 1951 à 2002. Ami de Jean-Paul II, il est une des trois personnes citées dans le testament spirituel de l’ancien pontife aux côtés de l’archevêque Stanislaw Dziwisz er de Joseph Ratzinger.
57. Cf. BOURDARIAS Jean, L’image de Pie XII dans la presse, op. cit., pp. 432-433. Cet auteur ajoute encore ces témoignages : « C’est lui qui a sauvé Rome de la destruction. Beaucoup l’ont oublié déjà. Mais l’Histoire le rappelle comme elle se souvient de la démarche de saint Léon auprès d’Attila » (La liberté de Fribourg).
   « Que nous adhérions ou non aux principes de son Église, nous devons rendre hommage à sa personnalité et au bien qu’il a fait au monde libre et civilisé. La chrétienté vaut mieux que l’Antéchrist et la foi vaut mieux que le cynisme sans fondement. Lutter pour cela et triompher revient à faire beaucoup pour empêcher notre époque de sombrer dans le désespoir ». (Daily Mail)
   « Le Saint-Père était devenu intensément hostile à toute forme de gouvernement démocratique, mais les progressistes du monde entier se rappelleront avec gratitude ses appels en faveur des Rosenberg, intervention sans précédent au Vatican ». (Daily Worker, communiste).
   « Pie XII sera sans doute pour les catholiques « le pape des laïcs ». C’était un intellectuel, un homme actif, imbu de l’amour de Dieu et de compassion pour les hommes ». (Times).
   « Conserver l’unité de son Église en face d’idéologies opposées dont chacune prétend s’imposer à toute l’humanité était une tâche qui réclamait un jugement politique, une finesse diplomatique et surtout le don d’exprimer la vérité chrétienne d’une façon qui faisait s’estomper les conflits temporels. » (Daily Telegraph).
   « Par sa charité qui s’étendait bien au-delà de ceux qui sont en communion avec le Saint-Siège et par ses prodigieux efforts en vue de soulager les victimes de la guerre, il s’est montré un vrai Saint-Père et sa mort est pour nous un appauvrissement ». (The Dome, organe de l’Église anglicane).
   « C’était un diplomate doué, et un administrateur accompli » (New York Times).
   « Ascétique, cultivé, ayant voyagé, courageux, Pie XII a gagné le respect de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté de toutes les religions. Il était l’un des grands hommes d’État de l’Église catholique formé par l’expérience et pourvu du caractère indispensable pour tenir sa haute mission au cours d’une ère de conflit tragique et provocateur. » (New York Herald Tribune).
   « Bien que ses déclarations en temps de crise n’aient pu que rarement modifier le cours des événements, sa voix calme fut de plus en plus reconnue comme celle de la conscience chrétienne s’élevant au-dessus du tumulte de la propagande et des confusions d la guerre. » (Washington Post).
   « Le pontificat de Pie XII, dont les dernières années ont été marquées par un extraordinaire sursaut de vitalité spirituelle, invite au respect par la vigueur même de cette spiritualité. Cette vigueur a pris des formes intransigeantes que pouvait expliquer la lutte difficile que mène l’Église catholique romaine face au totalitarisme marxiste. Cette volonté de forger un instrument homogène a pu rendre difficiles les relations doctrinales avec les autres Églises chrétiennes mais personne ne contestera à Pie XII la grandeur de la mission dont l’a revêtu son pontificat. » (La tribune de Genève).
58. Le Monde le 13.12.1963. Pinchas Lapide est l’auteur de The Last three Popes and the Jews, MWBooks, 1967 où il écrit encore (p. 269) que sa patrie pourrait planter à la mémoire du pape Pie XII une forêt de 860.000 arbres.
59. En 1939, des prêtres polonais demandèrent à Pie XII de mettre fin aux émissions de Radio-Vatican dont l’effet était contraire au but recherché. Durant la guerre, l’archevêque Sapiéha de Cracovie et deux autres évêques polonais ont demandé au pape de ne pas publier de lettre sur ce qui se passait en Pologne, par crainte de représailles. Et le Grand rabbin du Danemark, Marcus Melchior, rescapé de l’holocauste dira que « si le pape avait été plus explicite, Hitler aurait sans doute massacré plus de six millions de Juifs et peut-être 10 millions de catholiques s’il en avait eu le pouvoir. » (cité in P. BRESSOLETTE C., op. cit. ; Dimanche, 18 mars 2001 et DALIN David, Le Mythe du pape d’Hitler, Tempora, 2007). On sait aussi que, l’ancien évêque de Nice, Paul Rémond (oncle de l’historien René Rémond), quoique n’ayant guère protesté au moment des rafles, a couvert, dans les Alpes-Maritimes, les activités clandestines du réseau Abadi, grâce auquel on parvint à sauver 500 enfants. Malgré son « silence », il a été déclaré « Juste » parmi les nations. (Cf. http://jcdurbant.wordpress.com/)
   Par contre, aux Pays-Bas, en juillet 1942, les dirigeants catholiques (Mgr Johannes De Jong, archevêque d’Utrecht) et protestants envoient au commissaire du Reich un télégramme de protestation contre les mesures d’exceptions contre les Juifs et les déportations. Le texte de ce télégramme est lu dans les églises et dans les temples le 26 juillet 1942. En représailles, les nazis font arrêter les juifs convertis comme la philosophe Edith Stein (cf.  MONTCLOS Xavier de, Les chrétiens face au nazisme et au stalinisme, l’épreuve totalitaire 1939-1945, Plon, 1983, p.229). A partir de ce moment, les Nazis durcissent leur attitude vis-à-vis des Néerlandais : des dirigeants socialistes sont arrêtés et des prêtres catholiques comme Titus Brandsma sont déportés en camps de concentration. A partir du 6 août 1942, un bataillon de la police hollandaise fut déployé pour arrêter les Juifs. (cf.  HILBERG Raul, La destruction des Juifs d’Europe, T2, Gallimard, 2006, T2, pp.1047-1100). Pinchas Lapide témoigne : « Le plus triste et alarmant, c’est que plus le clergé hollandais protestait haut, fort et fréquemment -plus que la hiérarchie catholique et que tous les autres pays occupés- plus les nazis déportaient de juifs. 110.000 juifs, soit 79% de la communauté de ce pays, partiront vers les camps de la mort ». De son côté, l’évêque Jean Bernard du Luxembourg qui séjourna à Dachau de 1941 à 1942, déclara : « A chaque fois que des voix s’élevaient pour protester, les conditions de détention des prisonniers empiraient ». (Cités par DALIN D., Pie XII et les Juifs, in DC, n° 2266, 17 mars 2002, p. 294). Autre témoignage, celui de Richard M.W. Kempner, procureur-adjoint américain aux procès de Nuremberg : « Tout mouvement de propagande de l’Église catholique à l’encontre de Hitler et du Troisième Reich n’aurait pas seulement été pur « suicide », mais aurait accéléré l’exécution de juifs et de prêtres. » (Courrier des lecteurs de la revue Commentary, 1964, cité in DALIN D., op. cit., p. 293).
60. Cité par CURVERS A., op. cit., pp. 19-20.
61. La Gazette de Liège, le 3 janvier 1964.
62. L’Osservatore della Domenica, 28 juin 1964 cité in La France catholique, 4 décembre 1964.
63. Cité in KLEIN Charles, Pie XII face aux nazis, S.O.S. 1975. Ch. Klein a travaillé dans les archives de la RFA (Bonn, Coblence et Fribourg), su Service international de recherches de la Croix-Rouge (Arolsen), du Caritas Verband (Freiburg-i/Br), de l’archevêché de paris et de l’Aumônerie générale des prisonniers de guerre (Paris). (Cf. Archives des sciences sociales, 1979, vol. 47, p. 264).
64. DC, n° 1948, 18 octobre 1987, p. 88.
65. Publication en douze volumes à la disposition des historiens, Cité du Vatican, 1965-1981. Le P. Blet (1918-2009) a publié l’essentiel et les conclusions de ce travail monumental dans Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d’après les archives du Vatican, Perrin, 1997. On peut lire aussi de lui ce livre posthume : Pie XII, Via romana, 2011.
66. Publié à la fois in La Civiltà cattolica, n° 3546, 21 mars 1998, OR, 27 mars 1998 et DC, n° 2180, 19 avril 1998, pp. 381-386.
67. Notamment à propos de lettres qui auraient été échangées entre Hitler et Pie XII qui n’existent ni dans les archives vaticanes ni dans les archives allemandes et dont la référence ne se trouve nulle part sinon dans l’imagination du journaliste. Autre invention : l’or nazi enlevé aux juifs et qui, placé dans les caisses du Vatican auraient servi à faciliter l’évasion de criminels nazis vers l’Amérique latine ! La seule évocation d’un échange d’or est celui de 15 kgs d’or donnés par Pie XII au Grand Rabbin qui, suite à un racket des SS avait demandé au Pape les kilos qui lui manquaient ! L’affirmation que l’Église aurait soutenu le nazisme est « un mensonge pur et simple ».
68. Cité in Dimanche, 18 mars 2001.
69. L’un des livres de DALIN, « Religion and State in the American Jewish Experience », a été déclaré l’un des meilleurs travaux académiques en 1998. Il a donné différentes conférences sur les rapports entre Juifs et chrétiens au Hartford Trinity College, à l’université George Washington et au Queens College de New York.
70. Article traduit et publié sous le titre Pie XII et les juifs, in DC n°2266, 2002, pp. 289-296 et résumé par l’agence de presse catholique CIP, de Bruxelles, le 21 février 2001.
71. Pope Pius XII, Architect of Peace, Gracewing, 2000. M. Marchione est professeur à la Fairleigh Dickinson University.
72. The Defamation of Pius XII, St Augustine’s Press, 2001. R. McInerny est professeur à l’Université Notre-Dame.
73. Ronald Rychlak, professeur de droit de l’université du Mississipi (auteur des livres : Hitler, the War and the pope, publié en 2000, réédité et augmenté en 2010 aux éditions Our Sunday Visitor.
74. Il s’agit de John Cornwell, Hitler’s Pope, Garry Wills, Papal Sin et James Carroll, Constantine’s Sword, Suzan Zuccotti, Under his very window. D. Dalin se plaît à souligner que les deux premiers auteurs sont d’anciens séminaristes et que le troisième est un ancien prêtre.
   La légèreté de certains « historiens » est confondante. Le 3 février 2010, Zenit épinglait deux « chercheurs » qui prétendaient avoir trouvé un document prouvant l’indifférence de Pie XII lors de la rafle de Rome. Or leur document renfermait « une grave erreur de date de la part des chercheurs qui l’ont présenté : le et avait été écrit avant ces terribles faits. Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirment les deux chercheurs qui ont fait ces « révélations », il ne s’agit pas d’un document inédit : le texte avait déjà été publié en 1964 et était largement connu des historiens ». Pie XII effectivement ne parlait pas de la rafle puisqu’elle n’avait pas encore eu lieu… Ces chercheurs n’en sont pas à leur première « légèreté » comme on peut s’en rendre compte sur le site : vaticanfiles.spindler.com
75. Membre de la Ligue contre la diffamation, il a écrit A Question of Judgement, DC National Catholic Welfare, 1963.
76. Spécialiste de l’histoire de la communauté juive slovaque à Yad Vashem, elle a écrit  une critique très sévère du livre de Saul Friedläder qui s’attaque à Pie XII dans Pie XII et le 3ème Reich.
77. Grand historien hongrois, il a écrit Pius XII was not silent, Sands and Company, 1968 avec une préface de Robert M.W. Kempner, procureur-adjoint américain aux procès de Nuremberg.
78. M. Tagliacozzo a résidé avec d’autres juifs et pendant plusieurs mois, en 1943-1944, au Séminaire romain dont le recteur était le cardinal Pietro Palazzini déclaré « Juste parmi les nations ». Recevant cet honneur, il déclara : « Tout le mérite revient à Pie XII qui nous a demandé de faire tout notre possible pour sauver les juifs de la persécution ». (cf. DALIN D., op. cit., p. 294).
79. Op. cit., p. 295.
80. Ce chercheur juif estime que la pièce  Le vicaire « a été la plus grande tentative d’assassinat moral du XXe siècle ». (Extrait d’une conférence reproduite sur le blog de Patrice de Plunkett, le 7 novembre 210.)
81. PTWF est une organisation non-sectaire dont la mission est d’identifier et d’éliminer les obstacles non-théologiques entre les religions.
82. Zenit, 17 septembre 2008.
83. Mgr Ferrofino se rendait chez le Président de la république dominicaine Rafael Trujillo pour lui demander 800 visas. A raison de deux démarches par an, de 1939 à 1945, au moins 11.000 Juifs furent embarqués au Portugal et mis à l’abri en république dominicaine. (Zenit, 17 septembre 2008).
84. D.C. n° 2412, 16 novembre 2008, pp. 987-990.
85. Summarium, p. 186. (Référence donnée par Benoît XVI).
86. Cf. PAUL VI, Angelus du 10 mars 1974. Du 6 au 8 novembre a eu lieu un congrès organisé  par les universités Grégorienne et du Latran sur « L’héritage du Magistère de Pie XII et le Concile Vatican II ». A cette occasion, Benoît XVI a reçu les participants au Vatican, le 8, et a prononcé un nouvel éloge de son prédécesseur, « une figure de grande valeur historique et théologique ». (Zenit, 11 novembre 2008).
87. Né en 1931, historien auteur, notamment de livres-témoignages sur la déportation.
88. Né en 1904, mort à Auschwitz en 1943.
89. In La Stampa, 27 octobre 2008. A. Levi a dirigé La Stampa, éditorialiste du Corriere della Sera, a été conseiller à la Présidence de la république en 2004.
90. Zenit, 24 novembre 2008.
91. Giorgio Israël est le fils de Saul Israël qui avait trouvé refuge avec d’autres juifs dans le couvent de San Antonio, via Merulana à Rome.
92. Zenit, 15 et 23 juin 2009. Les articles se réfèrent à une rencontre organisée à l’Institut Luigi Sturzo à l’occasion de la présentation du livre « En défense de Pie XII, Les raisons de l’histoire » sous la direction de Giovanni Maria Vian, historien, directeur de l’Osservatore romano. Celui-ci attribue la « légende noire » à la propagande communiste qui, dès la guerre, considérait le pape comme complice du nazisme et de ses atrocités.
93. Revue fondée en 1997 par deux journalistes juifs : J.-Fr. Kahn et Maurice Szafran. Ce magazine d’information se définit elle-même comme centriste révolutionnaire, iconoclaste et provocateur. Il a été refondu et rebaptisé en 2013 sous le titre Nouveau Marianne.
94. OR, 21 janvier 2010 reprenant un article publié dans le Corriere della sera, 20 janvier 2010. B.-H. Lévy rappelle aussi que Rolf Hochhuth, par qui la légende se répandit est « un négationniste patenté, condamné plusieurs fois comme tel et dont la dernière provocation, il y a 5 ans, fut de prendre la défense, dans une interview à l’hebdomadaire d’extrême-droite Junge Freiheit, de celui qui nia l’existence des chambres à gaz, David Irving ».
95. Zenit, 5 juillet 2010. Le professeur Napolitano commente ce texte en écrivant : « Etant donné que beaucoup de ceux qui ont critiqué ce pontificat n’ont pas encore accepté la menace prouvée des nazis contre l’État du Vatican et la vie du pape Pie XII lui-même, ils semblent ne pas comprendre le besoin de tromper en envoyant uniquement des instructions codées ou verbales ». La Fondation explique que les expressions « catholiques non-aryens, non-aryens et juifs catholiques voulaient en réalité toutes dire juifs » Elliot Hershberg représentant la Fondation affirme : « Nous croyons également que beaucoup de juifs qui ont réussi à quitter l’Europe ne savent peut-être absolument pas que leurs visas et leurs documents de voyage ont été obtenus grâce à ces efforts du Vatican. »
96. Zenit, 18 mai 2011. Il s’agit notamment de lettres découvertes, entre autres, par Ronald Rychlak, professeur de droit de l’université du Mississipi (auteur des livres : Hitler, the War and the pope, publié en 2000, réédité et augmenté an 2010 aux éditions Our Sunday Visitor et Righteous Gentiles, How Pius XII and the catholic Church saved Half a Million Jews from the Nazis, Isi Books, 2005) , échangées entre Franklin C. Gowen, Harold Tittman, assistants de Myron Taylor représentant du président S. D. Roosevelt et sir d’Arcy Osborne, représentant britannique près le Saint-Siège.
   Par ailleurs, le journaliste Dimitri Cavalli, chercheur et collaborateur à la Fondation a trouvé des documents extrêmement significatifs de l’agence internationale JTA (Jewish Telegraph Agency). Ainsi, le 15 janvier 1943, la JTA reproduit la réponse du cardinal Gerlier, archevêque de Lyon aux autorités nazies qui proposaient de laisser ne paix l’Église catholique si celle-ci se taisait sur le traitement réservé aux Juifs. Dans la réplique du cardinal au commandant nazi, on lit : « Vous ne savez pas que le Saint-Père a condamné les lois antisémites et toutes les mesures anti-juives. » Une dépêche du 28 juin 1943 fait état des accusations de Radio Vatican contre le traitement que recevaient les Juifs en France.
   La revue Jewish Chronicle de B’nai B’rith (association juive d’action sociale) du 19 mai 1940 montre le pape en discussion avec des professeurs juifs expulsés des institutions italiennes. La même revue, du 9 septembre 1942, informait que Joseph Goebbels, ministre de la propagande nazie, avait imprimé dix millions d’opuscules en plusieurs langues distribués en Europe et en Amérique latine, condamnant Pie XII pour sa position en faveur des Juifs.
   Le 5 février 1943, la revue juive Advocate fait écho à l’attaque du cardinal Jusztinian Györg Serédi, archevêque d’Esztergom-Budapest contre les théories raciales. Cette déclaration fut répercutée sur les ondes de Radio Vatican. Dans le même article, on annonce que Mussolini a rendu les lois raciales moins dures pour pouvoir reprendre les relations avec le Vatican.
99. Le 12 mai 1917, Eugenio Pacelli organise une rencontre entre Benoît XV et Nahum Sokolow, président de l’Organisation mondiale sioniste. Celui-ci raconte : « J’ai tout d’abord été reçu par Mgr Eugenio Pacelli, Secrétaire pour les affaires extraordinaires, puis, quelques jours plus tard, j’ai eu un long entretien avec le cardinal Secrétaire d’État Gasparri. Ces deux rencontres furent extrêmement amicales et positives. Je n’ai pas tendance à la crédulité ni à l’exagération mais je ne peux m’empêcher d’insister sur le fait que ces moments ont révélé une amitié extraordinaire : accorder avec tant de promptitude, à un Juif, représentant du sionisme, une audience privée qui a duré si longtemps, qui a été si chaleureuse et qui a manifesté de telles marques de sympathie, tant pour les Juifs en général que pour le sionisme en particulier, tout cela prouve que nous n’avons pas à craindre le moindre obstacle insurmontable de la ; part du Vatican. Le Pape m’a dit : « Pacelli m’a parlé de votre mission ; voudriez-vous m’en dire davantage ? » (File A 18/25 dans les Archives principales de Yad Vashem). Le 15 novembre 1917, le nonce en Allemagne Pacelli intervient à la demande expresse de la communauté juive suisse qui craignait ce qui aurait pu être un massacre des Juifs de Palestine par les Ottomans. Pacelli a demandé au gouvernement allemand, alors allié des Turcs ottomans, de protéger les Juifs de Palestine. Il a obtenu gain de cause et la promesse que les Juifs seraient protégés par le gouvernement allemand, même par les armes. Le 15 février 1925, Pacelli organise une nouvelle rencontre entre Gasparri et Sokolow à propos de la création d’un territoire juif en Palestine. L’année suivante, Pacelli exhorte tous les catholiques à rejoindre le mouvement pro-Palestine en Allemagne, auquel participaient notamment Albert Einstein, Thomas Mann, Konrad Adenauer et le P. Ludwig Kaas (prêtre et homme politique sous la République de Weimar). En 1944, Pie XII s’oppose dans une lettre à Mgr Domenico Tardini, son Secrétaire d’État qui déconseillait d’aider les Juifs à établir un territoire et, de sa main, écrit : « Les Juifs ont besoin d’avoir leur terre » (Document non encore publié à ce jour mais évoqué par Pave The Way). En 1946, à une délégation arabe qui voulait dissuader Pie XII de soutenir ce projet et qui s’en retourna déçue, Pie XII déclare : « Plusieurs fois par le passé, nous avons condamné la persécution déchaînée contre le peuple juif par un anti-sémitisme fanatique ». La Fondation Raoul Wallenberg (du nom de ce diplomate et homme d’affaires suédois qui contribua à sauver les Juifs de Hongrie et fut déclaré « Juste ») estime que c’est Pie XII qui a préparé le chemin pour que les pays catholiques membres des nations-Unies votent positivement en faveur de la partition de la Palestine en 1947. Le directeur de Pave The Way, Elliot Hershberg, déclare : « Nos recherches ont montré que les relations positives du pape Pie XII avec le peuple juif datent des années de jeunesse de Pacelli, lorsqu’il avait un ami d’enfance très cher, un garçon juif orthodoxe qui s’appelait Guido Mendes. Pacelli partageait des repas du Shabbat, il avait appris à lire l’hébreu et empruntait des livres des grands auteurs rabbiniques. Les documents que nous avons découverts dévoilent les nombreuses interventions de Pacelli pour sauver la vie de Juifs et pour protéger les traditions juives. Cette évidence dément les allégations selon lesquelles il aurait été de quelque façon antisémite, ce qui a été considéré comme un fait par certains historiens. » (Zenit, 14 mars 2012).
100. Titulaire d’un doctorat de recherche en histoire de la philosophie (Université La Sapienza à Rome), l’auteur est aussi connu pour ses recherches sur la philosophie de P. Ricoeur.
101. Ainsi, en avril 1944, Pie XII organisa des chargements de farine pour la ville de Rome où il avait déjà fourni plus de 100.000 repas chauds par jour, tentant d’importer des denrées alimentaires d’Argentine et d’Espagne vers l’Italie et la Grèce.
102. Zenit, 1er février 2013.
103. A propos des hommages et témoignages juifs, les adversaires de Pie XII estiment que ces dires sont « pervers, mal informés, voire détournés ». Le rabbin Dalin s’indigne du « détournement de l’Holocauste » auquel procède ces auteurs qui « utilisent les souffrances du peuple juif il y a cinquante ans pour forcer l’Église d’aujourd’hui à changer ». (DALIN D op. cit., p. 295).
104. Il faut ajouter quelques catholiques comme Emmanuel Mounier qui, dès 1939, reprocha au pape son silence à propos de l’agression italienne en Albanie et les cercles polonais en exil qui lui reprochaient son silence face à l’occupation allemande. En 1942, Jacques Maritain avait demandé au Pape une encyclique sur le problème et, la même année, il lui proposa de faire de Yom Kippour un jour de prière pour les chrétiens en faveur des juifs persécutés. Le 13 décembre 1945, Paul Claudel écrivit à J. Maritain alors ambassadeur auprès du Saint-Siège pour demander une cérémonie expiatoire. On peut aussi épingler la remarque faite par François Mauriac dans la préface qu’il consacra au livre de POLIAKOV Léon, Bréviaire de la haine, le 3ème Reich et les Juifs, Calmann-Lévy, 1951. Toutes ces interventions n’eurent guère de retentissement. Il faut aussi ajouter à ces auteurs connus, les cercles « progressistes », qui, dans les années soixante, considérèrent Pie XII comme le symbole du « conservatisme » auquel ils s’opposaient. (Zenit, 23 juin 2009). Il est sûr aussi que l’encyclique Humani generis contre le relativisme dogmatique, certaines interprétations historicistes de la Bible et le mépris vis-à-vis de la philosophie traditionnelle, comme les sanctions du Saint-Office contre les dominicains du Saulchoir ou les jésuites de Fourvière ont nourri l’opposition à Pie XII. A propos des protestants, JULG Jean, Docteur en Science politique, fait remarquer que la proclamation du dogme de l’Assomption, le 1er novembre 1950, fut mal perçu par les protestants. (in Pie XII et l’Allemagne, in Actes du Colloque d’Aix-en Provence, op. cit., p. 140).
105. OR, 14 octobre 2008. Gary Krupp, président-fondateur de Pave The Way déclare que les quelques notes qui ont été reprises ci-dessus, ne sont qu’une goutte d’eau par rapport aux 46.ooo pages que la Fondation a publiées confirmant l’aide que Pie XII a apportée aux Juifs.(Zenit, 18 mai 2011). On peut consulter le site de la Fondation Pave The Way sur http://www.ptwf.org
106. Zenit, 19 septembre 2008.
107. La controverse semble être aussi interne à la communauté juive d’Israël. Lorsqu’en 2008 Isaac Herzog, ministre israélien des Affaires sociales en charge des relations avec les communautés chrétiennes, déclare dans le quotidien Haaretz que « l’intention de faire de Pie XII un saint est inacceptable » et que la béatification de Pie XII serait même un obstacle à la visite de Benoît XVI en Terre sainte, l’ambassadeur d’Israël auprès du Saint Siège, Monderchay Lewy s’empresse de démentir cette menace en reconnaissant que cette procédure était une « affaire interne à l’Église catholique ».
108. La nouvelle a été publiée par le quotidien israélien Haaretz et par Zenit, le 2 juillet 2012. John S. Conway, professeur émérite d’histoire à l’Université de Colombie britannique, spécialiste des relations entre le Vatican et les Églises allemandes durant le 3ème Reich, il a fondé la Scholars’ Conference on the German Church and the Holocaust et a publié The Nazi Persecution of the Churches, 1933-1945, Weidenfeld and Nicolson, 1968. Il écrit, en 1983, dans Yad Vashem Studies : « Une lecture approfondie des milliers de documents compilés dans ces documents ne permet pas de dire que les diplomates du Vatican ont été guidés par le besoin de se protéger. Au contraire, on peut y voir un groupe d’hommes consciencieux et intelligents recherchant la paix et la justice à un moment où la « guerre totale » foulait aux pieds ces idéaux. »
109. Pie XII face à la Shoah, in La Libre Belgique, 7 octobre 2008, en réponse à l’article accusateur paru dans le même journal faisant écho au livre de Dirk Verhofstadt. Ph. CHENAUX est l’auteur de Pie XII : diplomate et pasteur, Cerf, 2003. Quant à l’opinion de ceux qui expliquent ce « prétendu silence » par l’antibolchevisme de Pie XII, elle est facilement réfutable, par exemple avec les arguments développés par ALESSANDRINI Raffaele (OR, 6 mars 2010) : « d’une part, la seconde guerre mondiale « tellement crainte et condamnée par le pape » avait justement éclaté après le pacte Molotov-Ribbentrop, et d’autre part, après l’agression nazie contre l’Union soviétique, Pie XII est « intervenu pour convaincre les catholiques américains de ne pas s’opposer à une alliance contre Hitler de l’administration américaine avec les soviétiques ». » (Zenit, 5 mars 2010). HUREAUX Roland, dans Marianne du 11 janvier, s’attaque aussi à la thèse de l’antibolchevisme : « Parole légère s’il en est ! Oublie-t-on qu’entre août 1939 et juin 1941, Hitler et Staline sont alliés, un plan d’extermination des prêtres et des élites polonaises est à l’œuvre et des centaines de milliers de catholiques polonais assassinésPas de protestation mémorable non plus. […] Il savait que face à la « bête immonde », rien ne sert de chercher à l’attendrir, il faut en priorité limiter les dégâts en n’attisant pas sa fureur. » VIAN Giovanni Maria confirme : « la ligne adoptée dans les années de guerre par le pape et par le Saint-Siège, hostile aux totalitarismes mais traditionnellement neutre, se révéla en revanche, dans les faits, favorable à l’alliance contre Hitler, se caractérisant par un effort humanitaire sans précédent qui a sauvé de très nombreuses vies humaines. […] Cette ligne fut de toute façon anti-communiste, ce qui explique que, déjà durant la guerre, le pape était pointé du doigt par la propagande communiste comme complice du nazisme et de ses atrocités. […] même si Eugenio Pacelli a toujours été anti-communiste, il n’a jamais pensé que le nazisme pouvait être utile pour stopper le communisme, bien au contraire. » Vian argumente ainsi : « entre l’automne de 1939 et le printemps de 1940, dans les premiers mois de la guerre, le pape appuya la tentative de coup d’État contre le régime hitlérien fomenté par certains cercles militaires allemands en contact avec les Britanniques ». De plus, au milieu de l’année 1941, le pape, après l’attaque de l’Allemagne contre l’URSS, refusa l’alignement du Saint-Siège sur la croisade contre le communisme et a, par la suite, beaucoup fait pour tempérer l’opposition de nombreux catholiques américains à l’alliance des États-Unis avec l’Union soviétique stalinienne. (Zenit, 23 juin 2009). En 1946, Pie XII déclarera au Corps diplomatique : « En aucune occasion Nous n’avons voulu dire un seul mot qui fût injuste, ni manquer à Notre devoir de réprouver toute iniquité, tout acte digne de réprobation en évitant néanmoins, alors même que les faits l’eussent justifiée, telle ou telle expression qui fût de nature à faire plus de mal que de bien, surtout aux populations innocentes courbées sous la férule d l’oppresseur. Nous avons eu la préoccupation constante d’enrayer un conflit si funeste à notre pauvre humanité. C’est pour cela, en particulier, que Nous Nous sommes gardé, malgré certaines pressions tendancieuse, de laisser échapper de Nos lèvres ou de Notre plume une seule parole, un seul indice d’approbation ou d’encouragement en faveur de la guerre entreprise contre la Russie en 1941 ».(DC, n° 960, 17 mars 1946, col. 205.) C’est ce que confirme Wladimir d’Ormesson (1888-1973) qui fut, en 1940, ambassadeur auprès du Saint-Siège, avant d’être rappelé par le gouvernement de Vichy et d’entrer dans la clandestinité : « Lorsque les puissances de l’Axe se retournèrent contre leur allié Staline et que Hitler et Mussolini déclarèrent la guerre à l’Urss, ces « messieurs » -comme on les appelait alors au Vatican- firent tout ce qu’ils purent pour obtenir de Pie XII un mot, un seul mot, qui donnât à leur entreprise à l’Est, le caractère d’une défense de la civilisation chrétienne. Ce mot, ce seul mot, jamais pourtant il ne sortit, même sous la forme la plus enveloppée, des lèvres ou de la plume de Pie XII. Ce silence-là, est-ce qu’on le lui reproche ? Le Pape mesurait pourtant clairement ce que la victoire des Soviets représenterait pour l’Église… » (Cité par BOURDARIAS J., op. cit., p. 439).
110. Cf. 7sur7, 8 janvier 2010.
111. Cf. RTL-TVI, 4 janvier 2014.
112. Cf. News.Va, 20 janvier 2014.

⁢iii. A propos du terrorisme

Nous l’avons vu au passage, la condamnation du terrorisme par les souverains pontifes est radicale et sans appel⁠[1]. Reste, dans la perspective d’un monde non-violent, le problème de l’attitude qu’il faut adopter face à ce phénomène.

Le P. Christian Mellon nous fournit quelques repères.⁠[2]

Il faut tout d’abord bien définir le terrorisme pours saisir sa spécificité. Car, selon les circonstances, certains parlent de résistance là où d’autres parlent de terrorisme⁠[3] et les acteurs peuvent être « légaux » ou « illégaux »⁠[4]. Le P.Mellon propose de qualifier les actes terroristes comme des « actes de violence visant à faciliter la réalisation d’objectifs d’ordre politique, non pas à travers les effets directs de ces actes eux-mêmes, mais à travers l’un de leurs effets indirects, délibérément recherché : inspirer la peur de les voir se réitérer (attentats indiscriminés, détournements d’avion) ou le désir qu’un terme y soit mis (chantage par détention d’otages). » ⁠[5]

Chaque terme de cette définition est important. Ce ne sont pas les buts, justes ou injustes, qui déterminent le terrorisme, mais les moyens. Il s’agit de frapper au hasard et en assurant qu’il y aura d’autres actions pour que chacun se sente menacé et que sa volonté de résistance soit affaiblie. Un acte de guerre, au contraire, vise directement à affaiblir ou éliminer l’ennemi. Le terrorisme est « une stratégie indirecte, à laquelle ont recours précisément ceux qui ne peuvent -ou ne veulent- pas faire la guerre ».⁠[6]

Le jugement moral est, comme nous le disions, radical et sans appel : le terrorisme est absolument immoral dans la mesure où la violence est une violence aveugle, indiscriminée exercée contre des personnes qui ne sont pas les agents directs de l’injustice dénoncée.⁠[7]

Ce jugement moral est important dans la lutte contre le terrorisme car celui-ci essaye de se justifier en invoquant une juste cause qui mérite qu’on y sacrifie sa vie.

Ceci dit, il faut essayer de comprendre, non pas d’excuser⁠[8], les terroristes. Comment en sont-ils arrivés là ? Quelles sont les causes politiques, culturelles économiques, sociales qui ont favorisé cette attitude ?⁠[9] Pour une action à long terme.

En attendant et dans l’immédiat, pour « protéger la confiance des citoyens dans l’État de droit »[10], il est nécessaire, moral, d’écarter le risque de nouvelles agressions par des opérations policières et judiciaires en évaluant les conséquences qui peuvent affaiblir ou renforcer les forces terroristes. Que ces actions, en tout cas, respectent les droits de l’homme car la fin ne justifie jamais les moyens. Ainsi, « même dans les cas où, d’après les critères rappelés ici, la violence n’est pas justifiable, on ne saurait traiter comme des criminels de droit commun ceux qui, de bonne foi, ont cru qu’elle l’était. »[11]

Les citoyens ont eux aussi une responsabilité. En effet, comme le terrorisme a besoin des medias pour impressionner et qu’il n’est ni souhaitable ni vraiment possible que l’État de droit interdise toute diffusion d’information sur ce genre d’événement, il vaut mieux « inciter les citoyens à s’interroger sur leur propre fascination à l’égard des images de violence puisque c’est elle qui « donne des armes » au terrorisme. »[12]

Le terrorisme est-il un danger pour les démocraties ?⁠[13]

A ce point de vue, il convient de « le restituer à sa juste place dans l’ensemble des problèmes de nos sociétés et de la planète ». Si l’on fait la vérité⁠[14], on constatera vite que « ce n’est pas le grand problème de nos démocraties »[15]. Les victimes du terrorisme, par exemple, sont infiniment moins nombreuses que les victimes des guerres classiques.⁠[16] Toutefois, « il est vrai que l’attitude à adopter face aux actes terroristes, les arbitrages à rendre entre divers types de politiques antiterroristes renvoient à des débats importants sur le fondements d’une société démocratique : privilégier plutôt la sécurité ou plutôt la liberté, accepter des risques plus ou moins importants, aller plus ou moins loin dans les « mesures d’exception », cela relève d’options véritablement politiques et éthiques. Tant qu’une démocratie en débat sereinement, on peut dire qu’elle relève avec succès le « défi terroriste ». »[17]

Ch. Mellon réagit en tant que moraliste. ? L’ancien archevêque de Milan, Carlo Maria Martini tente de trouver une réponse au problème du terrorisme dans les Évangiles.⁠[18]

Il médite ce passage de l’évangile de Luc : « En ce même temps survinrent des gens qui lui rapportèrent ce qui était arrivé aux Galiléens, dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs victimes. Prenant la parole, il leur dit : « Pensez-vous que, pour avoir subi leur sort, ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens ? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement. Ou ces dix-huit personnes que la tour de Siloé a tuées dans sa chute, pensez-vous que leur dette fût plus grande que celle de tous les hommes qui habitent Jérusalem ? Non, je vous le dis ; mais si vous ne voulez pas vous repentir, vous périrez tous de même ». »[19] 

Luc évoque ici deux événements inconnus par ailleurs mais d’après le contexte, il doit s’agir d’une part d’un acte politique qui a entraîné une répression de la part du représentant de l’empereur et, d’autre part, d’une catastrophe urbaine. Dans le premier cas, Jésus va-t-il prononcer une condamnation, invoquer le moindre mal ou la légitime défense ? Dans le second cas, va-t-il invoquer une négligence, désigner un coupable ou évoquer la fatalité ? La réaction de Jésus est tout à fait déroutante car il n’incrimine personne.⁠[20]

Il y a certes des gens qui profitent de la faiblesse de certains pour les pousser au terrorisme mais ceux-là sont visés par Mt 18, 6 : « Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer » ; ou encore par Mt 5, 22 : « Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; mais s’il dit à son frère : « Crétin ! », il en répondra au Sanhédrin ; et s’il lui dit : « Renégat ! », il en répondra dans la géhenne de feu. »

Il y a aussi les opérations anti-terroristes dont il est difficile de dire si elles sont efficaces. Relèvent-elles de la légitime défense ? Sont-ce des représailles, une vengeance ? Les réponses échappent pour une bonne part à la compétence de l’Église. Dans ces cas, c’est la compétence de l’État qui est sollicitée. Et comme Ch. Mellon, le cardinal Martini souhaite un contrôle démocratique des actions entreprises et que l’opinion publique soit correctement informée.

Mais revenons à Jésus. Il s’élève au-dessus de nos questions et nous renvoie à la racine du mal : notre péché (« Si vous ne vous repentez pas… ») qui peut se traduire par notre « complicité avec l’injustice »[21]. Il nous renvoie à notre responsabilité. Détruire le mal par la force simplement n’a pas d’effet durable⁠[22] car le mal vient de l’intérieur. Une conversion est nécessaire⁠[23] et possible avec la grâce de Dieu. Par contre, si on ne se préoccupe pas de la solidarité, de la paix, du pardon, du dialogue, etc., la violence persistera.⁠[24] On ne peut être indifférent à telle ou telle manifestation de violence car, dans le mal, le monde entier est concerné comme le révèle bien le passage de l’évangile de Luc cité.

On ne peut s’abstenir de travailler à la paix car elle « est le bien le plus précieux pour l’homme, parce qu’elle est la somme de tous les biens messianiques. […] La paix est le fruit de l’alliance durable et sincère […], fondée sur l’Alliance que Dieu a faite en Christ en pardonnant à l’homme, en le réhabilitant et en se donnant lui-même comme son partenaire, ami et interlocuteur, en vue de l’unité de tous ceux qu’il aime. »[25]

Pratiquement, la cardinal recommande de changer notre échelle de valeurs, de dialoguer, de connaître le judaïsme et l’islam, d’exercer une « tolérance zéro » vis-à-vis de toute parole ou geste d’hostilité. Ces exigences pacificatrices révèlent, en fin de compte, et une fois de plus, l’importance capitale de l’éducation.

Ainsi, la lutte contre le terrorisme s’inscrit dans le programme général de l’éradication de la violence.


1. Le terrorisme, annoncé par des écrivains dès le XIXe siècle, est, pour GLUCKSMANN A., une manifestation de nihilisme qu’il soit religieux ou non : « Peu importe que les nihilistes se réclament de l’Etre suprême ou le vouent aux gémonies. Avec ou sans alcool, ils sabrent le champagne de la déréliction. Les uns comme les autres fêtent leur gloire et leur élection : je tue, donc je suis. Il faut et il suffit que toute vie, toutes les vies ne tiennent qu’à un fil et que ce fil soit moi. Le nihiliste religieux s’improvise glaive du Tout-Puissant et se glisse dans l’infaillible volonté divine, tandis que le nihiliste athée se substitue à elle : celui qui ose se tuer est Dieu. Même prétention, identique procédure. » (Dostoïevski à Manhattan, Robert Laffont, 2002, p. 25. Face à ce nihilisme, le philosophe invite à la résistance, à « retarder l’arrivée de l’Antéchrist » mais les moyens à notre disposition paraissent un peu dérisoires : « le nihiliste épouse le temps et anticipe son jamais plus, il se veut radical, il délaisse pudeur, compassion et retenue, ces vertus que les grecs estimaient essentielles et politiques. Il ne recule devant rien, il va jusqu’au bout dans la révolution (« totale »), dans la guerre (« absolue »). Il procède à l’ablation terroriste de la différence (théologique) du terrestre et du céleste. qu’il sacralise le profane ou profane le sacré, il saute par-dessus son ombre, transgresse l »égalité des mortels devant la mort. Croyant s’élever au-dessus de la camarde, il en joue, s’en joue, et, ange exterminateur, s’instaure son clone ravageur. » Face à cette radicalité et à cette prétention, que reste-t-il ? « La littérature donne des yeux pour voir, mais seul le courage, cette vertu du commencement qui n’appartient à personne et peut percer en chacun, permet de soutenir, parfois de contenir, rarement d’éradiquer, les fureurs annihilatrices. » (Id., p. 275).
2. Le P. MELLON Christian, sj, est un spécialiste des questions éthiques concernant la violence et la guerre. Il a publié : Chrétiens devant la guerre et la paix, Ed. du Centurion, 1983 ; Que dire aujourd’hui de la guerre juste ? in Actualiser la morale, Cerf, 1992 ; La non-violence, PUF-Que sais-je ?, 1994. Nous nous référerons surtout à son livre Ethique et violence des armes, Assas Editions, 1995 dont le chapitre 9 est consacré au terrorisme. On en retrouve les idées dans Face au terrorisme, quelques repères, in Esprit et Vie, n° 78, mars 2003, pp. 3-7.
   Pour une information plus large le P. Mellon recommande la lecture de SOMMIER Isabelle, Le terrorisme, Flammarion, 2000 et de CHALIAND Gérard, Les stratégies du terrorisme, Desclée de Brouwer, 2002.
3. Ainsi, pendant la guerre de 1939-1940, les nazis appelaient les résistants des terroristes.
4. Un État aussi bien qu’un groupe non-étatique peut être  terroriste .
5. Ethique et violence des armes, op . cit., pp. 99-100.
6. MELLON Ch., Face au terrorisme, quelques repères, op. cit., p. 7.
7. Les terroristes de l’ETA ou de l’IRA se défendent en disant que leurs cibles ne sont pas choisies au hasard puisqu’il s’agit de policiers ou de militaires défenseurs d’un régime oppresseur. Il n’empêche que ce sont bien des actes terroristes dans la mesure où, comme le souligne, Ch. Mellon, dans un état démocratique « aucune violence ne peut prétendre constituer un « ultime recours », puisqu’il y a toujours un autre recours pour défendre sa cause, la voie électorale » (Ethique et violence des armes, op. cit., p. 101).
8. La justice estimera éventuellement s’il y a des circonstances atténuantes ou non car le terroriste peut avoir été manipulé, être désespéré ou faible psychologiquement. C’est le travail normal de la justice.
9. Cela implique que les victimes d’actes terroristes se remettent éventuellement en question : la politique des États-Unis n’a-t-elle pas, dans une certaine mesure, nourri des ressentiments qui ont favorisé le terrorisme ? Cela n’enlève rien à l’abomination des actes mais peut initier une thérapie à long terme.
10. Ethique et violence des armes, op. cit., p.101.
11. Id., p. 104.
12. Id., p. 106.
13. Cf. HAARSCHER Guy, Les démocraties survivront-elles au terrorisme ? Labor, 2002. L’auteur envisage le pire et redoute aussi la réaction anti-démocratique des pays menacés. Mais il persiste à croire que même si les institutions démocratiques pliaient, elles ne rompront pas à condition de méditer la leçon donnée par Albert Camus dans Les justes  : « Même dans la destruction, il y a un ordre, il y a des limites. » (p. 88). La vision de Guy Haarscher nous paraît un peu pessimiste, très marquée par les attentats du 11 septembre 2001 mais contredite dans sa noirceur relative par l’évolution du monde depuis lors.
14. Faire la vérité, c’est aussi refuser les amalgames, identifier, par exemple, terrorisme et islam. (Id., p. 105).
15. Id..
16. Un million de morts dans la seule guerre Iran-Irak (1980-1988) contre 4000 victimes du terrorisme international entre 1968 et 1985 (Le Monde, 26 mai 1986, cité in MELLON Ch., op. cit., p. 107).
17. Id., p. 107.
18. MARTINI Carlo Maria sj, Face au terrorisme, DDB, 2001.
19. Lc 13, 1-5.
20. Le cardinal Martini se réfère ici à MEYER J.-P., Un hébreu original : repenser le Christ historique, Brescia, 2001, p. 198, cité in Face au terrorisme, op. cit., p. 20.
21. Op. cit., p. 34.
22. Mt 26, 52 : « Alors Jésus lui dit : « Rengaine ton glaive ; car tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive ».
23. Cf. Rm 11, 32 : « Car Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous miséricorde. »
24. C’est en substance le Message du Pape Jean-Paul II pour la Journée mondiale de la paix le 1er janvier 2002, auquel le cardinal martini renvoie.
25. MARTINI C. M., op. cit., pp. 49-51.

⁢iv. Violence et guerre dans le Catéchisme de l’Église catholique

Après avoir, en maints endroits, souligné ici et là le caractère multiforme de la violence⁠[1], le catéchisme aborde trois questions importantes :


1. Le Catéchisme parle, par exemple, de la violence du péché (1851 et 1859), de la législation humaine qui est une forme de violence si elle s’écarte de la raison est une forme de violence (1902) ou encore du mensonge qui est une « véritable violence faite à autrui » (2486).

⁢a. La légitime défense

La défense légitime des personnes et des sociétés n’est pas une exception à l’interdit du meurtre de l’innocent que constitue l’homicide volontaire. « L’action de se défendre peut entraîner un double effet : l’un est la conservation de sa propre vie, l’autre la mort de l’agresseur …​ L’un seulement est voulu ; l’autre ne l’est pas » (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7). (2263)

L’amour envers soi-même demeure un principe fondamental de la moralité. Il est donc légitime de faire respecter son propre droit à la vie. Qui défend sa vie n’est pas coupable d’homicide même s’il est contraint de porter à son agresseur un coup mortel :

Si pour se défendre on exerce une violence plus grande qu’il ne faut, ce sera illicite. Mais si l’on repousse la violence de façon mesurée, ce sera licite…​ Et il n’est pas nécessaire au salut que l’on omette cet acte de protection mesurée pour éviter de tuer l’autre ; car on est davantage tenu de veiller à sa propre vie qu’à celle d’autrui (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 64, 7). (2264)

En plus d’un droit, la légitime défense peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité. (2265)

L’effort fait par l’État pour empêcher la diffusion de comportements qui violent les droits de l’homme et les règles fondamentales du vivre ensemble civil, correspond à une exigence de la protection du bien commun. L’autorité publique légitime a le droit et le devoir d’infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit. La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la faute. Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur d’expiation. La peine, en plus de protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, a un but médicinal : elle doit, dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable. (2266)

L’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains.

Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine.

Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’État dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable « sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants » (Evangelium vitae, n. 56). (2267)

⁢b. La paix

En rappelant le précepte : « Tu ne tueras pas » (Mt 5, 21), notre Seigneur demande la paix du cœur et dénonce l’immoralité de la colère meurtrière et de la haine. La colère est un désir de vengeance. » Désirer la vengeance pour le mal de celui qu’il faut punir est illicite «  ; mais il et louable d’imposer une réparation « pour la correction des vices et le maintien de la justice » (S. Thomas d’A., s. th. 2-2, 158, 1, ad 3). Si la colère va jusqu’au désir délibéré de tuer le prochain ou de le blesser grièvement, elle va gravement contre la charité ; elle est péché mortel. Le Seigneur dit : « Quiconque se met en colère contre son frère sera passible du jugement » (Mt 5, 22). (2302)

La haine volontaire est contraire à la charité. La haine du prochain est un péché quand l’homme lui veut délibérément du mal. La haine du prochain est un péché grave quand on lui souhaite délibérément un tort grave. « Eh bien ! moi je vous dis : Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs ; ainsi vous serez fils de votre Père qui est aux cieux…​ » (Mt 5, 44-45). (2303)

Le respect et la croissance de la vie humaine demandent la paix. La paix n’est pas seulement absence de guerre et elle ne se borne pas à assurer l’équilibre des forces adverses. La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde des biens des personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la fraternité. Elle est « tranquillité de l’ordre » (S. Augustin, civ. 10, 13). Elle est œuvre de la justice (cf. Is 32, 17) et effet de la charité (cf. GS 78, §§ 1-2). 2304

La paix terrestre est image et fruit de la paix du Christ, le « Prince de la paix » messianique (Is 9, 5). Par le sang de sa croix, il a « tué la haine dans sa propre chair » (Ep 2, 16 ; cf. Col 1, 20-22), il a réconcilié avec Dieu les hommes et fait de son Église le sacrement de l’unité du genre humain et de son union avec Dieu. « Il est notre paix » (Ep 2, 14). Il déclare « bienheureux les artisans de paix » (Mt 5, 9). (2305)

Ceux qui renoncent à l’action violente et sanglante, et recourent pour la sauvegarde des droits de l’homme à des moyens de défense à la portée des plus faibles rendent témoignage à la charité évangélique, pourvu que cela se fasse sans nuire aux droits et obligations des autres hommes et des sociétés. Ils attestent légitimement la gravité des risques physiques et moraux du recours à la violence avec ses ruines et ses morts (cf. GS 78, § 5). (2306)

⁢c. Eviter la guerre

Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4). (2307)

Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres. Aussi longtemps cependant « que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense » (GS 79, § 4). (2308)

Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire. La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :

– Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.

– Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.

– Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.

– Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à élimine. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition.

Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la « guerre juste » ». L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun. (2309)

Les pouvoirs publics ont dans ce cas le droit et le devoir d’imposer aux citoyens les obligations nécessaires à la défense nationale.

Ceux qui se vouent au service de la patrie dans la vie militaire, sont des serviteurs de la sécurité et de la liberté des peuples. S’ils s’acquittent correctement de leur tâche, ils concourent vraiment au bien commun de la nation et au maintien de la paix (cf. GS 79, § 5). (2310)

Les pouvoirs publics pourvoiront équitablement au cas de ceux qui, pour des motifs de conscience, refusent l’emploi des armes, tout en demeurant tenus de servir sous une autre forme la communauté humaine (cf. GS 79, § 3). (2311)

L’Église et la raison humaine déclarent la validité permanente de la loi morale durant les conflits armés. « Ce n’est pas parce que la guerre est malheureusement engagée que tout devient par le fait même licite entre les parties adverses » (GS 79, § 4). (2312)

Il faut respecter et traiter avec humanité les non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers.

Les actions délibérément contraires au droit des gens et à ses principes universels, comme les ordres qui les commandent, sont des crimes. Une obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. Ainsi l’extermination d’un peuple, d’une nation ou d’une minorité ethnique doit être condamnée comme un péché mortel. On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide. (2313)

« Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants, est un crime contre Dieu et contre l’homme lui-même, qui doit être condamné fermement et sans hésitation » (GS 80, § 4). Un risque de la guerre moderne est de fournir l’occasion aux détenteurs des armes scientifiques, notamment atomiques, biologiques ou chimiques, de commettre de tels crimes. (2314)

L’accumulation des armes apparaît à beaucoup comme une manière paradoxale de détourner de la guerre des adversaires éventuels. Ils y voient le plus efficace des moyens susceptibles d’assurer la paix entre les nations. Ce procédé de dissuasion appelle de sévères réserves morales. La course aux armements n’assure pas la paix. Loin d’éliminer les causes de guerre, elle risque de les aggraver. La dépense de richesses fabuleuses dans la préparation d’armes toujours nouvelles empêche de porter remède aux populations indigentes (PP 53) ; elle entrave le développement des peuples. Le surarmement multiplie les raisons de conflits et augmente le risque de la contagion. (2315)

La production et le commerce des armes touchent le bien commun des nations et de la communauté internationale. Dès lors les autorités publiques ont le droit et le devoir de les réglementer. La recherche d’intérêts privés ou collectifs à court terme ne peut légitimer des entreprises qui attisent la violence et les conflits entre les nations, et qui compromettre l’ordre juridique international. (2316)

Les injustices, les inégalités excessives d’ordre économique ou social, l’envie, la méfiance et l’orgueil qui sévissent entre les hommes et les nations, menacent sans cesse la paix et causent les guerres. Tout ce qui est fait pour vaincre ces désordres contribue à édifier la paix et à éviter la guerre.

Dans la mesure où les hommes sont pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi jusqu’au retour du Christ. Mais, dans la mesure où, unis dans l’amour, les hommes surmontent le péché, ils surmontent aussi la violence jusqu’à l’accomplissement de cette parole : « Ils forgeront leurs glaives en socs et leurs lances en serpes. On ne lèvera pas le glaive nation contre nation et on n’apprendra plus la guerre » (Is 2, 4) (GS 78, § 6). (2317)

⁢v. L’influence de la théorie de la guerre juste ou de la théologie de la paix

⁢a. Sur les conventions et traités internationaux

[1]

A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, vont apparaître des traités qui veillent d’abord à protéger les combattants blessés, les prisonniers, les civils ensuite à limiter ou interdire certaines méthodes de guerre et certaines armes. On peut citer : la Convention de Genève en 1864, la Déclaration de Saint-Petersbourg (1868)⁠[2], les Conférences de la Paix de La Haye (1899 et 1907)⁠[3], le Protocole de Genève, 1925⁠[4].

A partir de 1945, ce sont les nations Unies et le Comité international de la Croix rouge qui vont développer le droit humanitaire et le droit général relatif à la guerre. Le texte le plus important est la Charte des Nations Unies (juin 1945)⁠[5]. Le Conseil de sécurité veille au « règlement pacifique des différends »[6]. En cas de « menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression », le Conseil de sécurité « fait des recommandations ou décide quelles mesures seront prises (…) pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales »[7] : il peut « inviter les parties intéressées à se conformer aux mesure provisoires qu’il juge nécessaires ou souhaitables »[8], « décider quelles mesures n’impliquant pas l’emploi de la force armée doivent être prises »[9], et si ces mesures sont inadéquates, « entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu’il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales. »[10] La Charte reconnaît aussi, en cas d’agression, le « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective »[11] mais exclut toute guerre d’agression⁠[12].

Prolongeant cette Charte, l’Assemblée générale des États membres a établi les Principes de Nuremberg sur les crimes de droit international, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité (1968).

Parallèlement à cette Charte, on relève les Conventions de Genève (1949) et les Protocoles additionnels (1977) pour la protection des combattants blessés, malades, naufragés, des prisonniers, des civils, de leurs biens indispensables et de l’environnement et l’interdiction de pratiques barbares. Notons aussi que le Protocole I reconnaît les mouvements de résistance à l’occupation ou de libération nationale.

Divers textes interdisent les armes biologiques et chimiques⁠[13], interdisent ou limitent l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent produire des effets traumatiques excessifs ou qui frappent sans discrimination⁠[14]. Quant aux armes nucléaires, elles tombent sous le coup des traités protégeant l’environnement et les populations. Rappelons aussi le Traité de non prolifération de 1968.

Malheureusement, nombre de ces traités n’ont pas été ratifiés par tous les pays et parfois par de grandes puissances…⁠[15] Par ailleurs, plusieurs guerres importantes décidées ou entérinées par le Conseil de sécurité posent problème en fonction même de certains articles de la Charte !⁠[16]

Aujourd’hui, se pose de plus en plus le problème des organisations de résistance ou mouvements terroristes qui sont soumis aux exigences de la Charte notamment en ce qui concerne la protection des civils mais qui agissent impunément. Certaines actions condamnables peuvent bénéficier de circonstances atténuantes.⁠[17]

Enfin, on se demande comment lutter contre l’impunité des puissants et s’il ne faudrait-il pas, en plus des organisations de justice internationale, mettre en œuvre le principe de « compétence universelle »[18]


1. Cf. IAGOLNITZER Daniel, Le droit international et la guerre, Evolution et problèmes actuels, L’Harmattan, 2008. Un résumé de ce livre est disponible sur www.adifinfo.com/le_droit_international_et_la_guerre.html
2. On lit dans le Préambule : « Les progrès de la civilisation doivent avoir pour effet d’atténuer les calamités de la guerre, le seul but légitime que les États doivent se proposer est l’affaiblissement des forces militaires de l’ennemi… Ce but serait outrepassé par l’emploi d’armes qui aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de combat ou voudraient leur mort inévitable… »
3. Elles interdisent « de tuer ou de blesser un ennemi qui s’est rendu, de déclarer qu’il ne sera pas fait de quartier (…) d’attaquer ou bombarder des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus (…) d’employer des armes, des projectiles ou des matières propres à causer des maux superflus. »
4. Pour la prohibition de l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques.
5. Dans le Préambule, les peuples signataires s’engagent, entre autres, « à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances », à unir leurs forces « pour maintenir la paix et la sécurité internationales, à accepter des principes et instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun. »
6. Article 33.1: « Les parties à tout différend dont la prolongation est susceptible de menace le maintien de la paix et de la sécurité internationales doivent en recherché la solution, avant tout, par voie de négociation, d’enquête, de médiation, de conciliation, d’arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou accords régionaux, ou par d’autres moyens pacifiques de leur choix. »
7. Article 39.
8. Article 40.
9. Article 41. Par exemple, « l’interruption complète ou partielle des relations économiques et de communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectrique et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques. »
10. Article 42.
11. Article 51: « Aucune disposition de la présente Charte ne prote atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un des membres des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris des mesures nécessaires pour maintenir la ; paix et la sécurité internationales. »
12. Article 2.4: « Les Membres de l’organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »
13. Conventions de l’ONU, 1972 et 1993.
14. Convention de 1980.
15. On peut ajouter aussi le fait les États-Unis, la Russie et Israël ont souvent, dans les conflits où ils sont engagés, des comportements répréhensibles en vertu de certains articles de la Charte.
16. Ainsi en est-il de la guerre de Corée (1950-1953) ; de la guerre du Golfe contre l’Irak (1991) ; de la guerre contre la Serbie (1999), de la guerre des États-Unis contre l’Irak (2003…) ; de la guerre d’Afghanistan (2001…).
17. Une ambiguïté peut apparaître comme ce fut le cas, en Algérie, avec le FLN (1954-1962) reconnu comme mouvement de libération sans que, pour autant, les nations Unies soient d’accord avec ses violations du droit.
   Les groupes résistants ou terroristes justifient leurs actions en invoquant 4 arguments principaux :
   - La disproportion de moyens et les violations préalables commises par les États puissants
   - La nécessité d’attirer l’attention de l’opinion internationale
   - Les pertes civiles seraient des dommages collatéraux mais ne seraient pas visés en tant que tels
   - Les populations visées sont en réalité des occupants ou des complices.
18. La compétence universelle se définit comme la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes. C’est en 1945, en vertu de la loi No 10 du Conseil de contrôle, que les tribunaux des Alliés victorieux ont commencé à exercer leur compétence universelle, au nom de la communauté internationale, à l’égard des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis au cours de la Seconde Guerre mondiale hors de leur territoire contre des personnes qui n’étaient ni des citoyens ni des résidents. Peu d’États exercent effectivement cette compétence, même si de nombreuses législations nationales la prévoient. C’est pourquoi la Belgique, qui a adopté en 1993 une loi visant la répression des infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 et aux Protocoles additionnels I et II du 8 juin 1977, plus communément appelée « loi de compétence universelle » et qui l’a mise en œuvre, a fait office de pionnière. Cette loi a été modifiée à deux reprises, avant d’être abrogée le 5 août 2003. La compétence universelle subsiste toutefois en droit belge. Des dispositions ont été incorporées au Code pénal et au Code de procédure pénale en ce sens. Mais ces dispositions, qui reprennent en partie celles de l’ancienne loi, en restreignent substantiellement la portée. (cf. www.ulb.ac.be/droit/cdi/Competence_universelle.html ) Des dispositions plus ou moins semblables existent en France, en Espagne, en Suisse, au canada, en Allemagne, en Israël, en Autriche, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Bolivie, au Brésil, au Chili, en Colombie, au Costa Rica, en Équateur, au Guatémala, au Honduras, au Mexique, au Nicaragua, en Norvège, au Panamá, au Pérou, au Salvador, en Uruguay et au Vénézuéla. Mais beaucoup de ces pays n’ont pas exercé leur compétence.(cf. Amnesty international, La compétence universelle, 14 principes pour l’exercice effectif de la compétence universelle, (AI : IOR 53/01/99), Londres, juin 1999).

⁢b. Sur les règlements militaires

En Belgique, la lecture de Carl Ceulemans, Ethique militaire, Ecole royale militaire, 2006, est particulièrement éclairante.

Pour la France, on peut se référer aux analyses de Serge Bonnefoi⁠[1].