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Chapitre 6 : De Jean-Paul II à François

 …devenons des instruments de cette miséricorde,
des canaux à travers lesquels Dieu puisse irriguer la terre,
garder toute la création et faire fleurir la justice et la paix
.
— FRANCOIS
Message pascal 2013.

Désormais, le souci du Magistère sera, d’une part, d’élargir sans cesse la réflexion doctrinale entamée avec Pie XII, reprise dans Pacem in terris, relancée par le Concile Vatican II et les messages pour la Journée de la paix. d’autre part, l’Église restera attentive aux événements du temps et réagira à l’actualité tragique, mettant ainsi immédiatement en pratique le corps doctrinal enrichi et renouvelé d’année en année.

Commençons donc par faire une synthèse des messages de paix lancés par les trois pontifes.⁠[1]

Ensuite nous nous arrêterons aux discours adressés à l’occasion d’une guerre, d’un conflit ou d’une manifestation particulière de violence.


1. N’oublions pas Jean-Paul Ier ! Bien que son pontificat été très court (33 jours : du 26 août au 28 septembre 1978), il eut l’occasion de parler de paix. Très soucieux de la paix au Moyen-Orient, il demanda que l’on prie pour que la rencontre de Camp-David entre les présidents Carter, Sadate et le Premier Ministre Begin, soit un succès (Audience du 6 septembre 1978 et Angelus du 10 septembre 1978). Cette rencontre aboutit aux accords entre Israël et l’Égypte le 18 septembre. Aux membres du Comité européen de la Conférence mondiale des Religions pour la paix (26 septembre 1978), il déclara : « Nous apprécions votre action au service de la paix du monde grâce à la prière, aux efforts d’éducation à la paix, à la réflexion sur les principes fondamentaux qui doivent déterminer les rapports entre les hommes. Pour que la paix, en effet, se réalise, sa nécessité doit être profondément ressentie par la conscience, car elle naît d’une conception fondamentalement spirituelle de l’humanité. Cet aspect religieux pousse non seulement au pardon et à la réconciliation, mais aussi à l’engagement pour favoriser l’amitié et la collaboration entre les individus et les peuples. »

⁢i. Jean-Paul II (1978-2005)

⁢a. Les 27 messages de la « Journée mondiale de la paix »

Comme nous allons le constater, Jean-Paul II reprend l’enseignement de ses prédécesseurs immédiats en développant et ajoutant certains aspects. Il s’agit encore et toujours d’éviter la guerre⁠[1] et surtout d’éduquer à la paix.

Eviter la guerre

La guerre ne cesse d’être présente dans le monde et elle menace, par le progrès de l’armement scientifique, d’être toujours plus sauvage et destructrice. De plus, par le terrorisme ou des méthodes insidieuses et subversives, des guerres larvées traînent en longueur. Pour éviter la catastrophe et construire une société‚ vraiment humaine, il faut tendre à l’interdiction absolue de la guerre.

Par quels moyens évitera-t-on la guerre ?

  1. Par le dialogue et la diplomatie (1982-1983)

Pour préparer une véritable paix, la maintenir ou la rétablir, le dialogue est nécessaire, l’histoire en témoigne.

Aujourd’hui, ce dialogue est particulièrement difficile, vu la complexité des problèmes, leur gravité et leurs implications. Il est difficile aussi parce qu’il réclame, de part et d’autre, bon nombre de vertus : sincérité, loyauté, compréhension, respect de l’autre, patience et générosité.

Toutefois, les hommes sont capables de dépasser leurs divisions. Aussi le dialogue est-il possible dans la recherche de la vérité, de la justice et de ce qui est commun aux hommes. A condition, bien sûr, qu’ils abdiquent égoïsme, volonté de puissance et mensonge, qu’ils renoncent aux idéologies où la force et la lutte remplacent la raison, comme aux conceptions outrancières de la souveraineté et de la sécurité de l’État.

Ce dialogue, qui est l’oeuvre particulière des chefs d’État et des diplomates, est facilité lorsqu’il est appuyé par une opinion publique éclairée et formée. Ainsi existent aujourd’hui des mouvements pour la paix importants et populaires. Leurs fondements idéologiques, leurs projets et propositions sont divers. Certes, ces mouvements peuvent souvent prêter le flanc à des manipulations partisanes. Il n’empêche qu’ils témoignent d’un désir de paix profond et sincère.

Le dialogue peut être aidé par la médiation de pays plus puissants, d’organisations internationales ou du Saint Siège.

Les organisations internationales, l’ONU en particulier, ont des faiblesses. Elles sont l’objet de tentatives de manipulations, elles connaissent des crises internes et ne sont pas suffisamment efficaces puisqu’elles n’ont pas de pouvoir de contrainte. Mais, par leur existence même, elles unissent et associent les États. Elles jouissent d’une autorité morale et juridique qui doit être renforcée pour soumettre, dans la recherche de la paix, les programmes, les systèmes, les régimes à une révision continuelle, en fonction du bien de l’homme.

Le Saint Siège, depuis des siècles, jouit d’une souveraineté limitée territorialement, mais indispensable au libre exercice de sa mission. Le Saint Siège jouit d’une autorité spirituelle et morale qu’il met au service de la paix. Sans intérêts matériels propres à défendre, il inspire confiance à de plus en plus de nations, même non chrétiennes. Il apporte son aide diplomatique et s’efforce de faire adopter le dialogue comme le moyen le plus apte à surmonter les différends.

Un exemple d’intervention : la médiation du Saint Siège a été demandée en 1979 par les gouvernements chilien et argentin pour tenter de résoudre leur différend frontalier dans la zone du canal de Beagle. Le Saint Siège a accepté, fort des volontés fermes manifestées par les deux parties de ne pas recourir à la force. Les négociations ont abouti à un traité ratifié le 2 mai 1985, au Vatican, en présence du Pape. (1982)

\b. Par l’établissement d’une autorité universelle

Pour garantir, à tous les peuples, la sécurité, le respect de la justice et des droits, l’institution d’une autorité publique universelle, reconnue par tous et dotée de pouvoirs efficaces serait évidemment souhaitable.

En attendant…

L’institution d’une autorité universelle peut apparaître comme lointaine. Aussi, en attendant, le recours aux armes est-il légitime, en principe, et peut être même nécessaire, pour défendre les justes droits des peuples.⁠[2]

La défense est légitime (1983), en principe et sous des conditions strictes et exigeantes:

  • il faut qu’aient été faits tous les efforts possibles pour trouver une solution pacifique ;

  • il faut aussi qu’il y ait proportion entre le bien à défendre et les maux entraînés par la guerre ;

  • il ne faut pas que le but soit, au delà de la défense, d’imposer son empire à d’autres ;

  • la guerre juste commencée, tout n’est pas licite pour autant : serait criminel tout acte de guerre qui tendrait indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants, ou encore, à l’élimination d’un peuple, d’une nation ou d’une minorité ethnique ;

  • il faut respecter les conventions relatives au sort des blessés, des prisonniers.

Un état a donc le droit et le devoir d’organiser un service militaire et d’appeler les citoyens à la légitime défense.

Mais, pour respecter les consciences, l’État pourvoiera également au cas de ceux qui refusent l’emploi des armes, à condition cependant qu’ils acceptent de servir la communauté sous une autre forme.

De même, sont louables ceux qui renoncent à la violence et qui, pour la
sauvegarde des droits, recourent à des moyens de défense accessibles aux plus faibles, sans nuire aux droits et aux devoirs des autres ou de la communauté.

Le problème de la dissuasion

Les armes atomiques, par leurs conséquences effroyables et durables, par la difficulté de les contrôler, accentuent l’importance des principes évoqués plus haut.

Mais, la réalité est telle aujourd’hui que l’arme nucléaire est considérée comme l’arme de dissuasion typique. Aussi, à défaut d’une concorde fondée sur la loyauté et la justice plutôt que sur la force, on ne peut condamner le recours à une dissuasion non indiscriminée comme moyen de défendre la sécurité et résister à d’injustes agressions. Dans le même temps, il est indispensable de préparer le changement de la situation qui, actuellement, justifie cette dissuasion.

La réduction des armements

La recherche d’un équilibre des forces n’est pas un moyen sûr de préserver la paix, car chacun cherche toujours à s’assurer une certaine marge de supériorité, de crainte de se trouver désavantagé. Cette logique relance sans cesse plus dangereusement la course aux armements et pousse les états à détourner des sommes considérables qui pourraient subvenir à bien des misères.

Cette tendance doit donc être inversée. Le désir d’une paix juste et stable demande au moins une réduction mutuelle des armes de tous types, progressive et vérifiable. (1985)

Plus profondément et plus durablement, il faut éduquer à la paix (1979 et 2004).

La paix est bien, comme le disait saint Augustin, le plus doux, le plus désirable et le meilleur des biens terrestres auquel tous les hommes aspirent. La paix est la tranquillité et la plénitude de l’ordre voulu par Dieu, tel qu’il est inscrit dans la nature humaine. ⁠[3] Toutefois, cet ordre, don de Dieu, compromis dès l’origine par le dérèglement de la conscience, doit être mérité et conquis chaque jour par l’effort de tous les hommes. (1982) Dans cette construction, la femme a un rôle tout particulier à jouer. (1995)

La paix est un bien de nature rationnelle et morale, qui suppose le respect de la vérité, de la liberté, de la justice et de l’amour. (2003 et 2005)

La vérité objective et universelle sur l’homme révèle et opère l’unité de l’homme avec Dieu, avec lui-même et avec les autres. Sans un accord sur le discernement du bien et du mal et sur les valeurs de vie, dont Dieu est la source et le garant, pas de paix à espérer ! C’est pourquoi il faut refuser tout mensonge sous quelque forme que ce soit, ainsi que les idéologies où la force est source du droit et la lutte considérée comme moteur de l’histoire. (1980)

La liberté est un droit fondamental lié à la dignité transcendante de l’homme, qui a la faculté de se déterminer et de choisir, en fonction du vrai et du bien, les valeurs auxquelles il adhère de manière responsable. La liberté est aussi un devoir à assumer à l’égard des autres, qui doivent être respectés dans leurs droits. Pour la paix, il faut promouvoir la liberté ainsi définie, qui ne peut se confondre avec la recherche insatiable et égoïste de biens matériels ni avec la licence, qui fait fi de toute référence aux valeurs morales. (1981) La liberté religieuse, en particulier, a une incidence spécifique sur l’idée de paix (1988) dans la mesure où elle s’enracine dans la conscience des hommes. (1991)

La justice reconnaît la dignité et l’égalité fondamentale des hommes. Elle implique le respect effectif des droits de la personne et l’accomplissement loyal des devoirs qui y sont attachés. (1999) Ainsi seront évitées nombre de frustrations, source de violence. (1984) On sera tout particulièrement attentif à respecter les minorités : toute personne jouissant d’une dignité inaliénable. (1989) On sera aussi attentif à tous les aspects de la justice sociale (1998) non seulement sur le plan national mais aussi sur le plan international, les hommes étant appelés à former une seule famille. (2000)

Mais la justice ne suffit pas à construire la paix. Elle peut conduire à sa propre négation et à sa propre ruine si elle ne s’allie pas à l’amour, qui invite à la bienveillance, à la disponibilité, au dialogue, au partage, au pardon et à la réconciliation. (2002)

Au plan personnel (1983-1984)

La paix ne peut gagner la société que par une réforme personnelle, où chaque homme rétablit d’abord en lui la hiérarchie des valeurs qui est le reflet de la volonté divine. En effet, le premier obstacle à la paix gît dans le péché de l’homme, en particulier dans le dérèglement d’une conscience qui appelle bien ou mal ce qu’elle entend choisir au gré de ses intérêts matériels ou de sa volonté de puissance.

Sans une conversion du cœur, toute paix est illusoire.

Comment y parvenir ? (1979)

Par une éducation, dès l’enfance (1996), aux valeurs morales : loyauté, fidélité aux engagements pris, honnêteté, justice, tolérance, respect des autres (de leur vie, de leurs conditions de vie, de leur race), partage, solidarité, pardon, humilité.

Par la méditation d’exemples historiques ou actuels d’hommes ou de peuples artisans de paix.

Par l’emploi d’un langage pacifique, qui bannit l’ironie acerbe et évite de tout exprimer en termes de rapports de forces, de lutte.

Par le souci d’écouter, de comprendre avec douceur et confiance.

Par des gestes quotidiens de camaraderie, de conciliation et de réconciliation.

Par un mode de vie plus simple, qui freine les instincts de possession, de consommation et de domination.

Par l’approfondissement du sentiment religieux.

Au plan social

Le renouveau intérieur incessant dont nous venons de parler libère l’homme du péché et de ses conséquences sociales. Il doit accompagner l’effort à fournir pour transformer la société.

Là aussi, la paix est le fruit d’un ordre voulu par Dieu et qui doit être réalisé par des hommes aspirant sans cesse à plus de justice.

Selon cet ordre social, il faut tenir compte de la valeur de chaque personne et de chaque groupe, des exigences du bien commun, de la sauvegarde des droits humains et de la priorité de l’être sur l’avoir. Cet ordre bannit la violence et les discriminations sociales, économiques et politiques.

Reste à distinguer force et violence

La paix ne peut être confondue avec un faux irénisme (1981). Elle exige une force authentique pour dominer les conflits et les obstacles. Au plan personnel, chacun doit ainsi contrôler ses passions et la société a besoin d’une autorité vigilante.

qu’est-ce que la force ?

La force est un moyen ou un instrument essentiel pour le droit positif. Organisée et ordonnée aux fins du droit, elle n’est plus simplement force physique mais encore et surtout de la justice au concret, aussi bien dans le domaine public que dans le domaine privé, en cas de légitime défense par exemple.

qu’est-ce que la violence ?

La violence, en général, est la violation d’un ordre fondé sur le droit naturel.

Ainsi sont donc condamnables les formes élémentaires de la violence : la torture, les détentions arbitraires, les exécutions sommaires, les « disparitions » organisées, le terrorisme, l’avortement, l’euthanasie, mais aussi les formes subtiles ou larvées de la violence.

Par exemple :

  • Dans le système d’apartheid, la discrimination raciale institutionnalisée nie l’égalité fondamentale de tous les hommes et engendre des violences. La solution à ce problème doit être non violente et bilatérale.

  • Dans les idéologies qui, bâties sur une fausse vision de l’homme, font de la lutte un moteur du progrès. (1984)

  • Dans les familles. La paix ne peut exister dans une nation si les familles sont divisées, incapables de surmonter les conflits et si l’on accepte la désintégration du mariage.(1993)

  • Dans l’information manipulée, partiale et déformée ou la propagande sectaire.

  • Dans l’injuste répartition des richesses, des pouvoirs et des responsabilités.(1985)

  • Dans les discussions et négociations professionnelles, sociales ou politiques où l’on se laisse aller à l’indignation sélective, à l’insinuation perfide, au discrédit systématique de l’adversaire, au chantage, à l’intimidation, ou bien au silence résigné et complice, à la compromission partielle, ou encore à des réactions irraisonnées, à la contestation et à la revendication systématiques.

  • Dans l’imprévoyance et la superficialité des responsables. Il faut s’attaquer aux racines de l’injustice et des conflits.

  • Dans une gestion de l’environnement et du patrimoine commun qui ferait fi de toute raison et de toute solidarité. (1990)

Il faut, au contraire, dans ces rencontres, en appeler à la raison, au coeur, à la conscience, ne pas discréditer tous les aspects même justes et bons de l’action adverse, mais reconnaître la part de vérité qu’il y a dans toute oeuvre humaine. Le vrai progrès a besoin d’une force résolue, patiente et prudente dans l’acceptation mutuelle. En particulier, chez les croyants, l’ « esprit d’Assise » doit rayonner appuyé sur la force de la prière, le dialogue œcuménique et interreligieux. (1991) Et tous les hommes, croyants ou non, sont appelés à un vaste dialogue culturel qui, dans le respect de la diversité, cherchera les valeurs communes. (2001)

Dans les oppositions, notamment, découvrir et sélectionner les différents éléments de vérité et les reconstituer dans leur unité indivisible pour pouvoir exprimer toute leur profondeur. Il faut aussi prévoir : prendre en compte les aspirations nouvelles compatibles avec le bien, repérer à temps les conflits latents, rouvrir en temps opportun des dossiers sur des problèmes momentanément neutralisés par des lois, des accords qui ont servi à éviter leur exaspération.

Les inégalités sociales criantes doivent être rabotées. La pauvreté, sous toutes ses formes, est une source de conflits, il faut donc avec l’esprit de pauvreté aller à la rencontre des pauvres. (1992)

L’ensemble de ces exigences nous montre finalement que la paix est le fruit d’un ordre personnel et social, de l’ordre voulu par Dieu dans tous les aspects de notre vie personnelle et sociale ce qui revient à dire que la paix est le fruit de l’évangélisation intégrale des hommes, de leur conversion personnelle au Christ rédempteur et miséricordieux qui pardonne et qui réconcilie (1997) et de la mise en œuvre dans tous les champs d’activités de la doctrine sociale de l’Église. (1980-1981).

Au soir de sa vie, le 1er janvier 2004, le pape Jean-Paul II faisait le bilan des 36 messages déjà donnés par l’Église au monde. 36 messages qui, pour lui, représentaient « les différents chapitres d’une véritable « science de la paix ». » Et voici comment il jugeait son apport personnel : « j’ai appelé les hommes de bonne volonté à réfléchir sur différents aspects d’une convivialité ordonnée, à la lumière de la raison et de la foi ». Il ajoutait : « C’est ainsi qu’est ainsi qu’est née une synthèse de la doctrine sur la paix, une sorte de lexique concernant ce sujet fondamental : un lexique simple à comprendre pour qui a l’esprit bien disposé, mais en même temps extrêmement exigeant pour toute personne sensible au sort de l’humanité. » Et il semblait, en ce qui le concerne du moins, clore son apport doctrinal en « écrivant : « Les différentes facettes du prisme de la paix ont désormais été largement illustrées. Il reste maintenant à travailler pour que l’idéal de la convivialité pacifique, avec ses exigences précises, entre dans la conscience des individus et des peuples. Nous chrétiens, nous ressentons l’engagement à nous éduquer nous-mêmes, ainsi que les autres, à la paix comme faisant partie du génie même de notre religion. Pour le chrétien, en effet, proclamer la paix c’est annoncer le Christ qui est « notre paix (Ep 2, 14), c’est annoncer son Évangile, qui est « l’Évangile de la paix » (Ep 6, 15), c’est appeler tous les hommes à vivre la béatitude invitant à être des « artisans de paix » (cf. Mt 5, 9). »

Est-ce à dire que l’Église se tairait désormais ? Certes non. Le 1er janvier 2005, Jean-Paul II donnait son dernier message et, l’année suivante, comme on va le voir, Benoît XVI prenait le relais. L’essentiel a été dit durant toutes ces années mais il est bon de le redire et de l’approfondir, de le confronter sans cesse à la triste actualité. Il n’empêche que l’action doit suivre le discours, qu’il faut à un moment laisser le texte pour l’incarner dans la réalité.


1. JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1er janvier 1979 : « Les affaires humaines doivent être traitées avec humanité, non avec violence. Les tensions et les conflits doivent être résolus par des négociations raisonnables et non par la force. Le recours aux armes ne doit pas être considéré comme le juste moyen pour régler des conflits. Les droits humains inaliénables doivent être sauvegardés en toutes circonstances. […] Dans les manifestations en terme de force, de lutte de classes ou de groupes, une atmosphère propice est créée pour dresser des barrières sociales, pour exprimer du mépris, de la haine, du terrorisme, en cachette ou de manière ouverte. Or l’humanité a besoin au contraire de visions de paix, de parler le langage de la paix, de faire les gestes de paix. »
2. Pour comprendre le droit à la légitime défense, nous pouvons confronter les définitions de Carl von Clausewitz (général prussien, 1780-1831) et de J. Comblin. Pour CLAUSEWITZ, « La guerre est (…) un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté » ( De la guerre, Union générale d’éditions, 1955, livre I, chap. I, § 2, p. 40) ; « La guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens » (id., Livre I, chap. I, § 24, p. 62). Elle vise donc la contrainte et non directement l’homicide. COMBLIN (op. cit. II, p. 78) propose cette définition chrétienne : « La guerre est un acte de violence allant jusqu’à l’homicide en vue de contraindre l’adversaire à accepter notre volonté ». En conséquence : « Elle n’est pas en soi directement un péché, si elle a pour but d’abattre une volonté perverse de l’adversaire. »
3. Cet ordre qui naît de la réconciliation universelle faite par le Christ. Relisons le texte de st AUGUSTIN : « pax omnium rerum tranquillitas ordinis » (De Civitate Dei, XIX, 13, 10 s) et le commentaire de COMBLIN J., op. cit. II, pp.71-72 : « Il est vrai que saint Augustin intègre sa conception de la paix dans une idée plus générale de l’harmonie du monde, inspirée de la philosophie stoïcienne. Il est vrai que la paix est, au niveau de l’humanité, la réalisation d’une sorte d’ordre universel qui trouverait à chaque étage de la création une incarnation adaptée aux possibilités particulières de chacun des êtres envisagés. Cette conception d’une sorte d’harmonie universelle est plutôt un cadre général. En réalité saint Augustin ne se contente pas d’appliquer à l’humanité la notion générale d’ordre. Pour lui la paix entre les hommes, ce n’est pas simplement la tranquillité de l’ordre. Il nous suffit de lire le texte cité dans son contexte pour nous en rendre compte. Saint Augustin donne deux contenus à la paix entre les hommes : « pax civitatis ordinata imperandi atque oboediendi concordia civium » (De Civitate Dei, XIX, 13, 8 s) ; « pacem civicam… ordinatam imperandi oboediendi concordiam civium » (XIX 16, 31 s) ; « Imperandi oebediendique concordiam civium » (XIX, 17, 12 s). Nous y trouvons l’accord des citoyens sur un ordre politico-social dans lequel les activités communes sont organisées.
   En second lieu la paix est « de rebus ad mortalem vitam pertinentibus humanarum quaedam compositio voluntatum » (De Civitate Dei XIX , 17, 13-15) ; « de rebus ad mortalem hominum naturam pertinentibus humanarum voluntatum compositionem » (XIX, 17, 57 s). C’est l’accord des volontés sur les activités humaines en vue de la meilleure vie terrestre.
   En combinant les deux définitions, nous obtenons celle que nous avons citée plus haut. (p. 71) ». Augustin n’a donc pas une conception unitaire de la paix, qui sacrifierait les personnes à l’ordre comme dans le communisme.

⁢b. Face aux événements

Au cours de son long pontificat, Jean-Paul II aura de nombreuses fois, hélas, l’occasion d’illustrer la « science de la paix » et de donner des directives précises.

Prenons quelques exemples.

Une certaine « théologie de la libération »

Face aux actions subversives violentes en Amérique du Sud, sa condamnation fut sans équivoque.

Dans son Discours d’ouverture de la Conférence de Mexico, le 28-1-1979, il prenait déjà nettement distance par rapport à l’action inspirée par certaines théologies de la libération et mettait en garde contre une relecture de l’Évangile qui « décrirait Jésus comme un activiste politique, comme un opposant à l’oppression et aux autorités romaines et comme quelqu’un qui est impliqué dans la lutte des classes. »

« La violence, dira-t-il devant les travailleurs à Sao Paulo, détruit ce qui va naître, soit qu’elle cherche à maintenir les privilèges de la minorité, soit qu’elle essaie d’imposer des changements de besoins… La lutte des classes n’est pas le chemin d’un ordre social juste parc qu’elle apporte avec elle le risque de ruiner la partie opposée en créant de nouvelles situations d’injustice. Personne ne peut construire quand il y a un manque d’amour, encore moins sur la base de la haine qui cherche la destruction de ce qui est haï. »[1]

Les deux Instructions Libertatis nuntius, Sur quelques aspects de la théologie de la liberation[2] et Libertatis conscientia, Sur la liberté chrétienne et la libération[3] apporteront sous la plume du cardinal Ratzinger alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi tous les éclaircissements doctrinaux nécessaires : « Ceux qui désertent le chemin de la réforme et favorisent le « mythe de la révolution » non seulement favorisent l’illusion que l’abolition d’une situation mauvaise est en elle-même suffisante pour créer une société plus humaine ; ils encouragent alors l’établissement de régimes totalitaires. […]  le Magistère de l’Église l’admet en dernier ressort pour mettre fin à une tyrannie prolongée qui nuit gravement aux droits fondamentaux de l’individu et au bien commun. […] L’application concrète de ces pensées ne peut être projetée que lorsque la situation a été rigoureusement analysée ». « … à cause du continuel développement de la technologie de la violence et du sérieux danger d’y recourir, ce qui s’appelle aujourd’hui la « résistance passive », montre une voie plus conforme aux principes moraux et ouvre tout autant de perspectives de succès. […] On ne peut jamais approuver que, perpétré par le pouvoir établi, des insurgés commettent des crimes en représailles contre la population ou que des méthodes terroristes causent la mort lors de démonstrations populaires. »[4]

Autre lieu de violence : l’Irlande.

Le 29 septembre 1979, à Drogheda, en Irlande, Jean-Paul II adresse cette requête « à tous les hommes et à toutes les femmes pris dans l’engrenage de la violence. Je fais appel à vous, et mon plaidoyer se fait passionné. Je vous supplie à genoux de vous détourner des sentiers de la violence et de revenir sur les chemins de la paix. Sans doute prétendez-vous rechercher la justice. Moi aussi, je crois en la justice et je recherche la justice. Mais la violence ne fait que retarder le jour de la justice. La violence détruit le travail de la justice. Un surcroît de violence en Irlande ne pourra qu’entraîner la ruine de la terre que vous prétendez aimer et des valeurs que vous prétendez chérir. Au nom de Dieu, je vous en supplie : revenez au Christ qui est mort pour que les hommes puissent vivre dans le pardon et dans la paix. Il vous attend, il aspire à ce que chacun de vous revienne à lui, de telle sorte qu’il puisse dire à chacun de vous : tes péchés sont pardonnés ; va en paix ! »[5]

Quelques années plus tard, devant les diplomates accrédités près le Saint-Siège, il dira : « Peut-on se résigner à cette plaie qui défigure l’Europe ? Aucune cause ne peut justifier que les droits de l’homme, le respect des différences légitimes et l’observance de la loi soient à ce point bafoués sur ce territoire. J’invite toutes les parties à réfléchir devant Dieu sur leurs comportements. »[6]

La chute du « mur »

Dans l’encyclique Centesimus annus[7], le pape Jean-Paul II évoque la chute des certains régimes oppressifs à travers le monde et souligne le rôle que l’Église a joué, conduisant le peuple « à rechercher des formes de lutte et des solutions politiques plus respectueuses de la dignité de la personne »[8]. Mais c’est surtout à l’écroulement du marxisme en Europe centrale et orientale qu’il s’attarde pour mettre en évidence l’action pacifique qui fut entreprise pour libérer les peuples de la servitude : « à peu près partout, on est arrivé à faire tomber un tel « bloc », un tel empire, par une lutte pacifique, qui a utilisé les seules armes de la vérité et de la justice. Alors que, selon le marxisme, ce n’est qu’en poussant à l’extrême les contradictions sociales que l’on pouvait les résoudre dans un affrontement violent, les luttes qui ont amené l’écroulement du marxisme persistent avec ténacité à essayer toutes les voies de la négociation, du dialogue, du témoignage de la vérité, faisant appel à la conscience de l’adversaire et cherchant à réveiller en lui le sens commun de la dignité humaine.

Apparemment, l’ordre européen issu de la Deuxième Guerre mondiale et consacré par les Accords de Yalta[9] ne pouvait être ébranlé que par une autre guerre. Et pourtant, il s’est trouvé dépassé par l’action non violente d’hommes qui, alors qu’ils avaient toujours refusé de céder au pouvoir de la force, ont su trouver dans chaque cas la manière efficace de rendre témoignage à la vérité.

Cela a désarmé l’adversaire, car la violence a toujours besoin de se légitimer par le mensonge, de se donner l’air, même si c’est faux, de défendre un droit ou de répondre à une menace d’autrui. Encore une fois, nous rendons grâce à Dieu qui a soutenu le cœur des hommes au temps de la difficile épreuve, et nous prions pour qu’un tel exemple serve en d’autres lieux et en d’autres circonstances. Puissent les hommes apprendre à lutter sans violence pour la justice, en renonçant à la lutte des classes dans les controverses internes et à la guerre dans les controverses internationales ! »[10]

« Certes, la lutte qui a conduit aux changements de 1989 a exigé de la lucidité, de la modération, des souffrances et des sacrifices ; en un sens, elle est née de la prière et elle aurait été impensable sans une confiance illimitée en Dieu, Seigneur de l’histoire, qui tient en main le cœur de l’homme. C’est en unissant sa souffrance pour la vérité et la liberté à celle du Christ en Croix que l’homme peut accomplir le miracle de la paix et est capable de découvrir le sentier souvent étroit entre la lâcheté qui cède au mal et la violence qui, croyant le combattre, l’aggrave. »[11]

Le cas du Timor oriental

[12]

Cette ancienne colonie portugaise à 97% catholique a été occupée en 1975 par l’Indonésie, le plus grand pays du monde à majorité musulmane, et annexé en 1976. Une annexion qui ne fut jamais reconnue par l’ONU qui organisa un referendum en 1999 qui conduisit à l’indépendance en 2002.

L’occupation indonésienne fut accompagnée d’une répression violente raciste et anti-catholique qui fit 200.000 morts et de la déportation de 300.000 Timorais. Il fallut la chute du dictateur Suharto pour que le referendum soit organisé. Malgré cela, le gouvernement indonésien prépara en sous-main une répression au cas où la population se prononcerait pour l’indépendance. Ce n’est qu’en 2012 que les casques bleus ont quitté le pays.

En octobre 1989, en pleine occupation indonésienne, le Pape Jean-Paul II se rendit à Dili et, commentant les paroles du Christ : « Vous êtes le sel de la terre…, vous êtes la lumière du monde »[13], et déclara : « Que signifie être « le sel de la terre » et « la lumière du monde » au Timor oriental aujourd’hui ? Depuis maintenant de nombreuses années, vous avez fait l’expérience de la destruction et de la mort comme conséquences d’un conflit ; vous avez su ce que signifie être victime de la haine et de la lutte. Beaucoup d’innocents sont morts, tandis que d’autres ont été victimes de la vengeance et de représailles. Pendant trop longtemps vous avez souffert du manque de sécurité qui a rendu votre avenir incertain. Cette pénible situation est la cause de difficultés économiques qui perdurent malgré quelque amélioration, empêchant le développement nécessaire au soulagement du fardeau qui pèse encore lourdement sur la population. »[14] Cette dénonciation fut un démenti à la propagande indonésienne qui se targuait d’une intégration pacifiste et réussie. Pour l’avenir, le Souverain Pontife prêcha pour le respect des droits de l’homme, le pardon et la réconciliation.

En 1999, comme les milices pro-indonésiennes et anti-indépendantistes soutenues par l’armée indonésienne s’étaient déchaînées contre la population qui avait voté à 78,5% en faveur de l’indépendance faisant de nouveau des milliers de victimes, le pape intervint à plusieurs reprise : « C’est avec une grande tristesse qu’heure par heure je reçois des nouvelles toujours plus tragiques de cette terre aimée du Timor oriental et je suis profondément triste que les premières lueurs d’espoir nées à la suite de la récente consultation populaire aient été transformées en terreur aujourd’hui, que rien ni personne ne peut justifier. […] Tout en condamnant très fermement la violence qui a été déchaînée contre le personnel et les propriétés de l’Église catholique, j’implore les responsables de si nombreux actes de cruauté d’abandonner leurs desseins meurtriers et destructeurs. C’est aussi mon souhait du fond du cœur que le plus tôt possible l’Indonésie te la Communauté internationale puissent mettre fin au massacre et trouver de réelles voies pour atteindre les aspirations légitimes de la population timoraise. »[15] Il fallut encore attendre des semaines avant qu’une force multinationale sous commandement australien intervienne.

Les guerres en Yougoslavie (1991-2001)

Dès le début de la guerre, le Pape demande le respect de la diversité culturelle : « J’adresse […] un appel pressant aux croyants de ce pays bienaimé -chrétiens et musulmans- afin que, au nom de Dieu, Père commun, ils sachent s’unir en un effort renouvelé pour créer les conditions favorables à une « vie ensemble » dans le respect et l’amour réciproques »[16]

Lors de l’audience du 8 mai 1991, le pape appelle à une solution pacifique : « J’élève encore une fois ma vois pour implorer que soient évités les affrontements fratricides entre les populations serbe et croate, et pour que soit conjuré le recours à la violence. Je supplie de toute ma force les responsables du sort de ces deux peuples de donner des preuves de bonne volonté et du sens de la responsabilité, afin de trouver une solution juste et pacifique aux problèmes que la force des armes ne pourra jamais résoudre. J’invite surtout les responsables des communautés chrétiennes à se faire les promoteurs de la réconciliation, en intensifiant ce dialogue de paix qui a commencé […] entre la délégation de l’Église orthodoxe serbe […] et la délégation de l’Église catholique […]. »⁠[17]

Le 6 septembre, le pape invitait les catholiques du monde entier à prier pour que cessent les violences : « Le Saint-Siège déplore, une nouvelle fois, le recours à la violence armée, et condamne en particulier l’usage des moyens de destruction massive et aveugle.

Il appuie avec vigueur toutes les initiatives prises par la Communauté internationale, et de façon spéciale la Conférence de paix convoquée […] afin de mettre un terme aux hostilités et de trouver une solution négociée aux problèmes. »⁠[18]

En octobre, Jean-Paul II écrit d’une part au cardinal Kuharic et aux évêques croates et d’autre part au Patriarche de l’Église orthodoxe serbe. Il rappelle tout d’abord que « cette guerre ne peut résoudre aucun des problèmes, car elle ne produit que destructions et mort, nourrit la haine et l’esprit de vengeance ». « Le bon sens, le droit et la justice » doivent prévaloir « sur la force des armes ». L’insistance du Souverain pontife s’appuie sur « l’immense aspiration des hommes d’aujourd’hui, en Europe comme dans le monde entier, […] qu’il soit possible d’organiser la convivialité des peuples dans le respect de leurs droits et de leurs légitimes aspirations. On ne peut tolérer aujourd’hui la suprématie d’un peuple sur un autre, ni celle d’un peuple sur une minorité appartenant à une autre nationalité. Aujourd’hui les droits des peuples et les droits des minorités doivent être reconnus, respectés et garantis. Aujourd’hui, on ne peut plus modifier les frontières d’un État en recourant à la force. » d’ailleurs, ajoute le pape, « ces principes, profondément humains et chrétiens, ont été codifiés dans des documents internationaux solennels : ils doivent constituer, pour tout gouvernement, une norme de conduite. » Pour toutes ces raison, le « Siège apostolique continuera à soutenir, de la manière et avec les moyens qui lui sont propres, tous les efforts visant à établir un cessez-le-feu effectif, en vue d’autres initiatives pour une solution de la crise yougoslave. En particulier, il appuie la Conférence de la Haye[19], et s’emploie à faire naître un consensus international en faveur de la reconnaissance de l’indépendance de la Slovénie, de la Croatie et d’autres républiques qui en feront la demande, en conformité avec les principes de l’Acte final d’Helsinki, souscrits par les Etas membres de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe.⁠[20] » Les évêques, de leur côté, sont invités à promouvoir les « principes de convivialité sociale » : la justice la liberté, la dignité de chaque peuple ; d’être les artisans du pardon et de la réconciliation, du dialogue et de la collaboration dans l’assistance aux victimes sans acception de personne.

Au patriarche serbe, après avoir dit sa souffrance devant tant de malheurs, le Pape présente les efforts du Saint-Siège et son appel aux évêques croates appelant à la collaboration avec l’Église orthodoxe. Et il ajoute, avec beaucoup de lucidité, un élément qui souligne l’urgence de son appel : « nous savons bien que le motif de cette guerre n’est pas de caractère religieux mais politique. Malheureusement, le lourd héritage du passé exerce son influence sur les esprits des uns et des autres, et rend encore plus complexe la solution des difficultés. Mais pour construire un avenir de paix, il faut avoir le courage de se libérer des conditionnements du passé et de travailler à donner une réponse aux problèmes du temps présent selon le droit et la justice, dans la charité. »[21]

Le langage est le même devant les autorités politiques : nécessité du dialogue, respect des droits de l’homme, construction d’une « société solidaire et fraternelle » dans le respect des minorités et le refus des exclusions, la nécessité, pour les catholiques, de dialoguer, « malgré les difficultés, […] avec leurs frères des autres communautés chrétiennes »[22]

Mais que faire lorsque les protagonistes ne veulent rien entendre ? Il faut intervenir pour mettre fin au conflit : « Une fois que toutes les possibilités offertes par les négociations diplomatiques, les processus prévus par les Conventions et organisations internationales, ont été mis en œuvre, et que, malgré cela, des populations sont en train de succomber sous les coups d’un injuste agresseur, les États n’ont plus le « droit à l’indifférence ». Il semble bien que leur devoir soit de désarmer cet agresseur, si tous les autres moyens se sont avérés inefficaces. Les principes de la souveraineté des États et de la non-ingérence dans leurs affaires internes - qui gardent toute leur valeur - ne sauraient toutefois constituer un paravent derrière lequel on pourrait torturer et assassiner »[23]

Encore et toujours, dans son Discours à l’ambassadeur de la République fédérale de Yougoslavie, le 25 avril 1996, Jean-Paul II appela « à la réconciliation et au pardon mutuel » et souligna « la nécessité de parvenir à une réconciliation qui aille au-delà des torts et des revendications, en s’appuyant sur tout ce qui unit plutôt que sur ce qui divise. » Le Saint-Père ajoutait : « L’effort pour vaincre l’injustice et la violence par le pardon et la collaboration constitue la route principale qui pourra conduire à une nouvelle ère de progrès et de paix pour le Sud-Est européen. »[24]. L’ambassadeur, dans son discours, mit en avant le souci prioritairement humanitaire du Saint-Siège en rappelant que le cardinal Sodano, Secrétaire d’État, avait dénoncé en 1994 les effets négatifs des sanctions décrétées par l’ONU contre la Yougoslavie.⁠[25]

La guerre du Golfe (1990-1991)

Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissent le Koweït. Après que l’Osservatore romano a le 9 et le 20 août, condamné cette invasion et appelé à la négociation, Jean-Paul II, le 26 août, lance un appel où apparaissent d’emblée les principes sur lesquels il ne cessera de revenir durant toute la durée de la crise : il faut respecter le droit international et la Charte des nations-Unies ; l’ordre international, l’ordre social et économique sont gravement menacés ; on ne peut dissocier le sort des populations du Golfe persique de celui de tous les peuples du Moyen-Orient et surtout du Liban et de la Palestine ; il faut dialoguer et prier.⁠[26]

Le 1er octobre, il se montre non seulement soucieux du rôle que les chrétiens ont à jouer au Moyen-Orient mais il se réfère aussi « à la crise et aux tensions lourdes de danger qui affectent le Golfe ; au drame de la Palestine, à la tragédie du Liban. »[27] Il y revient lors de l’Angelus du 18 novembre. Le Saint-Père redoute qu’à travers ces conflits, ne se creuse une cassure entre le monde musulman et le monde chrétien. Mais il y a plus. Si le Pape lie à plusieurs reprises les cas du Koweit, de la Palestine et du Liban, c’est que, à chaque fois, une injustice est commise. Il veut rappeler, par cette association, que le droit est indivisible. Pourquoi la communauté internationale s’émeut-elle du sort du Koweit au point de se mobiliser en vue d’un règlement armé alors qu’elle se contente de résolutions sans suite pour les autres ? La volonté d’intervenir militairement dans le Golfe n’en paraît que plus suspecte.⁠[28]

Puis, dans le message Urbi et Orbi de Noël, alors que se prépare depuis l’automne une offensive militaire contre l’Irak, il demande : « Que les responsables en soient convaincus : la guerre est une aventure sans retour. En faisant appel à la raison, à la patience et au dialogue, et dans le respect des droits inaliénables des peuples et des gens, il est possible de découvrir et de parcourir les voies de l’entente et de la paix. »

La guerre toutefois menace. Un ultimatum est lancé à l’Irak qui doit expirer le 16 janvier. Une coalition de 34 pays s’est préparée à entrer en guerre avec l’aval de l’ONU⁠[29].

Le 12 janvier, devant les ambassadeurs accrédités auprès du Saint-Siège, Jean-Paul II, aptr !ès avoir évoqué les ombres et les lumières qui s’étendent sur le monde, s’attarde à la situation du Moyen-Orient « où s’est levée un jour l’Etoile de la Paix… Ces terres chargées d’histoire, berceau de trois religions monothéistes, devraient être des lieux où le respect de la dignité humaine, créature de dieu, la réconciliation et la paix s’imposent comme des évidences. Hélas ! le dialogue entre les familles spirituelles y laisse souvent à désirer. Les chrétiens minoritaires, par exemple, y sont dans certains cas tout au plus tolérés. Quelquefois on leur interdit d’avoir leurs propres lieux de culte, voire de se rassembler dans des célébrations publiques. Même le symbole de la croix est proscrit. » Plus précisément, il va évoquer les trois régions qu’il lie constamment dans ses interventions et dont la situation exige « des décisions politiques rapides ». En Palestine tout d’abord où le peuple « depuis des décennies, est gravement éprouvé et injustement traité ». Quant au Liban, c’est « un pays disloqué, qui a agonisé des années durant sous les yeux du monde. Il est temps que toutes les forces armées non libanaises s’engagent à évacuer le territoire national. »[30] Enfin, en ce qui concerne le Golfe, il répète ce qu’il a déjà dit : « lorsqu’un pays viole les règles les plus élémentaires du droit international, c’est toute la coexistence entre les nations qui est remise en cause. » Et il rappelle le rôle des Nations-Unies « dont le but est de préserver les générations futures du fléau d la guerre. […] La guerre serait le déclin de l’humanité tout entière. »

Le 15 janvier, la guerre étant imminente, Jean-Paul II s’adresse aux deux protagonistes : George Bush et Saddam Hussein. Au premier, il répète qu’ « il est très difficile que la guerre puisse apporter une solution adéquate aux problèmes internationaux et que, même si une situation injuste peut être momentanément résolue, les conséquences, qui découleraient vraisemblablement de la guerre, seraient dévastatrices et tragiques ». Quelles conséquences ? Des souffrances, des destructions mais aussi « de nouvelles injustices qui seraient peut-être encore pires ». Quelle autre voie, le pape propose-t-il ? Le dialogue. Et c’est ce même discours que Jean-Paul II tient dans son courrier à Saddam Hussein.⁠[31] En vain.

La guerre déclarée, Jean-Paul II poursuit sa croisade de paix. Le 20 janvier, il dénonce « les déplorables bombardements, alors que la population civile, de part et d’autre, a le droit d’être respectée ».⁠[32]

Le 2 février 1991, le Saint-Père invite à la prière en faveur de la paix. A cette occasion, il revient sur les idées qu’il défend sans cesse : on ne peut rester indifférent aux malheurs des autres⁠[33], quels qu’ils soient, nous devons compter sur Dieu et les instances internationales pour rétablir la paix et régler les problèmes du Moyen-Orient :

« Comme hommes, et en tant que chrétiens, nous ne devons pas nous habituer à l’idée que tout ceci soit inévitable et notre esprit ne doit pas succomber à la tentation de l’indifférence et de résignation fataliste, comme si les hommes ne pouvaient être impliqués dans la spirale de la guerre.

En tant que croyants dans le Dieu de miséricorde et Son Fils, Jésus, qui est mort et ressuscité pour le salut de tous, nous ne pouvons pas perdre l’espoir que la grande souffrance qui affecte ainsi de vastes parties de l’humanité, doive prendre fin le plus tôt possible. Pour atteindre ce but, nous avons à notre disposition, en premier lieu, la prière, humble instrument, mais s’il est nourri avec une foi sincère et intense, plus fort que n’importe quelle arme et tout calcul humain.

Nous confions à Dieu notre profonde tristesse, ainsi que notre espérance la plus vive.

Nous invoquons la lumière divine pour ceux qui, dans les sphères internationales, continuent à rechercher les voies de la paix, en s’efforçant de mettre un terme à la guerre et ont la ferme volonté de trouver, pacifiquement et avec le souci de la justice, des solutions appropriées aux divers problèmes du Moyen-Orient.

Nous demandons au Seigneur d’éclairer les dirigeants des partis impliqués dans le conflit, afin qu’ils trouvent le courage d’abandonner la voie de la confrontation militaire et de s’en remettre, avec sincérité, à la négociation, le dialogue et la collaboration.

Nous implorons le réconfort divin pour tous ceux qui souffrent à cause de la guerre et des graves situations d’injustice et d’insécurité qui n’ont pas encore été corrigées dans le Moyen-Orient.

Dans cet appel confiant à la miséricorde de Dieu, je demande instamment à chacun de se sentir en harmonie avec les autres croyants, en particulier avec ces populations de confession juive, chrétienne et musulmane, qui sont les plus touchées par cette guerre. »[34]

Le Souverain Pontife ne se contente pas de bonnes paroles. Il agit. Ainsi demande-t-il au Conseil pontifical Cor unum d’instituer en son sein « une Commission chargée de coopérer aux initiatives qui sont en train de surgir sur un plan international pour aider les réfugiés au Moyen-Orient. »[35] Non seulement les réfugiés mais aussi les prisonniers et les victimes civiles sont au cœur de ses préoccupations permanentes.⁠[36]

Après l’acceptation du cessez-le-feu par l’Irak, le Pape convoque à Rome, les 4 et 5 mars 1991, les représentants des épiscopats des pays participant directement à la guerre du Golfe. Il énumère à cette occasion les principes qui doivent inspirer les organisations internationales et régionales dans l’après-guerre du Golfe : « le principe effectif du principe de l’intégrité territoriale des États ; la solution de problèmes non résolus depuis des décennies et qui constituent des foyers de tensions continuelles ; la réglementation du commerce des armes de toutes espèces ; des accords visant au désarmement de la région. » d’autre part, la pauvreté pouvant mener à toutes les extrémités, « l’ordre économique international […] doit tendre toujours plus au partage et refuser l’accaparement ou l’exploitation égoïste des ressources de la planète. Il doit assurer la juste rémunération des matières premières, permettre l’accès de tous aux ressources nécessaires pour vivre, assurer le transfert harmonieux des technologies et fixer des conditions acceptables au remboursement de la dette des pays les plus démunis. » Enfin, le Saint-Père précise « certaines convictions » qui doivent guider les réflexions des participants :

« -si les problèmes d’hier ne sont pas résolus ou ne connaissent pas un début de solution, les pauvres du Moyen-Orient -je pense, en particulier, au peuple palestinien et au peuple libanais- seront encore plus menacés ;

-il n’y a pas de guerre de religion en cours et il ne peut y avoir de « guerre sainte », car les valeurs d’adoration, de fraternité et d paix qui découlent de la foi en Dieu appellent à la rencontre et au dialogue ;

-la solidarité qui sera demandée à la communauté internationale en faveur des peuples meurtris par la guerre devra s’accompagner d’un sérieux effort pour que les préjugés et le simplisme ne viennent pas compromettre les meilleures intentions ;

-tout attentisme dans la recherche de solutions ou dans la promotion du dialogue constitue un risque sérieux d’aggravation des tensions existantes. »[37]

Plus tard, pensant d’abord aux séquelles de la guerre, à son cortège de deuils et de destructions, Jean-Paul II rappelle « les impératifs éthiques qui, en toute circonstance, doivent prévaloir : le caractère sacré de la personne humaine, de quelque côté qu’elle se trouve ; la force du droit ; l’importance du dialogue et de la négociation ; le respect des pactes internationaux. Ce sont là les seules « armes » qui fassent honneur à l’homme tel que Dieu le veut ! »[38]

L’invasion de l’Irak

Du 20 mars 2003 au 1er mai 2003, une coalition menée par les États-Unis envahit l’Irak, officiellement, pour lutter contre le terrorisme, éliminer des armes de destruction massive et instaurer une démocratie.

Dès le 13 janvier, Jean-Paul II prenait clairement position : « Non à la guerre ! Elle n’est jamais une fatalité. Elle est toujours une défaite de l’humanité. Le droit international, le dialogue loyal, la solidarité entre États, l’exercice si noble de la diplomatie sont les moyens dignes de l’homme et des nations pour résoudre leurs différends. » Et conscient d’une menace de guerre contre l’Irak, il rappelait que les populations étaient déjà exténuées par douze années d’embargo ». Il rappelait aussi : « la guerre n’est jamais un moyen comme un autre que l’on peut choisir d’utiliser pour régler les différends entre nations. Comme le rappellent la Charte de l’Organisation des Nations Unies et le Droit international, on ne peut s’y résoudre, même s’il s’agit d’assurer le bien commun, qu’à la dernière extrémité et selon des conditions très strictes, sans négliger les conséquences pour les populations civiles et après les opérations. »[39]

Le 23 février, Jean-Paul II avait dit sa « grande appréhension devant le danger d’une guerre qui pourrait troubler la région de Moyen-Orient et aggraver les tensions malheureusement déjà existantes ». Il déclarait : « Les croyants, à quelque religion qu’ils appartiennent, ont le devoir de proclamer qu’ils ne pourront jamais être heureux les uns contre les autres ; que jamais l’avenir de l’humanité ne pourra être assuré par le terrorisme et la logique de la guerre. » Et il ajoutait : « En particulier, nous, chrétiens, nous sommes appelés à être comme des sentinelles de la paix, dans tous les lieux où nous vivons et travaillons. Ce qui nous est demandé, c’est de veiller, afin que les consciences ne cèdent pas à la tentation de l’égoïsme, du mensonge et de la violence. »[40]

Aux paroles se joint l’action : « je désire […] que les offrandes recueillies durant cette célébration servent à soulager les besoins urgents de tous ceux qui souffrent en Irak des conséquences de la guerre ».⁠[41] Et le Pape remerciera la ROACO ( Réunion des œuvres pour l’aide aux Église orientales) qui, entre autres, vint au secours des « chrétiens durement éprouvés en Irak »[42]

La question palestinienne

Nous avons constaté plus haut que le Saint-Père liait les problèmes palestinien, libanais et irakien, la justice étant indivisible et les droits humains fondamentaux n’étant pas respectés dans chacun des cas.

En ce qui concerne les relations entre Israël et le peuple palestinien, la pensée de Jean-Paul II est on ne peut plus claire : « Nous avons été contraints hélas de constater que la Terre Sainte où le Rédempteur a vu le jour, est toujours, par la faute des hommes, une terre de feu et de sang. Personne ne peut rester insensible à l’injustice dont le peuple palestinien est victime depuis plus de cinquante ans. Personne ne peut contester le droit du peuple israélien à vivre dans la sécurité. Mais personne ne peut oublier non plus les victimes innocentes qui, de part et d’autre, tombent tous les jours sous les coups et les tirs. Les armes et les attentats sanglants ne seront jamais des instruments adéquats pour faire parvenir des messages politiques à des interlocuteurs. La logique de la loi du talion n’est pas non plus adaptée pour préparer les voies de la paix.

Comme je l’ai déjà déclaré maintes fois, seuls le respect de l’autre et de ses légitimes aspirations, l’application du droit international, l’évacuation des territoires occupés et un statut spécial internationalement garanti pour les parties les plus sacrées de Jérusalem, sont capables d’apporter un début de pacification dans cette partie du monde et de briser le cycle infernal de la haine et de la vengeance. Et je souhaite que la communauté internationale, avec des moyens pacifiques et appropriés, soit mise en condition de jouer son rôle irremplaçable, en étant acceptée par toutes les parties au conflit. Les uns contre les autres, les Israéliens et les Palestiniens ne gagneront pas la guerre. Les uns avec les autres, ils peuvent gagner la paix ».[43]


1. 3 juillet 1980.
2. 6 août 1984.
3. 22 mars 1986.
4. Libertatis conscientia, 78 et 90.
5. Tout le discours est éclairant. Voici quelques passages importants : « Il ne s’agit pas ici — malgré ce qui est si souvent répété devant l’opinion mondiale — d’une guerre de religion, d’un conflit entre catholiques et protestants. Au contraire, les catholiques et les protestants, en tant que peuple qui confesse le Christ, tirant son inspiration de sa foi et de l’Évangile, cherchent à se rapprocher les uns des autres dans l’unité et dans la paix. Quand ils se souviennent du plus grand commandement du Christ, le commandement de l’amour, ils ne peuvent pas se conduire autrement.
   Mais le christianisme ne nous commande pas de fermer les yeux sur des problèmes humains difficiles. Il ne nous permet pas de négliger ni de refuser de voir des situations sociales ou internationales injustes. Ce que le christianisme nous interdit, c’est de chercher des solutions à ces situations dans la haine, dans le meurtre de personnes sans défense, dans les méthodes du terrorisme. Permettez-moi d’ajouter : le christianisme comprend et reconnaît le noble et juste combat pour la justice ; mais le christianisme est absolument opposé à fomenter la haine et à susciter ou à provoquer la violence ou la lutte pour la lutte. Le commandement : « Tu ne tueras pas ! », doit lier la conscience de l’humanité si l’on ne veut pas que la terrible tragédie, que la terrible destinée de Caïn se répète. […] Nous devons tout d’abord mettre clairement en évidence où résident les causes de cette lutte dramatique. Nous devons appeler par leur nom les systèmes et les idéologies qui sont responsables de ce conflit. Nous devons aussi nous demander si l’idéologie de la révolution travaille pour le véritable bien de votre peuple, pour le véritable bien de l’homme. Est-il possible de fonder le bien des individus et des peuples sur la haine, sur la guerre ? A-t-on le droit de pousser les jeunes générations dans l’abîme du fratricide ? N’est-il pas nécessaire de chercher des solutions à nos problèmes dans une direction différente ? La lutte fratricide ne rend-elle pas plus urgente pour nous l’obligation de chercher de toutes nos forces des solutions pacifiques ?
   Par ailleurs, la paix ne peut pas être établie par la violence, la paix ne peut jamais s’épanouir dans un climat de terreur, d’intimidation et de mort. Jésus lui-même a dit : « Tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive. » (Mt 26, 52.) Telle est la parole de Dieu, et elle ordonne à cette génération d’hommes violents d’abandonner la haine et la violence et de se convertir.
   […] Je proclame, avec la conviction de ma foi dans le Christ et avec la pleine conscience de ma mission, que la violence est un mal, que la violence est inacceptable comme solution aux problèmes, que la violence n’est pas digne de l’homme. La violence est un mensonge, car elle va à l’encontre de la vérité de notre foi, de la vérité de notre humanité. La violence détruit ce qu’elle prétend défendre : la dignité, la vie la liberté des êtres humains. La violence est un crime contre l’humanité car elle détruit le tissu même de la société. Je prie avec vous pour que le sens moral et la conviction chrétienne des Irlandais et des Irlandaises ne puissent jamais être obscurcis ni entamés par le mensonge de la violence ; pour que personne ne puisse appeler un meurtre d’un autre nom que celui de meurtre ; pour que l’engrenage de la violence ne puisse jamais être qualifié de logique inévitable ou de représailles nécessaires. Ceci demeure vrai pour toujours. « Tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive ». »
6. Discours du 11 janvier 1991, in DC n° 2044, 16 février 1992, p. 153. A cette occasion il cita saint Raphaël Kalinowski qui lutta au XIXe siècle contre les persécutions russes anti-catholiques en Pologne et en Lituanie : « La patrie a besoin de sueur non de sang ! »
7. 1er mai 1991.
8. CA 22.
9. En février 1991, Jean-Paul II disait à Lech Walesa, le président polonais : « Ces accords ont pu être considérés comme une annulation de la victoire de 1945, car ils partagent l’humanité en deux groupes puissants et rivaux. » (Cité in TOULAT J., op. cit., p. 13).
10. CA 23.
11. § 25. Voir aussi CHENAUX Philippe, L’Église catholique et le communisme en Europe (1917-1989), De Lénine à Jean-Paul II, Cerf, 2009 ; SZULC Tad, Papst Johannes Paul II. Die Biographie, Dva, 1996.
12. Cf. MESSAGER Alexandre, Timor-Oriental : Non-assistance à un peuple en danger, L’Harmattan, 2000, pp. 62-63 ; CHOMSKY Noam, Timor-Oriental, l’horreur et l’amnésie, in Le Monde diplomatique, octobre 1999 ; CHRISTIANSEN Drew, Un pape non-violent dans une époque de terreur, Ceras-revue Projet n° 288, septembre 2005 (disponible sur www.ceras-projet.com/index.php?id=1177)
13. Mt 5, 13-14.
14. 12 octobre 1989 in DC n° 1995, 3 décembre 1989, pp.1057-1059.
15. Télégramme du 9 septembre 1999, in Documentation catholique, n° 2212, 17 octobre 1999, p. 915.
16. OR 22-23 avril 1991 ; DC, n°2029, 2 juin 1991, p.564,
17. OR 2 mai 1991 ; DC n° 2030, 16 juin 1991, p.614. (Rencontre du 7 mai entre les deux délégations conduites par le patriarche Pavle et le cardinal Kuharic (croate) président de la Conférence épiscopale yougoslave)
18. DC n° 2036, 20 octobre 1991, p. 891
19. Ouverte le 7 septembre 1991.
20. C’est en 1975 que fut signé cet Acte final stipulant le règlement pacifique des conflits, le respect des droits de l’homme et des minorités et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : En vertu du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes : « Tous les peuples ont toujours le droit, en toute liberté, de déterminer, lorsqu’ils le désirent et comme ils le désirent, leur statut politique interne et externe, sans ingérence extérieure, et de poursuivre à leur gré leur développement politique, économique, social et culturel. » Jean-Paul II y reviendra dans son Discours aux diplomates accrédités près le Saint-Siège, le 11 janvier 1992 :  « …les peuples ont le droit de choisir leur manière de penser et de vivre ensemble. Il leur appartient de se doter des moyens qui leur permettent de réaliser leurs aspirations légitimes. » (in DC n°2044, 16 février 1992, pp. 152-153).
21. In DC n° 2039, 1er décembre 1991, pp. 1018-1020. Ces thèmes sont repris, après la proclamation de l’indépendance, dans l’Allocution à la Conférence épiscopale de Croatie, le 9 novembre 1992 (in DC n° 2063, 3 janvier 1993, pp. 6-8) où Jean-Paul II souhaite une « réconciliation évangélique » avec les orthodoxes serbes qui vivent en Croatie et demande que les pays bouleversés par la guerre « bénéficient de l’attention et du soutien de l’opinion publique internationale, ainsi que de la solidarité généreuse de la Communauté européenne et mondiale. »
22. Discours au premier ambassadeur de la République de Croatie, 3 juillet 1992, in DC, n° 2056, 6 et 20 septembre 1992, pp. 778-779.
23. Discours au Corps diplomatique, 16-01-93, DC n°2066, p. 157.
24. In DC n° 2139, 2 juin 1996, pp.503-504.
25. Id., p. 503.
26. OR 27-28 août 1990.
27. Discours aux membres de la Conférence épiscopale des évêques de rite latin de la région arabe, in DC, n° 2016, 18 novembre 1990, p. 985.
28. A la fin de la guerre du Golfe, devant les épiscopats des pays concernés par la guerre, Jean-Paul II déclare : « La paix et la justice marchent ensemble. Or, voici plus de quarante ans que le peuple palestinien est en état d’errance et que l’État d’Israël est contesté et menacé. Nous ne pouvons oublier que, depuis 1975, le peuple libanais vit une longue agonie et, aujourd’hui encore, son territoire national est occupé par des forces non libanaises. » Il ajoute encore à ce tableau, la situation difficile des chrétiens dans certaines sociétés islamiques comme l’Arabie saoudite. (Discours d’ouverture, 4 mars 1991, in DC, n° 2025, 7 avril 1991, p. 321.)
30. Il s’agit notamment des armées syrienne et israélienne.
31. « Aucun problème international ne peut être opportunément et dignement résolu par le recours aux armes, et l’expérience enseigne à toute l’humanité que la guerre, si elle cause de nombreuses victimes, engendre aussi des situations de graves injustices qui, à leur tour, constituent une forte tentation d’un ultérieur recours à la violence. » Jean-Paul II attire aussi l’attention de son correspondant sur le fait que cette guerre ne serait pas seulement préjudiciable aux Irakiens mais aussi à toute la région et même au monde entier. (Textes cités in TOULAT J., op. cit., pp. 127-129).
32. Cité in TOULAT J., op. cit., p. 34.
33. A l’occasion de cette guerre fortement médiatisée et partialement médiatisée, BAUDRILLARD Jean a dénoncé un danger nouveau : la virtualité de la guerre-spectacle. « Le drame réel, écrit-il, la guerre réelle, nous n’en avons plus ni le goût, ni le besoin. Ce qu’il nous faut, , c’est la saveur aphrodisiaque de la multiplication du faux, de l’hallucination de la violence, c’est que nous ayons de toute chose la jouissance hallucinogène, qui est aussi la jouissance, comme dans la drogue, de notre indifférence et de notre irresponsabilité, donc de notre véritable liberté. » (La guerre du Golfe n’a pas eu lieu, Galilée, 1991, p. 84).
34. Texte original en italien, disponible sur www.vatican.va, traduit par nos soins.
35. Angélus du 27 janvier 1991, in DC n° 2023, 3 mars 1991, p. 220.
36. Cf. Audience générale du 23 janvier, in DC n° 2023, 3 mars 1991, p. 220.
37. Discours d’ouverture, 4 mars 1991, in DC n° 2025, 7 avril 1991, pp. 321-322. Mgr TAURAN J.-L., secrétaire pour les Relations avec les États, résume ainsi les principes qui ont guidé l’activité du Saint-Siège pendant la crise :
« I. Les principes :
1) Dénoncer la situation d’injustice créée par l’invasion du Koweit, et demander des gestes courageux pour rétablir la justice et éviter la guerre.
2) Souligner le primat de la paix et rappeler que la justice et la paix marchent ensemble.
3) Ne pas négliger les questions non résolues de la région, en particulier, au Liban, en Terre sainte.
II. Les moyens :
1) La prière des croyants.
2) Un vaste mouvement de solidarité par la création d’un organisme spécial en faveur des réfugiés du Moyen-Orient.
3) L’activité diplomatique pour que prévale la négociation sur la confrontation armée. » (id..)
38. Discours aux diplomates accrédités près le Saint-Siège, le 11 janvier 1992 in DC n°2044, 16 février 1992, pp. 152-153.
39. Discours devant le Corps diplomatique, in DC n° 2285, p. 118.
40. Angélus, in DC n° 2287, 2 mars 2003, p. 248.
41. Homélie lors de la Célébration de la Cène du Seigneur, jeudi saint 2003, in DC n° 2291, 4 mai 2003, p. 419.
42. Discours aux participants à l’Assemblée plénière de la ROACO, in DC n° 2299, 5 octobre 2003.
43. Discours au Corps diplomatique, 10 janvier 2002.

⁢c. Conclusion

Tâchons de résumer la pensée de Jean-Paul II.

La guerre reste, hélas, omniprésente dans l’histoire des hommes mais on ne peut s’en accommoder : « On a le sentiment que la guerre a été déclarée à la paix ! Mais la guerre ne résout rien, elle ne fait que provoquer plus de souffrances et une propagation de la mort ; les rétorsions et les représailles ne servent à rien. La tragédie est vraiment grande : personne ne peut rester silencieux et inactif ; aucun responsable politique ou religieux ! qu’après les dénonciations suivent des actes concrets de solidarité qui aident tous les hommes à revenir au respect mutuel et à la négociation loyale. »[1]

Certes il faut tout faire pour éviter la guerre et privilégier sans cesse le dialogue mais on ne peut non plus rester indifférent à l’injustice et au malheur infligés aux populations innocentes. Un nouveau concept s’impose, celui d’« ingérence humanitaire » : « Bien souvent, des situations où la paix est absente, où la justice est bafouée, où le milieu naturel est détruit, mettent des populations entières en grand danger de ne pouvoir satisfaire leurs besoins alimentaires premiers. Il ne faut pas que les guerres entre nations et les conflits internes condamnent des civils sans défense à mourir de faim pour des motifs égoïstes ou partisans. Dans ces cas, on doit de toute façon assurer les aides alimentaires et sanitaires, et lever tous les obstacles, y compris ceux qui viennent de recours arbitraires au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un pays. La conscience de l’humanité, désormais soutenue par les dispositions du droit international humanitaire, demande que soit rendue obligatoire l’ingérence humanitaire dans les situations qui compromettent gravement la survie de peuples et de groupes ethniques entiers : c’est là un devoir pour les nations et la communauté internationale […]. »⁠[2] Mais cette ingérence humanitaire peut-elle être armée ? Jean-Paul II répond : « Une fois que toutes les possibilités offertes par les négociations diplomatiques, les processus prévus par les Conventions et organisations internationales, ont été mis en œuvre, et que, malgré cela, des populations sont en train de succomber sous les coups d’un injuste agresseur, les États n’ont plus le « droit à l’indifférence ». Il semble bien que leur devoir soit de désarmer cet agresseur, si tous les autres moyens se sont avérés inefficaces. Les principes de la souveraineté des États et de la non-ingérence dans leurs affaires internes - qui gardent toute leur valeur - ne sauraient toutefois constituer un paravent derrière lequel on pourrait torturer et assassiner »[3]

Il va de soi que cette intervention humanitaire souhaitable doit respecter les règles du jus in bello telles qu’elles ont été depuis longtemps édictées et établies dans d’innombrables règlements militaires et conventions internationales.⁠[4] Toutefois, Jean-Paul II note avec satisfaction que : « Parmi les signes d’espérance, il faut […] inscrire, dans de nombreuses couches de l’opinion publique, le développement d’une sensibilité nouvelle toujours plus opposée au recours à la guerre pour résoudre les conflits entre les peuples et toujours plus orientée vers la recherche de moyens efficaces mais « non violents » pour arrêter l’agresseur armé. »[5]

On le constate, la notion de « guerre juste  n’a plus du tout le statut privilégié qui fut le sien durant des siècles. Comme le note les meilleurs observateurs, elle s’inscrit désormais dans le cadre dominant d’une théologie de la paix. La pensée des papes depuis Benoît XV s’affirme de plus en plus comme « une théologie de la paix dont la « guerre juste » n’est qu’une partie ». La guerre juste est de plus en plus « subordonnée à cette théologie de la paix »[6].

En témoignent sa condamnation du trafic d’armes⁠[7], de la course aux armements⁠[8], du recours non nécessaire à la peine de mort⁠[9], de l’acquisition d’armes de destruction massive⁠[10], de l’immersion des déchets nucléaires⁠[11] et finalement son souhait « d’échange, de pardon et de réconciliation entre les personnes, entre les peuples et entre les Nations. »[12]

En témoigne, de manière particulièrement éclairante, la réflexion que Jean-Paul II nous a offerte sur le terrorisme⁠[13]. Sa condamnation est bien sûr traditionnelle et sans appel puisqu’il s’agit d’une « blessure douloureuse » motivée par « l’intention de tuer le peuple, de détruire la propriété aveuglément et de créer un climat de terreur et d’insécurité, en incluant souvent des prises d’otages ».⁠[14] Rien ne peut justifier le terrorisme, aucune injustice, aucune pauvreté d’autant plus que les pauvres sont les premières victimes du chaos économique et politique recherché par les terroristes.⁠[15]

Mais comment réagir devant ce phénomène extrême, brutal et aveugle, devant lequel, il est vain, évidemment, de parler de dialogue, de négociation ?

Le Message pour la Journée mondiale de la paix du 1er janvier 2002⁠[16], nous plonge au cœur de cette théologie de la paix indispensable, incontournable désormais et qui est confrontée à la violence la plus sauvage et la plus irrationnelle qui risquerait de la mettre en question dans l’esprit de nombreux contemporains affolés devant une nouvelle et inouïe barbarie. Ce qui se révèle face au paroxysme de la violence couvre ipso facto toutes les autres manifestations traditionnelles de la méchanceté des hommes.

La clé de voûte de cette théologie est l’« espérance fondée sur la conviction que le mal, le mysterium iniquitatis[17], n’a pas le dernier mot dans les vicissitudes humaines. » En effet, l’histoire du salut révélée par la sainte Écriture nous montre que tout au long de leurs tribulations, les hommes sont accompagnés « par la sollicitude miséricordieuse et providentielle de Dieu ». Ainsi, même si le mal semble l’emporter, il est sûr que la paix finira par prévaloir. En attendant, quelle réponse devons-nous apporter à la violence ? Ou plus précisément : « quel est le chemin qui conduit au plein rétablissement de l’ordre moral et social qui est violé de manière si barbare ? ». La réponse se trouve dans l’Écriture et il n’y en a pas d’autre même si elle déroute ou choque : la paix ne peut reposer que sur la justice et le pardon. Les deux termes ne sont pas antinomiques : « le pardon s’oppose à la rancune et à la vengeance, et non à la justice. »

Il faut d’abord travailler à établir la justice comme « vertu morale et garantie légale qui veille sur le plein respect des droits et des devoirs, et sur la répartition équitable des profits et des charges ». Ainsi, la communauté internationale unie dans la lutte contre le terrorisme doit aussi s’engager « sur les plans politique, diplomatique et économique pour résoudre avec courage et détermination les éventuelles situations d’oppression et de marginalisation qui seraient à l’origine des desseins terroristes. » En effet, le recrutement de terroristes est facilité par les injustices subies.

La justice étant toujours « fragile et imparfaite, exposée qu’elle est aux limites et aux égoïsmes des personnes et des groupe, elle doit s’exercer et, en un sens, être complétée par le pardon qui guérit les blessures et rétablit en profondeur les rapports humains perturbés », que ce soit sur le plan personnel, social ou international.

Le pardon doit d’abord se vivre personnellement, « dans le cœur de chacun », avant de devenir un fait social et juridique. Il s’agit d’abord, à l’image de Dieu⁠[18], de réagir contre la propension spontanée à rendre le mal pour le mal. Mais l’expérience nous révèle aussi que lorsque nous agissons mal, nous souhaitons que les autres soient indulgents avec nous. Il est donc naturel que nous agissions avec eux comme nous aimerions qu’ils soient avec nous. Qui n’a rêvé d’une « seconde chance », « de ne pas demeurer à jamais prisonnier de ses erreurs et de ses fautes », « de pouvoir à nouveau lever les yeux vers l’avenir, pour découvrir qu’il a encore la possibilité de faire confiance et de s’engager » ?

Ce pardon naît dans notre cœur est nécessaire à tous les niveaux de la société humaine pour qu’elle soit « plus juste et plus solidaire » car il renoue « les liens rompus », permet de dépasser « les situations stériles de condamnations réciproques » et de « vaincre la tentation d’exclure les autres en leur refusant toute possibilité d’appel. » Par contre, « le refus du pardon […], surtout s’il entretient la poursuite de conflits, a des répercussions incalculables pour le développement des peuples » à cause de « la course aux armements », des « dépenses de guerre » ou encore des « rétorsions économiques ».

Accepter de pardonner ou accepter le pardon n’est certes pas facile, il faut pour cela « une grande force spirituelle et un courage moral à toute épreuve » car le pardon « comporte toujours, à court terme, une perte apparente, tandis qu’à long terme, il assure un gain réel. La violence est exactement le contraire, elle opte pour un gain à brève échéance, mais se prépare pour l’avenir lointain une perte réelle et permanente. »

La nécessité du pardon, de la justice et de la réconciliation, ne signifie pas qu’on doive « surseoir aux exigences légitimes de réparation de l’ordre lésé » mais qu’il faut pour tendre à la plénitude de la justice guérir les blessures morales.

La nécessité du pardon ne signifie pas non plus qu’on ne peut se défendre mais « c’est un droit qui, comme tout autre droit, doit répondre à des règles morales et juridiques tant dans le choix des objectifs que dans celui des moyens. » Jean-Paul II précise que les culpabilités doivent être établies personnellement et prouvées, qu’on ne peut étendre les responsabilités à une nation, un peuple une religion. ⁠[19]

Enfin, Jean-Paul II lance un appel à tous les chefs religieux pour qu’ils s’engagent au service de la paix au nom de la justice, de la dignité de la personne et de l’unité du genre humain, pour qu’ils condamnent « l’assassinat délibéré de l’innocent » et s’engagent « dans la pédagogie du pardon, car l’homme qui pardonne ou qui demande pardon comprend qu’il y a une vérité plus grande que lui, et qu’en l’accueillant il peut se dépasser lui-même. » De plus, la prière est un élément essentiel, fondamental, dans la construction de la paix car Dieu peut rénover les cœurs et vaincre les obstacles les plus tenaces.

Pas de paix sans justice, pas de justice sans pardon ! Pas de paix sans prière.

Ainsi peut-on résumer la pensée ultime de Jean-Paul II.


1. Message de Pâques, 31 mars 2002.
2. Discours à la Conférence internationale sur la nutrition, 5 décembre 1992, in DC n° 2065, 7 février 1993, p. 107.
3. Discours au Corps diplomatique, 16-01-93, in DC n°2066, p. 157.
4. Notons que J. Toulat démontre dans son livre déjà cité que dans le cas de la guerre du Golfe, ni les règles du jus ad bellum ni celles du jus in bello n’ont été respectées. Ainsi, pour nous en tenir au jus in bello, les bombardements alliés ont provoqué un véritable « massacre » (cf. TOULAT J., op. cit., pp. 63-69).
5. Lettre encyclique Evangelium vitae, 25 mars 1995,  n° 27.
6. CHRISTIANSEN Drew, Un pape non-violent dans une époque de terreur, Ceras-revue Projet n° 288, septembre 2005 (disponible sur www.ceras-projet.com/index.php?id=1177).
7. Cf. Exhortation apostolique Ecclesia in Africa, 14 septembre 1995, in DC n° 2123, 1er octobre 1995, p. 846 : « Ceux qui alimentent les guerres en Afrique par le trafic d’armes sont complices de crimes odieux contre l’humanité ».
8. Cf. Exhortation apostolique Ecclesia in America, 22 janvier 1999, in DC n° 2197, p. 130: « La course aux armements est un élément qui paralyse gravement le progrès de nombreux pays en Amérique. Une voix prophétique doit s’élever des Église particulières d’Amérique pour dénoncer le réarmement et aussi le scandaleux commerce des armes de guerre qui absorbe des sommes d’argent considérables que l’on devrait au contraire destiner à combattre la misère et à promouvoir le développement. d’autre part, l’accumulation des armements constitue une cause d’instabilité et une menace pour la paix. »
9. Cf. Exhortation apostolique Ecclesia in America, op. cit. ; Catéchisme de l’Église catholique, n° 2267 ; Encyclique Evangelium vitae, n° 56.
10. Cf. Exhortation apostolique Ecclesia in Asia, 6 novembre 1999, in DC n° 2214, 21 novembre 1999, p. 1000: « Le Synode a demandé la fin de la construction, de la vente et de l’usage des armes nucléaires, chimiques et biologiques, et il a exhorté ceux qui ont installé les mines antipersonnel à apporter leur assistance au travail de réhabilitation et de restauration. »
11. Cf. Exhortation apostolique Ecclesia in Oceania, 22 novembre 2001, in DC n° 2260, 16 décembre 2001, p. 1093: « L’immersion de déchets nucléaires dans cette zone représente une menace supplémentaire pour la santé des populations autochtones. »
12. Cf. Exhortation apostolique Ecclesia in Europa, 28 juin 2003, in DC n° 2296, 20 juillet 2003, p. 704.
13. Voici comment Jean-Paul II décrit le terrorisme qui, depuis la fin de la guerre froide, « s’est transformé, dit-il, en un réseau sophistiqué de connivences politiques, techniques et économiques qui dépasse les frontières nationales et s’élargit jusqu’à englober le monde entier. Il s’agit de véritables organisations dotées bien souvent d’immenses ressources financières, qui élaborent des stratégies sur une vaste échelle, frappant des personnes innocentes qui n’ont rien à voir avec les visées poursuivies par les terroristes.
   Utilisant leurs adeptes comme armes à lancer contre des personnes sans défense et ignorantes du danger, ces organisations terroristes manifestent d’une manière déconcertante l’instinct de mort qui les nourrit. Le terrorisme naît de la haine et il engendre l’isolement, la méfiance et le repli sur soi. La violence s’ajoute à la violence, en une spirale tragique qui entraîne même les nouvelles générations, celles-ci héritant ainsi de la haine qui a divisé » les générations précédentes. Le terrorisme est fondé sur le mépris de la vie humaine. Voilà précisément pourquoi non seulement il est à l’origine de crimes intolérables, mais il constitue en lui-même, en tant que recours à la terreur comme stratégie politique et économique, un véritable crime contre l’humanité. » (Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2002, in DC, n° 2261, 6 janvier 2002, p. 5.)
14. SRS, n° 24.
15. Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2002, op. cit., p. 5. « La prétention qu’a le terrorisme d’agir au nom des pauvres est une flagrante imposture. » Selon une enquête révélée par l’agence Zenit (21 janvier 2002), « 90% des guerres depuis 1945 ont eu lieu dans des pays pauvres. Ceux qui ont payé le prix le plus élevé sont des innocents : deux millions d’enfants entre 1990 et 2000, près de 27 millions de morts civils depuis la période de l’après-guerre jusqu’à nos jours (90% du nombre total des victimes) ; 35 millions de réfugiés. Selon cette enquête, dans les années 90, on a enregistré 56 guerres (conflits armés avec plus de 1.000 morts) dans 44 pays, essentiellement des conflits dans lesquels on se bat pour le contrôle du gouvernement ou du territoire. »
16. In DC, n° 2261, 6 janvier 2002, pp. 4-8. Ce Message est évidemment marqué par les quatre attentats-suicides perpétrés le 11 septembre 2001 aux États-Unis, par des membres du réseau islamiste Al-Qaïda. On a relevé[] 2 973 victimes. Au-delà de la tragique actualité, le pape se réfère aussi à sa propre expérience, aux souffrances endurées sous les régimes totalitaires nazi et communiste. Il pense aussi à la situation dramatique qui perdure depuis un demi-siècle en Terre Sainte.
17. 2 Th, 2, 7. Ce mystère d’iniquité (Maredsous) est appelé aussi « mystère d’impiété » (Jérusalem et TOB), « mystère d’illégalité » (Osty). 1-12. La revue Communio a consacré tout un numéro à ce thème : Satan, « mystère d’iniquité », tome IV, n° 3, mai-juin 1979.
18. Malgré les infidélités d’Israël, Dieu reste fidèle à son peuple. Il « nous accueille malgré nos péchés » et le « modèle suprême est le pardon du Christ qui a prié ainsi sur la Croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23, 34) ». Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2002, op. cit.).
19. Le10 janvier 2002, dans son Discours au Corps diplomatique (in DC n° 2263, 3 février 2002, pp. 104-106) : « La lutte légitime contre le terrorisme dont les odieux attentats du 11 septembre dernier sont l’expression la plus effroyable a redonné encore la parole aux armes. Face à l’agression barbare et aux massacres se pose non seulement la question de la légitime défense, mais aussi celle des moyens les plus aptes à éradiquer le terrorisme, de la recherche des facteurs à l’origine de telles actions, des mesures à prendre pour engager un processus de « guérison » afin de vaincre la peur et d’éviter que le mal s’ajoute au mal, la violence à la violence. […] Les ténèbres ne peuvent être chassées que par la lumière. La haine ne peut être vaincue que par l’amour. »

⁢ii. Benoît XVI (2005-2013)

⁢a. Les messages pour la Journée mondiale de la paix.

d’emblé, Benoît XVI inscrit son enseignement dans le sillage de ses prédécesseurs immédiats. Il prolonge notamment la pensée de Jean XXIII à propos des quatre piliers de la paix : la vérité, la liberté, l’amour et la justice⁠[1]. Mais il se réfère aussi à saint Benoît et à Benoît XV dont il a choisi le nom : « J’ai ainsi à la fois voulu me référer à la fois au Saint Patron de l’Europe, inspirateur d’une civilisation pacificatrice dans le continent tout entier, et au Pape Benoît XV, qui condamna la Première Guerre mondiale comme « un massacre inutile » [Appel aux Chefs des peuples belligérants, 1er août 1917] et qui a tout mis en œuvre pour que les raisons supérieures de la paix soient reconnues par tous » .

Avec saint Augustin et la Constitution Gaudium et spes, le pape rappelle que la paix qui correspond « à une aspiration profonde et à une espérance qui vivent en nous de manière indestructible »[2] est « le fruit d’un ordre qui a été implanté dans la société humaine par son divin Fondateur », un ordre « qui doit être mené à la réalisation par des hommes aspirant sans cesse à une justice plus parfaite »[3]. On peut aussi la définir comme « la convivialité des citoyens dans une société gouvernée par la justice ». La paix, « pour être authentique et durable, […] doit être construite sur le roc de la vérité de Dieu et de la vérité de l’homme. Seule cette vérité peut sensibiliser les esprits à la justice, les ouvrir à l’amour et à la solidarité, encourager tous les hommes à travailler pour une humanité réellement libre et solidaire. » Le premier obstacle à la paix est le mensonge comme le montrent l’Écriture, de la Genèse à l’Apocalypse[4]qui occulte la vérité sur l’homme et sur le plan de Dieu. Celle-ci s’impose même lorsqu’un conflit a éclaté. C’est pourquoi le droit humanitaire dont s’est dotée la Communauté internationale est un bien précieux à soutenir. Aujourd’hui, la « vérité de la paix » est niée par le terrorisme qu’il soit inspiré par le nihilisme qui nie l’existence d’une vérité ou par le fondamentalisme qui veut imposer une vérité. Dans les deux cas, c’est l’homme, sa vie et Dieu qui sont méprisés. Les autorités devraient veiller à ne pas fomenter « chez les citoyens des sentiments d’hostilité » ni compter sur les armes nucléaires qui ne donnent la victoire à personne mais ne font que des victimes. « Un désarmement nucléaire progressif et concordé » reste d’actualité d’autant plus qu’il serait tout profit pour les pays pauvres. (2006) d’une manière générale, la course aux armements et le commerce des armes doivent être combattus. (2008)

La paix est, en même temps, don de Dieu par la création et la rédemption et tâche des hommes invités à répondre au plan divin, à respecter la dignité de tout homme, de ses droits à la vie, à la liberté religieuse (2011), dans la reconnaissance de l’égalité essentielle de toutes les personnes, quels que soient l’âge, le sexe, la culture. Le respect doit s’étendre à toute la création, à la terre et ses ressources, l’eau particulièrement (2010). On ne peut donc admettre des visions réductrices, idéologiques de l’homme et de Dieu ni l’indifférence vis-à-vis de la nature de l’homme et de ses droits fondamentaux, objectifs, inaliénables qui doivent être la préoccupation première des Organisations internationales. (2007)

Le premier lieu de paix, « premier lieu d’’humanisation’ de la personne et de la société »[5], c’est la famille qui jouit de droits spécifiques et qui doit inspirer par ses valeurs toutes les communautés jusqu’à la communauté des peuples « appelés à former une grande famille » dans une « maison commune », la terre (2010) et sous une loi morale commune, la loi naturelle qui doit marquer les législations des États. (2008)

Benoît XVI n’oublie pas non plus ce que Paul VI nous a enseigné : que « le développement est le nouveau nom de la paix »[6]. Il faut donc, dans la solidarité, combattre toutes les formes de pauvretés qui sont autant de « facteurs d’instabilité, de tension et de conflit ». Avec la doctrine sociale de l’Église, il faut réévaluer les activités économiques (2010), commerciales, financières. « Combattre la pauvreté, c’est construire la paix ». (2009)

Tout ce programme, le souci de la vérité et de la vraie liberté, de la justice et de la paix, doit être au centre de l’éducation de la jeunesse, dans les familles, dans les écoles et les media. (2012)

Ce programme parfaitement conforme aux enseignements des papes précédents est tout entier repris dans le message du 1er janvier 2013 à partir du commentaire de la 7e béatitude : « Heureux les artisans de paix, parce qu’ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9). Le point le plus important est que le caractère naturel et surnaturel de la paix y est de nouveau clairement affirmé et approfondi : tout effort efficace et durable en vue de la paix ne peut se passer d’une imprégnation et d’une perspective eschatologique : « La béatitude de Jésus dit que la paix est à la fouis don messianique et œuvre humaine. En effet, la paix présuppose un humanisme ouvert à la transcendance. Il est fruit du don réciproque, d’un enrichissement mutuel, grâce au don qui jaillit de Dieu et permet de vivre avec les autres et pour les autres. L’éthique de la paix est une éthique de la communion et du partage. Il est alors indispensable que les différentes cultures contemporaines dépassent les anthropologies et les éthiques fondées sur les présupposés théorico-pratiques surtout subjectifs et pragmatiques, au nom desquels les relations de cohabitation sont inspirés par des critères de pouvoir ou de profit, où les moyens deviennent des fins et vice-versa, où la culture et l’éducation sont seulement centrées sur les instruments, sur la technique et sur l’efficacité. Le démantèlement de la dictature du relativisme et de l’adoption d’une morale totalement autonome qui interdit la reconnaissance de l’incontournable loi morale naturelle inscrite par Dieu dans la conscience de chaque homme est une condition nécessaire de la paix. La paix est construction d’un vivre-ensemble en termes rationnels et moraux, s’appuyant sur un fondement dont la mesure n’est pas créée par l’homme mais par Dieu même. « Le Seigneur donne la puissance à son peuple, le Seigneur bénit son peuple dans la paix », rappelle le psaume 29 (v. 11). »[7]

Jean-Paul II avait, nous l’avons vu, insisté  « sur le fait qu’il n’y a pas de paix sans justice, qu’il n’y a pas de justice sans pardon »[8]  Benoît XVI reprend la formule et la commente : « La notion de pardon a besoin de trouver une place dans les débats internationaux sur les résolutions des conflits, afin de transformer le langage stérile des récriminations réciproques qui n’aboutissent à rien. Si la créature humaine est faite à l’image de Dieu, un Dieu de justice qui est « riche en miséricorde » (Ep 2, 4), alors ces qualités doivent se refléter dans la conduite des affaires humaines. C’est la combinaison de la justice et du pardon, de la justice et de la grâce, qui réside au cœur de la réponse divine aux mauvaises actions de l’homme (cf. Spe salvi, n° 44), en d’autres termes, au cœur de l’ « ordre établi par Dieu » (Pacem in terris, 1). Le pardon n’est pas la négation du mal, mais une participation à l’amour guérissant et transformant de Dieu qui restaure et réconcilie. […] Les torts et les injustices historiques ne peuvent être surmontés que si des hommes et des femmes sont inspirés par un message de guérison et d’espérance, un message qui offre une voie pour aller de l’avant, pour sortir de l’impasse qui emprisonne si souvent les personnes et les nations dans un cercle vicieux de violence. » Benoît XVI se réjouit que depuis 1963, « certains conflits qui semblaient insolubles à l’époque font désormais partie de l’histoire ». Il y voit un signe réconfortant pour poursuivre avec confiance sur cette voie de recherche de l’ordre établi par Dieu.⁠[9]

Telle est en bref et confirmée la théologie de la paix que l’Église a établi tout au long d’un siècle de conflits.

Et face à ces violences qui continuent à secouer bien des régions du monde, quelles positions concrètes seront prises par Benoît XVI en fonction de cette théologie de la paix ?

Aucun endroit du monde où sévit une forme ou l’autre de violence n’échappe à la compassion et à la prière de Benoît XVI. Partout il souhaite que les armes se taisent, que le dialogue reprenne, que l’on travaille à réconcilier les parties, que l’on se soucie des réfugiés, des minorités, que l’on encourage la diplomatie, que la communauté internationale prenne ses responsabilités, au Liban, en Libye⁠[10], en Irak⁠[11], au Pakistan, en Afghanistan, au Sri Lanka, au Myanmar, au Darfour, en République démocratique du Congo, en Somalie, en Côte-d’Ivoire⁠[12]etc.⁠[13] Benoît XVI a été aussi confronté à un phénomène de plus en plus inquiétant : les violences contre les chrétiens. En Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, ils sont l’objet d’actes terroristes qui révèlent combien est précieux le respect de la liberté religieuse pour le maintien de la paix.⁠[14]

Epinglons quelques dossiers particuliers…​


1. A l’occasion du cinquantenaire de l’encyclique Pacem in terris, Benoît XVI dira que le contexte politique a changé depuis 50 ans mais que « les perspectives offertes par le pape jean XXIII peuvent encore nous apprendre beaucoup de choses tandis que nous nous battons pour faire face aux nouveaux défis pour la paix et la justice dans l’ère de l‘après-guerre froide, dans la prolifération continue des armes. » L’encyclique dont l’inspiration est accessible à tous car la vérité est accessible à tous, est et reste « une exhortation puissante à s’engager dans le dialogue créatif entre l’Église et le monde, entre les croyants et les non-croyants », un message d’espérance pour établir la justice et la paix dans le monde. Pacem in terris est un « important document de la doctrine sociale de l’église », une vision de l’homme qui invite au dialogue. (Message à l’Académie pontificale des sciences sociales, 27 avril-1er mai 2012, in DC n° 2491, 3 juin 2012.)
2. JEAN-PAUL II, Message pour la Journée mondiale de la paix, 2004.
3. GS 77-78.
4. Gn 1, Jn 8, 44, Ap 22, 15.
5. JEAN-PAUL II, Exhortation apostolique, Christifideles laici, 1988.
6. PP, n° 87.
7. Message pour la Journée mondiale de prière pour la paix, 1er janvier 2013 in DC n° 2503, 6 janvier 2013, p. 3. 
8. Message pour la journée mondiale de la paix, 1er janvier 2002, in DC, n°2261, 6 janvier 2002.
9. Message à l’Académie pontificale des sciences sociales, 27 avril-1er mai 2012, in DC n° 2491, 3 juin 2012.
10. Mgr MARTINELLI, Vicaire apostolique de Tripoli déclare : « du fait que les bombardements ont été autorisés par l’ONU (cela) ne signifie pas que l’ONU, l’OTAN ou l’Union européenne aient l’autorité morale pour décider de bombarder. Je ne veux certes pas interférer avec l’action politique de quiconque mais il est de mon devoir d’affirmer que les bombardements sont immoraux. (…) Bombarder ne constitue pas un acte dicté par la conscience civile et morale de l’Occident ou plus généralement de l’humanité. Bombarder constitue toujours un acte immoral. Je respecte les Nations Unies, je respecte l’OTAN, mais je dois cependant déclarer que la guerre est immorale. S’il existe des violations des droits de l’homme quelque part, je ne peux pas utiliser la même méthode pour les faire cesser. En tant que chrétien, je dois recourir à des méthodes pacifiques, au premier rang desquelles le dialogue. Je rappelle que le Pape Jean-Paul II a établi des relations diplomatiques avec la Libye alors qu’elle se trouvait soumise à un embargo. Ceci afin de démontrer que la méthode pour résoudre les problèmes ne consiste pas dans les guerres ni même dans les embargos mais dans le dialogue diplomatique. » (Cf. Zenit, 6-5-2011).
   La rencontre de la Commission mixte Méditerranée-Maghreb-Europe a eu lieu du 2 au 4 mai à Tunis. Dans le texte de la note conclusive, envoyée à l’Agence Fides, les Evêques réunis dans la capitale tunisienne indiquent « concernant la Libye l’appui des interventions du Pape Benoît XVI et de Mgr Giovani Martinelli, Vicaire apostolique de Tripoli, sur la priorité du dialogue politique : personne ne pourra maîtriser les conséquences des interventions armées qui frappent aussi des victimes innocentes ». (Agence Fides 05/05/2011).
11. Le Saint-Siège a réagi ainsi à l’annonce de l’exécution de Saddam Hussein le 3 décembre 2006: « Une exécution capitale est toujours une nouvelle tragique, motif de tristesse, même s’il s’agit d’une personne qui s’est rendue coupable de graves délits. La position de l’Église catholique -contre la peine de mort- a été de nombreuses fois réaffirmée. L’exécution du coupable n’est aucunement la voie qu’il convient d’emprunter pour rétablir la justice et réconcilier la société. Au contraire, le risque est bel et bien d’alimenter la vengeance et de semer à nouveau la violence. En cette période sombre de la vie du peuple irakien, il ne reste plus qu’à souhaiter que tous les responsables fassent réellement leur possible pour que de cette situation dramatique naisse enfin quelque espoir de réconciliation et de paix. » (In DC n° 2371, 21 janvier 2007)
12. Le 30 mars et le 6 avril 2011, le pape a lancé un appel en faveur de la population ivoirienne « traumatisée par de douloureuses luttes internes et de graves tensions sociopolitiques » à la suite d’affrontements internes suite à des élections controversées. Benoît XVI ne s’est pas contenté de paroles puisqu’il a demandé au cardinal Peter K. Turkson de se rendre sur place. (Cf. DC n° 2467, 1er mai 2011, p. 421).
13. Cf. Discours au Corps diplomatique, 11 janvier 2007, in DC n°2373, 4 février 2007 ; Discours au Corps diplomatique, 7 janvier 2008, in DC n° 2395, 3 février 2008.
14. Discours au Corps diplomatique, 10 janvier 2011, in DC n° 2462, 20 février 2011.

⁢b. La guerre de 39-45

A propos de l’engagement des Alliés lors de la seconde guerre mondiale, le futur Benoît XVI rappelle le devoir d’intervention humanitaire : « S’il y a eu jamais, dans l’histoire, un bellum justum, c’est bien ici, dans l’engagement des Alliés, car l’intervention servait finalement aussi au bien de ceux contre le pays desquels la guerre a été menée. Une telle constatation me paraît importante, car elle montre, sur la base d’un événement historique, la caractère insoutenable d’un pacifisme absolu »[1]

De visite en Grande-Bretagne, le pape rendra hommage à ceux qui se sont opposés au nazisme : « …nous pouvons nous rappeler combien la Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité avec beaucoup de personnes jugées indignes de vivre, en particulier les juifs. »[2]


1. Cardinal RATZINGER Joseph, A la recherche de la paix, in Communio, n° XXIX, 4, juillet-août 2004, pp. 107-118.
2. Discours lors de la rencontre avec la Reine à Holyroodhouse, 16 septembre 2010, in DC n° 2454, 17 octobre 2010, p. 866.

⁢c. Le conflit israélo-palestinien

Benoît XVI, constamment préoccupé par la situation en terre sainte, confirme la position de l’Église : « L’État d’Israël doit pouvoir y exister pacifiquement, conformément aux normes du droit international ; le peuple palestinien doit également pouvoir y développer sereinement ses institutions démocratiques pour un avenir libre et prospère. »[1]

« Une fois de plus, je voudrais redire que l’option militaire n’est pas une solution et que la violence d’où qu’elle provienne et quelque forme qu’elle prenne, doit être condamnée fermement. Je souhaite […] que soient relancées les négociations de paix en renonçant à la haine, aux provocations et à l’usage des armes. Il est très important que, à l’occasion des échéances électorales cruciales qui intéresseront beaucoup d’habitants de la région dans les prochains mois, émergent des dirigeants capables de faire progresser avec détermination ce processus et de guider leurs peuples vers la difficile mais indispensable réconciliation. On ne pourra parvenir à celle-ci sans adopter une approche globale des problèmes de ces pays, dans le respect des aspirations et des intérêts légitimes de toutes les populations intéressées. »[2]

En 2013, « suite à la reconnaissance de la Palestine comme État observateur non membre des nations-Unies, je renouvelle le souhait que, avec le soutien de la communauté internationale, Israéliens et palestiniens s’engagent pour une coexistence pacifique dans le cadre de deux États souverains, où le respect de la justice et des aspirations légitimes des deux peuples sera préservé et garanti. »[3]


1. Discours au Corps diplomatique, 9 janvier 2006, in DC n° 2351, 5 février 2006, p. 103. Le Pape « évoque aussi l’attitude du régime envers des pasteurs et des religieux chrétiens qui ont défendu la vérité dans l’amour en s’opposant aux nazis et qui l’ont payé de leurs vies. »
2. Discours au Corps diplomatique, 8 janvier 2009,in DC n° 2412, 1er février 2009.
3. Discours au Corps diplomatique, 7 janvier 2013, in DC n° 2505, 3 février 2013.

⁢d. La Syrie

« Je suis avec beaucoup d’appréhension les épisodes dramatiques et croissants de violence en Syrie. Au cours des derniers jours, ils ont provoqué de nombreuses victimes. Je rappelle dans la prière les victimes, parmi lesquelles on compte également des enfants, les blessés et tous ceux qui souffrent des conséquences d’un conflit toujours plus préoccupant. Je renouvelle en outre mon appel pressant à mettre fin à la violence et à l’effusion de sang. Enfin, j’invite chacun — et avant tout les autorités politiques de Syrie — à privilégier la voie du dialogue, de la réconciliation et de l’engagement pour la paix. Il est urgent de répondre aux aspirations légitimes des différentes composantes du pays, ainsi qu’aux souhaits de la communauté internationale, préoccupée par le bien commun de la société tout entière et de la région. »[1]

« C’est avant tout aux autorités civiles et politiques qu’incombe la grave responsabilité d’œuvrer pour la paix. Elles sont les premières à être appelées à résoudre les nombreux conflits qui continuent d’ensanglanter l’humanité […]. Je pense d’abord à la Syrie, déchirée par des massacres sans fi n et théâtre d’effroyables souffrances parmi la population civile. Je renouvelle mon appel afin que les armes soient déposées et que prévale le plus tôt possible un dialogue constructif pour mettre fin à un conflit qui ne connaîtra pas de vainqueurs, mais seulement des vaincus s’il perdure, ne laissant derrière lui qu’un champ de ruines. »[2]

Outre la Syrie, il y a ou il y a eu, à travers le monde, des guerres civiles nombreuses, en Irlande, dans l’ex-Yougoslavie ou au Rwanda, en Somalie ou au Liberia. Dans ces pays, la cohabitation qui avait été réelle pendant un temps plus ou moins long, s’est désagrégée et le droit a cédé à la force. Les causes principales de cet effondrement sont les idéologies et l’intérêt spécialement « des grands marchés ».⁠[3]


1. Angélus, 12 février 2012, sur www.vatican.va.
2. Discours au Corps diplomatique, 7 janvier 2013, in DC n° 2505, 3 février 2013.
3. Cardinal RATZINGER Joseph, A la recherche de la paix, in Communio, n° XXIX, 4, juillet-août 2004, pp. 110-111.

⁢e. La terreur

La menace grandit dans la mesure où les forces terroristes et les organisations criminelles pourraient avoir accès aux armes nucléaires ou biologiques. Alors que les grandes puissances seules détentrices de ces armes ont, on l’espère, suffisamment de conscience pour ne pas les employer, les forces et organisations terroristes « ne veulent plus entendre raison, puisque un des éléments de base de la terreur repose sur le fait d’être prêt à l’autodestruction - une autodestruction qui est transfigurée en martyre et convertie en promesse. »

Que faire ? Il arrive que la force puisse et doive être employée pour défendre le droit. Un pacifisme absolu serait « une capitulation devant l’iniquité ». Mais l’utilisation de la force sans règles et par une seule puissance serait aussi source d’iniquité. Il faut lutte contre les injustices nourricières de violence, s’inscrire dans une logique de pardon et agir au nom d’un droit commun, un « jus gentium » et non un droit particulier, pour une liberté commune.⁠[1]


1. Id., pp. 111-112.

⁢f. Le commerce des armes et la prolifération des armes nucléaires

Déjà dans son premier Message pour la Journée mondiale de prière pour la paix, Benoît XVI s’inscrit avec force dans le mouvement lancé par Pie XII avant même que n’explose la première bombe nucléaire le 6 août 1945⁠[1]. Mouvement qui s’est renforcé après le premier bombardement nucléaire et a, depuis, développé ses raisons et principes dans nombre de documents magistériels.

Benoît XVI rappelle le grave défi « de l’augmentation des dépenses militaires ainsi que du maintien et du développement des arsenaux nucléaires. d’énormes ressources économiques sont absorbées à ces fins, alors qu’elles pourraient être destinées au développement des peuples, surtout des plus pauvres. » Il souhaite que « soient prises des décisions efficaces en vue d’un désarmement progressif, visant à libérer l a planète des armes nucléaires. Plus généralement, [il] déplore que la production et l’exportation des armes contribuent à perpétuer conflits et violences […]. A l’incapacité des parties directement impliquées à s’extraire de la spirale de violence et de douleur engendrée par ces conflits, s’ajoute l’apparente impuissance des autres pays et des organisations internationales à ramener la paix, sans compter l’indifférence quasi résignée de l’opinion publique mondiale. »[2]

Et plus précisément encore : « Que dire ensuite des gouvernements qui comptent sur les armes nucléaires pour garantir la sécurité de leurs pays ? Avec d’innombrables personnes de bonne volonté, on peut affirmer que cette perspective, hormis le fait qu’elle est funeste, est tout à fait fallacieuse. En effet, dans une guerre nucléaire, il n’y aurait pas de vainqueurs, mais seulement des victimes.

La vérité de la paix demande que tous - aussi bien les gouvernements qui, de manière déclarée ou occulte, possèdent des armes nucléaires depuis longtemps, que ceux qui entendent se les procurer- changent conjointement de cap par des choix clairs et fermes, s’orientant vers un désarmement nucléaire progressif et concordé. Les ressources ainsi épargnées pourront être employées en projets de développement au profit de tous les habitants et, en premier lieu, des plus pauvres.

Augmentation préoccupante des dépenses militaires ; commerce des armes toujours prospère ; le processus politique et juridique mis en œuvre par la Communauté internationale pour renforcer le chemin du désarmement stagne dans le marécage d’une indifférence quasi générale. Quel avenir de paix sera un jouir possible si on continue à investir dans la production des armes et dans la recherche employée à en développer de nouvelles ? […] Que la Communauté internationale sache retrouver le courage et la sagesse de relancer résolument et collectivement le désarmement, donnant une application concrète au droit à la paix, qui est pour tout homme et pour tout peuple. »[3]

Benoît XVI s’inscrit bien dans la ligne de ses prédécesseurs. Rien de nouveau apparemment si ce n’est, et c’est très important, l’insistance sur le lien qu’il établit entre la paix et le dialogue entre la foi et la raison : « il ne peut y avoir non plus de paix dans le monde sans paix véritable entre raison et foi ». Pourquoi ? Parce que « sans paix entre raison et religion, les sources de la morale et du droit tarissent. » C’est le terrorisme islamique qui inspire cette réflexion. Le danger serait, en effet, de considérer que nous sommes impliqués dans une confrontation entre le monde de la raison, le monde occidental, et le monde de la religion fondamentaliste. Or, il y a des « pathologies de la raison » et des « pathologies de la religion » qui sont des « dangers mortels » pour la paix et l’humanité entière.

La religion devient maladie lorsque Dieu est identifié à des intérêts particuliers, à une communauté particulière. Le bien et le droit deviennent mon bien et mon droit absolus servis par une volonté qui peut devenir fanatique. On peut penser à un certain islam comme à certaines sectes occidentales. La foi en Dieu manipulée devient destructrice.

La raison aussi peut devenir maladie lorsqu’elle se coupe totalement de Dieu et prétend construire un homme et un monde nouveaux. On pense à Hitler, aux adeptes de Marx, à Pol Pot mais on déplore aussi la réduction de ce qui est rationnel à ce qui est vérifiable, contrôlable expérimentalement, manufacturable et falsifiable. L’homme n’est plus qu’un produit et la morale comme la religion ne sont plus que des phénomènes subjectifs. Disparaît la possibilité de trouver des « critères communs, « objectifs », de la moralité. » On ne peut plus parler de bien ou de mal en soi. Le faire est assimilé au fondamentalisme. Ne peut être bien que ce qui sert à construire le monde nouveau en « déconstruisant » l’ancien, le monde de la dignité de la personne, le monde où même le faible, le malade, le handicapé est respecté.

Or, seule la raison, ratio et intellectus, dans toute sa capacité à pénétrer « les couches les couches les plus profondes de l’être », à percevoir le bien, « condition du droit et par là également présupposé de la paix dans le monde », à percevoir le bon, le sacré, le saint, une raison ouverte à Dieu, peut « parer la manipulation de la notion de Dieu et les maladies de la religion, et offrir des remèdes. »

Le monde, à la recherche de la paix, a besoin de Dieu Logos et Amour, Raison et Relation. Une raison créatrice qui a créé l’homme à l’image de Dieu, l’homme qui participe par le fait même « de la dignité inviolable de Dieu », fondement de ses droits. Un amour qui refuse catégoriquement « toute idéologie de la violence ». Mais Dieu est aussi le Juge auquel « tous les hommes devront rendre compte ». Enfin, le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde mais il « advient par la foi, l’espérance et la charité, et doit transformer le monde de l’intérieur » au sein d’un État laïc nécessaire à la cohabitation de gens différents mais non laïciste. L’Eta laïciste, bâti sur la seule raison, refusant son héritage historique ne peut « éviter le conflit avec les cultures […] hostiles » au christianisme.⁠[4]


1. Allocution à l’Académie pontificale des sciences, 21 février 1943.
2. Discours au Corps diplomatique, 11 janvier 2010, in DC n° 2439, 7 février 2010.
3. Message pour la Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2006, op. cit..
4. A la recherche de la paix, Conférence prononcée à Caen, le 5 juin 2004, à l’occasion du soixantième anniversaire du débarquement allié. (in Communio, n° XXIX, 4, juillet-août 2004, pp. 107-118.

⁢iii. François (élu en 2013)

Elu le 13 mars 2013, François reçoit le 22 mars le Corps diplomatique et, à cette occasion, poursuit la réflexion entamée par son prédécesseur sur un danger « qui laisse chacun comme mesure de lui-même, et met en péril la convivialité entre les hommes » : la « dictature du relativisme ». Il explique, comme Benoît XVI l’avait fait : « il n’y a pas de véritable paix sans vérité ! La paix ne peut pas être véritable si chacun est la mesure de lui-même, si chacun peut revendiquer toujours et seulement son droit personnel, sans avoir le souci en même temps du bien des autres, de tous, à partir de la nature qui unit chaque être humain sur cette terre. » Il faut donc « jeter des ponts entre tous les hommes, si bien que chacun puisse trouver dans l’autre, non un ennemi, non un concurrent, mais un frère à accueillir et à embrasser ! » Toutefois, « le rôle de la religion est fondamental. On ne peut pas en effet construire des ponts entre les hommes en oubliant Dieu. Mais le contraire vaut aussi : on ne peut vivre des liens véritables avec Dieu en ignorant les autres. »[1]

d’emblée, le pape est confronté à la guerre en Syrie. Il prend position et agit.

Le 1er septembre 2013, le pape François lance un appel vibrant et pathétique à la paix lors de l’Angélus, Place Saint-Pierre. Il propose que le 7 septembre, veille de la fête de la naissance de la Vierge Marie, soit pour l’Église une journée de jeûne et de prière pour la paix en Syrie, au Proche-Orient et dans le monde. Il invite les autres confessions chrétiennes à se joindre à cette journée et les autres religions à s’y unir par des initiatives de leur choix.

« Chers frères et sœurs, je voudrais me faire aujourd’hui l’interprète du cri qui monte de toutes les parties de la terre, de tous les peuples, du cœur de chacun, de l’unique grande famille qu’est l’humanité, avec une angoisse croissante : c’est le cri de la paix ! Et le cri qui dit avec force : nous voulons un monde de paix, nous voulons être des hommes et des femmes de paix, nous voulons que dans notre société déchirée par les divisions et les conflits, explose la paix ; plus jamais la guerre ! Plus jamais la guerre ! La paix est un don éminemment précieux, qui doit être promu et préservé.

Je vis avec une particulière souffrance et préoccupation les nombreuses situations de conflit qu’il y a sur notre terre, mais, ces jours-ci, mon cœur est profondément blessé par ce qui se passe en Syrie et angoissé par les développements dramatiques qui s’annoncent.

J’adresse un appel fort pour la paix, un appel qui naît du plus profond de moi-même ! Que de souffrance, que de destruction, que de douleur a provoqué et provoque l’usage des armes dans ce pays affligé, particulièrement parmi les populations civiles et sans défense ! Pensons : Que d’enfants ne pourront pas voir la lumière de l’avenir ! Avec une fermeté particulière je condamne l’usage des armes chimiques ! Je vous dis que j’ai encore, fixées dans mon esprit et dans mon cœur, les terribles images de ces derniers jours ! Sur nos actions il y a un jugement de Dieu et aussi un jugement de l’histoire, auxquels on ne peut pas échapper ! Ce n’est jamais l’usage de la violence qui conduit à la paix. La guerre appelle la guerre, la violence appelle la violence !

De toutes mes forces, je demande aux parties en conflit d’écouter la voix de leur conscience, de ne pas s’enfermer dans leurs propres intérêts, mais de regarder l’autre comme un frère et d’entreprendre courageusement et résolument le chemin de la rencontre et de la négociation, en dépassant les oppositions aveugles. Avec la même fermeté, j’exhorte aussi la communauté internationale à fournir tout effort pour promouvoir, sans délai ultérieur, des initiatives claires fondées sur le dialogue et la négociation pour la paix dans cette Nation, pour le bien de tout le peuple syrien.

qu’aucun effort ne soit épargné pour garantir une assistance humanitaire à ceux qui sont touchés par ce terrible conflit, particulièrement aux réfugiés dans ce pays et aux nombreux réfugiés dans les pays voisins. Que soit garantie aux agents humanitaires engagés à alléger les souffrances de la population, la possibilité d’apporter l’aide nécessaire.

Que pouvons-nous faire pour la paix dans le monde ? Comme le disait le pape Jean XXIII : À tous incombe la tâche de rétablir les rapports de la vie en société sur les bases de la justice et de l’amour (cf. Pacem in terris,11 avril 1963).

qu’une chaîne d’engagement pour la paix unisse tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté ! C’est une forte et pressante invitation que j’adresse à toute l’Église catholique, mais que j’étends à tous les chrétiens d’autres confessions, aux hommes et aux femmes de chaque religion, ainsi qu’à ces frères et sœurs qui ne croient pas : la paix est un bien qui dépasse toute barrière, parce qu’elle est un bien de toute l’humanité.

Je le répète à haute voix, ce n’est pas la culture de l’affrontement, la culture du conflit qui construit la vie collective dans un peuple et entre les peuples, mais celle-ci : la culture de la rencontre, la culture du dialogue. C’est l’unique voie pour la paix.

Que le cri de la paix s’élève pour arriver au cœur de tous et que tous déposent les armes et se laissent guider par le souffle de la paix.

À Marie, nous demandons de nous aider à répondre à la violence, au conflit et à la guerre, par la force du dialogue, de la réconciliation et de l’amour. Elle est mère : qu’elle nous aide à retrouver la paix ; nous sommes tous ses enfants ! Aide-nous, Marie, à dépasser ce moment difficile et à nous engager à construire chaque jour et dans tous les domaines une culture authentique de la rencontre et de la paix. Marie, Reine de la paix, prie pour nous ! »[2]

Le 4 septembre, François lance un appel aux dirigeants du G20⁠[3] dont les ministres, les chefs des banques centrales et les chefs d’États se réunissent régulièrement. Il a été créé en 1999, après la succession des crises financières des années 90[\]. Il vise à favoriser la concertation internationale entre pays importants au point de vue économique.] qui vont se réunir à Saint-Pétersbourg les 5 et 6 septembre. Pour cela, il écrit à Vladimir Poutine, la Russie assurant la présidence de cette réunion. Dans un premier temps, François rappelle la nécessité d’une éthique économique, financière et sociale internationale qui permette à « tous les êtres humains de mener une vie digne, du plus âgé d’entre eux à l’enfant qui n’est pas encore né », à tout être humain et pas seulement aux citoyens des pays membres du G20. Bien que l’objectif de ce groupe ne soit pas de s’occuper des conflits armés à travers le monde, le pape fait remarquer qu’il est vain de parler de développement économique⁠[4] si la paix ne règne pas. Il demande donc qu’on n’oublie pas « la situation du Moyen-Orient, et en particulier celle de la Syrie. Il est regrettable que, depuis le tout début du conflit syrien, des intérêts partisans ont prévalu et entravé la recherche d’une solution qui aurait évité le massacre insensé qui se déroule maintenant »[5]. Il souligne que ce conflit qui a trop duré « risque même de causer de plus grandes souffrances à une région amèrement éprouvée par les conflits, qui aspire à la paix. » Il faut donc que les dirigeants de ces puissances trouvent « les moyens de surmonter les positions divergentes ; qu’ils renoncent à la vaine prétention d’une solution militaire ; qu’il y ait plutôt un engagement renouvelé à chercher, avec courage et détermination, une solution pacifique à travers le dialogue et la négociation entre les parties impliquées, qui soit soutenue unanimement par la communauté internationale. De plus, tous les gouvernements ont le devoir moral de faire tout ce qui est possible pour apporter une assistance humanitaire à ceux qui souffrent du conflit, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières du pays. »[6]

Le 7 septembre, le pape préside place Saint-Pierre, la veillée de prière⁠[7] alors que les États-Unis et la France ont annoncé leur intention de frapper militairement la Syrie après que des armes chimiques y ont été utilisées contre la population civile.

Partant du regard de Dieu sur sa création au début du livre de la Genèse (« Dieu vit que cela était bon »), François se demande ce que ce « message » signifie pour nous :

« Il nous dit simplement que, dans le cœur et dans la pensée de Dieu, notre monde est la maison de l’harmonie et de la paix, le lieu où tous peuvent trouver leur place et se sentir chez soi, parce que cela est «  bon ». Tout le créé forme un ensemble harmonieux, bon ; mais surtout les humains, faits à l’image et à la ressemblance de Dieu, sont une unique famille, dans laquelle les relations sont marquées par une fraternité non seulement proclamée en paroles mais réelle : l’autre est le frère, la sœur à aimer, et la relation avec Dieu qui est amour, fidélité, bonté se reflète sur toutes les relations entre les êtres humains et apporte l’harmonie à la création tout entière. Le monde de Dieu est un monde dans lequel chacun se sent responsable de l’autre, du bien de l’autre. Ce soir, dans la réflexion, dans le jeûne, dans la prière, nous pensons au fond de nous-mêmes, en chacun de nous : n’est-ce pas ce monde-là que je désire ? N’est-ce pas ce monde-là que nous portons tous dans le cœur ? Le monde que nous voulons, n’est-il pas un monde d’harmonie et de paix, en nous-mêmes, dans les rapports avec les autres, dans les familles, dans les villes, dans et entre les nations ? Et la vraie liberté dans le choix des chemins à parcourir en ce monde, n’est-ce pas celle qui est orientée vers le bien de tous et guidée par l’amour ? » Tel est donc, « le monde de Dieu », le monde tel que Dieu le crée, le conçoit, le veut.

Si le monde conserve de sa beauté initiale, il y a aussi « la violence, la division, le conflit, la guerre ». La source de ce désordre est l’égoïsme, la volonté de pouvoir, l’oubli de la fraternité lorsque nous sommes comme Caïn (Gn 4, 9) et que nous avons endormi notre conscience.

Comment arriver à la paix ? Avec l’aide de Dieu, c’est possible et il faut le vouloir à la manière de Dieu qui, sur la croix, « ne répond pas à la violence par la violence » mais parle « le langage de la réconciliation, du pardon, du dialogue, de la paix »[8].

Et devant 300 personnalités représentant les grandes religions et la société civile, « laïcs et humanistes », qui participaient, du 27 au 30 septembre 2013, à la 27e rencontre pour la paix, organisée par la Communauté de Sant’Egidio, François, après avoir rappelé qu’« il ne peut y avoir aucune justification religieuse à la violence », appelaient ses interlocuteurs à la persévérance car, disait-il, « nous ne pouvons jamais nous résigner devant la souffrance de peuples entiers, otages de la guerre, de la misère, de l’exploitation. Nous ne pouvons pas assister dans l’indifférence et l’impuissance au drame des enfants, des familles, des personnes âgées, frappés par la violence. Nous ne pouvons pas laisser le terrorisme prendre en otage le cœur de quelques violents pour provoquer la souffrance et la mort d’un grand nombre ». Et il insistait sur la prière et le dialogue : « En tant que responsables des différentes religions nous pouvons beaucoup faire. La paix est la responsabilité de tous. Prier pour la paix, travailler pour la paix ! Un leader religieux est toujours un homme ou une femme de paix, car le commandement de la paix est gravé au plus profond des traditions religieuses que nous représentons. Mais que pouvons-nous faire ? Vos rencontres chaque année, nous suggèrent le chemin : le courage du dialogue. Ce courage, ce dialogue nous donnent l’espérance. Rien à voir avec l’optimisme, c’est autre chose. Espérance ! Dans le monde, dans la société, il y a peu de paix car le dialogue fait défaut, on a du mal à sortir de l’horizon de nos propres intérêts pour nous ouvrir à un vrai et franc parler. Pour la paix il faut un dialogue tenace, patient, fort, intelligent, pour lequel rien n’est perdu. Le dialogue peut vaincre la guerre. Le dialogue fait vivre ensemble des personnes de différentes générations, qui souvent s’ignorent ; il fait vivre ensemble des citoyens de différentes origines ethniques, de différentes convictions. Le dialogue est le chemin de la paix. Parce que le dialogue favorise l’entente, l’harmonie, la concorde, la paix. C’est pourquoi il est vital que le dialogue croisse, qu’il se répande au milieu des hommes de toutes les conditions et convictions comme une trame de paix qui protège le monde et surtout protège les plus faibles. Les leaders religieux sont appelés à être de vrais hommes de dialogue, à œuvrer pour la construction de la paix non pas comme des intermédiaires, mais comme d’authentiques médiateurs. Les intermédiaires cherchent à rallier à eux toutes les parties, afin d’en obtenir un profit. Le médiateur, par contre, est celui qui ne garde rien pour lui, mais se dépense généreusement jusqu’à l’épuisement, sachant que le seul bénéfice est celui de la paix. Chacun d’entre nous est appelé à être un artisan de la paix, en unissant et non pas en divisant, en supprimant la haine et non pas en la conservant, en ouvrant les voies du dialogue et non pas en érigeant de nouveaux murs ! Dialoguer, nous rencontrer pour instaurer dans le monde la culture du dialogue, la culture de la rencontre. L’héritage de la première rencontre d’Assise, que vous avez alimenté aussi d’année en année par votre cheminement, montre que le dialogue est intimement lié à la prière de chacun. Dialogue et prière grandissent ou dépérissent ensemble. La relation de l’homme avec Dieu est l’école et l’aliment du dialogue avec les hommes. Le pape Paul VI parlait « d’origine transcendante du dialogue » et disait : « La religion est de sa nature un rapport entre Dieu et l’homme. La prière exprime en dialogue ce rapport » (Encyclique Ecclesiam suam, 72). Continuons à prier pour la paix dans le monde, pour la paix en Syrie, pour la paix au Moyen-Orient, pour la paix dans beaucoup de pays du monde. Que ce courage de paix donne le courage de l’espérance au monde, à tous ceux qui souffrent à cause de la guerre, aux jeunes soucieux de leur avenir. Que Dieu Tout-puissant, qui écoute nos prières, nous soutienne dans notre cheminement de paix. »[9]

L’année 2013 fut aussi l’occasion de célébrer les 50 ans de l’encyclique Pacem in terris. François rappelle « le fondement de la construction de la paix » : « l’origine divine de l’homme, de la société et de l’autorité elle-même, qui engage les personnes, les familles, les divers groupes sociaux et les États à vivre des relations de justice et de solidarité ». Cette origine oblige les hommes à « construire la paix, à l’exemple de Jésus-Christ, en parcourant ces deux voies : promouvoir et pratiquer la justice, avec vérité et amour ; contribuer, chacun selon ses possibilités, au développement humain intégral, selon la logique de la solidarité ». Et donc, « il ne peut y avoir de véritable paix et harmonie si nous ne travaillons pas en vue d’une société plus juste et solidaire, si nous ne dépassons pas les égoïsmes, les individualismes, les intérêts de groupe et cela à tous les niveaux. » Partout et toujours, « il faut promouvoir, respecter et protéger » « la valeur de la personne, la dignité de tout être humain  […]. Et pas seulement les principaux droits civils et politiques qui doivent être garantis […] mais il faut aussi offrir à chacun la possibilité d’accéder effectivement aux moyens essentiels de subsistance, la nourriture, l’eau, le logement, les soins médicaux, l’instruction et la possibilité de former et de faire vivre une famille.[10] Tels sont les objectifs qui ont une priorité indérogeable dans l’action nationale et internationale et en mesurent la valeur. De ceux-ci dépend la paix durable pour tous. Et il est important également de laisser un espace à la riche gamme d’associations et d’organismes intermédiaires qui, dans la logique de la subsidiarité et dans l’esprit de la solidarité, poursuivent ces objectifs. »

Tous ces principes ne semblent pas trouver d’écho dans nos sociétés. Certes, « ce n’est pas le dogme qui indique les solutions pratiques, mais plutôt le dialogue, l’écoute, la patience, le respect de l’autre, la sincérité et également la disponibilité à revoir sa propre opinion. Au fond, l’appel à la paix de Jean XXIII en 1962 visait à orienter le débat international selon ces vertus ».

Les principes fondamentaux que proclame Pacem in terris peuvent guider toute réflexion sur les problèmes du temps : « l’urgence éducative, l’influence des moyens de communication de masse sur les consciences, l’accès aux ressources de la terre, le bon ou mauvais usage des résultats des recherches biologiques, la course aux armements et les mesures de sécurité nationales et internationales. La crise économique mondiale, qui est un symptôme grave du manque de respect pour l’homme et pour la vérité avec laquelle ont été prises des décisions de la part des gouvernements et des citoyens, nous le dit clairement. Pacem in terris trace une ligne qui va de la paix à construire dans le cœur des hommes à une révision de notre modèle de développement et d’action, à tous les niveaux, afin que notre monde soit un monde de paix. »[11]

Le 4 octobre, à Assise, le Pape François, analysant la personnalité de saint François, relève que « celui qui suit le Christ reçoit la véritable paix, celle que lui seul, et non pas le monde, peut nous donner. Beaucoup associent saint François à la paix, et c’est juste, mais peu vont en profondeur. Quelle est la paix que François a accueillie et vécue et qu’il nous transmet ? Celle du Christ, passée par le plus grand amour, celui de la croix. C’est la paix que Jésus ressuscité donna aux disciples quand il apparut au milieu d’eux (cf. Jn 20, 19.20). » Et il ajoute : « La paix franciscaine n’est pas un sentiment doucereux. S’il vous plaît : ce saint François n’existe pas ! Elle n’est pas non plus une espèce d’harmonie panthéiste avec les énergies du cosmos… cela aussi n’est pas franciscain ! Cela aussi n’est pas franciscain, mais c’est une idée que certains ont construite ! La paix de saint François est celle du Christ, et la trouve celui qui «  prend sur soi » son « joug », c’est-à-dire son commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés (cf. Jn 13, 34 ; 15, 12). Et on ne peut pas porter ce joug avec arrogance, avec présomption, avec orgueil, mais on peut le porter seulement avec douceur et humilité du cœur », pour être des « instruments de paix ». L’amour triomphe du mal comme nous le montre Jésus en croix et l’amour implique le respect pour la création comme pour tout homme qui est au centre de la création et non « un instrument des idoles que nous créons ».⁠[12]

Il n’y a pas que les grands conflits armés qui attirent l’attention du pape, il y a d’autres formes de violence destructrices. Recevant une délégation du Centre « Simon Wiesenthal », organisation juive internationale pour la défense des droits de l’homme, le pape déclare que « le problème de l’intolérance doit être affronté sous toutes ses formes : partout où une minorité est persécutée et marginalisée en raison de ses convictions religieuses ou de son identité ethnique, le bien-être de la société dans son ensemble est menacé ».Pensant aussi « aux souffrances, à la marginalisation et aux véritables persécutions que bien plus qu’une poignée de chrétiens subissent dans différents pays », il invite à « lutter contre toute forme de racisme, d’intolérance et d’antisémitisme » et « à promouvoir une culture de rencontre, de respect, de compréhension et de pardon mutuel » par l’éducation et l’engagement. L’éducation transmet des faits et offre un témoignage vivant de génération en génération. Mais il s’agit aussi de « transmettre aux jeunes l’importance de travailler ensemble pour abattre les murs et construire des ponts entre nos cultures et nos traditions religieuses », leur « transmettre une passion pour rencontrer et connaître les autres, pour promouvoir une participation active et responsable de nos jeunes » et de s’engager « au service de la société et des personnes qui sont le plus dans le besoin acquiert une valeur particulière.⁠[13]

Toute la préoccupation de l’Église apparaît à l’occasion de la guerre en Syrie : faire taire les armes, « trouver une solution dans le dialogue, pour parvenir à une réconciliation en profondeur entre les parties », « construire un avenir de paix pour la Syrie dans laquelle tous puissent vivre librement et s’exprimer dans leur particularité », que la communauté internationale poursuive son action dans ce sens, assurer une assistance humanitaire en Syrie et dans les pays qui accueillent les réfugiés, « au-delà des appartenances ethniques et religieuses » avec l’aide des chrétiens autochtones.⁠[14]

Très attaché au problème de la pauvreté, François souligne, comme ses prédécesseurs, le lien entre l’injustice sociale et la violence : « tant que ne s’éliminent pas l’exclusion sociale et la disparité sociale, dans la société et entre les divers peuples, il sera impossible d’éradiquer la violence. On accuse les pauvres et les populations les plus pauvres de la violence, mais, sans égalité de chances, les différentes formes d’agression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt au tard provoquera l’explosion. Quand la société -locale, nationale ou mondiale- abandonne dans la périphérie une partie d’elle-même, il n’y a ni programmes politiques, ni forces de l’ordre ou d’intelligence qui puissent assurer sans fin la tranquillité. Cela n’arrive pas seulement parce que la disparité sociale provoque la réaction violente de ceux qui sont exclus du système, mais parce que le système social et économique est injuste à sa racine. De même que le bien tend à se communiquer, de même le mal auquel on consent, c’est-à-dire l’injustice, tend à répandre sa force nuisible et à démolir silencieusement les bases de tout système politique et social, quelle que soit sa solidité. Si toute action a des conséquences, un mal niché dans les structures d’une société comporte toujours un potentiel de dissolution et de mort. C’est le mal cristallisé dans les structures sociales injustes, dont on ne peut pas attendre un avenir meilleur. »[15] En définitive, « une paix qui n’est pas le fruit du développement intégral de tous n’aura pas d’avenir et sera toujours semence de nouveaux conflits et de diverses formes de violence. »[16]


1. Discours au Corps diplomatique, 22 mars 2013, in DC n° 2509 et 2510, 21 avril 2013, p. 362.
2. Cf. Zenit, 2 septembre 2013.
3. Il s’agit d’un groupe composé de dix-neuf pays et de l’http://fr.wikipedia.org/wiki/Union_europ%C3%A9enne[Union européenne
4. Le Pape fait allusion aux huit objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) qui ont été énoncés au cours du Sommet du Millénaire, les 6 et 8 septembre 2000, au siège de l’Organisation des Nations unies, à New York (États-Unis). Ils forment un plan approuvé par tous les pays du monde et par toutes les grandes institutions mondiales de développement.
5. De mars 2011 à septembre 2013, la guerre civile en Syrie a fait 110 000 morts, d’après l’Organisation syrienne des droits de l’homme. Le 21 août 2013, l’utilisation d’armes chimiques par l’armée syrienne dans la banlieue est de Damas aurait fait plusieurs centaines de morts. Les États-Unis et la France ont alors annoncé leur intention de procéder, en rétorsion, à des frappes militaires.
6. Lettre du pape François au président de la Fédération russe Vladimir Poutine à l’occasion du sommet du G20 à Saint-Petersbourg, 4 septembre 2013.
7. Se sont joints à ce temps de prière d’autres confessions chrétiennes, des fidèles d’autres religions, notamment des bouddhistes, des juifs et des musulmans, des personnes areligieuses ainsi que des personnalités politiques.
8. Zenit 9 septembre 2013.
9. Discours aux participants à la rencontre de la Communauté Sant’Egidio, 30 septembre 2013.
10. L’actualité a fourni au Pape une terrible illustration : « En parlant de paix, en parlant de la crise économique mondiale inhumaine, qui est un symptôme grave du manque de respect pour l’homme, je ne peux manquer de rappeler avec une grande douleur les nombreuses victimes du nouveau naufrage tragique qui a eu lieu aujourd’hui au large des côtes de Lampedusa. Un mot me vient à l’esprit : honte ! C’est une honte ! Prions ensemble Dieu pour ceux qui ont perdu la vie : hommes, femmes, enfants, pour les familles et pour tous les réfugiés. Unissons nos efforts afin que de telles tragédies ne se répètent plus. Seule une collaboration résolue de tous peut aider à les empêcher. »
11. Discours aux participants des Journées de célébration du 50e anniversaire de la Lettre Encyclique Pacem in Terris du bienheureux Jean XXIII à Rome, organisées par le Conseil pontifical Justice et Paix, le 3 octobre 2013.
12. Homélie du pape François lors de la visite pastorale à Assise, le 4 octobre 2013.
13. Allocution, 24 octobre 2013.
14. Discours aux organismes caritatifs catholiques qui opèrent dans le contexte de la crise en Syrie, 5 juin 2013, in DC n° 2512, octobre 2013, pp. 91-92. Le Conseil pontifical Cor unum vient en aide aux populations victimes du conflit.
15. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 2013, n° 59.
16. Id., n° 219.