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i. Saint Augustin et la guerre juste

[1]

C’est saint Augustin qui va offrir au monde une série de réflexions approfondie sur la question de la guerre et son influence sera considérable. On va découvrir, dans son œuvre, des règles à respecter pour qu’une guerre soit juste. Nous retrouverons un écho de ces règles encore dans divers documents aux XXe et XXIe siècles notamment dans des règlements militaires.

Sa réflexion est alimentée par les événements tragiques auxquels il assiste. Né en 354 et mort en 430, Augustin a vécu l’effondrement de l’empire romain.⁠[2] Les institutions politiques et administratives sont ébranlées, restent, comme seules autorités stables, les chefs des Églises qui vont devoir apporter des réponses à des problèmes temporels. Dans la Cité de Dieu[3], il décrit les guerres qui ont ravagé Rome depuis sa fondation. Des guerres qui touchent les combattants comme les civils⁠[4], guerres contre l’étranger ou guerres civiles⁠[5].


1. Selon FLORI J., il vaudrait mieux parler de guerre « justifiable » chez Augustin. (Croisade et chevaliers (XIe-XIIe s), De Boeck, 1998, p. 12.
2. Rappelons quelques dates : en 395, l’empire est partagé ; dès 406, les Vandales et les Alains menacent la Gaule ; en 409, les Vandales sont en Espagne ; en 410 Alaric, roi des Wisigoths (acquis à l’arianisme) s’empare de Rome ; en 425, les provinces romaines sont occupées par les barbares ; en 429, Genséric entre en Afrique et sera le premier roi Vandale de cette région.
3. Livre III.
4. Evoquant les guerres puniques, il écrit : « Que de régions et de territoires dévastés sur une vaste étendue ! Que de fois les combattants furent tour à tour vainqueurs et vaincus ! Quelles pertes d’hommes parmi les combattants et parmi les populations désarmées ! Que de navires coulés dans les batailles navales ou engloutis par toutes sortes de tempêtes ! Si nous tentions de raconter ou d’évoquer ces désastres, nous ne ferions rien d’autre que réécrire à notre tour l’histoire. » (La Cité de Dieu, III, 18)
5. Entre Rome et Albe : « Cette guerre ne fut-elle pas plus que civile, puisque la cité fille y combattit contre la cité mère ? » (La Cité de Dieu, III, 14). A propos de l’enlèvement des Sabines : « A combien de proches et d’alliés cette victoire coûta-t-elle la vie, et de part et d’autres quel nombre de blessés ! (Id., III, 13) Et « La guerre de César et de Pompée n’était que la lutte d’un seul beau-père contre un seul gendre, et encore, quand elle éclata, la fille de César, l’épouse de Pompée n’était plus ; et cependant, c’est avec un trop juste sentiment de douleur que Lucain s’écrie : « Je chante cette guerre plus que civile, terminée aux champs de l’Emathie et où le crime fut justifié par la victoire ». » (Id..). Et que dire de Sylla ? « Sylla qui vint tirer vengeance de ces cruautés au prix de tant de sang, mit fin à la guerre ; mais comme sa victoire n’avait pas détruit les inimitiés, elle rendit la paix encore plus meurtrière. (…) Bientôt Sylla entra victorieux à Rome, après avoir fait égorger dans une ferme publique sept mille hommes désarmés et sans défense. Ce n’était plus la guerre qui tuait, c’était la paix ; on ne se battait plus contre ses ennemis, un mot suffisait pour les exterminer. » (Id., III, 28)

⁢a. Un théologien de la paix

[1]

Si l’on présente saint Augustin comme un « théoricien » (et le mot est un peu fort, comme nous le verrons) de la guerre juste, il est fondamentalement et premièrement convaincu que le chrétien est et doit être un artisan de paix.⁠[2]

Commentant le passage de l’Évangile où il nous est demandé de présenter la joue gauche après avoir été frappé sur la joue droite, il fait cette recommandation : « il faut prendre garde que le plaisir de la vengeance ne nous fasse perdre, pour ne rien dire de plus, cette patience elle-même qui est d’un bien plus grand prix que tout ce que peut nous ôter un ennemi, même malgré nous. »[3]

Il rappelle volontiers⁠[4] que « Le fruit de la justice est semé dans la paix pour ceux qui font œuvre de paix »[5] ; « Heureux ceux qui font œuvre de paix, ils seront appelés fils de Dieu »[6]. « La guerre, écrit-il, étant le contraire de la paix, comme la misère l’est à la béatitude et la mort à la vie, on peut demander si à la paix dont on jouira dans le souverain bien répond une guerre dans le souverain mal. »[7]

La guerre est « …une plaie, une vraie misère », qui « n’est pas touché du malheur de la guerre est d’autant plus malheureux qu’il a perdu tout sens humain. »[8] La guerre offre « de beaux spectacles et de riches festins » aux démons⁠[9]. Si certaines guerres romaines paraissent avoir apporté quelque bien – ne parle-t-on pas, avec bienveillance, dans les livres d’histoire, de la pax romana ? – « au prix de combien de guerres et de quelles guerres, au prix de quels massacres d’hommes, de quelle effusion de sang humain, n’a-t-il pas fallu l’acheter ? »[10]

La guerre, en fait, contredit le dessein de Dieu : « Si Dieu a fait sortir le genre humain d’un seul homme, c’est pour montrer aux hommes combien il appréciait l’unité dans la pluralité »[11]. Dieu veut « unir les hommes en une seule société par la similitude de la nature » mais aussi les « rassembler, grâce aux nœuds de la parenté, en une harmonieuse unité par les liens de la paix »[12]. C’est le péché de l’homme qui a introduit la guerre : « Dieu n’ignorait pas d’ailleurs que l’homme pécherait et que désormais, voué à la mort, il engendrerait des fils destinés à mourir ; et ces mortels porteraient si loin leur férocité criminelle que les bêtes, sans raison, sans volonté, aux souches nombreuses pullulant des eaux et des terres, vivraient entre elles en leur espèce avec plus de sécurité et d paix que les hommes dont la race était née d’un seul en gage de concorde. Ni les lions en effet, ni les dragons n’ont jamais déchaîné entre eux des guerres semblables à celles des hommes. »[13] La liberté sans Dieu s’enlise dans la passion de dominer qui « bouleverse et broie le genre humain par de grandes calamités. »[14] Guerre et pais appartiennent à deux amours incompatibles, à deux cités différentes : « L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le Seigneur. L’une dans ses chefs ou dans les nations qu’elle subjugue, est dominée par la passion de dominer ; dans l’autre on se rend mutuellement service par la charité »[15]. « Ceux qui se plaisent aux combats resteront étrangers à toute paix, aux prises avec les pires difficultés, car ces difficultés ont pour principe la guerre et la rivalité ».⁠[16]

La paix est le plus grand bien⁠[17], si grand « que même dans les affaires terrestres et périssables on ne peut rien entendre de plus agréable, rien chercher de plus enviable, rien trouver de meilleur »[18]. Preuve en est que tous les hommes la recherchent au même titre que le bonheur : « Puisque même ceux qui veulent la guerre ne veulent rien d’autre assurément que la victoire, c’est donc à une paix glorieuse qu’ils aspirent à parvenir en faisant la guerre. qu’est-ce vaincre en effet, sinon abattre toute résistance ? Cette œuvre accomplie, ce sera la paix. C’est donc en vue de la paix que se font les guerres, et cela même par ceux qui s’appliquent à l’exercice des vertus guerrières dans le commandement et le combat. d’où il est clair que la paix est le but recherché par la guerre, et nul ne cherche la guerre en faisant la paix. »[19]

Toutefois le sage peut être contraint de faire la guerre. Certes, « Il vaut mieux abolir la guerre par un mot, que de tuer des hommes, et d’obtenir la paix par la volonté que par la guerre. (…) On doit vouloir la paix et ne faire la guerre que par nécessité. (…) pour obtenir la paix. »[20]. « C’est l’injustice de l’ennemi qui impose de faire une juste guerre. »[21]

Il trouve la justification de cette nuance dans l’Évangile : « Si la doctrine chrétienne condamnait toutes les guerres, on aurait répondu aux soldats dont il est parlé dans l’Évangile qu’ils n’avaient qu’à jeter leurs armes et à se soustraire au service militaire. Mais au contraire il leur a été dit : « Ne faites ni violence ni tromperie à l’égard de personne ; contentez-vous de votre paie (Lc 3, 14). » En prescrivant aux soldats de se contenter de leur paie, l’Évangile ne leur interdit pas la guerre. »[22] Et, se référant à la réponse de Jean Baptiste, il déclare encore : « Réellement, mes frères, si les soldats agissaient ainsi, l’État serait heureux. (…) Nous voulons que les soldats soient dociles aux leçons du Christ ; soyons-y dociles nous-mêmes. (…) Tous écoutons-le et vivons cordialement en paix. »[23]

Son développement théologique du thème de la paix confirme bien son absolue prééminence et son prix inestimable : « Ainsi, la paix du corps réside dans le juste tempérament de ses parties, et celle de l’âme sensible dans le calme régulier de ses appétits satisfaits. La paix de l’âme raisonnable, c’est en elle le parfait accord de la connaissance et de l’action ; et celle du corps et de l’âme, c’est la vie bien ordonnée et la santé de l’animal. La paix entre l’homme mortel et Dieu est une obéissance réglée par la foi et soumise à la loi éternelle ; celle des hommes entre eux, une concorde raisonnable. La paix d’une maison, c’est une juste correspondance entre ceux qui y commandent et ceux qui y obéissent. La paix d’une cité, c’est la même correspondance entre ses membres. La paix de la Cité céleste consiste dans une union très réglée et très parfaite pour jouir de Dieu, et du prochain en Dieu. L’ordre est ce qui assigne aux choses différentes la place qui leur convient. (…) Or, quand ils [les malheureux] souffrent, la paix est troublée à cet égard ; mais elle subsiste dans leur nature, que la douleur ne peut consumer ni détruire, et à cet autre égard, ils sont en paix. (…) Aussi bien celui qui s’afflige d’avoir perdu la paix de sa nature ne s’afflige que par certains restes de paix qui font qu’il aime sa nature. (…) Dieu donc, qui a créé toutes les natures avec une sagesse admirable, qui les ordonne avec une souveraine justice et qui a placé l’homme sur la terre pour en être le plus bel ornement, nous a donné certains biens convenables à cette vie, c’est-à-dire la paix temporelle, dans la mesure où l’on peut l’avoir ici-bas, tant avec soi-même qu’avec les autres (…). De même qu’il y a quelque vie sans douleur, et qu’il ne peut y avoir de douleur sans quelque vie ; ainsi il y a quelque paix sans guerre, mais il ne peut y avoir de guerre sans quelque paix, puisque la guerre suppose toujours quelque nature qui l’entretienne, et qu’une nature ne saurait subsister sans quelque sorte de paix. Ainsi, il existe une Nature souveraine où il ne se trouve point de mal et où il ne peut même s’en trouver ; mais il ne saurait exister de nature où ne se trouve aucun bien. »[24]

Au mal, à la violence, il faut s’efforcer d’opposer le bien. Cette sagesse n’avait pas échappé aux Anciens. Augustin l’invoque pour répondre à ceux qui accusent le christianisme de mettre l’État en péril avec ses préceptes non-violents⁠[25]. On dit, écrit-il, « que la prédication et la doctrine du Christ sont incompatibles avec les besoins des États. Ne rendre à personne le mal pour le mal[26] ; après avoir été frappé sur une joue, présenter l’autre ; donner notre manteau à celui qui veut nous prendre notre tunique ; si un homme veut nous obliger de marcher avec lui, faire le double de chemin qu’il nous demande[27]  : ce sont là des préceptes contraires au bon ordre des États. Qui supportera qu’un ennemi lui enlève quelque chose, ou bien qui donc, par le droit de la guerre, ne rendra pas le mal pour le mal au ravageur d’une province romaine ? » Si je n’avais pas affaire à des hommes instruits dans les lettres, peut-être faudrait-il mettre plus de soin à réfuter ces objections inspirées, soit par la haine du christianisme, soit par le sincère désir de s’éclairer. Mais qu’est-il besoin de chercher longtemps ? qu’on veuille bien nous dire comment les Romains, qui aimaient mieux pardonner une injure que la venger[28], sont parvenus à gouverner et à agrandir leur république, et, de pauvre et petite qu’elle était à la faire grande et riche ? qu’on nous dise comment Cicéron, élevant jusqu’aux cieux César et ses moeurs, louait le chef de la république de ce qu’il avait coutume de ne rien oublier que les injures[29] ! Car ces paroles de Cicéron renfermaient ou une grande louange ou une grande flatterie ; dans le premier cas, c’est qu’il connaissait César tel ; dans le second, c’est qu’il montrait que le chef d’un gouvernement devait avoir les qualités qu’il prêtait faussement à César. Mais qu’est-ce de ne pas rendre le mal pour le mal ? C’est de repousser le plaisir de la vengeance, c’est de mieux aimer pardonner que de venger une injure et ne rien oublier que le mal qu’on a reçu.

Lorsqu’on lit ces maximes dans les auteurs païens, on admire, on applaudit ; on ne se lasse pas de louer ces mœurs généreuses, et l’on trouve que la république qui aimait mieux pardonner que de venger une injure était bien digne de commander à tant de nations. Mais quand c’est l’autorité divine qui enseigne qu’il ne faut prendre le mal pour le mal, quand cette salutaire exhortation retentit de haut à tous les peuples et comme à des écoles publiques de tout sexe, de tout âge, de tout rang, on accuse la religion d’être ennemie de la république ! Si cette religion était entendue comme elle devrait l’être, elle établirait, consacrerait, affermirait, agrandirait une république mieux que n’ont jamais su faire Romulus, Numa, Brutus et d’autres hommes illustres de la nation romaine »[30]

Le christianisme va dans le même sens, préférant le pardon à la vengeance pour vaincre le mal par le bien : « lorsqu’on est frappé sur une joue, présenter l’autre ; donner son manteau à celui qui veut nous enlever notre tunique, faire le double du chemin avec celui qui veut nous obliger à marcher. — Cela se fait pour que le méchant soit vaincu par le bon, ou plutôt pour que le mal dans l’homme méchant soit vaincu par le bien, et que l’homme soit délivré du mal, non extérieur et étranger, mais intime, personnel, et dont le ravage est beaucoup plus terrible que le ravage d’un ennemi extérieur, quel qu’il soit. Celui qui triomphe du mal par le bien se résigne patiemment à la perte des avantages temporels, pour qu’on sache combien la foi et la justice doivent mépriser des biens qui, trop aimés, inspirent des sentiments pervers : l’homme coupable d’iniquités apprend ainsi de l’homme même envers qui il a des torts ce que valent les choses pour lesquelles il a commis une injustice ; le repentir le fait rentrer dans l’union ; si utile au bien public ; il n’est pas vaincu par la violence, mais par la bonté de celui qui a eu tant à supporter. On se conforme au véritable esprit de ces maximes lorsqu’on les suit en vue même du bien de celui pour qui l’on agit ainsi : ce bien, c’est le redressement et l’union. Ce sentiment doit toujours nous animer, quand même nous n’obtiendrions pas les résultats désirés, c’est-à-dire le retour à des idées meilleures et l’apaisement, quand même fa guérison ne suivrait pas l’emploi de ce religieux remède.

 d’ailleurs, si on veut regarder aux mots, ce n’est pas la joue droite qu’il faut présenter si on est frappé sur la joue gauche. « Si quelqu’un, dit l’Évangile, vous frappe sur la joue droite, présentez-lui la gauche[31] ; » c’est plutôt la joue gauche qui est frappée par la main droite, parce qu’elle se prête mieux au coup de l’agresseur. Voici donc comment il faut entendre ces paroles : si quelqu’un atteint en vous ce qu’il y a de meilleur, présentez-lui ce qu’il y a de moindre, de peur que, plus occupé de vengeance que de patience, vous ne délaissiez les biens éternels pour les temporels, au lieu de mépriser les choses du temps pour vous attacher aux choses éternelles, comme on préfère à la main gauche la main droite. Telle fut toujours la pensée des saints martyrs : il n’est juste de demander la dernière vengeance qu’en présence d’un amendement impossible, c’est-à-dire au jour du suprême et souverain jugement. Maintenant, il faut prendre garde que le plaisir de la vengeance ne nous fasse perdre, pour ne rien dire de plus, cette patience elle-même qui est d’un bien plus grand prix que tout ce que peut nous ôter un ennemi, même malgré nous. Un autre évangéliste[32], rapportant cette maxime, ne parle pas de la joue droite, mais seulement des deux joues[33], ce qui tend à recommander simplement la patience, tandis que le premier évangéliste insinue la distinction que je viens de signaler. C’est pourquoi l’homme de justice et de piété doit supporter patiemment la malice de ceux qu’il cherche à ramener, afin qu’il contribue à accroître le nombre des bons, au lieu d’accroître le nombre des méchants en faisant comme eux.

Enfin ces préceptes tiennent plus à la préparation intérieure du cœur qu’aux œuvres extérieures ; ils ont pour but d’entretenir dans le secret de l’âme les sentiments de bonté patiente et de nous inspirer, dans la conduite extérieure, ce qui vaut le mieux à l’égard d’autrui ; le Seigneur Jésus, modèle unique de patience, l’a fait voir dans les paroles adressées à celui qui venait de le frapper sur la face : « Si j’ai mal parlé, montre-le ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?[34] » Si on regarde aux mots, le Seigneur n’a pas suivi son propre précepte. Car il n’a pas présenté (autre joue à celui qui venait de le frapper, mais plutôt il a voulu empêcher qu’on ne recommençât ; et cependant il était venu, non-seulement disposé à recevoir des coups sur la face, mais encore à mourir sur la croix pour ses insulteurs et ses bourreaux ; suspendu à la croix, il dit en leur faveur : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font[35]. » L’apôtre Paul n’aurait pas accompli non plus le commandement de son Maître, lorsque, frappé à la face, il dit au prince des prêtres : « Dieu vous frappera, muraille blanchie. Vous êtes là pour me juger selon la loi, et contre la loi vous ordonnez « que je sois frappé ! » Et comme les assistants reprochaient à l’Apôtre de manquer de respect envers le prince des prêtres, il voulut faire entendre ironiquement, à ceux d’entre eux qui pouvaient le comprendre, que l’avènement du Christ devait détruire la muraille blanchie, c’est-à-dire l’hypocrisie du sacerdoce des juifs. « Je ne savais pas, frères, répondit-il, que ce fût le prince ; car il est écrit : Vous ne maudirez point le prince de votre peuple[36]. » Il est hors de doute que Paul, qui avait grandi au milieu de ce même peuple et qui était instruit dans la loi, n’ignorait pas qu’Ananias fût le prince des prêtres : son langage ne pouvait tromper non plus ceux dont il était si connu.

Le cœur ne doit donc jamais oublier ces préceptes de patience, et la bienveillance doit être toujours entière dans la volonté, pour empêcher qu’on ne rende le mal pour le mal. Toutefois il arrive souvent qu’il faut employer contre des résistances une certaine sévérité qui a son principe dans le désir du bien ; on consulte alors non pas la volonté, mais l’intérêt de ceux qu’on punit : cette conduite a été fort bien louée dans un chef de république par les auteurs païens. Quelque rude que soit la correction infligée à un fils, l’amour paternel est toujours là. C’est en faisant ce qu’il ne veut pas et ce qui est une souffrance, qu’on cherche à le guérir par la douleur. Ainsi donc, si les sociétés politiques gardaient ces préceptes chrétiens, les guerres elles-mêmes ne se feraient pas sans une certaine bonté, et les vaincus seraient plus aisément ramenés à la paix sociale qui repose sur la piété et la justice. La victoire est utile lorsqu’elle ôte au vaincu le pouvoir de faire le mal. Rien n’est plus malheureux que la prospérité des méchants ; elle nourrit l’impunité vengeresse, elle fortifie la volonté mauvaise comme un ennemi intérieur. Mais les mortels, dans l’égarement de leur corruption, croient que les choses humaines prospèrent, quand de splendides palais s’élèvent et que les âmes tombent en ruines ; quand on bâtit des théâtres et que les fondements des vertus sont renversés ; quand on met de la gloire à dépenser follement et qu’on se raille des oeuvres de miséricorde ; quand les histrions s’enivrent des prodigalités des riches et, que les pauvres ont à peine le nécessaire ; quand des peuples impies blasphèment le Dieu qui, par les prédicateurs de sa doctrine, condamne ce mal public, et qu’on s’empresse autour des dieux en l’honneur de qui se donnent des représentations théâtrales qui déshonorent le corps et l’âme. C’est surtout en permettant ces choses, que Dieu laisse voir sa colère ; en les laissant impunies, il les punit plus terriblement. Au contraire, lorsqu’il détruit ce qui aide à soutenir les vices, et qu’il substitue la pauvreté aux richesses dangereuses, il frappe miséricordieusement. Il faudrait même, si c’était possible, que les gens de bien fissent miséricordieusement la guerre pour dompter de licencieuses cupidités et détruire des vices que, l’autorité publique devrait extirper ou réprimer. »[37]


1. Cf. l’article de NEUSCH Marcel (augustin de l’Assomption) Le défi de la guerre dans la pensée d’Augustin, publié sur www.assomption.org
2. Parmi les textes où la guerre est dénoncée on peut citer : Contra Faustum manicheum (398) ; Lettres à Marcellin (412) ; Lettres à Boniface (418) ; Lettres à Darius (429).
3. Lettre CXXXVIII à Marcellin.
4. Cf., par exemple, le Sermon CCCLVII prononcé en 411.
5. Jc 3, 18. 
6. Mt 5, 9.
7. De Civitate Dei XIX 28.
8. Lettre CLXXXIX à Boniface. Le comte Boniface, général de l’empire d’occident fut nommé gouverneur de l’Afrique en 422 (Mourre).
9. De Civitate Dei 3, 18.
10. La Cité de Dieu, XIX, 7 : « Mais (…) voici qu’une Cité faite pour l’empire, en imposant sa loi aux nations vaincues, leur a donné sa langue, de sorte que les interprètes, loin de manquer, sont en grande abondance. Cela est vrai ; mais combien de guerres gigantesques, de carnage et de sang humain a-t-il fallu pour en venir là ? Et encore, ne sommes-nous pas au bout de nos maux. Sans parler des ennemis extérieurs qui n’ont jamais manqué à l’empire romain et qui chaque jour le menacent encore, la vaste étendue de son territoire n’a-t-elle pas produit ces guerres mille fois plus dangereuses, guerres civiles, guerres sociales, fléaux du genre humain, dont la crainte seule est un grand mal ? ».
11. La Cité de Dieu, XII, 22-23.
12. La Cité de Dieu, XIV, 1.
13. La Cité de Dieu, XII, 23.
14. La Cité de Dieu, III, 14.
15. La Cité de Dieu, XIV, 28.
16. La Cité de Dieu, XIX, 11.
17. Voici une série de définitions qu’Augustin donne de la paix : « Ainsi la paix du corps réside dans le juste tempérament de ses parties, et celle de l’âme sensible dans le calme régulier de ses appétits satisfaits. La paix de, l’âme raisonnable, c’est en elle le parfait accord de la connaissance et de l’action ; et celle du corps et de l’âme, c’est la vie bien ordonnée et la santé de l’animal. La paix entre l’homme mortel et Dieu est une obéissance réglée par la foi et soumise à la loi éternelle ; celle des hommes entre eux, une concorde raisonnable. La paix d’une maison, c’est une juste correspondance entre ceux qui y commandent et ceux qui y obéissent. La paix d’une cité, c’est la même correspondance entre ses membres. La paix de la Cité céleste consiste dans une union très-réglée et très-parfaite pour jouir de Dieu, et du prochain en Dieu ; et celle de toutes choses, c’est un ordre tranquille. L’ordre est ce qui assigne aux choses différentes la place qui leur convient. » (La Cité de Dieu, XIX, 13, 1)
18. La Cité de Dieu, XIX, 11.
19. La Cité de Dieu, XIX, 12.
20. Lettre CLXXXIX à Boniface.
21. La Cité de Dieu, XIX, 7.
22. Lettre CXXXVIII à Marcellin. L’empereur Honorius (395-423) devant les divisions religieuses qui affaiblissent encore la région d’Afrique face aux menaces barbares et qu’il ne peut supporter pas en raison de sa volonté de défendre la foi catholique, ordonne, le 14 octobre 410, au tribun Flavius Marcellin de réunir à Carthage les évêques catholiques et les évêques donatistes pour en finir avec le schisme. Il nomme Flavius Marcellin juge et suprême ordonnateur de la conférence. Au terme de cette conférence qui se déroula en juin 411 et où brilla saint Augustin, Marcellin donna raison aux catholiques, interdit aux donatistes toute assemblée religieuse et ordonna que leurs églises reviennent aux catholiques. Marcellin payera plus tard de sa vie ce jugement.
   Le donatisme (du nom de son initiateur Donat) naît après la persécution de 303-305. Ses adeptes bannirent de l’Église ceux qui avaient livrés les livres des Écritures, les « traditeurs », à cause de la persécution. De plus, « ils furent amenés à proclamer que la validité des sacrements dépendait de la sainteté des ministres » (Lacoste)
23. Sermon CCCII, 15.
24. De civitate Dei, XIX, 13.
25. Ces critiques avaient été développées par Volusianus, proconsul d’Afrique qui se convertit à sa mort. Augustin reprend ses objections dans la Lettre CXXXVI ( 2) : « Car ne rendre à personne le mal pour le mal (Rm 12, 17) ; après avoir été frappé sur une joue, tendre l’autre ; donner son manteau à celui qui veut nous voler notre tunique ; si quelqu’un veut nous forcer à marcher avec lui, l’accompagner deux fois plus loin qu’il n’e l’exige (Mt 5, 39) ; toutes ces choses ordonnées par le précepte chrétien sont contraires aux moeurs d’une république. Qui se laisserait, en effet, enlever quelque chose par un ennemi ? Qui, selon les droits de la guerre, ne rendrait pas le mal pour le mal à celui qui ravagerait une province romaine […]  ? Beaucoup de maux sont arrivés à la république par des empereurs chrétiens qui oint voulu observer, en grande partie, les maximes de la religion chrétienne. » Avant la lettre, Volusianus oppose l’éthique de conviction du Sermon sur la Montagne à l’éthique de responsabilité qui anime l’homme politique. WEBER Max (1864-1920, cité par NEUSCH Marcel, Le christianisme est-il incompatible avec les mœurs d’une République ? sur www.assomption.org) à sa suite, opposera « l’éthique de l’indignité » à la « dignité virile » qui dit : « Résiste au mal, sinon tu auras une part de responsabilité s’il l’emporte. » Il explique : « S’il est dit, en conséquence de l’éthique d’amour acosmique : « Tu ne dois pas résister au mal par la violence », la proposition qui vaut pour l’homme politique est au contraire ; « Tu dois résister au mal par la violence, faute de quoi tu es responsable de sa propagation. » Et il ajoute : même s’il faut « s’accommoder de moyens douteux ou au moins dangereux du point de vue moral. » (Le savant et le politique, La découverte/Poche, 2003, pp. 98, 190 et 193). Nous allons voir que, pour Augustin, il n’y a pas à choisir entre l’une et l’autre éthique. Elles doivent au contraire se conjuguer.
26. Rm 12, 17.
27. Mt 10, 39-41.
28. SALLUSTE, Guerre de Catilina.
29. Pro Ligario.
30. Lettre CXXXVIII, 9-10.
31. Mt 5, 39.
32. Lc 6, 29.
33. Lc 6, 29.
34. Jn, 18, 23.
35. Lc, 23, 34.
36. Ac 23, 3, 5.
37. Lettre CXXXVIII, 11-14.

⁢b. qu’est-ce qu’une guerre juste ?

[1]

Pour affiner sa position, saint Augustin s’est bien sûr inspiré des textes de la Bible, des récits de guerre si nombreux dans l’Ancien Testament⁠[2] et de l’exigence de paix clairement affirmée dans les Béatitudes. Il s’est servi aussi, comme nous l’avons déjà vu, de la pensée païenne quand elle se réfère à la loi naturelle.

Saint Augustin cite notamment des extraits perdus du troisième livre du traité de la République de Cicéron où l’auteur « soutient qu’une sage république n’entreprend jamais de guerre, hormis pour le devoir et le salut » et déclare que « toutes les guerres entreprises sans motif sont injustes »[3]. « Cicéron, écrit-il encore, s’applique à réfuter cette opinion que l’injustice est nécessaire au gouvernement de l’État. Bien au contraire, conclut-il, la République ne fleurit et ne prospère que par la justice. Les actes de l’État n’échappent pas à la loi morale, ils doivent respecter toujours la loi naturelle[4]. Pour être permise, la guerre doit être juste. »[5]

Les idées de Cicéron, nous les retrouvons développées dans le De officiis[6] où il présente les « règles morales à observer même envers ceux qui nous ont fait du tort » car « il y a une mesure à garder dans la vengeance et le châtiment et je ne sais s’il ne suffit pas d’amener le coupable à regretter l’injustice qu’il a commise de telle façon qu’il n’y retombe pas et que les autres y soient moins enclins. Quand il s’agit des affaires de l’État, il faut observer très rigoureusement les lois de la guerre. » Pourquoi cette retenue ? Comment justifie-t-il cet appel à la modération ? « Il y a en effet, explique-t-il, deux façons de lutter : on défend sa cause par la parole ou l’on use de la force ; l’un de ces moyens est propre à l’homme, l’autre aux bêtes et l’on y a recours quand on ne peut employer le premier. C’est donc pour vivre en paix sans injustice qu’il faut entreprendre une guerre. » La guerre « pour l’empire et pour la gloire »[7] doit avoir de « justes motifs ». Elle n’a donc comme cause légitime qu’une injustice subie et, comme but, la paix mais pas n’importe quelle paix à n’importe quel prix : « on doit toujours avoir en vue une paix qui n’expose aucun des adversaires à tomber dans un piège ».

Cicéron insiste sur le respect de l’adversaire. Tout d’abord, « une guerre ne peut être juste si elle n’a pas été précédée d’une réclamation en forme ou d’une dénonciation et d’une déclaration. » Cicéron ensuite se réjouit qu’on ait perdu l’usage de désigner l’ennemi par un vocabulaire trop rude : « on a donné le nom de « hostis » à celui qui précédemment s’appelait « perduellis », comme pour atténuer par une désignation plus humaine ce que la condition d’ennemi a d’affreux. Ce mot de « hostis » en effet s’appliquait au temps de nos ancêtres à ceux que nous appelons « étrangers ». (…) Quel adoucissement ajouter à celui dont témoigne le fait de donner pareille appellation à ceux qui sont nos adversaires dans une guerre ? Il est vrai que par l’usage ce mot a acquis un sens plus fort : il a cessé de s’appliquer à l’étranger et s’emploie pour désigner celui qui porte les armes contre la cité. »[8] Enfin une fois « la victoire acquise, on doit laisser vivre les adversaires qui, pendant la durée des hostilités, n’ont pas montré de cruauté, pas offensé l’humanité. »[9] « Il faut penser aussi au salut de ceux qu’on a vaincus, recevoir en grâce tous ceux qui s’en remettent à la loyauté du général victorieux, même si le bélier a battu les murs de leur cité. Cette forme de la justice a été en si grand honneur parmi nos ancêtres que des cités, des nations vaincues sont devenues les clientes de leurs propres vainqueurs. Et les lois de la guerre ont trouvé dans le code fécial[10]une consécration religieuse. » De plus, « si, en raison de circonstances particulières, quelqu’un a fait à l’ennemi une promesse, il doit la tenir loyalement »[11]

Telle est la sagesse des Anciens. Reste à la confronter aux enseignements des Écritures où l’Ancien Testament regorge de récits guerriers alors que le Nouveau peut paraître pacifiste.

« On définit ordinairement les guerres justes, écrit-il, celles qui ont pour objet de venger des injures, soit que la ville ou la nation qu’on attaque, ait négligé de réparer les injustices commises par les siens, soit qu’elle n’ait pas rendu ce qui a été pris injustement. Il est évident qu’on doit aussi considérer comme une guerre juste, celle que Dieu commande : car il n’y a pas d’iniquité en lui, et il sait ce qu’il convient de faire à chacun (Rm 9, 14). (…) Dans une guerre de ce genre, le chef de l’armée et le peuple lui-même sont moins les acteurs de la guerre que les exécuteurs des desseins de Dieu »[12]

Cette réflexion justifie-t-elle les guerres de religion ? On peut répondre non puisqu’il nous demande de considérer « aussi les temps du Nouveau Testament, lorsqu’il a fallu non plus seulement garder au cœur la douceur de la charité, mais la mettre en lumière, lorsque le glaive de Pierre a été remis au fourreau par le commandement du Christ, afin de montrer qu’il ne fallait pas tirer l’épée pour le Christ lui-même »[13]. Dieu, en effet, après avoir élu un peuple inséré dans les réalités de son temps, « élit » toute l’humanité.

Mais n’y a-t-il pas contradiction ou du moins exception quand on lit cette remarque qu’Augustin fonde sur Lc 14, 15-24⁠[14] : « Si nous voulons nous en tenir à la vérité, nous reconnaîtrons que la persécution injuste est celle des impies contre l’Église du Christ, et que la persécution juste est celle de l’Église du Christ contre les impies. Elle est donc bienheureuse de souffrir persécution pour la justice, et ceux-ci sont misérables de souffrir persécution pour l’iniquité. L’Église persécute par amour et les impies par cruauté. »[15]

Ce passage isolé du contexte historique et de l’ensemble de la lettre dont il est extrait peut être utilisé dangereusement⁠[16]. Il vaut donc la peine de s’y arrêter.

Notons tout d’abord qu’Augustin ne réclama jamais la coercition du pouvoir contre les Juifs dont il respectait la liberté de culte, ni contre les païens même s’il approuvait les lois interdisant le culte des idoles, ni contre les manichéens avec lesquels il débattait⁠[17].

Cette coercition, il s’y résout face à la crise donatiste⁠[18]. Devant les excès des donatistes, « leurs insultes », « leurs agressions », « leurs brigandages »[19], « quelle doit être la conduite de la charité ? » se demande Augustin, « que doit donc faire l’amour fraternel ? ». Au départ, explique Augustin, « nous pensions que, malgré la rage de ce parti, il ne fallait pas demander aux empereurs la destruction de l’hérésie en prononçant des peines contre les adhérents. (…) Plusieurs de mes frères et moi-même pensions que, malgré la rage de ce parti, il ne fallait pas demander aux empereurs la destruction de l’hérésie en prononçant des peines contre les adhérents ; il nous semblait qu’il suffisait de protéger contre ses violences ceux qui annonceraient la foi catholique par des discours ou des lectures. Nous étions d’avis que cela pouvait se faire à l’aide de la loi de Théodose, de très pieuse mémoire, contre tous les hérétiques ; cette loi condamne tout évêque ou clerc non catholique, en quelque lieu qu’on le trouve, à une amende de dix livres d’or ; nous désirions qu’on l’appliquât plus expressément aux donatistes qui prétendaient n’être pas hérétiques ; et toutefois nous ne voulions pas les soumettre tous à cette peine ; seulement dans chaque pays où l’Église catholique aurait eu à souffrir de la part de leurs clercs, de leurs circoncellions ou de leurs peuples, les évêques ou d’autres ministres de ce parti, sur la plainte des catholiques, auraient été condamnés par les magistrats au paiement de l’amende. Cette menace les aurait empêchés de rien entreprendre ; il nous paraissait qu’on pourrait ainsi prêcher et pratiquer librement la vérité catholique ; chacun aurait été libre de la suivre sans obéir à aucun sentiment de crainte et nous n’aurions pas eu des catholiques faux et simulés. » Malgré des frères « avancés en âge » qui pensaient autrement parce qu’ils avaient constaté l’efficacité des anciennes lois impériales « qui forçaient à rentrer dans l’unité », le concile de Carthage du 26 juin 404 se rallia à la thèse défendue par Augustin.⁠[20]

Il le confirme dans une autre lettre : « …mon premier sentiment était de ne contraindre personne à l’unité du christianisme, mais d’agir par la parole, de combattre par la discussion, de vaincre par la raison, de peur de changer en catholiques dissimulés ceux qu’auparavant nous savions être ouvertement hérétiques. Ce ne sont pas des paroles de contradiction, mais des exemples de démonstration qui ont triomphé de cette première opinion que j’avais. On m’opposait d’abord ma propre ville qui appartenait tout entière au parti de Donat, et s’est convertie à l’unité catholique par la crainte des lois impériales ; nous la voyons aujourd’hui détester si fortement votre funeste opiniâtreté qu’on croirait qu’il n’y en a jamais eu dans son sein. Il en a été ainsi de beaucoup d’autres villes dont on me citait les noms, et je reconnais qu’ici encore pouvaient fort bien s’appliquer ces paroles : « Donnez au sage l’occasion et il se fera plus sage » (Pr 9, 9). Combien en effet, nous en avons les preuves certaines, frappés depuis longtemps de la vérité, voulaient être catholiques, et différaient de jour en jour parce qu’ils redoutaient les violences de ceux de leur parti ! »[21] Les faits donc lui montrent que sa politique de dialogue ne porte pas les fruits escomptés. Le climat d’insécurité croissant, l’urgence de rétablir l’unité de l’empire menacé poussent Augustin à recourir à la coercition. Son attitude pleine de mansuétude se heurte à des « beaucoup d’âmes perverses et froides ». De plus, quelques évêques « qui avaient eu beaucoup à souffrir (…) et avaient même été expulsés de leurs sièges », avaient déposé « des plaintes graves ». Enfin, l’évêque de Bagaïe, Maximien, qui avait eu à souffrir, comme d’autres⁠[22], d’ « horribles violences » et avait été laissé pour mort après une agression, demanda du secours à l’empereur « moins pour venger sa cause que pour défendre l’Église confiée à ses soins. S’il n’eût pas fait cela, il n’eût pas mérité des éloges pour sa patience, mais il eût mérité le blâme pour sa négligence. »[23] Dès lors, et à l’instar des Paul qui avait invoqué les lois romaines et demandé le secours du païen César, « un religieux et pieux empereur, ayant pris connaissance de tant d’actes détestables, a mieux aimé attaquer une erreur impie par des lois et ramener à l’unité catholique par la crainte et la force ceux qui portaient contre le Christ l’étendard du Christ, que de se borner à réprimer des violences et de laisser à chacun la liberté d’errer et de périr. »[24]

Reste à Augustin la tâche de justifier théologiquement ce recours à la force.

Pour lui, la persécution exercée par l’Église n’est pas de même nature que celle à laquelle se livrent les donatistes. En effet, l’Église « veut ramener, les autres veulent détruire ; elle veut tirer de l’erreur, et les autres y précipitent. L’Église poursuit ses ennemis et ne les lâche pas jusqu’à ce que le mensonge périsse en eux et que la vérité triomphe ; quant aux donatistes, ils rendent le mal pour le bien ; pendant que nous travaillons à leur procurer le salut éternel, ils s’efforcent de nous ôter le salut même temporel ; ils ont un si grand goût pour les homicides, qu’ils se tuent eux-mêmes lorsqu’ils ne peuvent tuer les autres[25]. Tandis que la charité de l’Église met tout en œuvre pour les délivrer de cette perdition afin que nul d’entre eux ne périsse, leur fureur cherche à nous tuer pour assouvir leur passion de meurtre, ou à se tuer eux-mêmes, de peur de paraître se dessaisir du droit qu’ils s’arrogent de tuer les hommes. »[26]

L’Église « souhaite ardemment que tous vivent, mais elle travaille encore plus pour empêcher que tous ne périssent ». « Il vaut mieux (qui en doute ?) amener par l’instruction les hommes au culte de Dieu que de les y pousser par la crainte de la punition ou par la douleur ; mais parce qu’il y a des hommes plus accessibles à la vérité, il ne faut pas négliger ceux qui ne sont pas tels. (…) ; les meilleurs sont ceux qu’on mène avec le sentiment, mais c’est la crainte qui corrige le plus grand nombre. » Augustin trouve à cette idée quelque soutien dans le livre des Proverbes[27] mais aussi dans la vie de Paul « renversé par terre » : « le Christ le force, puis l’instruit, il le frappe, et puis le console ». Pour Augustin, « il faut admirer comment celui qu’une punition corporelle a contraint d’entrer dans l’Évangile a fait plus pour l’Évangile que tous ceux qui ont été appelés par la parole seule du Sauveur[28] : celui qu’une crainte plus grande pousse vers la charité met dehors toute crainte pour la perfection même de cette charité. » Ainsi, « plusieurs, comme de mauvais serviteurs et en quelque sorte de méchants fugitifs, sont ramenés à leur Seigneur par le fouet des douleurs temporelles. (…) Pourquoi l’Église ne forcerait-elle pas au retour les enfants qu’elle a perdus, puisque ces enfants perdus forcent les autres à périr ? Si, au moyen de lois terribles, mais salutaires, elle retrouve ceux qui n’ont été que séduits, cette pieuse mère leur réserve de plus doux embrassements et se réjouit de ceux-ci beaucoup plus que de ceux qu’elle n’avait jamais perdus. Le devoir du pasteur n’est-il pas de ramener à la bergerie du maître, non seulement les brebis violemment arrachées, mais même celles que des mains douces et caressantes ont enlevées au troupeau, et, si elles viennent à résister, ne doit-il pas employer les coups et même les douleurs ? » Augustin cite 2 Cor 10, 6 : « …nous nous tenons prêts à punir toute désobéissance dès que votre obéissance sera totale. » A la lumière de cette citation, il explique Lc 14, 16-24 : « …si par la puissance qu’elle a reçue de la faveur divine et au temps voulu, au moyen de la piété et de la foi des rois, l’Église force d’entrer ceux que l’on rencontre le long des chemins et des haies, c’est-à-dire dans les hérésies et les schismes, ceux-ci ne doivent pas se plaindre d’être contraints, mais ils doivent faire attention à quoi on les contraint. Le festin du Seigneur c’est l’unité du corps du Christ, non seulement dans le sacrement de l’autel, mais encore dans le lien de la paix. Nous pouvons assurément dire des donatistes en toute vérité qu’ils ne forcent personne au bien, car lorsqu’ils forcent c’est toujours au mal. (…)  Quiconque pense qu’en de telles extrémités l’Église aurait dû tout souffrir plutôt que de demander le secours de Dieu par les empereurs chrétiens, réfléchit peu à l’impossibilité de donner de bonnes raisons pour justifier une semblable négligence. Ceux qui ne veulent pas que des lois justes soient établies contre leurs impiétés, nous disent que les apôtres ne demandèrent rien de pareil aux rois de la terre ; ils ne font pas attention que c’était alors un autre temps que celui où nous sommes, et que tout vient en son temps. » Les rois de l’Ancien Testament lui inspirent cette conviction⁠[29] : « Comment donc les rois servent-ils le Seigneur avec crainte, si ce n’est en empêchant ou en punissant, par une sévérité religieuse, ce qui se fait contre les commandements du Seigneur ? On ne sert pas Dieu de la même manière comme homme, et de la même manière comme roi ; comme homme, on sert Dieu par une vie fidèle ; mais comme roi, on le sert en faisant des lois, avec une vigueur convenable, pour ordonner ce qui est juste et empêcher ce qui ne l’est pas. »[30]

La contrainte des lois peut entraîner des conversions simulées. Mais Augustin est optimiste car, nous dit-il, « un grand nombre (…) à force d’entendre prêcher la vérité (…) revinrent sincèrement. »[31]

Envisage-t-il la contrainte jusqu’à la peine capitale ? Théoriquement, elle est envisageable : « Qui de nous veut qu’un seul d’entre eux périsse ou même qu’il perde quoi que ce soit ? Mais si la maison de David ne put pas avoir la paix sans la mort d’Absalon qui avait déclaré la guerre à son père, malgré tout le soin du roi à ordonner qu’on lui rendît, autant que possible, vivant et sauf ce fils à qui son paternel amour réservait le pardon, que fit David ? Il ne lui resta plus qu’à pleurer le fils qu’il avait perdu, et à chercher le rétablissement de la paix de son royaume une consolation à sa douleur. »[32] Et donc « si l’Église en retrouve un grand nombre en en perdant quelques-uns, et ce n’est pas dans une guerre qu’elle les perd, comme David perdit Absalon, c’est d’une mort volontaire que ceux-ci périssent, elle adoucit ou guérit la douleur de son cœur maternel, par la pensée que tant de peuples sont délivrés. »[33] Néanmoins, il écrivit à Marcellin : « Quelle que soit l’énormité des crimes avoués par les coupables, épargnez-leur la peine de mort ; je vous le demande, pour le repos de notre conscience, et pour mieux montrer aux hommes la mansuétude catholique. L’avantage que nous tirons de l’aveu des criminels est de procurer à l’Église catholique l’occasion de signaler sa douceur envers ses plus grands ennemis (…) Si quelques-uns des nôtres, indignés de l’atrocité de leurs crimes, vous accusent de relâchement et de négligence, une fois cette indignation, qui est la suite ordinaire des faits récents, apaisée, on reconnaîtra toute l’étendue de votre bonté. »[34]

En tout cas, le pardon est toujours offert aux repentis : « qu’ils détestent donc leur erreur passée avec une aussi amère douleur que Pierre détesta son lâche mensonge, et qu’ils reviennent à la véritable Église du Christ, c’est-à-dire à l’Église catholique leur mère ; qu’ils y soient clercs, qu’ils y soient de bons évêques, ceux qui auparavant s’étaient si cruellement armés contre elle. Nous n’en sommes point jaloux, mais plutôt nous les embrassons, nous les souhaitons, nous les exhortons, et ceux que nous trouvons le long des chemins et des haies, nous les forçons d’entrer, quoiqu’il s’en rencontre parmi eux à qui nous ne puissions pas persuader que ce n’est pas leurs biens que nous cherchons, mais eux-mêmes. (…) qu’ils viennent ; que la paix se fasse dans la forteresse de Jérusalem, c’est-à-dire dans la charité (…) »⁠[35]. L’amour, en effet, doit toujours l’emporter. Le chrétien ne peut être tout entier à la colère, à la sévérité, à la punition : « Le cœur ne doit (…) jamais oublier ces préceptes de patience, et la bienveillance doit être toujours entière dans la volonté, pour empêcher qu’on ne rende le mal pour le mal. Toutefois il arrive souvent qu’il faut employer contre les résistances une certaine sévérité qui a son principe dans le désir du bien ; on consulte alors non pas la volonté, mais l’intérêt de ceux qu’on punit : cette conduite a été fort bien louée dans un chef de république par les auteurs païens. Quelque rude que soit la correction infligée à un fils, l’amour paternel est toujours là. C’est en faisant ce qu’il ne veut pas et ce qui est une souffrance, qu’on cherche à le guérir par la douleur. Ainsi donc, si les sociétés politiques gardaient ces préceptes chrétiens, les guerres elles-mêmes ne se feraient pas sans une certaine bonté, et les vaincus seraient plus aisément ramenés à la paix sociale qui repose sur la piété et la justice. (…) Il faudrait même, si c’était possible, que les gens de bien fissent miséricordieusement la guerre pour dompter de licencieuses cupidités et détruire des vices que l’autorité publique devrait extirper ou réprimer. »[36]

Après cette importante mise au point, revenons à la question de la guerre proprement dite.

Les conditions de la guerre juste

Si le souci de l’unité, de la charité et du salut des âmes pousse, en dernier ressort, Augustin à faire appel au bras séculier contre les donatistes, il va de même, tout en reconnaissant l’horreur de la guerre, l’admettre mais à certaines conditions. En rassemblant une série de prises de position éparses dans son œuvre, Gratien⁠[37] puis saint Thomas esquisseront ce qu’on appellera plus tard le jus ad bellum et le jus in bello.⁠[38]

Quelles sont ces prises de position ?

Il faut un motif légitime pour faire la guerre. Elle ne peut être entreprise que pour combattre une injustice avérée : « Mais, dira-t-on, le sage n’entreprendra que des guerres justes. Eh ! n’est-ce pas cette nécessité même de prendre les armes pour la justice qui doit combler le sage d’affliction, si du moins il se souvient qu’il est homme ? Car enfin, il ne peut faire une guerre juste que pour punir l’injustice de ses adversaires, et cette injustice des hommes, même sans le cortège de la guerre, voilà ce qu’un homme ne peut pas ne pas déplorer. Certes, quiconque considérera des maux si grands et si cruels tombera d’accord qu’il y a là une étrange misère. Et s’il se rencontre un homme pour subir ces calamités ou seulement pour les envisager sans douleur, il est d’autant plus misérable de se croire heureux, qu’il ne se croit tel pour avoir perdu tout sentiment humain. »[39]

« Il ne peut faire une guerre juste que pour punir l’injustice de ses adversaires, et cette injustice des hommes, même sans le cortège de la guerre, voilà ce qu’un homme ne peut pas ne pas déplorer. »[40]

Rappelons-nous la définition que saint Augustin nous a donnée plus haut de la guerre juste : elle a pour objet « de venger des injures, soit que la ville ou la nation qu’on attaque, ait négligé de réparer les injustices commises par les siens, soit qu’elle n’ait pas rendu ce qui a été pris injustement.[41] Une « injure » (injuria) est une violation du droit ; « venger une injure » (vindicare), c’est punir une injustice. La guerre juste est donc une guerre qui est conforme à la justice, au droit et, par extension, à l’équité.⁠[42] Il n’y a pas de paix sans justice : « Supprimée dès lors la justice, que sont les royaumes sinon de vastes brigandages ? Car les brigandages eux-mêmes que sont-ils sinon de petits royaumes »[43] L’établissement de la justice éloigne le spectre de la guerre aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur et la puissance de l’État ne trouve sa justification qu’au service de la justice : « Non que la puissance soit à fuir comme un mal : mais il faut respecter l’ordre en vertu duquel la justice est première. »[44] L’État a besoin de la force pour se maintenir⁠[45] et garantir la justice : « Là où il n’y a pas de justice, il n’y a pas d’État »[46] Ainsi, au comte Boniface il conseille de ne pas « quitter la profession des armes », pour assurer le salut de l’État⁠[47].

La guerre doit être décrétée par une autorité légitime, le prince ou Dieu lui-même :

« Il importe assurément de voir pour quelle raison et par ordre de qui la guerre est entreprise ; cependant l’ordre naturel exige, dans l’intérêt de la paix du genre humain, que le pouvoir de la commander appartienne au prince, et que le devoir de la faire, pour la paix et le bien général, incombe au soldat (Contra Faust. XXII, 75). Nul ne doit se contenter de dire : Dieu sait que je ne voulais pas qu’on fît cela. Ne pas y avoir pris part, n’y avoir pas consenti : voilà bien deux choses ; mais ce n’est pas encore assez. Il ne suffisait point de ne pas consentir, il fallait encore s’opposer. Il ya pour les méchants des juges, il y a des pouvoirs établis. « Ce n’est pas s ans raison, dit l’Apôtre, que le pouvoir porte le glaive ; car il est le ministre de Dieu dans sa colère : mais contre celui qui fait le mal. Le ministre de la colère divine contre le mal. Si donc tu fais le mal, poursuit-il, crains. Ce n’est pas sans raison qu’il porte le glaive. »[48]

« Ce qui intéresse dans les guerres qui sont entreprises, ce sont les causes qui les font entreprendre et ceux qui en sont les auteurs. Cependant l’ordre naturel, qui veut la paix entre les hommes, demande que le pouvoir de déclarer la guerre et de conduire la guerre appartienne au prince, tandis que les militaires ont, pour obligation, d’exécuter les ordres de guerre qui leur sont donnés dans l’intérêt de la paix et du salut de tous. Quant à la guerre qu’on n’entreprend de faire que sur ordre de Dieu, nul ne saurait douter qu’il soit juste de l’entreprendre, soit pour effrayer, soit pour anéantir, soit pour subjuguer l’orgueil des hommes. »[49] Est juste la guerre « que Dieu commande : car il n’y a pas d’iniquité en lui, et il sait ce qu’il convient de faire à chacun (Rm 9, 14). (…) Dans une guerre de ce genre, le chef de l’armée et le peuple lui-même sont moins les acteurs de la guerre que les exécuteurs des desseins de Dieu »[50]

« On ne s’étonnera point des guerres faites par Moïse, on n’en aura point horreur, attendu qu’en cela, il n’a fait que suivre les ordres mêmes de Dieu. Il n’a point cédé à la cruauté, mais à l’obéissance. Quant à Dieu, en donnant de tels ordres, il ne se montrait point cruel, il ne faisait que traiter ces hommes et les effrayer comme ils le méritaient. En effet, que trouve-t-on à blâmer dans la guerre ? Est-ce parce qu’on y tue des hommes qui doivent mourir un jour, pour en soumettre qui doivent encore vivre en paix ? Faire à la guerre de semblables reproches serait le propre d’hommes pusillanimes, non point d’hommes religieux. »[51]

Il est important de ne pas se substituer à ces autorités légitimes : « Nous vous recommandons, nous vous prions, au nom du Seigneur et de sa mansuétude, de vivre avec douceur, de vivre en paix. Laissez les autorités accomplir tranquillement les devoirs dont elles rendront compte à Dieu et à leurs supérieurs. »[52] Dans une guerre demandée par Dieu, les chefs et les soldats ne sont pas les auteurs mais les exécuteurs du dessein de Dieu. L’erreur serait de faire de sa volonté un dessein de Dieu.

On peut aussi penser que la guerre entreprise par une autorité légitime pour réparer une injustice sera un dernier recours puisqu’il vaut mieux, écrit Augustin, « tuer la guerre par la parole plutôt que les hommes par le glaive »[53], c’est-à-dire d’abord négocier.

S’esquisse aussi ce qu’on appellera le jus in bello. En effet, dans la guerre, le souci de la justice, du bien, et surtout de la paix doit subsister :

« Ce qu’on blâme avec raison dans la guerre, c’est le désir de faire du mal, la cruauté dans la vengeance, une âme implacable, ennemie de la paix, la fureur des représailles, la passion de domination et tous autres sentiments semblables. »[54] « Un juste engagé comme soldat sous un roi, même sacrilège, a droit de demander à combattre par son commandement, en respectant l’ordre et la paix chez les citoyens, quand il est assuré que ce qu’on exige de lui n’est point contre la loi de Dieu, ou du moins quand il n’est pas sûr du contraire, en sorte que l’injustice de l’ordre rende peut-être le roi coupable, pendant que l’obéissance excuse le soldat. »[55]

Tout n’est pas permis. Il faut demeurer en toute circonstance fidèle à sa foi et continuer à chercher la paix : « Songez avant tout, quand vous êtes armé pour marcher au combat, que votre force corporelle est aussi un don de Dieu, et cette pensée vous empêchera de tourner un don de Dieu contre Dieu même. La foi promise doit être gardée même envers un ennemi contre lequel on est en guerre ; combien plus doit-elle l’être à l’égard d’un ami en faveur duquel on combat. Nous devons vouloir la paix, et ne faire la guerre que par nécessité, afin que Dieu nous délivre de cette nécessité et nous conserve dans la paix. On ne cherche pas la paix pour exciter la guerre, mais on fait la guerre pour avoir la paix. Aimez donc la paix même en combattant, afin de ramener par la victoire au bonheur de la paix ceux que vous combattez ».⁠[56]

Dans une autre lettre au Comte Darius il écrit : « Ils sont grands, et grands d’une gloire qui leur est propre, les guerriers qui se distinguent par leur courage et ce qui est beau encore, par leur fidélité à leurs devoirs sous l’aile et la protection du Seigneur, triomphent par leurs fatigues et leur valeur dans les dangers des ennemis de la patrie et rendent le calme et la paix aux provinces de la République. Mais ce qui est plus précieux encore, c’est de tuer la guerre par la parole plutôt que les hommes par le glaive, et de gagner ou d’obtenir la paix par la paix elle-même plutôt que par la guerre. Ceux qui livrent des combats veulent sans doute la paix s’ils sont des gens de bien, mais ils n’y arrivent qu’en répandant le sang. Vous au contraire, vous êtes envoyés pour empêcher que le sang de personne ne coule. Aux autres cette triste nécessité ; à vous cette joie et ce bonheur. »[57]

Le chrétien ne peut ressembler au méchant : « Tu le condamnes et tu fais comme lui ? Tu veux par le mal triompher du mal ? Triompher de la méchanceté par la méchanceté ? Il y aura alors deux méchancetés qu’il faudra vaincre l’une et l’autre. »[58] Et un peu plus loin, il évoque l’exemple de Paul en disant « Mais il a fait attention : il a médité, pesé, adapté, châtié son langage. Remarquez bien ces mots : « Fais le bien, et par elle [la puissance] tu seras glorifié » ; soit qu’elle te loue elle-même, si elle est bonne ; soit que, si elle est injuste et que tu meures pour la foi, pour la justice, pour la vérité, elle travaille à ta gloire par ses cruautés mêmes, non pas en te louant, mais en te donnant l’occasion de mériter des louanges. Ainsi donc fais le bien, et tu en jouiras avec sécurité. »[59]

Son intention doit être droite. Est injuste la guerre que l’on fait par orgueil ou soif de pouvoir ou esprit de possession : « Quand elle est entreprise par l’ordre de Dieu même, on ne peut sans crime douter qu’elle soit juste, et quand son but soit ou d’effrayer, ou d’écraser ou de subjuguer l’orgueil humain[60]. « Faire la guerre à ses voisins, attaquer des peuples dont on n’a reçu aucune offense et seulement pour satisfaire son ambition, qu’est-ce autre chose que du brigandage en grand ?[61] La guerre juste doit procurer un bien ou éviter un mal. Le but n’est pas la victoire mais la paix dans la justice « On doit vouloir la paix et ne faire la guerre que par nécessité, pour que Dieu vous délivre de la nécessité de tirer l’épée et vous conserve dans la paix. On ne cherche pas la paix pour exciter la guerre, mais on fait la guerre pour obtenir la paix. Restez donc amis de la paix, même en combattant, afin que la victoire vous serve à ramener l’ennemi aux avantages de la paix. »[62] La réparation du dommage ne suffit donc pas à l’intention droite, encore faut-il vouloir la paix.

Augustin a donc bien inscrit ces réflexions sur la guerre « juste » dans une théologie de la paix.

Augustin n’oppose pas l’amour chrétien et l’emploi de la force. Il n’oppose pas, comme nous disions, l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. Il y a un usage illégitime et un usage légitime de la force. On pourrait, dans le premier cas, parler de violence et dans le second cas de force, de correction, de châtiment qui se présente comme « une forme de miséricorde »[63]. Si personnellement, je peux sous la menace, choisir de laisser « l’épée au fourreau », il se peut aussi que je doive me défendre pour protéger le bien commun ou dans l’intérêt de l’agresseur « car celui que l’on prive du pouvoir de mal faire subit une défaite profitable. Rien n’est plus malheureux en effet que l’heureux succès des pécheurs, car l’impunité qui est leur peine s’en trouve nourrie, et leur mauvaise volonté, qui est leur ennemi intérieur, s’en trouve fortifiée. »[64] Dans quelque situation, toute méchanceté (malitia) doit être bannie, toute action doit se faire en vue du bien et de la paix.

Il nous reste à évaluer l’influence de la pensée d’Augustin et le sort qui lui sera réservé dans le temps par les théologiens et le Magistère de l’Église.

En gros, après Augustin, on reconnaîtra la légitimité du service militaire et de la guerre à certaines conditions. C’est le cas chez saint Maxime de Turin (+ 465) et saint Grégoire le Grand (+604). Une peine canonique est prévue pour ceux qui ont versé le sang jusqu’au milieu du XIe siècle mais Augustin va s’imposer en Occident et au XIIe siècle, Gratien va synthétiser son enseignement dans son traité de science canonique : Decreta concordia discordantium canonum.⁠[65]


1. MINOIS G., L’Église et la guerre, Fayard 1994, p. 71-72 : « C’est par un abus de langage que l’on parle de la théorie de la guerre juste chez Saint Augustin. En effet, le contexte dans lequel il se situe est plutôt celui de la guerre sainte : il s’agit des luttes entre l’Empire romain assimilé à la chrétienté, et le monde barbare, assimilé au paganisme ou à l’hérésie. Ce sont en fait des combats pour Dieu, formes de guerre légitimes par excellence : pour quel meilleur motif pourrait-on se battre ? Ce n’est qu’une fois ce type de guerre admis que l’on pourra chercher si d’autres justifications sont possibles. Mais cela ne viendra que plus tard. Chez Saint Augustin, le terme de guerre juste sous-tend en réalité la guerre sainte. (…) Les perspectives changent complètement. Certes la guerre apparaît plus que jamais comme une nécessité, mais une nécessité monstrueuse et non plus triomphante. La guerre, c’est d’abord un cortège de maux innombrables. (…) Il ne faut donc se lancer dans la guerre qu’en dernière extrémité, lorsque toutes les autres possibilités de rétablir la paix sont épuisées. »
2. La distinction entre guerre juste et guerre injuste est sans doute sommaire et tributaire des mœurs du temps, mais elle existe. Les guerres justes sont les guerres du Seigneur, guerres qu’il suscite pour la survie de son peuple ou des guerres déclarées par les chefs du peuple pour punir l’injure, le crime ou l’insulte ou encore pour défendre les alliés. Est injuste, par définition, la guerre menée pour une cause injuste, par orgueil, par volonté de puissance. La guerre juste est gagnée, la guerre injuste est perdue. De plus, les Hébreux sont tenus de respecter la loi mosaïque, de déclarer la guerre avant de la mener et de proposer la paix en demandant la soumission avant d’attaquer (Dt 20, 10). Enfin, toute une série d’exactions, de « crimes de guerre » sont interdits : rapts et rapines (Ex 20, 15 et 17 ; Dt 5, 19 et 21 ; Am 3, 10) et, dans le livre d’Amos, Yahvé s’emporte contre des crimes commis par les nations voisines d’Israël et par Israël lui-même.
3. Ces citations sont reprises sur http://remacle.org/bloodwolf/orateurs/republique3.htm. Elles reprennent des extraits du troisième livre de la République qui ne nous sont parvenus que par le biais d’autres auteurs comme Augustin ou Isidore de Séville (560/570-636). Le manuscrit du Vatican que nous avons est, en effet, très mutilé. Isidore de Séville, comme on le sait, utilise dans ses Etymologies les auteurs latins. Il utilise Cicéron (De Republica III, XXXV) pour définir la guerre juste : « Sont injustes les guerres qu’on entreprend sans une juste cause. Donc, à l’exception de celles qu’on déclare pour venger une injure ou repousser un envahisseur, il n’existe aucune guerre que l’on considère juste. (…) On ne peut considérer juste aucune guerre si elle n’a été annoncée, déclarée et qu’elle n’ait comme motifs des faits répétés. » (traduit de l’espagnol d’après Etimologias, Edicion bilingüe preparada por José Oroz Reta, , Biblioteca de autores cristianos, 1982, II, p. 383)  
4. Cicéron écrit : « Il est une loi véritable, la droite raison, conforme à la nature, universelle, immuable, éternelle, dont les ordres invitent au devoir, dont les prohibitions éloignent du mal. Soit qu’elle commande, soit qu’elle défende, ses paroles ne sont ni vaines auprès des bons, ni puissantes sur les méchants. Cette loi ne saurait être contredite par une autre, ni rapportée en quelque partie, ni abrogée tout entière. Ni le sénat, ni le peuple, ne peuvent nous délier de l’obéissance à cette loi. Elle n’a pas besoin d’un nouvel interprète, ou d’un organe nouveau. Elle ne sera pas autre, dans Rome, autre, dans Athènes ; elle ne sera pas demain autre qu’aujourd’hui : mais, dans toutes les nations et dans tous les temps, cette loi régnera toujours, une, éternelle, impérissable ; et le guide commun, le roi de toutes les créatures, Dieu même donne la naissance, la sanction et la publicité à cette loi, que l’homme ne peut méconnaître, sans se fuir lui-même, sans renier sa nature, et par cela seul, sans subir les plus dures expiations, eût-il évité d’ailleurs tout ce qu’on appelle supplice. »  (République, livre III, XVII).
5. St Augustin cité par S. Bonnefoi sur le site indiqué plus haut.
6. De Officiis, I, XI-XIII.
7. Il n’empêche que Cicéron envisage aussi des « guerres où il s’agit d’assurer son prestige » mais celles-ci « doivent, écrit-il, être conduites avec moins de rudesse que les autres. »
8. Si « hostis » en latin classique désigne bien « l’ennemi », « perduellis » désigne un « ennemi acharné », « perduellio » signifie « crime de haute trahison », « attentat ».
9. Il ajoute : « C’est ainsi qu’en ont usé nos ancêtres : ils ont même admis dans la cité les Tusculans, les Èques, les Volsques, les Sabins, les Herniques, mais ont entièrement rasé Carthage et Numance. Je voudrais qu’ils n’en eussent pas fait autant à Corinthe, mais ils ont eu, je crois, quelque motif particulier de détruire cette ville : ils craignaient que sa situation naturellement trop forte n’incitât quelque jour les habitants à recommencer la guerre. »
10. Le nom « fécial » (fecialis) est « donné à des prêtres de Jupiter italique, institués à Rome, suivant la tradition, par Numa ou par Ancus Martius, qui jouaient un grand rôle dans les rapports internationaux et dans la conclusion des traités de paix. C’étaient eux qui, dans les querelles que Rome avait avec ses voisins, étaient d’abord envoyés pour demander satisfaction, et puis, en cas de refus, déclaraient la guerre. Lorsqu’il s’agit de déclarer la guerre à Philippe et à Antiochus, on consulta les féciaux pour savoir s’il fallait la leur dénoncer à eux-mêmes en personne, ou s’il suffirait de le faire à la première place de leur obéissance ». [Rollin Charles (1661-1741), Histoire ancienne]. On utilise aussi le mot fécial comme adjectif : le droit fécial.
11. Cicéron cite plusieurs exemples de justes comportements durant les guerres : « C’est ainsi que, dans la première guerre punique, Regulus, prisonnier des Carthaginois, envoyé à Rome pour traiter de l’échange des captifs, émit d’abord au sénat l’avis qu’il ne fallait pas consentir à l’échange, puis, malgré ses proches et ses amis qui voulaient le retenir, aima mieux retourner à Carthage pour y subir un supplice que manquer à la foi jurée à l’ennemi. Dans la deuxième guerre punique, après la bataille de Cannes, Hannibal envoya à Rome pour traiter du rachat des captifs dix prisonniers qui avaient prêté serment de revenir s’ils échouaient et les censeurs les retinrent tous en prison leur vie entière, sans excepter celui d’entre eux qui avait usé d’un moyen malhonnête pour se délier de son serment : sorti du camp avec la permission d’Hannibal, il y était rentré un instant après, disant qu’il avait oublié quelque chose. En étant ressorti ensuite il pensait n’être plus tenu par son serment ; au sens littéral il ne l’était plus, en réalité il l’était encore, car c’est la signification, non les mots d’une formule qu’il faut toujours avoir dans l’esprit. » Et même les ennemis peuvent respecter un code de bonne conduite. Ainsi Pyrrhus, roi d’Epire, en guerre contre Rome au IIIe siècle avant J.-C., tint-il un « langage royal » en rendant les prisonniers : « Ce n’est pas de l’or que je réclame et vous n’aurez pas à me payer rançon ! Nous ne sommes pas, vous et moi, des trafiqueurs de la guerre, mais des guerriers ; dans la lutte vitale que nous soutenons, c’est le fer et non l’or qui doit décider. À qui le destin, notre maître, donnera-t-il de régner ? Que le meilleur emporte le prix de cette épreuve. Et toi, Fabricius, écoute ce que je vais te dire : que ceux de vos valeureux guerriers qu’aura épargnés la fortune des combats en soient certains : je ne leur ravirai pas la liberté. Bien plutôt, les dieux le voulant, la recevront-ils en présent de moi. » Les Romains ne furent pas en reste : « Nos ancêtres ont donné un très bel exemple de justice envers l’ennemi quand un transfuge de l’armée de Pyrrhus promit au sénat qu’il donnerait du poison au roi et le ferait périr. Le sénat et C. Fabricius envoyèrent le transfuge à Pyrrhus : ils se refusaient à sanctionner un attentat criminel contre la vie d’un roi puissant qui leur faisait la guerre. »
12. Questions sur l’Heptateuque, Livre VI, Questions sur Josué, X (Jos 8, 2).
13. Cf. sa méditation sur Mt 26,52 dans sa Lettre XCIII à Vincent, 8 (en 408).
14. « Le maître dit alors au serviteur : « Va-t’en par les routes et les jardins, et force les gens à entrer, afin que ma maison soit remplie. Car je vous le dis, aucun de ceux qui avaient été invités ne goûtera de mon dîner. »
15. Lettre CLXXXV (415 ?) adressée au comte Boniface.
16. Hans Küng écrit notamment : « L’évêque Augustin, qui savait parler de manière si convaincante de l’amour de Dieu et des hommes, va servir de caution au long des siècles, en raison de son argumentation fatale dans la crise donatiste. Caution de quoi ? De la justification théologique des conversions forcées, de l’Inquisition et de la guerre sainte contre les déviationnistes de tout genre. » (Cité, sans références, par NEUSCH Marcel, in Le combat pour l’unité, Augustin face aux Donatistes, Itinéraires augustiniens, sur www.assomption.org).
17. Cf. NEUSCH Marcel, op. cit..
18. Lors des grandes persécutions, notamment celle de Dioclétien en 303, « on exigea des chrétiens qu’ils sacrifient aux dieux de l’Empire et qu’ils livrent les Écritures ». Ceux qui avaient tenu bon dénoncèrent les « traditores » (du verbe tradere), ceux qui avaient remis les livres saints. Ils devaient faire pénitence avant d’être rebaptisés. Donat, évêque de Carthage de 313 à 353, fut la figure de proue d’une nouvelle église de « purs » qui fut relativement tolérée par le pouvoir impérial jusqu’à ce que Théodose fasse du catholicisme une religion d’État par l’édit de Thessalonique en 380. Pour refaire l’unité, le combat d’Augustin fut d’abord théologique. Il lui fallait rappeler que la vraie église est universelle, ouverte et non pas un camp retranché réservé aux gens intègres. Les donatistes oubliaient aussi que la validité d’un sacrement comme le baptême ne dépend pas « de la qualité morale du ministre mais de l’action salvifique du Christ » (Cf. sa théorie du baptême dans le Commentaire sur l’Évangile de saint Jean VI, 7). Enfin, Augustin souligne que la rupture d’unité met en péril le salut. (Cf. NEUSCH Marcel, Le combat pour l’unité, Augustin face aux donatistes, Itinéraires augustiniens, www.assomption.org). Outre la lettre CLXXXV que nous allons longuement citer, on peut aussi lire les Lettres LXXXIX à Festus catholique qui avait des fermiers et des paysans donatistes (402), LXXXVIII à Janvier évêque donatiste de Cases-Noires (Numidie) et primat de son parti (406), XCIII à Vincent (408), CXXXIV à Apringius (412), CXXXIX à Boniface (415) ou encore Contre les lettres de Pétilianus
19. Aux donatistes s’allièrent les « circoncellions », ouvriers agricoles journaliers en révolte contre Rome et les propriétaires. Ils constituèrent l’aile violente du donatisme. On les appelait circoncellions car ils « rôdaient autour des granges » (circum cellas) et « des chapelles » (cellae).
20. Lettre CLXXXV.
21. Lettre XCIII, en 408.
22. Parmi les évêques et les clercs, « quelques-uns ont eu les yeux crevés ; un évêque a eu les mains et la langue coupées ; plusieurs même ont été massacrés ». Augustin évoque aussi des « meurtres commis avec des raffinements de cruautés, [des] maisons pillées dans des attaques de nuit, [des] habitations particulières incendiées et aussi [des] églises livrées aux flammes », des livres saints jetés au feu.
23. Lettre CLXXXV.
24. Id..
25. Le texte décrit comment les donatistes cherchent la mort allant même jusqu’à menacer de mort ceux qui ne les tuent pas. Cette pratique est clairement démoniaque pour Augustin évoquant la tentation de Jésus en Luc 4, 9 ou encore, d’après Marc 5, 13, le troupeau de porcs qui se précipite dans la mer.
26. Lettre CLXXXV.
27. Pr 13, 24 ; 23, 14 ; 29, 19.
28. 1 Cor 15, 10.
29. Augustin cite Ps 2 ; 2 R 18, 4 ; 2 R 23, 4-5 ; Jon 3, 6-9 ; Dn 4 et 6. Augustin note qu’ « au temps des apôtres, les rois ne servaient pas le Seigneur, mais au contraire, selon les prophéties, méditaient des choses vaines contre le Seigneur et contre son Christ… ».
30. Lettre CLXXXV. Nous savons que l’Ancien Testament ne connaît pas le principe de la distinction des pouvoirs qui émergera lentement à travers les siècles ni celui de la liberté religieuse telle qu’il sera défini au concile Vatican II. Il n’empêche que selon Dignitatis humanae, le pouvoir politique doit défendre l’ « ordre public juste » ( § 2, 3, 4), l’ « ordre moral objectif » (§7). Ne peut-on en percevoir l’annonce dans l’évocation des « commandements du Seigneur » si ceux-ci sont bien une expression du droit naturel ?
31. Id..
32. Cf. 2 S 18 et 19.
33. Lettre CLXXXV.
34. Lettre CXXXIX.
35. Lettre CLXXXV.
36. Lettre CXXXVIII à Marcellin.
37. Mort vers 1179. Ce moine bénédictin composa un recueil de décisions papales appelé « Décret de Gratien » qui eut une influence considérable sur le droit ecclésiastique médiéval et constitua plus tard la première partie du Code de droit canonique jusqu’à sa révision en 1917(Mourre).
38. Ces expressions apparaîtront à l’époque de la Société des nations. Tout au plus peut-on en trouver l’annonce dans les Prolégomènes (§ 28) du De iure belli ac pacis (1625) de Grotius lorsqu’il se dit « pleinement convaincu, par les considérations avancées, qu’il y a un droit commun entre les nations, valable autant pour procéder à la guerre que dans la guerre. » (Cf. l’article très documenté de KOLB Robert, Sur l’origine du couple terminologique ius ad bellum/ius in bello, in Revue internationale de la Croix Rouge, 31-10-1997, n° 827, pp. 593-602).
39. La Cité de Dieu, XIX, 7.
40. Id..
41. Questions sur l’Heptateuque, Livre VI, Questions sur Josué, X (Jos 8, 2).
42. GUYON Gérard D., Les prémisses françaises d’un droit international public, in Cuadernos de Historia del Derecho, 2005, 12, p. 32.
43. La Cité de Dieu, IV, 4 .
44. De Trinitate, XIII, 13, 17.
45. La Cité de Dieu, XXII, 2.
46. La Cité de Dieu, XIX, 21.
47. Lettre CCXX, 12
48. Sermon CCCII, 11.
49. Contra Faustum, XXII, 75.
50. Questions sur l’Heptateuque, Livre VI, Questions sur Josué, X (Jos 8, 2).
51. Contre Fauste, XXII, 74.
52. Sermon CCCII, 21.
53. Lettre CCXXIX, 2.
54. Contre Fauste, XXII, 74. 
55. Contre Fauste, XXII, 75.
56. Lettre CLXXXIX, 6 au Comte Boniface.
57. Lettre CCXXIX.
58. Sermon CCCII, 10.
59. Id., CCCII, 12.
60. Contre Fauste, XXI, 75. L’Ancien testament nous présente plusieurs exemples de ces guerriers : 1 R 20, 3 ; 2 R 14, 8 ;  2 Ch 25, 20-23.
61. La Cité de Dieu, IV, 6.
62. Lettre CLXXXIX à Boniface, 6.
63. Religions et violences, Sources et interactions, Symposium sous la direction de Anand Nayak, Editions Universitaires, Fribourg, Suisse, 2000, p. 196.
64. Lettre CXXXVII, 2.
65. Ce Décret servit de base au Corpus juris cononici de 1582, qui sera en vigueur jusqu’au Code de droit canonique de 1917.