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iii. Lectures chrétiennes

Les exégètes protestants et catholiques se sont aussi penchés sur ces textes de l’Ancienne Alliance qui heurtent bien des lecteurs et qui inspirent parfois des discours intégristes. Bien conscients que ces textes sont nés dans des circonstances historiques précises et appartiennent à divers genres littéraires, ils se sont attelés à montrer qu’ils ne peuvent être utilisés tels quels sans être décryptés et rendus compréhensibles pour leurs contemporains.

Nous suivrons tout d’abord les réflexions de quelques spécialistes protestants ou proches du protestantisme qui se sont particulièrement attachés à pénétrer le sens des épisodes les plus choquants pour notre sensibilité.⁠[1]

A l’instar de Marcion, bien des réformés émirent les plus nettes réserves vis-à-vis de l’Ancien testament. Si, dans sa jeunesse, Luther avait pris le parti de l’humaniste judaïsant Johannes Reuchlin⁠[2] et affirmé une solidarité fondamentale entre les Juifs et les chrétiens, après 1530, il changea d’attitude et plaidera pour l’expulsion des Juifs. Cette hostilité grandissante fut surtout causée par le fait que de plus en plus de contemporains, protestants compris, étaient séduits par l’exégèse rabbinique⁠[3] et valorisaient le peuple juif et l’autorité de l’Ancien Testament. Luther réagit parfois avec grossièreté et violence⁠[4] contre ce qu’il estimait une menace de judaïsation du christianisme⁠[5]. Dans son Commentaire de la Genèse[6], il s’en prend à l’exégèse rabbinique et aux exégètes chrétiens médiévaux qui s’appuyaient sur cette exégèse⁠[7]. Il n’empêche que Luther ne rejette pas l’Ancien testament, au contraire, il estime que « ce qui est ancien est plus proche de l’origine »[8] et il essaie de fonder le dogme trinitaire comme le dogme christologique sur certains passages vétérotestamentaires et de montrer que l’Ancien Testament prophétisait la venue et la mort du Christ.⁠[9] A sa suite, la Bible protestante choisit le canon juif de Yamnia⁠[10] et renvoya les livres deutérocanoniques de la Septante, au mieux, en appendice⁠[11]. A sa suite, tous les courants protestants s’emparèrent de l’Ancien Testament parfois pour le rejeter⁠[12], parfois pour le récupérer totalement c’est-à-dire pour s’identifier à l’Israël biblique⁠[13], parfois aussi, heureusement, pour étudier sérieusement ce texte inspiré comme Calvin le fit tout au long de sa vie.⁠[14] Et il ne fut pas le seul.⁠[15]

Aujourd’hui, en général, la théologie protestante a renoncé aux positions extrêmes mais Thomas Römer regrette que nos contemporains rejettent « certains énoncés que l’Ancien Testament fait sur son Dieu ». Pour lui, ce rejet « semble être lié à une lecture indifférenciée et intemporelle de l’Ancien Testament, lecture qui ne tient pas compte des circonstances historiques et culturelles des témoignages vétérotestamentaires. »[16] On voit notamment que même l’idée de Dieu a évolué. Le monothéisme ne s’impose pas d’emblée dans l’histoire d’Israël reflétée dans la Bible. Yhwh est présenté comme un Dieu tribal parmi d’autres⁠[17], puis comme un Dieu national dont le Roi est le vicaire, un Dieu qui protège et aide surtout en cas de guerre mais qui coexiste avec d’autres dieux⁠[18]. Ces dieux vont menacer le Dieu national, Baal ⁠[19] puis Assur, le dieu assyrien. Le prophète Osée va présenter la menace assyrienne comme la sanction d’un Israël infidèle à Yhwh, seul Dieu. Mais c’est l’exil à Babylone qui sera le moment décisif car cette catastrophe, selon le livre du Deutéronome, « est arrivée parce que le peuple n’a pas été capable de vénérer uniquement le Dieu d’Israël. »[20] Yhwh a puni son peuple mais s’il affirme ainsi sa supériorité c’est à la manière des dieux assyriens et babyloniens, c’est-à-dire d’un dieu guerrier. Dans le milieu sacerdotal, une autre image de Dieu se développe, celle d’un Dieu universel cette fois qui veut le bien de tous les hommes, tel qu’on le voit dans le livre de la Genèse. Toutefois, ce Dieu qui libère Israël du joug égyptien est encore un Dieu qui combat contre les dieux de l’Égypte⁠[21]. N’empêche que le monothéisme va s’affirmer clairement dans le deutéro-Esaïe, les autres dieux ne sont que des idoles, du « bois à brûler »[22]. La Bible donc garde la trace d’une expérience religieuse qui n’est pas uniforme. Yhwh est le Dieu d’Israël et le Dieu de toute l’humanité, un Dieu mâle et dur mais aussi miséricordieux et fidèle, époux et amant⁠[23], un Dieu père⁠[24] qui ne manque pas de traits féminins⁠[25]. Il faut donc éviter d’enfermer Dieu dans une représentation retreinte. Dieu le rappelle lui-même : « Je suis Dieu, et non pas un être humain »[26] et, pour cela, « Tu ne feras pas d’image… ». Mais quand les hommes inspirés parlent de Dieu, ils ne peuvent le faire qu’à travers des images toujours plus ou moins inadéquates puisque Dieu est « incomparable »[27]

Ceci dit, nous pouvons aborder, avec l’aide de Th. Römer, les passages dérangeants de l’Écriture.


1. Nous nous pencherons sur l’analyse de RÖMER Thomas, Dieu obscur, Le sexe, la cruauté et la violence dans l’Ancien testament, Labor et Fides, 1998 ainsi que sur sa conférence Dieu est-il violent ? La violence dans la Bible, 7-12-2002 (cf. www.erf-auteuil.org/conferences). Nous nous référerons aussi à Marguerat. Th. Römer est doyen de la Faculté de Théologie et de Sciences des religions de l’Université de Lausanne.
2. Johannes Reuchlin (1455-1522) connaissait l’hébreu et l’araméen, il avait lu la Kabbale et d’autres ouvrages fondamentaux du judaïsme, dans le texte et s’était prononcé contre la destruction des livres juifs que certains réclamaient (notamment Johannes Pfefferkorn boucher juif converti au catholicisme). Il dédia son De arte cabalistica (1517) au pape Léon X. Cet ouvrage eut la faveur du cardinal Gilles de Viterbe . Ordonné prêtre il prit parti contre la réforme de l’Église de Luther.
3. « Déjà dans son Commentaire sur les petits prophètes (1524-1526), il avait formulé une série de critiques souvent véhémentes contre « les fables, les rêveries, les absurdités » des exégètes juifs. Il leur reprochait de faire violence au texte. Il rejetait leur manière d’appliquer les promesses de l’Ancien testament au règne terrestre des Juifs. ? Il rangeait le Talmud dans le même sac que les décrétales papistes et le Coran. Il s’agissait d’écrits sataniques. Dans les écrits des années 40, la discussion portera tout particulièrement sur les dogmes christologiques et trinitaires et leur fondement dans l’Ancien testament. » (LIENHARD Marc, Martin Luther, Un temps, une vie, un message, Labor et fides, 1991, p.268. Marc Lienhard est Doyen honoraire de la faculté de théologie protestante de l’Université Marc-Bloch de Strasbourg et ancien Président du Directoire de l’Église protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine.
4. « Il invite les autorités à expulser les Juifs (…) ou à restreindre leurs droits, détruire les synagogues, les livres de prière et le Talmud, à interdire le culte public et l’enseignement des rabbins. » (LIENHARD Marc, op. cit., p. 271). Les mesures proposées étaient tellement inhumaines qu’en 1546, la victoire de Charles-Quint sur les États protestants de la Ligue de Smalkalde fut saluée par les Juifs : « De manière miraculeuse, il a vaincu et sauvé (ainsi) la nation d’Israël de la puissance de cette foi nouvelle que le moine Luther avait érigée, lui qui est impur. Il cherchait à détruire tous les Juifs. » (Josel de Rosheim (1480-1554), cité in LIENHARD Marc, op. cit., p. 272). Cet anti-judaïsme persista. Ainsi, Nicolas Antoine (1602-1632) fut brûlé à Genève pour judaïsme. Ce théologien protestant en était arrivé à la conclusion que seul l’Ancien Testament contenait la vérité. (Cf. SAUTER Georges, Genève 1632, Nicolas Antoine condamné à mort pour s’être converti au judaïsme : un crime de « lèse-majesté divine » pour les pasteurs de l’époque, Causerie à l’Union protestante libérale de Genève, 17-9-1990, sur www.anti-scientologie.ch)
5. Il y eut effectivement des excès dans ce sens : « influencés par l’exégèse rabbinique, certains adeptes du mouvement évangélique se mirent à prêcher que les Juifs avaient, en tant que Juifs, un rôle particulier à jouer dans le nouveau Royaume dont la venue était imminente. (…) Autour de 1530 se manifestèrent les premiers antitrinitaires dont le médecin Michel Servet. En 1534, c’était la catastrophe de Münster où des exaltés, se réclamant aussi bien de l’Ancien Testament que de visions particulières avaient tenté de dresser une théocratie sanglante, éliminant les non-croyants et réintroduisant certaines pratiques vétéro-testamentaires telles que la polygamie. En Silésie, un groupe d’anabaptistes autour d’Oswald Glait avait évolué, en 1528 déjà, vers l’observation du sabbat qui remplaçait le dimanche. En Bohême et en Moravie, certains en étaient venus à pratiquer la circoncision. » (LIENHARD Marc, op. cit., p. 269).
6. Ecrit à partir de 1535. Luther s’en prend aussi aux Juifs et au judaïsme dans d’autres ouvrages : Contre les observateurs du sabbat, 1538, Des Juifs et de leurs mensonges, Du nom Hamphoras et de la lignée du Christ, Des dernières paroles de David, 1542-1543.
7. C’est le cas du franciscain Nicolas de Lyre (1270-1349) qui, dans ses commentaires sur la Bible, s’appuie sur ceux de Schelomo Rashi (+1105) qui est encore aujourd’hui une des références majeures de l’exégèse juive. (cf. www.institut-rachi-troyes.fr/). N. de Lyre fait un peu exception car peu de théologiens, à l’époque, connaissaient le grec et l’hébreu malgré le souhait du concile de Vienne (1311) de voir se créer dans toutes les universités d’Europe des chaires de langues orientales.
8. STERNBERGER Jean-Pierre, Le patrimoine commun : la Torah, les Psaumes, les Prophètes, sur www.prostestants.org/ , site de la fédération protestante de France.
9. Ce que l’on trouve déjà chez Justin le Martyr dans son Dialogue avec le Juif Tryphon.
10. Le synode de Yamnia (ou Yavné, au sud de l’actuelle Tel Aviv) eut lieu vers l‘an 90 de notre ère.
11. Pour justifier leur choix, les théologiens protestants se réfèrent à saint Jérôme qui, au IVe siècle, avait étudié l’hébreu et considérait qu’il devait y avoir 22 livres dans la Bible comme il y avait 22 lettres en hébreu (cf. STERNBERGER J.-P., op . cit..)
12. Th. Römer cite, pour s’en tenir à l’époque moderne, Johann Salomo Semler qui, vers 1774, déclare qu’« en règle générale, les chrétiens n’ont pas accès à la connaissance de Dieu par les livres de l’Ancien testament mais seulement par la doctrine parfaite du Christ et ses apôtres. » (Institutio ad doctrinam Christianam liberaliter discendam, §79, cité in RÖMER Th., Dieu obscur, p. 10) ; ou encore Adolf von Harnack qui affirme que « rejeter l’Ancien Testament au IIe siècle fut une erreur que la grande Église à juste titre ne commit pas. Le maintenir au XVIe siècle fut un destin auquel la Réforme ne put encore se soustraire. Mais le conserver au XIXe siècle comme document canonique au sein du protestantisme est la conséquence d’une paralysie religieuse et ecclésiastique. » (Marcion, Das Evangelium vom fremden Gott, 1924, p. X, 217, in id.). Cette position se répandit largement en Allemagne et, dans les années trente, servit l’idéologie nazie comme en témoigne le livre de FRITZSCH Th., Der falsche Gott, Beweismaterial gegen Jahwe [Le faux Dieu, Argumentaire contre Yahvé], 10e édition en 1933). Sans aller jusque là, des exégètes comme Paul Volz (Das Dämonische in Jahwe (1924) ou, plus près de nous, Franz Buggle (1992) montrent que devant la « sombre colère » d’un Dieu qui n’est pas tenu aux lois morales, le sacrifice « exprime la terreur des hommes ». (SCHENKER Adrian, La douceur et le sacré, Les sacrifices de la Bible comme expression de la douceur divine, in NAYAK Adrian, op. cit., pp. 219-220) . Même le grand exégète Rudolf Bultmann (1884-1976), dans certains écrits, considère l’Ancien Testament, dit Th. Römer, comme « une sorte de symbole décrivant la relation aliénée entre Dieu et l’homme » (RÖMER Th., op. cit., p. 11).
13. Souvenons-nous des colons puritains débarquant sur la « terre promise » d’Amérique ou des camisards cévenols qui combattaient sous l’autorité des « prophètes » Abraham Mazel (1677-1710), Gédéon Laporte (+1702) ou Moïse Bonnet (+1702). (cf. STERNBERGER J.-P., op. cit.).
14. Alors que les anabaptistes et les « antinomistes » (adversaires de la loi) estimaient que le temps de la Loi était passé, Calvin (1509-1564) s’employa à montrer que Loi et Évangile n’étaient pas antithétiques. Dans L’institution de la religion chrétienne (dans l’édition de 1539) un chapitre s’intitule « De la similitude de l’Ancien et du Nouveau Testament ». Il écrivit des commentaires sur les 5 livres du Pentateuque, Josué, les Psaumes et Esaïe, des leçons sur Jérémie et les Lamentations, les vingt premiers chapitres d’Ezéchiel, Daniel et les douze petits prophètes. S’ajoutent à cela des sermons sur de nombreux livres ou chapitres de la Bible. (Cf. CRETE Liliane, Calvin exégète de l’Ancien Testament, sur le site de l’Église réformée d’Auteuil (www.erf-auteuril.org ; TOLLET Daniel (sous la direction de), Les Églises et le Talmud : ce que les chrétiens savaient du judaïsme (XVIe-XIXe siècles), PUPS, 2006, pp. 46-55 ; KAENNEL Lucie, La réforme et les Juifs , in BENBASSA Esther, Gisel Pierre et alii, L’Europe et les Juifs, Labor et Fides, 2002, pp. 79-94).
15. Cf. notamment KELLER Bernard, Paul Fagius, hébraïsant, pasteur et pionnier (1504-1549), Almanach du KKL-Strasbourg, 2004 (http://judaisme.sdv.fr). B. Keller est professeur de Théologie protestante à l’Université de Strasbourg.
16. RÖMER Th., Dieu obscur. op. cit., p. 12.
17. Dt 32, 8.
18. Jr 2,28 ; Prologue du livre de Job 1 et 2.
19. 1 R 16, 32 ; 2 R 10, 18-27.
20. RÖMER Th., id., p. 21.
21. Ex 12, 12.
22. Is 44, 15.
23. Os 2, 15-17 ; Jr 2, 2 ; 3, 6-8 ; Ez 16.
24. Is 63, 7 ; 64, 7 ; 65, 5 ; Dt 14, 1.
25. Dt 32, 18 ; Ps 29, 9 ; 90, 2 ; Is 51, 2 ; Nb 11, 12 ; Is 40 ; 42, 14 ; 44, 2-24 ; 45, 10 ; 46, 3 ; 49, 15 ; 66, 13.
26. Os 11, 9.
27. Is 46, 5.

⁢a. Caïn

Elle nous offre tout d’abord, dans la Genèse qui est bien l’histoire des origines, une réflexion sur l’origine de la violence⁠[1] à travers le meurtre commis par Caïn⁠[2]. Le personnage central est Caïn qui expérimente, comme tout le monde, pourrait-on dire, l’injustice de la vie. Car le texte ne dit pas pourquoi Dieu n’a pas apprécié son sacrifice. Ce rejet entraîne sa frustration et sa colère de telle sorte que l’on peut dire, à la lumière de cette partie de l’histoire, que « le vrai péché consiste à laisser libre cours à la violence et à ne pas savoir gérer cette expérience de l’inégalité. » On peut ajouter qu’il est lié aussi « à l’incapacité de communiquer », de s’expliquer⁠[3]. Se basant sur l’hébreu, Römer estime qu’on peut interpréter « Suis-je le gardien de mon frère ? » comme « un appel à la nécessité d’avoir des règles (…) d’avoir des repères pour pouvoir gérer cette violence. » La Loi, en effet, n’est pas encore donnée et « le mot hébreu gardien vient d’une racine qui signifie  garder, mais aussi observer, souvent liée à l’observance de la loi. » Le problème se pose d’emblée à Caïn de savoir s’il est possible d’échapper à la « spirale de la violence ». Dans un premier temps Dieu semble s’y inscrire puis, « comme s’il se reprenait », Dieu « mit un signe sur Caïn pour que personne en le rencontrant ne le frappe »[4] . Ce qui nous révèle « que la vie humaine, même si c’est celle d’un meurtrier, reste sacrée et qu’aucun humain n’a le droit de prendre la vie d’un autre. » Qui plus est, Caïn s’installe à l’est d’Eden et y fonde une ville. L’orient est traditionnellement symbole de la vie et de la résurrection. Caïn a donc un avenir, un avenir de fondateur d’une civilisation « qui apparaît comme un moyen de gérer la violence humaine ». Œuvre du premier meurtrier, elle est danger et chance à la fois.⁠[5] La question de la violence n’est pas réglée pour autant puisque, dans la descendance de Caïn, Lamek rouvre la spirale de la violence. Néanmoins, on peut lire le chapitre 4 « comme le constat d’un échec du sacrifice ». Le verset 26 dit que c’est à ce moment qu’on commença à invoquer le nom de Seigneur. Il n’est plus question de sacrifices. Ceux-ci ont amené querelle et meurtre. Si donc, dans ce texte, Dieu semble être à l’origine de la violence décrite, il donne des pistes aux hommes pour y échapper.

Le problème du sacrifice va revenir d’une manière beaucoup plus aigüe. En effet, si l’on peut comprendre, malgré l’extrême violence du langage, que Dieu s’emporte devant certaines injustices⁠[6], il est plus difficile d’accepter qu’il réclame ou accepte un sacrifice d’enfant.

Si de nombreuses religions primitives offrent des sacrifices d’enfants⁠[7], le Deutéronome, lui, les condamne fermement⁠[8]. Dès lors, Dieu est-il en contradiction avec lui-même dans l’épisode de la « ligature » d’Isaac⁠[9] et dans celui de la fille de Jephté ?


1. Avant le premier meurtre, on peut considérer que « la violence entre dans la vie humaine suite à la transgression de l’ordre divin (ne pas manger de l’arbre) par le premier couple humain : la femme sera dominée par l’homme, contrairement à Gn1 où l’homme et la femme avaient été créés tous les deux à l’image de Dieu. De même Gn 3 se termine par l’annonce de l’hostilité entre le monde des animaux (symbolisé par le serpent) et le monde des humains. Comme la mort (« tu es poussière et à la poussière tu retourneras »), la violence fait désormais partie de la condition humaine. » (RÖMER, in Marguerat, pp. 42-43).
2. Gn 4. Nous suivrons ici le commentaire de RÖMER Th., in Marguerat, op. cit. . Cf. également Dieu obscur, op. cit., pp. 97-105 et Des meurtres et des guerres : le Dieu de la Bible hébraïque aime-t-il la violence ?, in Marguerat, pp. 35-57.
3. On constate, en effet, qu’au verset 8, « Caïn dit à Abel » n’est pas suivi d’un complément ou d’un discours.
4. Gn 4, 15.
5. Cette analyse recoupe celle que propose la psychothérapeute suisse Myriam Vaucher à partir de l’œuvre de Freud :  « Il n’y a de lien social et de civilisation qu’entre les fils de Caïn ou entre des frères parricides, qui surmontent la violence tapie en eux, et se soumettent à la Loi interdisant le meurtre et l’inceste. Les fondateurs de ville sont fratricides ! La civilisation advient sur fond de meurtre et de violence. » Mais, écrit-elle encore, « nous sommes des barbares superficiellement civilisés et n’avons d’autre moyen de lier la violence que de l’adresser à un autre, la transformant ainsi en un mouvement de haine qui donne naissance au moi et à l’autre et ouvre ainsi la voie à Eros. » (VAUCHER M., Vie, violence … La haine, voie de transformation de la violence, in Dieu est-il violent ?, op. cit., pp. 26 et 33).
6. Am 2, 13 ; Jr 5, 14.
7. 2 R 3, 26-27.
8. Dt 18, 9-13 : « Quand tu seras arrivé dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne, tu n’apprendras pas à agir à la manière abominable de ces nations-là : il ne se trouvera chez toi personne pour faire passer par le feu son fils ou sa fille (…). Car tout homme qui fait cela est une abomination pour le Seigneur, et c’est à cause de telles abominations que le Seigneur ton Dieu dépossède les nations devant toi. »
9. Cet épisode a profondément choqué E. Kant estimant qu’un commandement s’opposant à une loi morale universelle ne pouvait être divin. Pour lui, Abraham aurait dû répondre : « Je suis sûr que je ne dois pas tuer mon fils, mais je ne suis pas sûr que toi qui m’apparais en ce moment tu sois vraiment Dieu. » (Cité in RÖMER Th., Dieu obscur, op. cit., p. 55).

⁢b. Abraham et Isaac

L’auteur de l’épisode raconté en Gn 22 devait savoir que les pratiques barbares dénoncées fleurissaient encore en Israël malgré les interdits⁠[1]. Ce texte aurait une portée didactique⁠[2] et montrerait aux croyants que Dieu lui-même réprouve de tels gestes et leur substitue un sacrifice animal. Notons que le sacrifice demandé à Abraham est le seul sacrifice auquel le patriarche se prépare et, qui plus est, sur le mont Moriyya, c’est-à-dire, la montagne du temple de Jérusalem⁠[3], « seul lieu licite pour le culte sacrificiel »[4]. Notons aussi que ni Abraham ni Isaac ne manifestent d’émotion sous quelque forme que ce soit, ce qui, à mon sens, rend le récit irréaliste et accentue le caractère exemplaire.

Cette interprétation corrobore celle du rabbin Guigui mais Römer va plus loin et replaçant l’histoire dans le contexte de l’exil et du désespoir d’un peuple menacé de disparition ou du moins de la perte de son identité, il voit en Abraham « un paradigme pour la foi en Dieu malgré les apparences, contre le « bon sens ». »[5] En définitive, est mise en question, de nouveau, l’image que nous nous faisons de Dieu qui n’est pas tel que nous le souhaitons, à la mesure de nos désirs, à notre image.⁠[6]


1. d’après Römer, certains indices du texte nous montrent qu’il ne semble pas avoir été écrit avant le VIe siècle av. J.-C.. (id., p. 64).
2. Römer rappelle ce qui est écrit en Ez 20, 25 et 31 : « Je leur donnai moi-même des lois qui n’étaient pas bonnes et des coutumes qui ne font pas vivre. » Déclaration qui vise sans doute les sacrifices d’enfants.
3. 2 Ch 3, 1.
4. RÖMER Th., op. cit., p. 64.
5. RÖMER Th., id., p. 65.
6. Römer évoque, sans les citer, les penseurs juifs contemporains qui ont mis ce texte en rapport avec la Shoah.

⁢c. La fille de Jephté

L’histoire de Jephté⁠[1] est sensiblement différente malgré quelques ressemblances⁠[2] : elle finit mal puisque la fille de Jephté meurt et sans avoir connu d’homme. Mais la différence la plus importante vient du fait que ce n’est pas Dieu qui demande le sacrifice. C’est Jephté lui-même qui fait le vœu de sacrifier la première personne rencontrée sans savoir que ce serait sa propre fille qui se précipiterait pour l’accueillir. Pour Römer, l’analyse du texte montre que les versets 29 et 33 du chapitre 11 et les versets 1 et 2 du chapitre 12 « forment une unité narrative » où la fille de Jephté n’intervient pas. Les versets 30 et 34 à 39 du chapitre 11 ont été ajoutés après coup. Sans doute l’auteur a-t-il été influencé par l’Iphigénie d’Euripide (vers 410 av. J.-C.). Toujours est-il que ce texte où Dieu n’intervient pas, « réfléchit sur l’absence de Dieu dans le monde des hommes, mais aussi sur la responsabilité de l’homme y engageant Dieu. (…) Dieu qui peut nous paraître cruel, mais qui est surtout un Dieu qui se tait face aux aberrations des humains, et qui confronte les hommes avec leur propre cruauté. »[3]

Un autre exégète, Daniel Arnold⁠[4], nous propose de replacer le voeu de Jephté dans le contexte global du livre des Juges afin d’établir si nous nous trouvons devant le récit d’un sacrifice humain ou d’une consécration au service de Dieu⁠[5]. En effet, si certains exégètes estiment qu’il s’agit bien d’un holocauste, d’un « sacrifice entièrement brûlé » par un juge perverti par le paganisme⁠[6], d’autres font remarquer que l’esprit du Seigneur est sur Jephté⁠[7] et que celui-ci est cité par Paul parmi les gloires d’Israël⁠[8]. Pour ces exégètes, le vrai drame n’est pas la mort de la fille de Jephté mais sa virginité. Par ailleurs, le peuple, même dépravé, ne resterait pas indifférent face à un tel sacrifice puisqu’il réagit au crime de Guivéa⁠[9] ^. ^

D. Arnold penche pour cette dernière hypothèse. Le contexte du livre montre que le peuple est corrompu mais non ses juges malgré quelques écarts. Le contexte historique est aussi révélateur : si l’auteur ne reprend que douze juges pour une durée de trois siècles, c’est qu’ils sont représentatifs de tous les autres⁠[10]. Si l’on s’arrête aux « petits » juges, petits parce que l’auteur ne leur consacre que quelques versets, on constate, par la structure du texte que les regards sont focalisés sur Jephté et sur l’absence de descendance en ce qui le concerne⁠[11]. C’est aussi par la structure du texte que l’exégète établit la marginalité de Jephté responsable de trois tribus marginales par rapport aux promesses divines⁠[12]. Jephté, marginal, impur précise Arnold, par sa naissance (fils d’une prostituée) et par sa tribu, cherche à renouveler son alliance avec Dieu par une offrande dont il Lui laisse le choix mais en signe de vraie soumission, il s’agit de l’offrande d’une personne qui sera celle qu’il apprécie le plus. Consacrée à l’Eternel, elle sera offerte en « holocauste », dit le texte. Non en sacrifice, dit Arnold, mais en don total par le célibat⁠[13], en « offrande d’une agréable odeur qui monte vers Dieu ».⁠[14] Dans cette perspective, on peut se demander pourquoi Jephté ne s’offre pas lui-même ? Pour répondre à cette question, Arnold n’hésite pas à faire l’éloge de Jephté « sage et humble ». Si son « impureté » l’exclut d’un ministère spirituel⁠footnote:, il est « irréprochable sur le plan moral et spirituel », soumis au choix de Dieu, appuyant « de toutes ses forces le ministère spirituel d’une autre personne » et appliquant la loi divine, la mort, aux hommes d’Ephraïm pour leurs meurtres⁠[15]. C’est là sa mission d’ailleurs : libérer le peuple de Dieu de ses oppresseurs. Quant à dire que Dieu l’a puni en le privant d’une descendance qui est toujours signe de bénédiction dans l’Ancien Testament, ce qui mettrait en question tout ce qui précède, ce serait refuser le sens profond de ce passage. Alors que l’on voit monter à travers la descendance des juges, le désir de royauté temporelle, qui n’est en somme que le rejet de la royauté divine, Dieu, en privant Jephté de descendance, veut faire comprendre que « le Messie tant attendu ne pourra venir ni de sa maison, ni de sa région (…), que le salut dépend de l’alliance et non de la grandeur d’une maison. »[16]

Un autre auteur protestant rejoint l’analyse du Rabbin Guigui : « David Kimchi, un commentateur juif médiéval, aurait apparemment proposé la notion que Jephté aurait simplement imposé à sa fille une vie de chasteté. Sa théorie a été acceptée par plusieurs rédacteurs modernes qui refusent qu’un serviteur fidèle de Dieu ait pu tuer sa propre fille. Mais qu’est-ce que la Bible dit ? Le texte hébreu original du chapitre 11 des Juges indique en effet que Jephté a accompli son vœu et a sacrifié sa fille. Mais est-ce que Dieu aurait été heureux de l’accomplissement d’une telle action ou l’aurait-Il même demandée ? Non  ! La Parole de Dieu montre qu’Il hait les sacrifices humains. Jérémie 7 :31 déclare : « Ils ont bâti des hauts lieux à Topheth dans la vallée de Ben-Hinnom, pour brûler au feu leurs fils et leurs filles : Ce que je n’avais point ordonné, ce qui ne m’était point venu à la pensée ». Lisez également Jérémie 32 : 35. Dieu considère la pratique du sacrifice humain comme une abomination. Jephté ne pensait pas à sa fille lorsqu’il fit ce vœu. Nous lisons ses paroles dans Juges 11 : 31 : « quiconque sortira des portes de ma maison au-devant de moi… je l’offrirai en holocauste ». Dans ce temps, les maisons avaient communément des cours fermées où les animaux étaient gardés. Jephté a supposé à tort qu’il serait rencontré par un animal à son retour de la bataille. Jephté fit stupidement et hâtivement un vœu regrettable. Il exacerba sa faute en poursuivant ses intentions. Cela a dû grandement déplaire à Dieu. Toutefois, dans Hébreux 11 : 32, nous voyons que Jephté est inclus sur la liste des serviteurs fidèles de Dieu. Ceci nous amène à conclure qu’il a dû reconnaître son péché et s’est repenti, recevant ainsi le pardon de Dieu. »[17]

Autre texte souvent cité comme preuve de la cruauté de Dieu⁠[18] ou d’Israël⁠[19] et utilisé pour justifier la violence⁠[20] :


1. Jg 11.
2. Le père est obligé d’offrir en holocauste son enfant unique. Römer note aussi que dans les deux récits, « le verbe « voir » joue un rôle important » (id., p. 66).
3. RÖMER Th., id., pp. 68-69.
4. Daniel Arnold, maître en théologie du Western Conservative Baptist Seminary de Portland (USA), professeur à l’Institut biblique et missionnaire « Emmaüs » (St Légier, Suisse).
5. Cf. ARNOLD D., Jephté : L’étrange vœu d’un marginal, in Promesses, n° 105, juillet-septembre 1993 (texte disponible sur www.promesses.org).
6. Fils d’une prostituée païenne donc sans doute, Jephté a vécu à l’étranger entouré d’hommes de rien (Jg 11, 3). Dans sa guerre contre Ephraïm, 42.000 homme furent massacrés. Quant au peuple qui ne lui reproche rien, il serait aussi dépravé que Jephté.
7. Jg 11, 29
8. He 11, 32.
9. Jg 19 et 20.
10. Les chiffres sont significatifs : 12 juges nous renvoient aux douze tribus d’Israël. Ils règnent en tout septante ans, chiffre aussi symbolique.
11. Voici la structure relevée par Arnold : A1 Gédéon : 70fils (Jg 8, 29-32) ; B1 Tola : aucune précision sur la descendance (Jg 10, 1-2) ; C1 Yaïr : 30 fils (Jg 10, 3-5) ; D Jephté : privé de descendance (Jg 11, 29-40) ; C2 Ibtsâ n : 30 fils (Jg 12, 8-10) ; B2 Elôn : aucune précision sur sa descendance (Jg 12, 11-12) ; A2 Abdôn : 40 fils et 30 petits-fils (70 au total) (Jg 12, 13-15).
12. A1 La révolte du début (Jg 10, 6) ; B1 La colère de l’Eternel devant la trahison d’Israël (Jg 10, 7-16) ; C1 L’héritage laissé à Jephté (Jg 10, 17 et 11, 11) ; D Plaidoirie sur l’héritage d’Israël en Transjordanie (Jg 11, 12-28) ; C2 L’héritage laissé par Jephté (Jg 11, 29-40) ; B2 La colère de Jephté devant la trahison d’Ephraïm (Jg 12, 1-6) ; A2 La conclusion du règne (Jg 12, 7).
13. La virginité de la jeune fille est évoquée trois fois (Jg 11, 37, 38 et 39).
14. Arnold s’appuie sur l’étymologie (olâ –holocauste, vient de la racine alâ : monter) qui révèle que l’essence du sacrifice est dans la fumée et surtout l’odeur agréable qui montent vers Dieu (Lv 1, 9,13 et 17). Et il interprète le sacrifice comme Paul le fait en pensant au service de Dieu (Rm 12, 1 ; 2 Co 2, 14-16).
15. Ex 21, 12.
16. Arnold rapproche Jephté de Débora. Tous deux sont des juges inhabituels (une femme et un bâtard) qui exercent un ministère temporaire : « Débora essaie de se retirer dès que possible pour laisser la place à un homme » et « Jephté n’a pas de descendance et reçoit un règne limité à six ans ».
17. Sur le site protestant : www.thercg.org.
18. Le Seigneur voue, par exemple, Jéricho à l’interdit et le peuple sous la direction de Josué obéit : « Ils s’emparèrent de la ville. Ils vouèrent à l’interdit tout ce qui se trouvait dans la ville, aussi bien l’homme que la femme, le jeune homme que le vieillard, le taureau, le mouton et l’âne, les passant tous au tranchant de l’épée. » (Jos 6, 21). Et ce n’est pas par excès de zèle ou mauvaise interprétation que Josué détruit de fond en comble Jéricho, à l’exception de la « maison de Rahab ». En effet, devant Aï, le Seigneur dit à Josué : « Tu traiteras Aï et son roi comme tu as traité Jéricho et son roi ; cependant vous pourrez prendre pour vous comme butin ses dépouilles et son bétail. » (Jos 8, 2).
19. On se souvient de l’« affaire » Garaudy-abbé Pierre qui défraya la chronique entre 1995 et 1998. Roger Garaudy publie « Les mythes fondateurs de la politique israélienne », ( in La Vieille Taupe, n°2, 1995) qui le fait accuser de négationnisme. L’abbé Pierre qui, dit-on, n’a pas lu le livre, apporte son soutien à son ami Garaudy en publiant une lettre où on lit : « Tout a commencé, pour moi, dans le choc horrible qui m’a saisi lorsqu’après des années d’études théologiques, reprenant pour mon compte un peu d’études bibliques, j’ai découvert le livre de Josué. Déjà un trouble très grave m’avait saisi en voyant, peu avant, Moïse apportant des « Tables de la loi » qui enfin disaient : « Tu ne tueras pas, voyant le Veau d’or, ordonner le massacre de 3.000 gens de son peuple. Mais avec Josué je découvrais (certes contés des siècles après l’événement), comment se réalisa une véritable « Shoah » sur toute vie existant sur la « Terre promise ». » (Lettre du 15 avril 1996 à Roger Garaudy). R. Garaudy sera condamné en 1998 pour négationnisme et provocation à la haine raciale.
20. Th. Römer cite les colons américains, aux XVIIe et XVIIIe siècles, assimilant les peuplades autochtones aux Cananéens de même qu’en Afrique du Sud, le Deutéronome avait servi à justifier l’apartheid. (Cf. article Dieu est-il violent, 7-12-2002). Pour Römer (op. cit., p. 83), le livre de Josué est utilisé aussi « aujourd’hui par certains milieux juifs intégristes pour s’opposer au processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, et pour exiger l’expulsion de la population arabe. »

⁢d. Le livre de Josué

Ce livre n’est pas un livre historique relatant des événements qui se seraient passés au 12e siècle av. J.-C., mais plutôt une sorte de plagiat, datant des 8e et 7e siècles, des récits de guerre assyriens⁠[1]. L’Assyrie dominant alors tout le Proche-Orient, de l’Égypte à l’Iran, Israël « essaie de battre l’ennemi avec ses propres armes », utilisant « un langage qui imite le langage dominant, mais en le détournant de ses fins premières. »[2] A travers les noms de peuples difficilement identifiables, ce seraient les Assyriens qui seraient visés. Les peuples qui n’ont aucun droit sur Canaan représentent les Assyriens. Yhwh est un Dieu guerrier qui ressemble à Assur, le dieu guerrier assyrien⁠[3] mais qui, en définitive, « est plus fort que toutes les divinités tutélaires de l’Assyrie ».⁠[4] On peut aussi considérer que ce texte, écrit sous le règne de Josias qui bénéficiait d’un affaiblissement de l’empire assyrien, légitime théologiquement les conquêtes de ce roi. Par ailleurs, ce livre a été l’objet de nombreux remaniements qui, après la destruction de Jérusalem, en 587, par les Babyloniens, relativisent le discours guerrier⁠[5]. Römer en cite deux exemples. Au chapitre 1, à partir du verset 6, Josué apparaît comme serviteur de la Loi et non plus comme chef militaire. Par ailleurs, tout le chapitre 2, quant à lui, interrompt le récit qui, du chapitre 1 au chapitre 3 révèle une continuité, introduisant le personnage de Rahab, Cananéenne, ennemie donc et prostituée qui protège les espions de Josué et professe sa foi au Dieu d’Israël. Dès lors, « toute l’occupation du pays apparaît en quelque sorte comme l’œuvre de Rahab, comme résultant de son attitude ».

Il n’y a pas que le livre de Josué qui soit marqué par l’influence idéologique et stylistique assyrienne. C’est vrai aussi pour toute la littérature historique, du Deutéronome au second livre des Rois. Un texte comme le début du chapitre 7 du Deutéronome (Dt 7, 1-6) a pu mal inspirer des chrétiens fondamentalistes au cours des siècles mais, à l’époque de sa rédaction (Ve siècle ?), il n’a pas inspiré de « purification ethnique » mais par crainte de voir le peuple d’Israël détourné de la vénération exclusive du vrai Dieu, il développe une vision « ségrégationniste » qui doit être relativisée aussi par la présence de textes « universalistes » comme la Genèse[6] ou le livre des Chroniques[7].


1. Cf. FINKELSTEIN Israël et ASHER SILBERMAN Neil, La Bible dévoilée, Les nouvelles révélations de l’archéologie, Bayard, 2002 ou Gallimard-Poche 2004. Ainsi, le futur Israël se composera, en grande partie, d’une population cananéenne autochtone.
2. RÖMER, op. cit..
3. Römer rapproche cet extrait de Jos 10, 11 : « Or tandis qu’ils fuyaient devant Israël… Yhwh lança des cieux contre eux des grandes pierres jusqu’à Azéqa et ils moururent. Plus nombreux furent ceux qui moururent par les pierres de grêle que ceux que les fils d’Israël tuèrent par l’épée » d’un texte assyrien « Lettre à Dieu » : « Le reste du peuple s’était enfui pour sauver leur vie… Adad (=le Dieu de l’orage)… poussa un grand cri contre eux. A l’aide d’une pluie torrentielle et des pierres du ciel (=grêlons), il annihila ceux qui restaient. » (Dieu obscur, op. cit., p. 86).
4. Id..
5. Römer (id., p. 88) note le même phénomène de « démilitarisation » dans Ex 14 : Yhwh combat pour son peuple invité à rester tranquille (14, 14) . Ce passage deutéronomiste qui « présuppose l’expérience de l’exil babylonien » montre que la libération ne peut venir que de Yhwh. De même, dans les livres des Chroniques écrits au début de l’ère hellénistique, la conquête est escamotée, les Israéliens ont toujours été en Canaan, les rois sont des chefs liturgiques et les guerres, des processions. Si une guerre menace, c’est Dieu qui s’en occupe et non pas le peuple (1 Ch 20, 16-17). Dieu devient l’espoir du peuple, celui qui détruit les forces du mal comme dans le livre de Daniel ou encore, plus tard, dans l’Apocalypse de jean (Ap 19, 15).
6. Römer met en exergue le cas d’Hagar, ancêtres des tribus arabes, qui a vu Dieu (Gn 16, 13) et celui d’Abimelek qui invoque Dieu (Gn 20).
7. Dieu est à la fois le Dieu des Perses et des Juifs (2 Ch 36, 21).

⁢e. Le livre de Josué

De même si l’on aborde le problème de la rétribution lié à la question de la violence, on peut lire sommairement ce que la bible en dit et qui peut se résumer dans le proverbe : « Le mal poursuit les pécheurs, et le bien récompense les justes. »[1] Celui qui respecte l’ordre établi par Dieu, le juste, ajusté à Dieu, est récompensé, celui qui trahit cet ordre, est puni. Cette idée largement répandue en dehors même des cercles croyants⁠[2]. Comme on risque de dogmatiser cette vision, les Écritures nous révèlent que la réalité⁠[3] est parfois bien différente et que Dieu peut être incompréhensible. Comme on le voit dans le livre de Job, la souveraineté de Dieu le dispense de rendre des comptes à l’homme⁠[4] alors qu’il est engagé dans un combat incessant contre le chaos⁠[5]. Tandis que Job lutte un temps contre l’incompréhensible, Qohéleth l’accepte :  « De même que tu ne sais pas quel est le cheminement du souffle… de même tu ne connaîtras pas l’œuvre de Dieu qui fait tout. »[6] Job et Qohéleth « nous déplacent par rapport à notre conception anthropocentrique de Dieu et de la création, nous invitant, du même coup, aussi à nous laisser surprendre par le Dieu biblique. »[7]

En somme, pour éviter une utilisation agressive, primaire, des textes de la Bible, il faut, d’une part, « une étude sérieuse de ces textes qui prenne en considération la complexité de l’histoire de leur transmission »[8] dans des situations précises et en tenant compte du fait, majeur pour Römer, que ces textes « veulent nous mettre en garde contre des conceptions trop humaines de Dieu et insister sur les limites des discours théologiques. »[9] d’autre part, il ne faut pas oublier les textes où Dieu, par ses prophètes, invite à la paix et à la justice sociale, les textes où Dieu apparaît pacifique, ouvert aux autres nations. Enfin, il faut se rendre compte que la violence fait partie de l’histoire humaine et que s’il arrive, dans certaines circonstances pénibles que soient proférées des paroles violentes suscitées par la souffrance ou l’injustice, elles n’impliquent pas pour autant un passage à l’acte. Utiliser les cris des malheureux pour justifier notre violence est donc abusif.⁠[10] d’autant que dans les Psaumes, entre autres textes⁠[11], on remarque que l’auteur « s’en remet à Dieu pour l’exercice de la vengeance »[12]. L’homme se trouve ainsi déchargé de sa violence. Qui plus est, Dieu lui-même freine sa colère. S’il tend à répondre, à certains endroits, par la violence à la violence de l’homme, il n’agit pas comme l’homme. Après le Déluge, Dieu promet de ne plus recommencer⁠[13] et s’affirme, d’abord, comme Dieu d’amour : « Je ne donnerai pas cours à l’ardeur de ma colère… car je suis Dieu et non pas un homme… je ne viendrai pas avec fureur. »[14]

Les quelques lectures juives et protestantes qui précèdent doivent nous persuader de la nécessité de l’interprétation. La Thora a été donnée à qui veut la recevoir. d’origine divine, elle devient nôtre par l’interprétation. Ainsi Dieu a commencé le monde en six jours et le septième jour, le jour du Shabat, Dieu le confie à l’homme, il se repose sur sa créature. Nous sommes invités à « prolonger le divin », non à « améliorer » la Thora divine mais à l’incarner dans la réalité terrestre.⁠[15]

Les religions monothéistes sont –elles des religions du Livre, comme on le dit souvent ou des religions de la Parole ? Telle est la vraie question car existe une tentation à laquelle plus d’un a cédé : celle de transformer l’Écriture en idole.⁠[16]

Comprendre un texte révélé ou non, « c’est, dit Paul Ricoeur, se comprendre devant le texte. Non point imposer sa propre capacité finie de comprendre, mais s’exposer au texte et recevoir de lui un soi plus vaste. »[17] Sinon le texte figé, déifié, idolâtré, nous fait violence et nous empêche d’accéder à la liberté, d’être nous-mêmes.

Les catholiques comme les protestants considèrent aujourd’hui que le Nouveau Testament ne se substitue pas à l’Ancien au contraire des musulmans qui affirment, eux, que le Coran rend obsolètes les deux testaments.

Les exégètes catholiques, comme leurs confrères protestants que nous avons cités, seront d’accord pour reconnaître qu’« avant d’instrumentaliser le Livre pour promouvoir ceci ou pourfendre cela, on ferait mieux de regarder à deux fois si les textes disent bien ce que l’on croit qu’ils disent…​ »[18] C’est du simple bon sens à appliquer d’ailleurs à toute autre œuvre littéraire qui risque toujours d’être mal lue.

Selon A. Nayak⁠[19], la violence divine ou humaine qui s’exerce pour la sauvegarde d’Israël, se trouve aussi ritualisée sous forme de guerre. Ainsi, Saül « prit une paire de bœufs, les dépeça et, par l’entremise des messagers, en envoya les morceaux dans tout le territoire d’Israël, en faisant dire : « Celui qui ne part pas à la guerre derrière Saül et Samuel, voilà ce qu’on fera à ses bœufs ! » Le Seigneur fit tomber la terreur sur le peuple et ils partirent comme un seul homme. »[20] A partir de ce moment, pour A. Nayak, la guerre devient « sainte ». On le remarque également dans la coutume de destruction totale d’une ville : « Ils vouèrent à l’interdit tout ce qui se trouvait dans la ville, aussi bien l’homme que la femme, le jeune homme que le vieillard, le taureau, le mouton et l’âne, les passant tous au tranchant de l’épée. »[21] L’interdit est ici une sorte de consécration qui met à part ce qui est réservé à la divinité et ne peut être laissé à l’usage ordinaire.⁠[22] Mais vous, prenez bien garde à l’anathème, de peur que, poussés par la convoitise, vous ne preniez quelque chose de ce qui est anathème, car ce serait rendre anathème le camp d’Israël et lui porter malheur. » (Jos 6,17-19) Dans le cas présent l’anathème comporte le renoncement à tout le butin et son attribution à Dieu : les hommes et les animaux sont mis à mort, la ville est incendié e et les objets précieux sont donnés au sanctuaire. C’est un acte religieux, une règle de la « guerre sainte » qui suit un ordre divin, ou un vœu pour s’assurer la victoire. Tout manquement est considéré comme un sacrilège et son auteur sévèrement puni…
    La pratique de l’anathème est étroitement liée à la conception antique de la divinité. Le sacrifice offert ou promis au dieu par vœu, fait partie d’une sorte de transaction qui peut s’exprimer ainsi : « Dieu, donnes-moi la victoire sur mes ennemis et toute la ville te sera offerte en sacrifice de remerciement. » Cette promesse ou ce vœu fait au Seigneur peut aller jusqu’au sacrifice humain. C’est ainsi que, dans le livre des javascript : newWindow%20=%20openWin('Juges (Jg 11,29-40), Jephté faire le vœu, en cas de victoire contre les ennemis d’Israël, d’offrir en sacrifice au Seigneur le premier être vivant qui sortira de sa maison, au retour de la guerre. Et ce sera sa fille qui viendra la première au-devant de lui. On mesure, à cet exemple, l’évolution qui se fera au cours des siècles dans la compréhension de la divinité
    La Bible justifie par ailleurs le rejet de Saül comme roi d’Israël par le fait de son manquement à l’anathème. On peut le voir en javascript : newWindow%20=%20openWin('1 S 15,9. Pour obtenir la victoire sur ses ennemis, Saül a jeté l’anathème sur tout le butin. Il a donc fait vœu de tout offrir à Dieu en sacrifice. En gardant pour lui et ses soldats une partie du butin acquis par la victoire, Saül manque à l’anathème, ce qui est considéré comme un sacrilège, une faute très grave. Il sera rejeté au profit de David. » (BUGNON Roland, CSSP, Fribourg, Suisse, sur www.interbible.org)  ]

Adrian Schenker,⁠[23] lui, s’attache au problème des sacrifices dans l’Ancien Testament. Il constate, ce qui peut nous choquer, que la faute involontaire, la transgression involontaire d’un interdit, est sanctionnée par la mort. Ainsi, Ouzza saisit l’arche qui allait verser et Dieu le frappe de mort⁠[24]. La violence est ici « une marque du sacré ». Il y a, en effet, « une distance insurmontable entre la sphère divine transcendante et le monde humain ». Ils ne peuvent « coexister ensemble dans le même lieu ». Ainsi le feu où YHWH se donne à voir signale la frontière mortelle entre sacré et profane⁠[25]. La colère mortelle de YHWH signifie clairement sa transcendance.

Mais, le culte sacrificiel peut libérer les personnes fautives de cette colère. Comme l’’immolation de l’animal n’est pas sans raison elle ne peut être considérée comme violente. Elle le serait si c’était par cruauté ou avarice que l’animal était mis à mort. Gn 9, 2-3 accepte que l’on tue l’animal pour raison alimentaire mais 2 S 12, 1-4 assimile l’abattage gratuit à l’homicide. Dans le culte sacrificiel, on offre à Dieu et on partage avec lui la meilleure nourriture comme on le ferait avec un hôte.⁠[26]

Enfin, grâce au sacrifice, Dieu pardonne et « on peut tabler sur sa douceur, parce qu’il la préfère à l’irritation et au conflit ».⁠[27] On le voit dans 1 S, 5-6 où les Philistins apaisent la colère de YHWH en rendant l’Arche enlevée et en rendant hommage à YHWH par un présent de compensation ou réparation (asham) pour le sacrilège commis et regretté.

A. Schenker conclut que « la douceur divine est plus fondamentale en YHWH que la violence »[28]. C’est pourquoi le psalmiste peut proclamer : « Israël, mets ton espoir en YHWH, car YHWH dispose de la grâce, et avec abondance du rachat. C’est lui qui rachètera Israël de toutes ses fautes. »⁠[29]

Plus largement, en s’appuyant sur le vocabulaire, Xavier-Léon Dufour⁠[30] montre que la violence contre laquelle Dieu va s’emporter, se présente comme « la transgression d’une norme ». Les traducteurs grecs de l’Ancien Testament ont employé d’ailleurs souvent le mot « adikia », injustice, pour traduire le mot hébreu hamas exprimant la violence.⁠[31] Si on viole la Loi du Seigneur⁠[32], la justice sociale⁠[33], le droit⁠[34], si on viole la vérité par détraction⁠[35], faux témoignages⁠[36], etc., cette injustice violente entraîne une destruction physique ou sociale. Les victimes suscitent l’apitoiement des prophètes⁠[37] et appellent la punition des violents car le Seigneur n’aime pas le violent, l’injuste⁠[38] et Lui seul peut rétablir la justice⁠[39]. Le Serviteur opprimé par les hommes, méprisé, qui « n’ouvre pas la bouche (…) On a mis chez les méchants son sépulcre, chez les riches son tombeau, bien qu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y eut pas de fraude dans sa bouche ». Mais « il sera haut placé, élevé, exalté à l’extrême »[40].

L’élément caractéristique de la violence dans l’Ancien Testament, c’est la transgression destructrice, la transgression de l’Alliance qui est une violence contre Dieu. Il y a, bien sûr, d’autres violences, les violences habituelles des hommes, liées à la force, au zèle, à la colère, à la vengeance, à la cupidité, etc., mais, même dans le cas où elles sont destructrices, dans la mesure où elles n’impliquent pas transgression d’une norme qui est la justice du Dieu de l’Alliance, tout en étant condamnables et condamnées, elles n’impliquent pas la gravité extrême des précédentes.⁠[41]

Reste que le comportement de Dieu semble « ambigu ». Il déteste l’injustice mais semble tolérer, approuver, pratiquer des actes violents.

Alors que Römer insiste sur le cadre historique, Dufour rappelle que nous sommes dans un contexte culturel donné qui n’est pas le nôtre et il insiste sur la pédagogie de Dieu.⁠[42] Celui-ci condamne toute injustice violente mais initie progressivement le peuple en tenant compte des mœurs de l’époque. Ainsi : Le Seigneur dit à Caïn :  »Eh bien ! Si l’on tue Caïn, il sera vengé 7 fois » Et Lamek dit à ses femmes : «  »Femmes de Lamek, tendez l’oreille à mon dire ! Oui, j’ai tué un homme pour une blessure. Oui, Caïn sera vengé sept fois, mais Lamek septante-sept fois. »[43] Plus tard, le Seigneur souscrit à la loi du Talion qui marque un progrès sur la justice des origines⁠[44]. Par la bouche des prophètes, Dieu condamne toutes sortes de violences : déportations, oppression des faibles, irrespect vis-à-vis des femmes et des morts. Le Seigneur prend la défense des victimes de l’injustice des hommes, il soutient Israël en Égypte et demande aux hommes d’agir de même avec les faibles, les orphelins, les veuves, les étrangers.

Si Dieu apparaît, en de multiples endroits, comme un Dieu guerrier⁠[45]pas l’Alliance : Dieu « manifeste qu’un bien supérieur peut entraîner la destruction de la vie terrestre ». En même temps, Dieu montre sa volonté d’extirper le mal du monde.

Enfin, petit à petit, on voit que l’image que les hommes se font de Dieu s’épure petit à petit. Dieu se manifeste d’abord spectaculairement, comme à Moïse, dans le feu, le tonnerre, le tremblement de toute la montagne⁠[46]. Mais, quand le Seigneur annonce son passage à Elie, c’est par un souffle⁠[47].

De même, au départ, Dieu apparaît terrible, guerrier⁠[48] puis humble et pacifique⁠[49] et enfin sous les traits du serviteur opprimé, préfiguration du Christ ⁠[50]

Paul Beauchamp⁠[51] confirme, pour l’essentiel cette analyse. La violence (hamas) liée, bien sûr, à la mort, aux abus sexuels⁠[52] et surtout au mensonge⁠[53] est essentiellement absence de loi. Le diable a poussé l’homme à enfreindre la loi du Seigneur et, à partir de ce moment, à partir du meurtre de Caïn, « le Seigneur vit que la méchanceté se multipliait sur la terre » (Gn 6, 5), « la terre s’était corrompue devant Dieu et s’était remplie de violence » (Gn 6, 11). Le Malin a détourné les hommes du vrai Dieu et ils ont créé des idoles à forme humaine : « Avec leurs rites infanticides, leurs mystères occultes ou leurs processions frénétiques aux coutumes extravagantes, ils ne respectent plus ni les vies, ni la pureté des mariages, mais l’un supprime l’autre traîtreusement ou l’afflige par l’adultère. Tout est mêlé : sang et meurtre, vol et fourberie, corruption déloyauté, troubles, parjure, confusion des valeurs, oubli des bienfaits, souillure des âmes, inversion sexuelle, anarchie des mariages, adultère et débauche. Car le culte des idoles impersonnelles est le commencement, la cause et le comble de tout mal (…​). » (Sg 14, 23-27). L’homme qui était doux devient redoutable⁠[54]et la violence se démultiplie⁠[55]

L’Ancien Testament analyse donc la violence en révélant son origine dans le péché de l’homme instigué par l’Adversaire.

Comme X.-L. Dufour, Paul Beauchamp s’arrête à l’ « ambiguïté » de Dieu et à ses violences. Pour cet exégète, « le Dieu biblique prend sur lui une violence provisoire ou « économique ». » Cette expression mérite quelques explications. Si Dieu ordonne l’extermination des ennemis d’Israël⁠[56] pour en protéger l’esprit⁠[57], si ses prophètes ne sont pas en reste (Elie égorge 450 prophètes de Baal⁠[58], Elisée maudit 42 gamins moqueurs qui se font déchirer par deux ourses⁠[59]), le Seigneur, par la bouche de ses prophètes, promet « un nouveau David »[60] et un « paradis retrouvé » où toute la création vivra dans la paix et l’harmonie⁠[61]. Après avoir maudit Jérusalem, Dieu rappelle l’alliance qu’il a faite avec son peuple⁠[62].

Ainsi, si les hommes se sentent dépassés par la violence, celle-ci, comprennent-ils, « est dépassée par une fondation plus essentielle ». Ainsi David, retors et clément parfois par calcul, peut manifester aussi une clémence fondée « sur un vrai sens de Dieu »[63].

Mieux encore, les Psaumes montrent, d’une part, comment la victime de la violence peut réagir en termes violents. Elle demande l’humiliation des ennemis⁠[64], leur châtiment⁠[65]. Elle crie vengeance⁠[66], souhaite que le roi écrase ou assujettisse les ennemis⁠[67], que Dieu les épouvante ou les détruise⁠[68]. Mais au-delà de ces réclamations, si l’on voit que l’homme suppliant compte sur l’épée de Dieu⁠[69], il lui est enseigné qu’il ne sera pas libéré par sa seule force. Comme l’écrit P. Beauchamp, « c’est dans le lieu précis de la violence que germe son contraire » : ceux qui souffrent sont invités à la patience, à la non-résistance⁠[70], à laisser le mal s’autodétruire⁠[71]. On le voit dans d’autres textes : Dieu seul sera vainqueur⁠[72], la terre détruira les méchants⁠[73]et Dieu détruira la guerre⁠[74] et l’univers entier participera à cette destruction⁠[75].

Reste que Dieu prêche la violence⁠[76], qu’il se montre violent⁠[77], qu’il établit une loi violente sur certains points, qu’il est le Dieu vengeur, le Dieu guerrier, etc.

A propos des violences de la Loi⁠[78], on peut constater une évolution qui nous révèle qu’Israël est progressivement invité à se détacher des exigences de vieilles coutumes qui veillaient au rétablissement de la justice.⁠[79] Ainsi, le « vengeur de sang » qui, en cas de meurtre, vengeait le clan en tuant l’assassin⁠[80] a vu son rôle de justicier réglementé par la société⁠[81]. Il s’agissait d’éviter les excès de la colère. De même, la loi du Talion⁠[82] chercha à freiner les passions et, avant que le Christ rende caduque cette règle⁠[83], la Loi suggérait déjà un dépassement de cette violence quand la réconciliation est possible : « N’aie aucune pensée de haine contre ton frère, mais n’hésite pas à réprimander ton compatriote pour ne pas te charger d’un péché à son égard ; ne te venge pas et ne sois pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple : c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. C’est moi le Seigneur. »[84].

L’objectif poursuivi est d’éduquer la conscience, d’éradiquer le désir de vengeance, d’inviter au pardon, d’abord du frère de race⁠[85] puis de tout homme⁠[86]. Le juste donc renoncera à la vengeance car il s’en remet à Dieu qui seul, en définitive, peut rétablir la justice⁠[87]. Il est le Juge, le rédempteur d’Israël. Le Jour du Seigneur est le Jour où il triomphera de ses ennemis, est le Jour de vengeance⁠[88], Jour de réparation et de salut⁠[89].

Si, dans la culture contemporaine, le mot vengeance suggère un comportement contraire à la justice, il n’en va pas de même dans l’Ancien testament, il suggère, au contraire, le rétablissement de la justice, la punition du coupable, le dédommagement, l’indemnisation de la victime, la réparation du tort, etc..⁠[90]

Et qu’en est-il maintenant de ces guerres où Dieu est présent ?

Tous les rites religieux qui précèdent et clôturent les combats nous montrent que Dieu est le Dieu des armées qui mène ses guerres. Cette vision n’est pas propre à Israël mais se retrouve dans l’Orient ancien, notamment chez les Assyriens⁠[91]. Le roi doit faire la volonté de Dieu et défendre sa création contre toute menace de chaos qui viendrait des hommes ou des animaux sauvages. Chasse et guerre sont ainsi des prérogatives royales.

Nous savons que la naissance d’Israël est due à la victoire du Dieu des armées sur le puissant ennemi égyptien⁠[92]. De même, dans la conquête de Canaan par Josué, Dieu est finalement si présent que l’on a pu considérer que la guerre d’Israël, appelée improprement « sainte »⁠[93], était « pacifiste » puisque les hommes restent passifs. Nous avons vu aussi les récits de l’Exode et du livre de Josué ont été écrits, par compensation, semble-t-il, à une époque (vers -720) où, à cause des conquêtes assyriennes, Israélites et Judéens n’ont plus les moyens de mener des guerres. Les récits, par compensation, par réaction, cèdent aux excès littéraires et exagèrent la violence dans laquelle Dieu a fondé son peuple.

S’il y a des appels à la violence⁠[94] et si Dieu, comme chez Amos, promet de mettre le feu, de faire sauter, d’extirper, de déporter, de bouter le feu, de tuer, d’exterminer, etc., c’est pour punir de véritables « crimes de guerre » : génocide, déportation, éventrement de femmes enceintes, profanations de cadavres⁠[95].

De plus, on voit s’esquisser dans le Deutéronome esquisse un jus in bello[96] qui introduit des limitations dans la brutalité inspirée des pratiques assyriennes⁠[97] : certains seront exemptés du combat et on évitera la guerre totale.

Si Römer et Attwood insistent sur la convention littéraire des textes violents et leur enracinement historique, Henri Cazelles et Pierre Grelot⁠[98] insistent sur l’enjeu religieux des guerres bibliques. « La guerre, écrivent-ils, n’est pas seulement un fait humain qui pose des problèmes de morale. Sa présence dans le monde biblique permet à la révélation d’exprimer, à partir d’une expérience commune, un aspect essentiel du drame où l’humanité est engagée et dont son salut est l’enjeu : le combat spirituel entre Dieu et Satan. Il est vrai que le dessein de Dieu a pour fin la paix ; mais cette paix suppose elle-même une victoire acquise au prix du combat. »

La guerre est dénoncée comme un mal et si Dieu apparaît, à l’instar des anciennes divinités, comme un combattant⁠[99], c’est dans le cadre du grand dessein qu’il conçoit pour les hommes qui sont invités à collaborer avec Lui pour conquérir et garder la terre promise.⁠[100] Cette guerre est sacrée puisqu’il s’agit de préserver le véritable culte, la loi de Dieu et son règne. Toute guerre offensive⁠[101], défensive⁠[102] ou de libération contre les oppresseurs et les envahisseurs⁠[103] est une guerre du Seigneur, une guerre de Yahweh. La foi soutient l’ardeur militaire en vue d’une victoire politique et religieuse⁠[104] avec l’aide de Dieu.⁠[105] Dieu lutte contre ce qui s’oppose à ses desseins et contre le mal. Il intervient pour soutenir et préserver son peuple. Il lutte contre l’Égypte⁠[106], soutient les armées d’Israël⁠[107], assiste les rois⁠[108], délivre la ville sainte⁠[109]. Sans Dieu, rien ne peut réussir : les hommes combattent, Dieu donne la victoire⁠[110].

Le dessein de Dieu n’est pas la puissance temporelle d’Israël mais un royaume qui respecte sa loi. Si Israël est infidèle à ce projet, Dieu lui fait la guerre et Israël connaît des revers, au temps du désert ⁠[111] de Josué⁠[112], des Juges⁠[113] de Saül⁠[114], des Rois. Les malheurs et la ruine d’Israël sont bien un châtiment divin⁠[115] : Babylone et Nabuchodonosor sont aux ordres de Dieu pour punir Israël⁠[116].

A travers ces malheurs, la guerre apparaît alors à Israël comme un mal, elle est le fruit du péché⁠[117] et elle ne disparaîtra qu’avec le péché⁠[118] à la fin des temps⁠[119]. La vraie victoire promise, à laquelle Israël doit tendre, c’est la victoire sur le péché qui amènera la paix au prix d’un combat spirituel

Et donc, derrière le combat politique se profile le combat spirituel. L’ennemi païen lancé à l’assaut de Jérusalem⁠[120] devient, dans la vision de Daniel, à l’époque de la persécution d’Antiochus, et sous la forme de quatre bêtes monstrueuses, une attaque contre le Fils de l’homme⁠[121] Face à l’empire païen des Séleucides d’Antioche (IIe s avant J.-C.), à ses destructions et persécutions, la révolte se mue de nouveau en guerre sainte⁠[122] menée avec le secours du Seigneur⁠[123] qui terrassera la Bête⁠[124] et brisera son pouvoir⁠[125]. Nous sommes au-delà des guerres temporelles : nous entrons dans un combat religieux et entrevoyons le couronnement des justes au jugement final qui annonce le règne de Dieu et de sa justice, la paix éternelle⁠[126].

Ajoutons encore que, chez plusieurs prophètes, s’affirme, bien avant ces combats eschatologiques, l’idée que la foi vaut mieux que la force. Le prophète qui annonce la destruction du Royaume du Nord, menace : « Si vous ne croyez pas, vous ne subsisterez pas »[127]. Dieu n’a que faire, en définitive, de la puissance militaire, de son caractère illusoire⁠[128]. A côté de l’école deutéronomiste, le courant sacerdotal présente une autre version de l’histoire d’Israël. La violence fait partie de la corruption de la création : « La terre s’était corrompue devant Dieu et s’était remplie de violence. Dieu regarda la terre et la vit corrompue car toute chair avait perverti sa conduite sur la terre. Dieu dit à Noé : « Pour moi la fin de toute chair est arrivée ! Car à cause des hommes la terre est remplie de violence, et je vais les détruire avec la terre. »[129] Après le déluge, le Seigneur « se dit en lui-même : « Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l’homme. Certes, le cœur de l’homme est porté au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait. » ⁠[130] Dieu renoue l’alliance originelle avec l’homme: « J’ai mis mon arc dans la nuée pour qu’il devienne un signe d’alliance entre moi et la terre ».⁠[131] Si Dieu a déposé les armes, les hommes sont invités eux aussi à renoncer à la guerre. Dieu n’autorisera pas David à construire le Temple parce qu’il a du sang sur les mains : « Tu as répandu beaucoup de sang et tu as fait de grandes guerres. Tu ne construiras pas de Maison pour mon nom, car tu as répandu beaucoup de sang sur la terre devant moi. »[132]

Dans ces conditions, il devient difficile, comme certains l’ont fait, de prétendre que les attentats kamikazes qui marquent trop souvent l’actualité, pourraient se réclamer de l’exemple biblique de Samson qui les cautionnerait.⁠[133]Samson ne se soucie ni de son peuple ni de la cause de Yahwe . Il ne voit que ses problèmes personnels et assouvit sa soif de vengeance. Il accumule les violences jusqu’à l’absurde, incapable de se maîtriser. De plus, c’est sans implication divine qu’il fait s’écrouler le temple sur lui et 3000 Philistins⁠[134]. Stérile comme homme, enterré par ses frères, il est aussi stérile dans sa mission. Il est une « caricature de Juge » et son action est une « parodie d’exploit sauveur ». La lecture attentive du récit⁠[135] casse « l’image simpliste d’une mort héroïque bénie par Dieu parce qu’elle inflige à l’ennemi du peuple une correction exemplaire. » J.-P. Sonnet et A. Wénin concluent : « la Bible n’offre pas que des modèles à imiter ou à admirer. Elle présente aussi au lecteur un certain nombre de contrefaçons d’humanité, de déformations de l’œuvre divine » qui nous mettent en garde.⁠[136]

Toutes ces analyses sont intéressantes mais il faudrait, si possible, les ramasser en une synthèse qui nous révélerait, au-delà des épisodes particuliers et de leurs commentaires que d’aucuns estimeront heureusement orientés, les lignes de force de l’Ancien Testament, la leçon ou les leçons essentielles qu’il veut nous livrer avant que ne soit proclamée la bonne nouvelle.


1. Pr 13, 21.
2. « Les sidéens n’ont que ce qu’ils méritent » ou « qu’ai-je fait de mal pour mériter ça ? ». Même les disciples de Jésus ont cette idée de rétribution  puisqu’à propos d’un aveugle, ils demandent : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » (Jn 9, 1-2).
3. « Je vois la chance des impies. Ils ne se privent de rien jusqu’à leur mort, ils ont la panse bien grasse. Ils ne partagent pas la peine des gens, ils ne sont pas frappés avec les autres. » (Ps 73, 3-5).
4. Jb 38, 1-41.
5. Jb 40.
6. Qo 11, 5. On comprend, à cet endroit, comme en d’autres, que le problème de la rétribution est lié à celui du mal et au rapport entre Dieu et le mal.
7. RÖMER, op. cit., p. 125.
8. Id., p. 91.
9. Id., p. 130.
10. Ainsi en est-il des appels à la vengeance dans les Psaumes, par exemple. Ce sont des expressions de désarroi liés à la certitude que Dieu interviendra ou est intervenu en faveur des opprimés (cf. Ps 137, 8-9 ; Ps 136, 17-18).
11. Gn 4, 15 (à propos de Caïn) ; Dt 32, 25 (Cantique au Rocher d’Israël) repris dans Rm 12, 19 : « Ne vous vengez-pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit le Seigneur. »
12. Dans le Ps 58, par exemple. Cf. RÖMER, op. cit., p. 109.
13. Gn 8, 21.
14. Os 11, 9.
15. Cf. HADDAD Ph., op. cit., pp.10-11: le Talmud « rapporte que lorsque Dieu voulut intervenir dans une discussion de halakha, Rabbi Yéoshoua se leva pour crier : « Elle n’est pas dans les Cieux », sous-entendu : elle n’est plus dans les Cieux. » (TB Baba Métsia 59b).
16. Cette tentation du « c’est écrit » se manifeste chez certains évangélistes fondamentalistes. Elle existe aussi en Islam où le « mektoub » (c’est écrit) empêche toute discussion. Cf. AUBERT Raphaël, L’interprétation comme rempart à la violence, in Marguerat,. op cit., pp. 117-140. Aubert donne deux exemples : celui de Salman Rushdie auteur du roman Les versets sataniques, qui fut l’objet d’une fatwa de l’Imam Khomeiny en 1989 parce que dans cette œuvre d’imagination il ne respectait pas le texte révélé. Il cite aussi, le commentaire de l’Epître aux Romains (1922) du grand théologien Karl Barth qui voulant réaffirmer la transcendance de Dieu, met une distance quasi infranchissable entre l’homme qui doit se soumettre et un Dieu auteur d’un implacable « c’est écrit », juge défini comme « un mur de feu qui interdit tout regard ». R. Aubert est écrivain, journaliste et théologien suisse.
17. RICOEUR P., Du texte à l’action, Seuil, 1986, p. 117, cité in AUBERT R., op. cit., p. 137.
18. SONNET Jean-Pierre et WENIN André, La mort de Samson bénit-elle l’attentat suicide ? De la nécessité de mieux lire, in Revue Théologique de Louvain, 35, 2004, p. 372. J.-P. Sonnet est professeur à l’IET (Bruxelles) et A. Wénin à la Faculté de théologie de l’UCL.
19. Op. cit., pp. 187-188.
20. 1 S 11, 7.
21. Jos 6, 21.
22. Le mot « interdit » peut être rapproché du mot « anathème ». Ce mot « anathème » « vient du grec « ana-thema » que l’on traduit par : ce qui est posé au-dessus (sous-entendu : de l’autel du Temple). En hébreu, on utilise le mot « herem » qui désigne « ce qui est exclusivement consacré à Dieu ». L’offrande faite à Dieu est sacralisée par le fait qu’elle est déposée sur l’autel : elle exclut alors tout usage profane. Voici ce que dit le livre du Lévitique (javascript : newWindow%20=%20openWin('27, 28). d’abord la Bible de Jérusalem : « Cependant rien de ce qu’un homme dévoue par anathème au Seigneur ne peut être vendu ou racheté, rien de ce qu’il peut posséder en hommes, bêtes ou champs patrimoniaux. Tout anathème est chose très sainte qui appartient au Seigneur. » La traduction de la TOB donne un autre éclairage : « De plus, de tout ce qu’on possède homme, bête ou champ de sa propriété ce qu’on a voué au Seigneur par l’interdit ne peut être vendu ni racheté : tout ce qui est voué par l’interdit est chose très sainte pour le Seigneur. » Vous remarquez l’utilisation possible de deux mots - anathème ou interdit - ils expriment l’un comme l’autre le sens du mot « herem ».
    La pratique de l’anathème ou de l’interdit est une très vieille pratique religieuse de l’humanité dont témoigne le livre de Josué. Voilà comment est racontée l’histoire de la prise Jéricho, au moment où Josué et le peuple hébreu mettent pour la première fois le pied sur la Terre promise : « La ville sera dévouée par anathème au Seigneur, avec tout ce qui s’y trouve […
23. SCHENKER A., Les sacrifices de la Bible comme expression de la douceur divine, in NAYAK, Religions et violences, op. cit., pp.219-228. A. Schenker est dominicain, professeur émérite d’Ancien Testament à l’Université de Fribourg. Il enseigne à l’Ecole biblique et archéologique de Jérusalem.
24. 2 S 6, 6-7. 
25. SCHENKER A., op. cit., pp. 221-222.
26. Id., pp. 223-224.
27. Id., p. 224.
28. Id., p. 228.
29. Ps 130, 7.
30. In Vocabulaire Théologie Biblique. X.-L. Dufour (1913-2007), jésuite, théologien, fut professeur d’Écriture sainte.
31. Dina, fille de Jacob est enlevée et violée par Sichem fils d’Hamor (Gn 34, 1-2). Hamor demande Dina en mariage pour son fils, propose à Jacob un échange de leurs filles respectives, et l’ouverture de son pays (Gn 34, 8-10), Sichem demande grâce, offre à Jacob la dot et de la dotation qu’il souhaitera (Gn 34, 11-12). Les fils de Jacob exigent en plus la circoncision de toute la famille d’Hamor et de tous les mâles de la ville (Gn 34, 13-17). Ce qui fut accepté et réalisé (Gn 34, 18-24). Malgré cela, le troisième jour, Siméon et Lévi, frères de Diana, entrent dans la ville, tuent tous les mâles et reprennent leur soeur. Ses frères pillent la ville et emportent les richesses, les enfants, les femmes au grand scandale de Jacob. (Gn 34, 25-31). A la fin de sa vie, Jacob reprochera à Siméon et Lévi leur conduite : « Siméon et Lévi sont frères, leurs accords (leurs épées) ne sont qu’instruments de violence. Je ne veux pas venir à leur conseil, je ne veux pas me réjouir à leur rassemblement ; car dans leur colère ils ont tué des hommes, et dans leur frénésie mutilé des taureaux. Maudite soit leur colère, si violente ! Et leur emportement, si brutal ! Je les répartirai en Jacob, je les disperserai en Israël. »(Gn 49, 5-7).
32. Ez 22, 26 ; So 3, 4.
33. So 1, 9.
34. Ez 45, 9.
35. Ps 140, 12.
36. Ex 23, 1 ; Dt 19, 16 ; Ps 27, 12 ; Ps 35, 11.
37. Am 3, 10 ; Jr 6, 7 ; Jr 20, 8 ; Is 60, 18.
38. « Le Seigneur apprécie le juste ; il déteste le méchant et l’ami de la violence. qu’il fasse pleuvoir des filets sur les méchants ! Feu, soufre et tourmente, telle est la coupe qu’ils partagent ! Car le Seigneur est juste ; il aime les actes de justice, et les hommes droits le regardent en face. » Ps 11, 5-7.
39. « Seigneur, délivre-moi de l’homme mauvais, préserve-moi de l’homme violent, de ceux qui ont prémédité le mal, qui provoquent des guerres chaque jour. Ils ont dardé leur langue comme le serpent, ils ont du venin d’aspic entre les lèvres. (…) Seigneur, ne cède pas aux désirs de l’impie, ne laisse pas réussir leurs intrigues, car ils se redresseraient. Que le crime de leurs lèvres recouvre mes assiégeants jusqu’à la tête ! Que des braises se déversent sur eux, qu’il les précipite dans le feu, dans des gouffres d’où ils ne se relèveront pas ! Les mauvaises langues ne resteront pas dans le pays ; l’homme violent et méchant, on le pourchassera sans répit. Je sais que le Seigneur fera justice aux malheureux, qu’il fera droit aux pauvres. Oui, les justes célébreront ton nom et les hommes droits habiteront en ta présence. » (Ps 140).
   « Vive le Seigneur ! Béni soit mon Roc ! qu’il triomphe, le Dieu de ma victoire ! Ce Dieu m’accorde la revanche et me soumet des peuples. Tu me libères de mes ennemis ; bien plus, tu me fais triompher de mes agresseurs et tu me délivres d’hommes violents. » (Ps 18, 47-49).
40. Is 53, 9 et 13. Pour résumer cette première partie, on peut analyser le psaume de David (2 S 22).
41. Parmi ces violences qui ne rentrent pas dans le cadre du mot hamas, Dufour range ce qu’on pourrait appeler les violences « classiques » des hommes, dues à la cupidité, la concupiscence, la volonté de puissance, la colère, la calomnie, etc.. Par exemples : le crime de Caïn (Gn 4, 10), celui de Lamech (Gn 4, 23), l’oppression d’Israël en Égypte (Ex 1, 12 ; Dt 26, 6 ; 2 S 7 et svts), le viol ( Dt 22, 24.29 ; Gn 34, 2 ; Jg 19, 24 ; Jg 20, 5 ; 2 S 13, 12. 14 ; Lm 5, 11), le crime de David qui fait tuer Urie (2 S 11, 15), David maudit par Shiméi (2 S 16, 7s ; 19, 19-24) épargner Saül (1 S 24 ; 26) malgré ses embûches (18, 10 s ; 19, 9-17), Achab et Jézabel (1 R 21, 8-16).
42. De même, A. Nayak explique, un peu sommairement toutefois, que l’Église voit dans les textes  dérangeants  « l’expression d’un peuple en marche, qui, des ténèbres, s’éveille progressivement à la lumière, et qui, des pratiques sauvages, cruelles et violentes apprend le sens de la souffrance » (Op. cit. p. 189). En témoignent, précise-t-il, les Psaumes et le livre d’Isaïe.
43. Gn 4, 15 et 23-24.
44. Ex 21, 23-25.
45. Ex 12, 29: « A minuit, le Seigneur frappa tout premier-né d’Égypte, du premier-né du pharaon, qui devait s’asseoir sur son trône, au premier-né du captif dans la prison et à tout premier-né du bétail. »
   Ex 19, 12-13. Dieu interdit au peuple de monter sur le Sinaï : « Quiconque touchera la montagne sera mis à mort ! Nulle main ne touchera le coupable, mais il sera lapidé ou percé de traits. »
   Jos 7, 24-26: Parce qu’il a mis la main sur quelques objets de « l’interdit » du Seigneur (le butin réservé à Dieu), et que le Seigneur exige le châtiment sous peine d’abandonner Israël : « Josué emmena Akân, fils de Zérah, ainsi que l’argent, la cape et le lingot d’or, ses fils et ses filles, son taureau, son âne, son petit bétail, sa tente et tout ce qui était à lui. Tout Israël était avec lui, et on les fit monter à la vallée de Akor. Et Josué dit : « Pourquoi nous as-tu porté malheur ? Que le Seigneur te porte malheur en ce jour ! » Tout Israël le lapida ; et ils les brûlèrent et on leur jeta des pierres. Ils élevèrent sur lui un grand monceau de pierres qui existe jusqu’à ce jour. Alors le Seigneur revint de son ardente colère. » (La TOB (note y, p. 263) explique que punir toute la famille « est une ancienne coutume (…) contre laquelle s’élevèrent les auteurs du Deutéronome (24, 16) : « Les pères ne seront pas mis à mort pour leurs fils ; les fils ne seront pas mis à mort pour leurs pères ; c’est à cause de son propre péché que chacun sera mis à mort. » On lit aussi dans Ez 18,4 : « Oui ! Toutes les vies sont à moi ; la vie du père comme la vie du fils, toutes deux sont à moi ; celui qui pêche, c’est lui qui mourra. »)
   Le Seigneur dit à David 2 S 5, 24) : « Quand tu entendras un bruit de pas à la cime des micocouliers, alors décide-toi. C’est qu’alors le seigneur sera sorti devant toi pour frapper l’armée des Philistins ».
   Le Seigneur approuve et soutient la vengeance de Samson qui incendie les cultures des Philistins, en tue mille avec une mâchoire d’âne, arrache les portes de Gaza et meurt en détruisant le temple des Philistins qui s’écroule « sur les tyrans et tout le peuple qui s’y trouvait » (Jg 15 et 16)
   Celui qui ne respecte pas le sabbat en ramassant du bois : « le Seigneur dit à Moïse : « Cet homme sera mis à mort ; toute la communauté le lapidera, en dehors du camp. » Toute la communauté l’emmena hors du camp ; on le lapida et il mourut. C’est ce que le Seigneur avait ordonné à Moïse » (Nb 15, 35-36)
46. Ex 19, 16-19: « Or, le troisième jour quand vint le matin, il y eut des voix, des éclairs, une nuée pesant sur la montagne et la voix d’un cor très puissant ; dans le camp, tout le peuple trembla. Moïse fit sortir le peuple à la rencontre de Dieu hors du camp, et ils se tinrent tout en bas de la montagne. Le mont Sinaï n’était que fumée, parce que le Seigneur y était descendu dans le feu ; sa fumée monta, comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne trembla violemment. La voix du cor s’amplifia ; Moïse parlait et Dieu lui répondait par la voix du tonnerre. »
47. 1 R 19, 11-13: « Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n’était pas dans le vent. Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le Seigneur n’était pas dans le feu. Et après le feu le bruissement d’un souffle ténu. Alors, en l’entendant, Elie se voila le visage avec son manteau ; il sortit et se tint à l’entrée de la caverne. Une voix s’adressa à lui : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? »
48. Ps 110, 5-6: « Le Seigneur est à ta droite ; il a écrasé des rois au jour de sa colère ; il juge les nations ; les cadavres s’entassent : partout sur la terre, il a écrasé des têtes (…). » ; Jr 17, 27: « Si vous ne m’écoutez pas au sujet de la consécration du jour du sabbat -éviter de porter des fardeaux et de franchir les portes de Jérusalem le jour du sabbat-, alors j’allumerai à ses portes un feu qui dévorera les belles maisons de Jérusalem et ne s’éteindra pas. » Le Seigneur s’adresse au roi de Juda, à ses serviteurs et à son peuple (Jr 22, 5) : « mais si vous n’écoutez pas ces paroles, je le jure par moi-même -oracle du Seigneur-, cette maison deviendra un monceau de ruines. »
49. Za 9, 9-10: « Tressaille d’allégresse, fille de Sion ! Pousse des acclamations, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi s’avance vers toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne -sur un ânon tout jeune. Il supprimera d’Ephraïm le char de guerre et de Jérusalem, le char de combat. Il brisera l’arc de guerre et il proclamera la paix pour les nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre et du Fleuve (l’Euphrate) jusqu’aux extrémités du pays. »
50. Is 50, 5-7 ; 53, 3-9.
51. In Lacoste. P. Beauchamp (1924-2001), jésuite, théologien et exégète.
52. Par exemple : les gens de Sodome veulent s’emparer avec violence des « deux Anges » qui sont hébergés par Lot pour avoir avec eux des relations sexuelles (Gn 19, 1-11). Ou encore, de même, à Guivéa, le lévite hébergé par un vieillard est la cible des « vauriens de la ville » qui veulent abuser de lui. Il leur échappe en leur livrant sa concubine (Jg 19).
53. « Rien dans leur bouche n’est sûr, leur coeur est plein de crimes ; leur gosier est une tombe béante et leur langue une pente glissante. » (Ps 5, 10) ; « Sa bouche est pleine de malédiction, de tromperie et de violence ; il a sous la langue forfait et méfait. » (Ps 10, 7) ; « Ne me livre pas à l’appétit de mes adversaires, car de faux témoins se sont levés contre moi, en crachant la violence. » (Ps 27, 12) ; « On a mis chez les méchants son sépulcre, chez les riches son tombeau, bien qu’il n’ait pas commis de violence et qu’il n’y eut pas fraude dans sa bouche. » (Is 53, 9) : « Beaucoup sont tombés sous le tranchant de l’épée, mais moins que ceux qui sont tombés à cause de la langue. » (Si 28, 18). Est-ce étonnant dans la mesure où le diable, « dès le commencement (…) s’est attaché à faire mourir l’homme ; il ne s’est pas tenu dans la vérité parce qu’il n’y a pas en lui de vérité. Lorsqu’il profère le mensonge, il puise dans son propre bien parce qu’il est menteur et père du mensonge. » (Jn 8, 44).
54. Végétarien, en bonne intelligence avec les animaux, il sera craint et redouté par les animaux et mangera leur chair, à l’exception du sang (Gn 9, 1-5). Ce rite commémore le statut originel et anticipe la réconciliation future (Lacoste) : lorsque naîtra le nouveau David, « le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira (…). Il ne se fera ni mal, ni destruction sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance du Seigneur, comme la mer que comblent les eaux. » (Is 11, 1-9) ; « Je conclurai pour eux en ce jour-là une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel, les reptiles du sol ; l’arc, l’épée et la guerre, je les briserai, il n’y en aura plus dans le pays, et je permettrai aux habitants de dormir en sécurité. » (Os 2, 20).
55. Caïn vengé 7 fois, Lamek 77 fois jusqu’au déchaînement cosmique (de Gn 4, 15 à Gn 6).
56. Jos 6, 21 ; 8, 2. 23-39 ; 9, 24 ; 10, 22-26.
57. Ex 23, 33 (cf. aussi : Gn 125, 16  ; Dt 20, 16s).
58. 1 R 18, 20-40 (cf ; aussi : 2 R 1, 1-12 où l’on voit Elisée faire descendre le feu du ciel sur les soldats du roi Akhazias qui voulait consulter le dieu Baal-Zeboub).
59. 2 R 2, 23-24.
60. Ces expressions sont de la TOB.
61. Is 11 ; Os 2, 20.
62. Ez 16, 59-63.
63. David épargne Saül et sa descendance (1 S 24, 20). A l’intercession d’Avigayil, David épargne les gens du méchant Nabal qui avait refusé l’hospitalité à ses garçons (1 S 25, 33). David accepte patiemment les malédictions de Shiméï en espérant le pardon de Dieu (2 S 16, 12). David dans ses recommandations à [[QuickMark]]Salomon se montre sévère et bon (1 R 2).
64. Ps 6, 11 ; 31, 18s ; 40, 15 ; 71, 13.
65. Ps 17 ; 28, 4s ; 35, 4-8 ; 55, 16-24 ; 58, 7-11 ; 63, 10s ; 69, 23-29 ; 125, 5 ; 139, 19-22 ; 140, 10s ; 143, 12 ; etc..
66. Ps 109, 18s ; 137 ; 149, 7, etc..
67. Ps 2, 8s ; 21 ; 45, 6 ; 110, 1 ; 118, 10s.
68. Ps 9, 21 ; 10, 15s, 79, 6 ; 83, 10-19 ; 97, 3.
69. Ps 44, 4.
70. Ps 37.
71. Ps 7, 16 ; 9, 16 ; 34, 22, 37, 14s ; 57, 7 ; 140, 10.
72. Ex 14, 13s ; 2 Ch 20, 15-20 ; Es 7, 4-9.
73. Lv 18, 25, 28.
74. Ps 46, 9-11: « Allez, contemplez les hauts faits de Yahvé, lui qui remplit la terre de stupeurs. Il met fin aux guerres jusqu’au bout de la terre ; l’arc, il l’a rompu, la lance, il l’a brisée, il a brûlé les boucliers au feu. « Arrêtez, connaissez que moi je suis Dieu, exalté sur les peuples, exalté sur la terre ! » »
75. Sg 5, 20 et 16, 17et 24.
76. Il suffit de relire les imprécations de Dieu contre Jérusalem, la « prostituée » qui s’est laissé aller à des « abominations » : « Je t’applique le châtiment des femmes adultères et de celles qui répandent le sang ; je te mettrai en sang par ma fureur et ma jalousie. (…) (Tes amants) raseront ton estrade et démoliront tes podiums ; ils te dépouilleront de tes vêtements et prendront tes splendides bijoux ; ils te laisseront sans vêtements, nue. Ils dresseront la foule contre toi ; ils te lapideront, ils te lacéreront de leurs épées, ils brûleront tes maisons, ils exécuteront contre toi la sentence, aux yeux d’une multitude de femmes ; je mettrai fin à ta vie de prostituée ; tu ne pourras plus donner de salaire. J’irai jusqu’au bout de ma fureur contre toi ; puis ma jalousie se détournera de toi, je m’apaiserai, je ne serai plus offensé. » (Ez 16, 38-42).
   Aux ordres du Seigneur, Josué jette l’interdit sur la ville de Jéricho: « Ils vouèrent à l’interdit tout ce qui se trouvait dans la ville, aussi bien l’homme que la femme, le jeune homme que le vieillard, le taureau, le mouton et l’âne, les passant tous au tranchant de l’épée. » (Jos 6, 21). Ce n’est pas un ordre interprété puisque, un peu plus tard, « le Seigneur dit à Josué : _« (…) _Tu traiteras Aï, et son roi comme tu as traité Jéricho et son roi. » » (Jos 8, 2). Tombèrent, ce jour-là, dit le texte, douze mille hommes et femmes. Et ce ne sont que deux exemples de la manière dont Josué conquiert, sur l’ordre du Seigneur, les terres qu’il a données à Israël. Cette « épuration ethnique », Dieu l’avait justifiée devant Moïse par le souci d’éviter à son peuple un dévoiement religieux : « Ils n’habiteront pas dans ton pays, de peur qu’ils ne te fassent pécher contre moi : tu servirais leurs dieux et cela deviendrait pour toi un piège. »(Ex 23, 33). « Mais les villes de ces peuples-ci, que le Seigneur ton Dieu te donne comme patrimoine, sont les seules où tu ne laisseras subsister aucun être vivant. En effet, tu voueras à l’interdit le Hittite, l’Amorite, le Cananéen, le Perizzite, le Hivvite et le Jébusiste, comme le Seigneur ton Dieu te l’a ordonné, afin qu’ils ne vous apprennent pas à imiter toutes les actions abominables qu’ils font pour leurs dieux : vous commettriez un péché contre le Seigneur votre Dieu. » (Dt 20, 16-18). Rappelons la note de la TOB (DT w 2.34) à propos de l’interdit : « A l’origine, cette coutume des peuples sémitiques réservait au chef une part de ce qui était pris à l’ennemi. En Israël, qui mène la guerre sainte avec Dieu pour chef (Dt 20, 4), la part consacrée à Dieu doit être détruite. L’interdit peut concerner les êtres vivants (2, 34) aussi bien que les objets matériels (Jos 6, 17-19). Le but religieux de l’interdit est défini en Dt 7, 4-6 et 20, 16-18. En dehors de la guerre l’interdit est une simple consécration à Dieu sans destruction (Nb 18, 14). »
   Elie égorge les prophètes de Baal (1R 18, 40) et fait descendre le feu du ciel sur les soldats du roi Akhazias qui voulait consulter le dieu Baal-Zeboub (2 R 1, 1-12). Elisée maudit des gamins qui se moquaient de lui et qui vont être tués par des ours (2 R 2, 23-24).
77. Jusqu’à provoquer dans le déluge une « violence cosmique » (Gn 6).
78. Dans le développement du code de l’alliance, le Seigneur est présenté comme l’instigateur de ce qui est, en fait, un vieux droit coutumier que l’on retrouve dans le Code d’Hammurabi (-1730), le Code hittite ou encore le Décret d’Horemheb (Bible de Jérusalem, p. 106, note f).
79. Cf. DARRIEUTORT André et DUFOUR X.-L., article « vengeance » in Vocabulaire de théologie biblique.
80. Nb 35, 21.
81. Ex 21, 12 ; Lv 24, 17 ; Dt 19, 6 ; Dt 24, 16 ; Nb 35, 24-30.
82. Cf. Ex 21, 23-25 ; Lv 24, 19-20 ; Dt 19, 21. « Talion » vient du latin « talis », « tel », « pareil ». Cette loi, pour limiter la vengeance, établit une riposte adéquate, une équivalence compensatrice ou le maximum autorisé. Pour Pietro Bovati (in Lacoste) cette loi porte mal son nom dans la mesure où elle établit le principe de la proportionnalité de la peine par rapport au délit et non un principe d’équivalence. P. Bovati est professeur d’exégèse de l’Ancien testament à l’Institut biblique pontifical de Rome.
83. « Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. A qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. » (Mt 5, 38-42). La Bible de Jérusalem commente ce passage : « Il s’agit (…) du mal par lequel on est soi-même lésé : il est défendu d’y résister par mode de vengeance, en rendant le mal pour le mal (…). Jésus n’interdit, ni de s’opposer dignement aux attaques injustes (…​) ni encore moins de combattre le mal dans le monde. » Cf Jn 18, 22-23: « A ces mots, un des gardes qui se trouvait là gifla Jésus en disant : « C’est ainsi que tu réponds au Grand Prêtre ? » Jésus lui répondit : « Si j’ai mal parlé, montre-moi en quoi ; si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? ». »
84. Lv 19, 17-18. De même dans le Coran : « O vous qui croyez ! (La loi) du talion vous est prescrite pour le meurtre : l’homme libre pour l’homme libre, l’esclave pour l’esclave, la femme pour la femme. Quant à celui qui est pardonné (de la part) de son frère, on doit user à son égard de bons procédés et lui-même s’acquittera de son devoir avec bienveillance.
   C’est un allègement (de la part) de votre Seigneur, et (un effet de Sa) Miséricorde. Quant à celui qui, après cela, agit d’une manière malveillante, à lui (est réservé) un châtiment douloureux. » (II, 173-174). A propos de la Torah : « Nous y avons prescrit pour eux : vie pour vie, oeil pour oeil, nez pour nez, oreille pour oreille, dent pour dent, blessure pour blessure. Mais (quant à) celui qui remet (la peine, cet acte constitue) une expiation. » (V, 49). E. Montet commente ce dernier verset : «  celui qui remet la peine du talion qu’il a le droit d’exercer reçoit de Dieu l’équivalent en expiation de ses fautes. » (Op. cit., p. 194, note 12).
85. On peut citer l’exemple de Joseph (Gn 45, 3s et 7 ; 50, 19) . Rappelons-nous aussi ce que nous avons dit de David (cf. ci-dessus).
86. « Celui qui se venge éprouvera la vengeance du Seigneur qui de ses péchés tiendra un compte rigoureux. Pardonne à ton prochain l’injustice commise ; alors, quand tu prieras, tes péchés seront remis. Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander au Seigneur la guérison ? Il n’a nulle pitié pour un homme, son semblable ; comment peut-il prier pour ses propres péchés ? Si lui qui n’est que chair entretient sa rancune, qui lui obtiendra le pardon de ses propres péchés ? Songe à la fin qui t’attend, et cesse de haïr, à la corruption et à la mort, et observe les commandements. Souviens-toi des commandements, et ne garde par rancune à ton prochain, de l’alliance du Tr ès-Haut, et passe par-dessus l’offense. » (Si 28, 1-7).
87. « Ne dis pas : « Je rendrai le mal qu’on m’a fait ! ». Espère plutôt dans le Seigneur et il te sauvera. » (Pr 20, 22).
88. Jr 46, 10.
89. « Dites à ceux qui s’affolent : soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la rétribution de Dieu. Il vient lui-même pour vous sauver. » (Es 35, 4) ; « Il a revêtu la justice comme une cuirasse, mis sur sa tête le casque du salut ; il a revêtu comme tunique l’habit de la vengeance, il s’est drapé de jalousie comme d’un manteau. » (Es 59, 17) (« jalousie » entendue comme « amour sans compromis ») ; le Seigneur m’a envoyé « proclamer l’année de la faveur du Seigneur, le jour de la vengeance de notre Dieu. » (Es 61, 2).
90. Cf. BOVATI Pietro, article « vengeance », in Lacoste.
91. Cf. ATTWOOD David (Trinity College, Bristol), article « guerre » in Lacoste.
92. Ex 14.
93. L’expression n’est pas biblique.
94. Jl 4, 9-10: « Publiez ceci parmi les nations : sanctifiez-vous pour la guerre, stimulez les braves ; qu’ils approchent, qu’ils montent tous les guerriers. De vos socs, forgez des épées, de vos serpes, forgez des lances. Que celui qui est faible dise : « Je suis un brave ! ».
95. Am 1 et 2.
96. La Bible de Jérusalem fait remarquer que « ces règles n’avaient plus l’occasion d’être appliquées lorsque le Deutéronome fut promulgué sous Josias (…). Ce regain d’intérêt pour la guerre sainte est peut-être à mettre en relation avec le renouveau national et militaire de l’époque de Josias ». (p. 223, note a).
97. « Y a-t-il ici un homme qui a construit une maison neuve et ne l’a pas encore inaugurée ? qu’il s’en aille et retourne chez lui, de peur qu’il ne meure au combat et qu’un autre n’inaugure la maison. Y a-t-il un homme qui a planté une vigne et n’en a pas encore cueilli les premiers fruits ? qu’il s’en aille et retourne chez lui, de peur qu’il ne meure au combat et qu’un autre homme n’en cueille les premiers fruits. Y a-t-il un homme qui a choisi une fiancée et ne l’a pas encore épousée ? qu’il s’en aille et retourne chez lui de peur qu’il ne meure au combat et qu’un autre homme n’épouse la fiancée. Les scribes parleront encore au peuple en ajoutant ceci : « Y a-t-il un homme qui a peur et dont le courage faiblit ? qu’il s’en aille et retourne chez lui, qu’il ne fasse pas fondre le courage de ses frères comme le sien. » (Dt 20, 5-9)
   « Quand tu t’approcheras d’une ville pour la combattre, tu lui feras des propositions de paix. Si elle te répond : « Faisons la paix ! », et si elle t’ouvre ses portes, tout le peuple qui s’y trouve sera astreint à la corvée pour toi et te servira. Mais si elle ne fait pas la paix avec toi et qu’elle engage le combat, tu l’assiégeras ; le Seigneur ton Dieu la livrera entre tes mains, et tu frapperas tous les hommes au tranchant de l’épée. Tu garderas seulement comme butin les femmes, les enfants, le bétail et tout ce qu’il y a dans la ville, toutes ses dépouilles ; tu te nourriras des dépouilles de tes ennemis, de ce que le Seigneur ton Dieu t’a donné. C’est ainsi que tu agiras à l’égard de toutes les villes de ces nations-ci.
   Mais les villes de ces peuples-ci, que le Seigneur ton Dieu te donne comme patrimoine, sont les seules où tu ne laisseras subsister aucun être vivant. » (Dt 20, 10-16).
   « Quand tu soumettras une ville à un long siège en la combattant pour t’en emparer, tu ne brandiras pas la hache pour détruire ses arbres, car c’est de leurs fruits que tu te nourriras : tu ne les abattras pas. L’arbre des champs est-il un être humain, pour se faire assiéger par toi ? Seul l’arbre que tu reconnaîtras comme n’étant pas un arbre fruitier, tu le détruiras et tu l’abattras, et tu en feras des ouvrages de siège contre la ville qui te combat, jusqu’à ce qu’elle tombe. » (Dt 20, 19-20).
98. Cf. article « guerre » in Vocabulaire de théologie biblique. H. Cazelles (1912-2009) exégète, fut secrétaire de la Commission biblique pontificale. P. Grelot (1917 -2009) théologien, fut professeur à l’Institut catholique de Paris.
99. Ps 74 12-14: « Toi pourtant, Dieu, mon roi dès l’origine, et l’auteur des victoires au sein du pays, tu as maîtrisé la mer par ta force, fracassant la tête des dragons sur les eaux ; tu as écrasé les têtes du Léviathan, le donnant à manger à une bande de chacals. » Ps 89, 10-11: « C’est toi qui maîtrises l’orgueil de la Mer ; quand ses vagues se soulèvent, c’est toi qui les apaises. C’est toi qui as écrasé le cadavre de Rahav, qui as dispersé tes ennemis par la force de ton bras. »
100. Ex 23, 27-33: « J’enverrai devant toi ma terreur, je bousculerai tout peuple chez qui tu entreras, je te ferai voir tous tes ennemis de dos. J’enverrai le frelon devant toi, qui chassera devant toi le Hivvite, le Cananéen et le Hittite. Je ne les chasserai pas devant toi en une seule année, de peur que le pays ne devienne une terre désolée, et que les animaux sauvages ne se multiplient à tes dépens. C’est peu à peu que je les chasserai devant toi, jusqu’à ce que, ayant fructifié, tu puisses recevoir le pays comme patrimoine. J’établirai ton territoire de la mer des Joncs à la mer des Philistins et du désert au Fleuve. Quand j’aurai livré entre vos mains les habitants et que tu les auras chassés de devant toi, tu ne concluras pas d’alliance avec eux et leurs dieux, ils n’habiteront pas dans ton pays, de peur qu’ils ne te fassent pécher contre moi : tu servirais leurs dieux et cela deviendrait pour toi un piège. » De même Dt 7, 1-6: « Lorsque le Seigneur ton Dieu t’aura fait entrer dans le pays dont tu viens prendre possession, et qu’il aura chassé devant toi des nations nombreuses (…) sept nations plus nombreuses et plus puissantes que toi, lorsque le Seigneur ton Dieu te les auras livrées et que tu les auras battues, tu les voueras totalement à l’interdit. Tu ne concluras pas d’alliance avec elles, tu ne leur feras pas grâce. Tu ne contracteras pas de mariage avec elles, tu ne donneras pas ta fille à leur fils, tu ne prendras pas leur fille pour ton fils, car cela détournerait ton fils de me suivre et il servirait d’autres dieux ; la colère du Seigneur s’enflammerait contre vous et il t’exterminerait aussitôt. Mais voici ce que vous ferez à ces nations : leurs autels, vous les démolirez ; leurs stèles, vous les briserez ; leurs poteaux sacrés, vous les casserez ; leurs idoles, vous les brûlerez. Car tu es un peuple consacré au Seigneur ton Dieu ; c’est toi que le Seigneur ton Dieu a choisi pour devenir le peuple qui est sa part personnelle parmi tous les peuples qui sont sur la surface de la terre. »
101. Contre Sihôn, Og ( Nb, 21, 10 et svts ; Dt 2, 26 et svts), Canaan (Jos 6-12)
102. Contre Madiân (Nb 31)
103. Jg 3-12 ; 1 S 11-17 ; 28-30 ; 2 S 5 ; 8 ; 10.
104. Dans les psaumes, lire Ps 2. Cf. également Ps 45, 4-6: «  O brave, ceins ton épée au côté, ta splendeur et ton éclat. Avec éclat, chevauche et triomphe pour la vraie cause et la juste clémence. Que ta droite lance la terreur : tes flèches barbelées. Sous toi tomberont des peuples, les ennemis du roi frappés en plein coeur. ». Ps 60 ; Ps 110.
105. La tentation est et sera de confondre la cause de Dieu avec la prospérité d’Israël.
106. Ex 3, 20 ; 11, 4 et svts ; 14, 18 et svts.
107. Jg 5, 4. 20 ; Jos 5, 13 et svts ; 10, 10-14 ; 2 S 5, 24.
108. Ps 20 ; 21.
109. Ps 48, 4-8 ; 2 R 19, 32-36.
110. Ps 118, 10-14: « Toutes les nations m’avaient encerclé : au nom du Seigneur, je les pourfendais. Elles m’ont encerclé, encerclé : au nom du Seigneur, je les pourfendais. Elles m’ont encerclé comme des guêpes ; elles se sont éteintes comme un feu d’épines, au nom du Seigneur, je les pourfendais. Tu m’avais bousculé pour m’abattre, mais le Seigneur m’a aidé. « Ma force et mon cri de guerre, c’est Lui ! » « Je lui dois la victoire ! » «  Ps 124: « Sans le Seigneur qui était pour nous, -qu’Israël le redise !- sans le Seigneur qui était pour nous quand des hommes nous attaquèrent, alors, dans leur ardente colère contre nous, ils nous avalaient tout vifs, alors des eaux nous entraînaient, un torrent nous submergeait ; alors nous submergeaient des eaux bouillonnantes. Béni soit le Seigneur qui n’a pas fait de nous la proie de leurs dents ! Comme un oiseau, nous avons échappé au filet des chasseurs ; le filet s’est rompu, nous avons échappé. Notre secours, c’est le nom du Seigneur, l’auteur des cieux et de la terre. »
111. Nb 14, 39-44.
112. Jos 7, 2 et svts.
113. 1 S 4.
114. 1 S 31.
115. Is 1, 4-9 ; Jr 4, 5-5, 17 ; 6 ; Is 5, 26-30.
116. Jr 25, 14-38 ; Jr 27, 6 et svts.
117. Gn 4.
118. Ps 46, 10 ; Ez 39, 98.
119. Is 2, 4 ; 11, 6-9, etc.
120. Ez 38 ; Za 14, 1 et svts ; Jdt 1-7.
121. Dn 7et 11, 40-45.
122. 1 M 2-4 ; 2 M 8-10.
123. 2 M 15, 22 et svts ; Jdt 9.
124. Dn 7, 11. 26.
125. Dn 8, 25 ; 11, 45.
126. Is 59, 15-20 ; 63, 1-6 . Ps 35, 1 et svts. Sg 5, 17-23. Dn 12, 1 et svts. Sg 4, 7 et svts ; 5, 15 et svts.
127. Is 7, 9.
128.  »Mais la maison de Juda, je l’aimerai et je les sauverai par le Seigneur leur Dieu ; je ne les sauverai ni par l’arc ni par l’épée ni par la guerre, ni par les chevaux ni par les cavaliers. » (Os 1, 7) ; « Malheur ! Ils descendent en Égypte pour y chercher du secours. Ils s’en remettent à des chevaux, ils font confiance aux chars parce qu’ils sont nombreux, aux cavaliers parce qu’ils sont en force, mais ils n’ont pas un regard pour le Saint d’Israël, ils ne cherchent pas le Seigneur. » (Is 31, 1) ; le Seigneur qui promet la paix et la fin de toute guerre, de toute violence : « Il sera juge entre les nations, l’arbitre de peuples nombreux. Martelant leurs épées, ils en feront des socs, de leurs lances, ils feront des serpes. On ne brandira plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à se battre. » (Is 2, 4) (Mi 4, 3) ; « Le loup habitera avec l’agneau. »(Is 11, 6-9) ; « je conclurai pour eux en ce jour-là une alliance avec les bêtes des champs, les oiseaux du ciel, les reptiles du sol ; l’arc, l’épée et la guerre, je les briserai, il n’y en aura plus dans le pays, et je permettrai aux habitants de dormir en sécurité. » (Os 2, 20) ; « Il supprimera d’Ephraïm le char de guerre et de Jérusalem le char de combat. Il brisera l’arc de guerre et il proclamera la paix pour les nations. » (Za 9, 10).
129. Gn 6, 11-13.
130. Gn 8, 21.
131. Gn 9, 13.
132. 1 Ch 22, 8.
133. En 2005 encore, le cinéaste israélien Avi Mograbi, au grand scandale de nombreux compatriotes suggérait que les kamikazes pouvaient se réclamer de l’exemple de Samson auquel le titre de son film « Pour un seul de mes yeux » renvoie directement. Par ailleurs, prenant unilatéralement le parti des Palestiniens menacés par l’armée israélienne, le cinéaste les comparait aux zélotes juifs assiégés par l’armée romaine à Massada en 72.
134. « Point de signe d’une réponse de Dieu à la prière ou d’une causalité divine dans l’écroulement du temple ; et point de confirmation non plus, de la part du narrateur, sur le lien entre croissance des cheveux et force surhumaine. Au contraire, pour la première fois dans l’histoire de Samson, nous avons droit à la description de l’effort que requiert l’exploit herculéen. » (SONNET J.-P. et WENIN A., La mort de Samson : Dieu bénit-il l’attentat suicide ?, in Revue théologique de Louvain, 35, 2004, p. 378.)
135. Jg 13-16.
136. Op. cit., p. 381.