L’enseignement de Pie XII, toujours valable dans ses principes et injonctions, peut sembler, à première vue, bien dépassé par les faits, par l’évolution de la banque, du système de prêt, de l’épargne et l’expansion de la spéculation comme des pratiques liées à l’argent sale. Et on pourrait regretter, avec le P. Calvez, que, face à cette dégradation, la question du libéralisme financier n’ait plus guère été traitée par la suite, « alors que c’est elle qui est devenue centrale désormais, aux yeux de beaucoup : c’est le point qui importe le plus pour l’avenir. »[1]
Disons que, d’une manière générale, l’Église continue sporadiquement à rappeler la nécessité de faire servir les investissements à l’emploi[2], de mettre le capital au service du travail[3]. « le revenu excédentaire, écrit le P. Calvez, qui n’est pas encore moyen de production, mais est susceptible de s’investir en moyens de production, ne peut être « possédé pour posséder », ni gaspillé à un usage de luxe personnel : il ne peut être possédé que pour une finalité sociale. »[4]
Toutefois, l’attention de l’Église va se porter de plus en plus sur les questions financières liées au développement des peuples et notamment sur la dette des pays les plus pauvres.
A l’approche du troisième millénaire, Jean-Paul II déclarait solennellement que « dans l’esprit du Livre du Lévitique (25, 8-12)[5], les chrétiens devront se faire la voix de tous les pauvres du monde, proposant que le Jubilé soit un moment favorable pour penser entre autres, à une réduction importante, sinon à un effacement total , de la dette internationale qui pèse sur le destin de nombreuses nations. »[6]
Plus caractéristique encore fut, en 1997, cette journée d’étude présidée par le cardinal Poupard sur L’Église et le prêt à intérêt, hier et aujourd’hui[7]. On y rappela l’évolution de la position de l’Église jusqu’à l’encyclique Vix pervenit, la nécessité de protéger les faibles contre la rapacité des riches et la difficulté de maintenir ce principe dans une culture moderne dominée par le dynamisme créateur, l’exaltation des libertés et l’affirmation de l’autonomie des consciences. On rappela aussi l’événement que fut la célèbre encyclique Populorum progressio[8] où Paul VI réitère la condamnation de « l’impérialisme international de l’argent » prononcée par Pie XI[9]. A partir de ce moment, l’attention de l’Église s’est portée sur la finance internationale et les pays en voie de développement et, très précisément, sur la dette extérieure de ces pays.[10] Nous y reviendrons.