Version imprimable multipages. Cliquer ici pour imprimer.

Retour à la vue standard.

vi. Les problèmes de l’argent dans l’enseignement magistériel contemporain.

A partir du XIXe siècle, dans l’enseignement des souverains pontifes, la question de l’argent et du prêt sera insérée dans les mises en garde contre les excès du capitalisme libéral⁠[1].

Pie XI, rappelons-nous, remarque : « Ce qui à notre époque frappe tout d’abord le regard, ce n’est pas seulement la concentration des richesses, mais encore l’accumulation d’une énorme puissance, d’un pouvoir économique discrétionnaire aux mains d’un petit nombre d’hommes qui d’ordinaire ne sont pas les propriétaires, mais les simple dépositaires et gérants du capital qu’ils administrent à leur gré.

Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l’argent, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang à l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre les mains, si bien que sans leur consentement nul ne peut plus respirer »[2] Il souhaite que le capital et son investissement qu’il relie à la vertu de magnificence⁠[3], soient bien orientés : « Des principes posés par le Docteur Angélique, nous déduisons que celui qui consacre les ressources plus larges dont il dispose à développer une industrie, source abondante de travail rémunérateur, pourvu toutefois que ce travail soit employé à produire des biens réellement utiles, pratique d’une manière remarquable et particulièrement appropriée aux besoins de notre temps, l’exercice de la vertu de magnificence. »[4]

Mais, le plus impressionnant dans l’enseignement de Pie XI est, nous l’avons déjà évoqué, l’extrême lucidité qu’il a manifestée dans l’analyse de l’évolution du capitalisme et notamment la transformation inquiétante du monde économique qui trouve un dynamisme nouveau dans la spéculation plutôt que dans le travail. Il n’est pas inutile de citer le texte suivant dans son entièreté car il met d’emblée en évidence la racine d’un mal qui ne cessera d’empirer, nous en sommes les témoins:

« La déchristianisation de la vie sociale et économique et sa conséquence, l’apostasie des masses laborieuses, résultent des affections désordonnées de l’âme, triste suite du péché originel qui, ayant détruit l’harmonieux équilibre des facultés, dispose les hommes à l’entraînement facile des passions mauvaises et les incite violemment à mettre les biens périssables de ce monde au-dessus des biens durables de l’ordre surnaturel. De là, cette soif insatiable des richesses et des biens temporels qui, de tout temps sans doute, a poussé l’homme à violer la loi de Dieu et à fouler aux pieds les droits du prochain, mais qui, dans le régime économique moderne, expose la fragilité humaine à tomber beaucoup plus fréquemment. L’instabilité de la situation économique et celle de l’organisme tout entier exigent de tous ceux qui y sont engagés la plus absorbante activité. Il en est résulté chez certains un tel endurcissement de la conscience que tous les moyens leur sont bons, qui permettent d’accroître leurs profits et de défendre contre les brusques retours de la fortune les biens si péniblement acquis ; les gains si faciles qu’offre à tous l’anarchie des marchés attirent aux fonctions de l’échange trop de gens dont le seul désir est de réaliser des bénéfices rapides par un travail insignifiant, et dont la spéculation effrénée fait monter et baisser incessamment tous les prix au gré de leur caprice et de leur avidité, déjouant par là les sages prévisions de la production. Les institutions juridiques destinées à favoriser la collaboration des capitaux, en divisant et en limitant les risques, sont trop souvent devenues l’occasion des plus répréhensibles excès ; nous voyons, en effet, les responsabilités atténuées au point de ne plus toucher que médiocrement les âmes ; sous le couvert d’une désignation collective se commettent les injustices et les fraudes les plus condamnables ; les hommes qui gouvernent ces groupements économiques trahissent, au mépris de leurs engagements, les droits de ceux qui leur ont confié l’administration de leur épargne. Il faut signaler enfin ces hommes trop habiles qui, sans s’inquiéter du résultat honnête et utile de leur activité, ne craignent pas d’exciter les mauvais instincts de la clientèle pour les exploiter au gré de leurs intérêts. »[5] Devant la gravité de cette situation, Pie XI ne voit de remède que dans « une sûre discipline morale, fortement soutenue par l’autorité sociale ».⁠[6]

Comme son prédécesseur, Pie XII va se pencher sur le problème de l’investissement si important pour l’emploi⁠[7] mais qui ne peut faire fi de la vie des travailleurs : « La solidarité des hommes entre eux exige, non seulement au nom du sentiments fraternel mais aussi de l’avantage mutuel lui-même, que l’on utilise toutes les possibilités pour conserver les emplois existants et pour en créer de nouveaux. Dans ce but, ceux qui sont capables d’investir des capitaux doivent se demander, au nom du bien commun, si leur conscience leur permet de ne pas faire de pareils investissements, dans les limites des possibilités économiques, dans des proportions et au moment opportuns, et de se retirer à l’écart dans une vaine prudence. »[8] « Une politique d’expansion économique n’exige pas seulement des investissements considérables, dont il faut savoir apprécier les possibilités et les risques, elle ne requiert pas seulement un progrès constant de la recherche scientifique et donc de la préparation dans le pays de savants et d’ingénieurs appliqués à cet effort, elle engage aussi la vie des travailleurs et de leurs familles. Ce n’est pas à leurs dépens que doivent s’opérer les reconversions nécessaires à la vie de l’industrie, ainsi que les indispensables évolutions de l’agriculture et du commerce ».⁠[9]

L’enseignement de Pie XII ne s’arrête pas là. A partir du moment où, selon le caractère particulier de son pontificat, il rencontre les banquiers et leurs employés, Pie XII élargit sa réflexion et repense en profondeur le rapport du chrétien à l’argent car, apparemment, comme il le dit, « monde bancaire et idée chrétienne ; argent et évangile » sont des « termes en soi antithétiques pour qui a présente la prédication de Jésus-Christ, l’exaltation par Lui de la pauvreté, le contraste solennellement affirmé par Lui entre Dieu et Mammon ».⁠[10] Certes, le cœur dominé par l’argent est prêt à toutes les turpitudes mais s’il « vient au pouvoir d’âmes non encombrées de cupidités, libres de cette liberté des choses contingentes que nous a procurée Jésus-Christ, alors il n’y a bonne œuvre qu’il ne puisse susciter et entretenir pour le bien des hommes et la gloire de Dieu, devenant ainsi, par un miracle de la grâce, un escalier lui-même vers la justice et la sainteté chrétiennes. »[11] Ce lyrisme à propos de l’argent est nouveau, il rompt avec la mauvaise conscience qui a souvent animé les chrétiens vis-à-vis de l’argent. Pie XII n’hésite pas à s’en prendre à cette « conception malsaine » qui considère le système bancaire comme s’il « était par sa nature même entaché d’une faute. Comme si l’exercice de votre profession, dit-il aux employés, et l’objet même de votre travail vous mettaient inévitablement en danger de contaminer votre cœur. Comme s’il était particulièrement difficile pour vous de libérer votre âme de l’attachement aux biens éphémères et fallacieux, de passer à travers la flamme des richesses temporelles de façon à ne pas perdre les trésors éternels »[12]. Même le financier « au sens propre du mot (…) peut lui-même unir à l’application de sa compétence et à l’utilisation de sa capacité professionnelle, le véritable esprit évangélique, c’est-à-dire la liberté d’un cœur profondément détaché de l’argent qu’il manie, des valeurs qu’il négocie, des biens matériels qu’il administre, en ne connaissant qu’un seul Seigneur, Dieu (Mt 6, 24), qu’il sert dans une obéissance d’esprit et d’action à ses commandements et dans la fidélité au Christ. »[13] Cela clairement affirmé, Pie XII, souligne le rôle économique et social important que les banques ont joué à toutes les époques et qu’elles jouent davantage encore aujourd’hui⁠[14]:

d’une manière générale, la banque est « le carrefour où se rencontrent le capital, la pensée, le travail »[15]. Le chrétien donc ne peut que se réjouir de cette mise en relation puisqu’il refuse d’opposer ces différentes composantes de la vie économique et sociale.

« Si l’argent n’a pas été défini à tort comme le sang dans l’organisme du corps économique[16], on pourra bien en conclure que les Banques sont comme le cœur qui doit en régler la circulation pour le plus grand bien des familles, des individus, des groupes sociaux, dont l’ensemble forme le corps national économique ; d’où la puissance, l’utilité, la responsabilité du système bancaire. »[17]

« L’influence et la responsabilité des banques est énorme. Elles sont les intermédiaires du crédit et les fournisseuses des fonds au commerce, à l’agriculture et à l’industrie ; elles tirent de là une haute importance sociale. L’ordre économique actuellement en vigueur est inconcevable sans le facteur argent. Les banques en dirigent le cours ; il importe donc que celui-ci ne soit pas dirigé vers des entreprises économiquement malsaines, violant la justice, funestes au bonheur du peuple, pernicieuses pour la vie civile, mais soit en harmonie avec la saine économie publique et avec la vraie culture.

Tout ceci exige dans les dirigeants des banques et dans leurs employés, l’expérience des questions économiques, le sens social, une absolue conscience et loyauté. »[18]

Plus concrètement encore, Pie XII dira que « la fonction sociale de la Banque » consiste « à mettre l’individu en état de faire fructifier le capital, même minime, au lieu de le dissiper ou de le laisser dormir sans aucun profit ni pour soi ni pour les autres (…)[19]. C’est pourquoi les services que la banque peut rendre sont multiples : faciliter et encourager l’épargne ; réserver l’épargne pour l’avenir en la rendant fructueuse déjà dans le présent ; lui permettre de participer à des entreprises utiles qui ne pourraient être engagées sans son concours ; rendre faciles et parfois tout simplement possibles, le règlement des comptes, les échanges, le commerce entre l’État et les organismes privés et, en un mot, toute la vie économique d’un peuple ; établir, en quelque sorte, un régulateur qui aide à surmonter les périodes difficiles, sans courir à la catastrophe. »[20]

A propos du crédit, Pie XII louera une institution de droit public - la Banque nationale du Travail d’Italie - qui vint « en aide, au moyen de concessions de crédit, aux Coopératives, surtout agricoles » d’abord, puis « aux moyennes et petites industries, rendues vivantes et confiantes grâce aux crédits qui assurent et facilitent leur production autonome. Cette fonction elle aussi, - en l’heure présente, ajoute Pie XII, d’une portée capitale, - est une application heureuse et pratique de la doctrine sociale de l’Église. » De plus, grâce à ses « avances d’argent », la Banque contribue « à renforcer et accélérer la construction d’habitations (…) qui (…) donnent aux familles « l’espace, la lumière, l’air »[21] pour accomplir leur missions. »[22]

Le prêt et même le prêt à intérêt peut être une institution bienfaisante dans la mesure où il permet « la rencontre du capital et de l’idée. En proportion de l’importance de ce capital, de la valeur pratique de cette idée, la crise du travail se trouvera plus ou moins enrayée. L’ouvrier laborieux et consciencieux obtiendra plus aisément une occupation ; l’accroissement de la production permettra de tendre, lentement peut-être, mais progressivement, vers un équilibre économique ; les multiples inconvénients et désordres, fruits déplorables du chômage, seront atténués pour le plus grand bien d’une saine vie domestique, sociale et, partant, morale. Dans une certaine mesure, si modique qu’elle puisse être, l’épargne deviendra possible à un plus grand nombre, avec les avantages de tout ordre (…). »⁠[23]

On l’a compris, Pie XII n’envisage pas le prêt dans n’importe quel contexte.

d’une part, le banquier doit tenir compte de l’intérêt personnel du possesseur du capital car « le souscripteur veut être assuré de ne pas perdre sa mise de fonds. Il désire même, sans préjudice d’un honnête revenu pour son propre compte, en faire un instrument au bénéfice d’autrui et de la société. Cela suppose, évidemment, que l’entreprise mérite sa collaboration, et qu’elle est, en elle-même, de nature à l’intéresser, parce qu’elle s’harmonise avec ses dispositions et ses goûts personnels. »

d’autre part, le banquier doit évaluer celui qui fait appel au crédit: celui qui cherche à obtenir un crédit, « c’est un jeune inventeur, c’est un homme d’initiative, un bienfaiteur de l’humanité ». Il conseille au banquier de « l’étudier, pour ne pas risquer de livrer le prêteur confiant à un utopiste ou à un aigrefin, pour ne pas risquer non plus d’éconduire un solliciteur méritant, capable de rendre d’immenses services, auquel ne manquent que les ressources indispensables à la réalisation. » Il faut « peser sa valeur, comprendre ses projets et ses plans, l’aider, le cas échéant, de quelque conseil ou suggestion pour lui épargner une imprudence ou pour rendre sa conception plus pratique, pour voir enfin à quel bailleur de fonds l’adresser et le recommander. Que de génies, que d’hommes intelligents, généreux, actifs, meurent dans la misère, découragés, ne laissant vivre que l’idée, mais une idée que d’autres plus habiles sauront exploiter à leur profit. » A côté de ces créateurs en recherche de fonds, « il y a, en outre, tous ceux, qu’une année mauvaise, une récolte déficiente, des dommages causés par la guerre ou la révolution, par la maladie, ou quelque circonstance imprévue et imprévisible, sans qu’il y ait de leur faute, mettent en difficulté passagère. Ils pourraient, grâce à un crédit, se relever, se remettre en train et, avec le temps, amortir leur dette. »[24]

Pie XII ne prend pas en considération le crédit à la consommation tel qu’il s’est développé aujourd’hui. On peut même penser qu’implicitement il le réprouve puisqu’il ne manque jamais une occasion de demander à ses interlocuteurs de « résister avec persévérance aux mille tentations de plaisirs, de jouissances, d’amour-propre, de confort qui, même sans en arriver jusqu’au luxe, n’en dépassent pas moins ce qui est le juste nécessaire. »⁠[25] C’est dans cet esprit que le Saint Père louera l’action des banques populaires qui ont été constituées « pour échapper à l’emprise des usuriers » et pour « subvenir aux nécessités économiques des petites entreprises industrielles, agricoles, artisanales, en leur fournissant les capitaux requis pour leur bon fonctionnement. » Les banques populaires sont « des instruments destinés à recueillir l’épargne, et à en assurer la meilleure utilisation à l’endroit même où elles se trouvent et au profit général de ceux qui l’ont fournie. Elles intéressent donc un nombre assez étendu d’associés aux parts modestes dont elles soutiennent les entreprises par des prêts consentis avec discernement, et en se gardant d’exposer leurs capitaux à des risques trop graves. L’argent dont elles disposent, constitue en effet le moyen d’existence et de travail indispensable aux associés ; il a été gagné par un labeur persévérant et ne peut servir à des opérations hasardées, fussent-elles prometteuses. Il convient donc de le consacrer surtout à la consolidation des activités et au bien des personnes sur lesquelles repose pour une bonne part la stabilité des institutions sociales et la valeur morale de la nation et qui, en tout temps ont démontré leur attachement à la patrie, à la famille et à leur foi religieuse. » Pour Pie XII, les banques populaires illustrent parfaitement le respect de la hiérarchie des valeurs même dans le domaine économique puisque « c’est le bien de tous qui prime ici les autres considérations comme seraient par exemple l’ambition d’obtenir de brillants succès financiers ou de s’arroger dans l’économie générale une autorité plus en vue. » Mieux encore, elles mettent « en évidence comment le sens d’l’épargne et la juste limitation de la tendance à la consommation conditionnent le mouvement d’expansion de l’économie (…) Au lieu de céder au penchant de la facilité et de l’égoïsme, qui se désintéresse de l’avenir pour jouir avec insouciance du présent, l’individu apprend à organiser sa vie suivant un plan réfléchi, à l’ordonner en fonction de la solidarité qui l’unit aux membres de la communauté sociale à laquelle il appartient. » Preuve de cette juste appréciation des valeurs, les banques populaires attribuent « une large part de leurs profits à des activités éducatives, qui n’offrent pas la perspective d’un rendement immédiat, mais visent avant tout l’élévation intellectuelle et spirituelle de la population ». Ces banques réalisent ainsi « de façon éminente la fin pour laquelle elles ont été fondées. Elles confèrent par là une nouvelle dimension à tout l’ensemble de l’économie qui, loin de constituer un but en soi, reste subordonné à une finalité plus haute, celle de l’âme humaine et des valeurs transcendantes de l’esprit. »[26]


1. Bien entendu, le thème de l’argent continue d’être abordé sur le plan de la morale personnelle et est l’occasion des classiques mises en garde contre l’avidité, la cupidité, l’égoïsme, l’envie, la jalousie, etc.
2. QA 586 in Marmy.
3. Cf. IIa IIae, qu. 134.
4. QA 555 in Marmy.
5. QA 603 in Marmy.
6. Id..
7. « Que de capitaux se perdent dans le gaspillage, dans le luxe, dans l’égoïste et fastidieuse jouissance, ou s’accumulent et dorment sans profit ». (Allocution aux membres du Congrès international du crédit, 24-10-1951).
8. Radiomessage au monde, 24-12-1952.
9. Lettre de Mgr Dell’Acqua, Substitut à la Secrétairerie d’État à la Semaine sociale de France, 10-7-1956. Il ne faut pas, dira ailleurs Pie XII, « viser uniquement, dans les progrès de la technique, le maximum possible de gain, mais les fruits qu’on peut en tirer, s’en servir pour améliorer les conditions personnelles de l’ouvrier, pour rendre sa tâche moins difficile et moins dure, pour renforcer les liens de sa famille avec le sol où il habite, avec le travail dont il vit ». (A des travailleurs italiens, 13-6-1943).
10. Allocution aux employés de la Banque de Naples, 20-6-1948.
11. Id..
12. Allocution au personnel de la Banque de Rome, 18-6-1950.
13. Id..
14. Il mettra aussi en évidence en 1948, la « bienfaisance » et la « miséricorde » exercées par les banques pour « soulager les infortunes publiques et privées » durant la guerre et l’après-guerre. (Op. cit., 20-6-1948).
15. Allocution aux membres du Congrès international du Crédit, 24-10-1951.
16. L’expression, est de Pie XI (QA).
17. Allocution au personnel de la Banque de Rome, 18-6-1950.
18. Id..
19. Pie XII insiste pour que l’argent, le capital serve au développement de la vie sociale et économique : « Que de capitaux se perdent dans le gaspillage, dans le luxe, dans l’égoïste et fastidieuse jouissance, ou s’accumulent et dorment sans profit ! Il y aura toujours des égoïstes et des jouisseurs, il y aura toujours des avares et des timides à courte vue.
   Leur nombre pourrait être considérablement réduit si l’on savait intéresser ceux qui possèdent à un emploi plus judicieux et profitable de leurs fonds, opulents ou modestes. C’est en grande partie faute de cet intérêt, que l’argent coule ou dort. Pour y remédier, vous pouvez beaucoup par le souci de transformer les simples déposants en collaborateurs, à titre d’obligataires ou d’actionnaires, d’entreprises dont le lancement ou la prospérité serait de grande utilité commune: qu’il s’agisse d’activité industrielle ou de production agricole, de travaux publics ou de construction de logements populaires, d’instituts d’éducation ou de culture, d’œuvres de bienfaisance ou de service social.
   On a beaucoup médit des conseils d’administration. La critique peut être justifiée dans la mesure où leurs membres n’ont en vue que l’accroissement de leurs dividendes. Si au contraire ils ont à cœur la sage et saine orientation des capitaux, ils font, à ce seul titre, œuvre sociale de premier ordre. » (Allocution aux membres du Congrès international du Crédit, op. cit.).
20. Allocution au personnel de la Banque d’Italie, 25-4-1950.
21. Cf. Radiomessage du 24-12-1942.
22. Allocution au personnel de la banque nationale du Travail d’Italie, 18-3-1951.
23. Allocution aux membres du Congrès international du Crédit, 24-10-1951. On se rappelle que Léon XIII insistait sur la possibilité pour les travailleurs d’épargner et de se constituer ainsi un petit pécule. Le souci de l’épargne reste présent dans l’enseignement de Pie XII. Une caisse d’épargne « est éminemment sociale et, par conséquent, digne des plus grands éloges ». Le service qu’elle propose « fortifie et stimule le sens et l’habitude de la prévoyance et (…) en propage la notion et l’usage parmi les classes les moins fortunées ». Le sens et l’habitude de l’épargne « favorisent et développent réciproquement le sain climat d’une vie ordonnée et vertueusement courageuse ». L’épargne « contribue considérablement à maintenir dans la famille l’union, l’allégresse dans une simplicité sereine et la dignité morale (…). » Enfin, l’épargne donne aux modestes capitaux des déposants « un emploi productif, non seulement à leur avantage privé, mais encore au profit des œuvres de bienfaisance ou d’utilité publique ». (Allocution au personnel de la Caisse d’épargne de Rome, 3-12-1950). Les caisses d’épargne drainent pour l’État, les sociétés financières et les entreprises des ressources qui, dispersées, ne seraient pas utilisables. « Sans doute, en fournissant du crédit à l’État, aux grandes sociétés industrielles ou financières, les Caisses d’épargne contribuent largement au bien commun ; fondées toutefois dans le but d’aider des classes laborieuses, elles doivent aussi se préoccuper, dans le choix de leurs placements, des avantages directs qu’en retireront les épargnants. qu’elles contribuent donc plus encore que par le passé à soutenir et encourager les diverses formes de crédit agraire et professionnel, les coopératives, les sociétés de crédit pour la construction d’habitations, ainsi que tous les instituts destinés à promouvoir l’initiative des particuliers ou des petites entreprises, en leur procurant des matières premières ou l’équipement dont elles ont besoin, pour leur permettre ainsi d’augmenter le rendement de leur activité. De la sorte se réalisera la collaboration féconde du capital et du travail au profit immédiat des travailleurs eux-mêmes. La communauté nationale s’enrichira d’une production accrue et d’une mise en valeur appréciable de toutes ses forces saines. » (Allocution aux membres du Conseil de gestion de l’Institut international d’Epargne, 16-5-1955).
24. Allocution aux membres du Congrès international du Crédit, 24-10-1951
25. Allocution au personnel de la Caisse d’épargne de Rome, 3-12-1950.
26. Discours à des représentants des Banques populaires, 9-6-1956.

⁢a. Il faut aller plus loin.

La question du libéralisme financier, disait le P. Calvez, est celle qui « importe le plus pour l’avenir » et elle ne se limite pas à cet autre problème crucial qu’est le développement des peuples. Tout le monde est concerné et risque d’être victime dans l’interdépendance grandissante des peuples. Dans les pays développés, les meilleures politiques risquent à tout moment d’être contrecarrées par les pratiques autonomes de la sphère financière moderne⁠[1].

La question mais elle n’échappe pas aux préoccupations de le l’Église. Elle ne peut lui échapper car « la monnaie a un trop grand rôle économique, social et politique pour n’être pas examinée attentivement par un chrétien ». En effet, « la monnaie est un signe essentiel de l’état des rapports entre les hommes (…). Les innombrables répercussions des modalités de la gestion monétaire font qu’elle est au cœur de la conscience du sentiment que chacun éprouve de son appartenance à une communauté humaine solidaire ».⁠[2]

En 1991, le pape Jean-Paul II rappelle que la possession des moyens de production « devient illégitime quand la propriété n’est pas valorisée ou quand elle sert à empêcher le travail des autres pour obtenir un gain qui ne provient pas du développement d’ensemble du travail et de la richesse sociale, mais plutôt de leur limitation, de l’exploitation illicite, de la spéculation et de la rupture de la solidarité dans le monde du travail. »[3] Ces grands principes traditionnels condamnent bien des pratiques économiques et financières d’aujourd’hui mais sans les évoquer directement ni les analyser pour proposer des pistes d’action.

En 1994, le Conseil pontifical « Justice et paix » publie une petite étude de deux fonctionnaires du Ministère de l’Economie français⁠[4], intitulée « Le développement moderne des activités financières au regard des exigences éthiques du christianisme »[5]. Ce texte est « surtout destiné à ouvrir une discussion et à animer un débat. Il ne prétend pas, face à une réalité si mouvante, présenter des positions définitives ; et celles que l’on y trouve restent, bien entendu, celles des auteurs eux-mêmes ».⁠[6]

Pour les auteurs, le développement moderne des activités financières risque de mettre à mal l’exigence de solidarité, une des deux exigences majeures de la doctrine sociale de l’Église. En effet, l’activité financière moderne risque de favoriser la concentration du pouvoir⁠[7], l’inégalité entre les nations⁠[8], l’oubli de la destination universelle des biens dans l’allocation des ressources et de la justice dans l’emploi des richesses.

Pour ce qui est de l’autre exigence essentielle de la doctrine, à savoir la priorité du travail sur le capital, elle risque aussi d’être mise à mal par la spéculation et les investissements non productifs c’est-à-dire les placements dans la « sphère financière » au détriment de la « sphère réelle ».

Comment éclairer la réalité nouvelle, se guider éthiquement dans le monde économique nouveau ? C’est à répondre à cette question que vont s’employer les auteurs, conscients du fait que « l’intermédiation financière » n’a pas encore été l’objet d’une attention spécifique de la part du magistère⁠[9].

Pour jeter les bases d’une réflexion éthique, Salins et Villeroy commencent par analyser les rapports actuels entre la « sphère financière » et « l’économie réelle » pour constater que si elles sont opposées, comme le soulignent traditionnellement les Papes depuis Pie XI, elles sont aussi complémentaires. Si « l’activité financière se déploie dans un univers très largement déréglementé », ignorant les frontières et se nourrissant de spéculation, elle cultive l’innovation , soutient le développement industriel ou commercial des entreprises et leur compétitivité, et offre aux acteurs économiques les moyens techniques pour gérer les incertitudes dues aux déséquilibres économiques, aux chocs pétroliers ou encore l’instabilité du système monétaire international.

Cette analyse nuancée amène les auteurs à adoucir un peu le jugement porté habituellement sur la spéculation⁠[10]. Certes, la spéculation est corruptrice puisque sa loi est l’enrichissement à tout prix ; par là, elle dissout les finalités de l’économie et anesthésie les consciences de ceux qui sont chargés de la réguler. Mais si dangereuse soit-elle, elle est liée à la finance. Celle-ci, « est, en effet, observation (spéculation) de l’avenir, anticipation des conséquences de cet avenir estimé sur la valeur d’un actif financier, et, surtout, fait nouveau, possibilité d’échanger aisément ces anticipations sur un marché ».⁠[11] Et, citant le P. E. Perrot, ils ajoutent que l’utilisation des procédés spéculatifs « permet de mieux prévoir les revenus à venir et d’investir à meilleur escient, ce qui est conforme à l’action morale ».⁠[12] La spéculation n’est pas un simple jeu de hasard permettant un enrichissement rapide. Elle repose souvent sur une capacité d’analyse qui peut s’exercer souvent aussi dans une relative transparence. Elle n’est pas non plus nécessairement délictueuse et n’engendre pas automatiquement de l’argent facile ou illégitime. Force est de constater que « le producteur doit (…) souvent utiliser les instruments mêmes qui servent au spéculateur.

Il n’empêche que la spéculation « fait partie de ces « terrae incognitae » dangereuses où l’individu et l’entreprise ne doivent s’aventurer que s’ils se fixent des limites claires. »[13]

Considérant la « financiarisation de l’économie » comme inéluctable, les auteurs pensent qu’il faut renouveler « la manière d’aborder certaines questions d’éthique sociale »[14] . Ainsi, l’Église a encouragé l’actionnariat populaire mais, étant bien entendu que cela « ne suffit pas à donner à l’homme toute la place qui lui revient dans l’entreprise », il faut reconnaître aujourd’hui que « la sphère financière a, en quelque sorte, « médiatisé » la propriété de l’entreprise » et que, par le fait même, « le droit de propriété n’est plus personnel mais s’exerce dans l’anonymat », les fonds étant désormais gérés par des professionnels.⁠[15] Ainsi aussi, à propos des offres publiques d’achat (OPA) qui manifestent à première vue la priorité du capital sur le travail et risquent de déstabiliser les entreprises voire de les conduire au dépeçage, il faut apprendre à discerner les bonnes et les mauvaises manœuvres car si une OPA peut être agressive et strictement financière, une autre peut permettre à une entreprise de croître et d’être plus productive. Ainsi encore, la sphère financière a bousculé les règles qui présidaient au partage des richesses en agissant sur les taux d’intérêt, sur la gestion de l’épargne et, dans la globalisation, en rendant inefficace les politiques traditionnelles de redistribution. Une fois encore le capital a acquis une « liberté supérieure » souvent au détriment du bien commun et de la justice sociale.

L’Église ne peut évidement rester indifférente face à ce développement de la finance qui privilégie le temps court et favorise la croissance d’une économie de l’endettement « sans souci du lendemain » et elle a raison « d’insister pour que les choix économiques individuels soient tournés vers l’avenir » en rappelant que le temps de l’industrie et des activités productives traditionnelles est un temps long et qu’il convient de favoriser l’épargne et l’accès à la propriété.⁠[16] En effet, « notre présent n’est pas le tout du projet humain » et « notre vie économique n’est qu’une part de notre finalité ». C’est pourquoi, l’Église appelle les prêteurs et les emprunteurs à la responsabilité afin que les dettes ne soient pas supportées par d’autres. C’est pourquoi aussi l’Église préfère l’investissement utile socialement et économiquement à la pure et simple consommation.

Très concrètement donc, chacun de nous, en tant qu’épargnant est invité à « privilégier des placements « socialement utiles même s’ils sont moins rémunérateurs »[17] », à éviter les placements suspects et la fraude fiscale. Quant à la rémunération de l’épargne, elle n’échappe pas au devoir traditionnel de pauvreté et de partage. En tant qu’emprunteur, outre que nous devons apprécier notre capacité de remboursement et veiller à utiliser l’argent efficacement « au service d’une finalité plus haute » comme nous y invite la parabole des talents, « le meilleur résumé de cette morale financière »[18], nous disent les auteurs.⁠[19]

Quant au financier qui est l’intermédiaire incontournable, il est très exposé à toutes les tares et déviations de la sphère financière. Il doit d’autant plus mériter la confiance des clients par le respect d’une déontologie claire et rigoureuse⁠[20], en évitant les abus, en informant et en conseillant ce qui convient le mieux à la situation du client. Le financier peut aussi être acteur, « spéculateur » dans le bon sens du terme, sur les marchés mais en construisant « sur le roc et pas sur le sable ».⁠[21]

Pour ce qui est des responsables d’entreprises, ils sont les gardiens de la priorité du travail sur le capital et, pour cela, ils doivent, dans la transparence, veiller à ce « que l’entreprise soit fidèle à son objet social » et surveiller de près l’activité financière de l’entreprise.⁠[22]

Enfin, last but not least, les gouvernants ont un rôle essentiel car ils sont « les garants ultimes de la justice : justice pour chaque individu, dans la protection de ses droits contre les risques d’iniquité associés à l’activité financière ; justice sociale, en veillant à ce que la finance ne contribue pas à accroître les inégalités de revenu ou de patrimoine. »[23] Dans cette action, pour réguler efficacement le marché dans le bon sens, la coopération internationale est indispensable et l’interdépendance doit déboucher sur une vraie solidarité dans le souci du long terme pour le développement intégral de l’homme et de tout homme.

Les auteurs n’ont donc pas oublié ce que beaucoup d’auteurs chrétiens oublient lorsqu’ils abordent la question économique et financière : la bonne volonté toujours problématique de chaque acteur a besoin du soutien et des balises que seul le pouvoir politique peut apporter. Un évêque confirme en dénonçant « la faiblesse du politique devant l’économique » : « cela n’est pas moral », écrit-il.⁠[24]


1. A la fin de la seconde guerre mondiale, en juillet 1944, furent signés, par 44 pays, les accords de Bretton Woods (USA). Le but était de poser les bases « d’un système monétaire unique pour l’ensemble du monde, fondé sur la convertibilité des monnaies, afin d’éviter le retour aux pratiques de l’entre-deux guerre : dévaluations en chaîne, élévation des barrières douanières, contrôle des changes, etc. Il s’agissait en outre de fournir aux pays dévastés par la guerre une aide à long terme, afin de permettre la reconstruction de leur économie ». C’est là que furent institués un Fonds monétaire international (FMI) et une Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). (Mourre). Dans les années soixante, la convertibilité du dollar en or est remise en question et le 15-8-1971, Richard Nixon suspend cette convertibilité suite aux problèmes de financement de la guerre au Vietnam. Dès lors, les banques centrales ne peuvent plus réclamer le règlement des dettes américaines en or, la spéculation se déclenche. En 1976, les changes flottants deviennent la règle, l’or est démonétisé, exclu des relations monétaires. En 1979, on supprime le contrôle des mouvements de capitaux. L’instabilité règne désormais.
2. HAUTCOEUR Pierre-Cyrille, La justesse de la monnaie, in Communio n° XXI, 4, juillet-août 1996, p. 50.
3. CA, 43.
4. Antoine de Salins et François Villeroy de Galhau.
5. Libreria editrice vaticana, Cité du Vatican, 1994. On pourra lire une courte présentation de ce texte et quelques réflexions du P. Calvez in Les silences de la doctrine sociale de l’Église, Editions de l’Atelier, 1999, pp. 59-67. Voir aussi la réflexion d’ALBERT Michel (membre de l’Institut et du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France), Pour la construction d’un ordre financier, in Communio, n° XXI, 4, juillet-août 1996, pp. 69-70.
6. Présentation du cardinal Etchegaray, président du Conseil pontificale et de Mgr Jorge Mejia, vice-président, op. cit., p. 3. La préface est due au P. Calvez, membre du Conseil pontifical.
7. Cf. QA 586-587 in Marmy.
8. Cf. PP et SRS.
9. Op. cit., p. 22.
10. Cf. Pie XI : « les gains si faciles qu’offre à tous l’anarchie des marchés attirent aux fonctions de l’échange trop de gens dont le seul désir est de réaliser des bénéfices rapides par un travail insignifiant, et dont la spéculation effrénée fait monter et baisser incessamment tous les prix au gré de leur caprice et de leur avidité, déjouant par là les sages prévisions de la production » (QA, 603 in Marmy). Pie XII : « Il faut aujourd’hui une grande fermeté de principes et d’énergie de volonté pour résister à la diabolique tentation du gain facile qui spécule honteusement sur les nécessités du prochain, au lieu de gagner sa vie à la sueur de son front » (Discours aux membres du Congrès de la Confédération nationale des agriculteurs italiens, 15-11-1946). Jean-Paul II : « La propriété des moyens de production (…) devient illégitime quand elle n’est pas valorisée ou quand elle sert à empêcher le travail des autres pour obtenir un gain qui ne provient pas du développement d’ensemble du travail et de la richesse sociale, mais plutôt de leur limitation, de l’exploitation illicite, de la spéculation et de la rupture de la solidarité dans le monde du travail » (CA 43). « L’un des principaux obstacles au développement et au bon ordre économique est le défaut de sécurité, accompagné de la corruption des pouvoirs publics et de la multiplication de manières impropres de s’enrichir et de réaliser des profits faciles en recourant à des activités illégales ou purement spéculatives » (CA 48).
11. Op. cit., pp. 27-28. Les auteurs poursuivent : « Constituant une appréciation de la valeur économique du temps, l’attitude spéculative est au cœur de la sphère moderne qui s’est développée sur les ruines d’un ordre monétaire où la valeur des actifs financiers évoluait très lentement. » Notons que si l’on s’en réfère à l’étymologie, la spéculation, du moins au départ, est une attitude normale dans les affaires : speculari signifie observer d’en haut, être en observation, suivre des yeux et plus rarement espionner.
12. PERROT E., Finance et morale, in Cahiers pour croire aujourd’hui, novembre 1988, cité in SALINS et VILLEROY, op. cit., p. 27.
13. Op. cit., p. 34. Un acteur du système financier moderne, affirme aussi que le rôle économique de la spéculation est « incontestable. Elle donne à nos intuitions une valeur réelle, reflète notre part de liberté dans la transcription économique du monde. Chrétiens, ajoute-t-il, nous devons reconnaître la sphère financière comme duale de la sphère réelle. C’est à nous, alors, d’y occuper la première place : promouvoir nos idées, défendre les valeurs du christianisme, charger progressivement cette sphère de conscience d’une tension chrétienne, l’utiliser pour les finalités sociales que l’Église prétend défendre ». Et de préciser: qu’il s’agit, dans un premier temps, comme chrétien, de ne pas spéculer sur des mouvements qui paraissent enfreindre les valeurs fondamentales par lesquelles passe le salut de l’homme. (…) Le chrétien devra, ensuite, utiliser la sphère spéculative pour faire part de ses analyses et les répandre dans un monde dont la communication est le vecteur essentiel. » Les chrétiens engagés dans ce monde doivent donc développer leur conscience chrétienne.
   Pour l’auteur de ces lignes, la seule action souhaitable est une action personnelle qui ne remet pas en question le système mais cherche à l’orienter au mieux. Cette attitude préconisée dans la sphère financière rappelle l’attitude de ces patrons chrétiens qui demandaient ou demandent encore la liberté d’agir en dehors de tout contrôle de l’État, réclamant confiance dans leur bonne volonté et la bonne orientation de leur conscience. Qui ne verrait pas là l’expression d’un certain libéralisme chrétien ? (AUDREN de KERDREL Hervé, Faut-il condamner la spéculation ? in Communio, n° XXI, 4, juillet-août 1996, pp. 66-67. H.A. de Kerdel est responsable de la salle des marchés de la banque Indosuez à Tokyo). Sur la spéculation, on peut lire aussi Pierre de LAUZUN, L’évangile, le chrétien et l’argent, Cerf, 2003, pp. 257-258.
14. SALINS et VILLEROY, op. cit., , p. 35.
15. Id., pp. 36-37.
16. Id., pp. 42-44.
17. Les auteurs citent ici les évêques français dans leur appel à de nouveaux modes de vie en 1982.
18. Mt 25, 14-30.
19. SALINS et VILLEROY, op. cit., pp. 47-48.
20. L’établissement de cette déontologie incombe d’abord, en fonction du principe de subsidiarité, à la profession avant les pouvoirs publics.
21. Cf. Mt 7, 24-27: « le meilleur résumé de la sagesse et de la confiance nécessaires », disent les auteurs (op. cit., p. 50)
22. SALINS et VILLEROY, op. cit., p. 51.
23. Id., p. 52. Très concrètement, les auteurs proposent « une législation adaptée sur les OPA, sur la spéculation ou sur la fiscalité de l’épargne et des activités financières. Il est souhaitable, écrivent-ils, que, dans la mesure du possible, les revenus tirés de ces activités soient - au niveau de l’entreprise comme des individus - taxés de la même façon que ceux des activités productives : une discrimination en faveur des revenus du capital, au détriment de ceux du travail, est difficilement justifiable. Il faut naturellement tenir compte, pour cette comparaison, de l’éventuelle fiscalité sur le capital lui-même. »
24. ROUET Albert, archevêque de Poitiers, L’argent, 15 questions à l’Église, Mame/Plon, 2003, p. 110. Tout le chapitre 7, Est-il moral de gagner de l’argent en dormant ? (pp. 101-111) constitue un bref résumé des problèmes financiers d’aujourd’hui.