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f. Paul VI

Mgr Montini qui deviendra Paul VI est intervenu, nous l’avons vu, de nombreuses fois, sous le pontificat de Pie XII, pour rappeler et préciser, en diverses occasions, la pensée du Pontife régnant. Par ailleurs, Paul VI sera, durant son pontificat, particulièrement sensible à ces « déséquilibres » qui ont été dénoncés par le Concile, en particulier au déséquilibre entre nations « développées » et nations « en voie de développement ». Dans ses interventions papales, nous trouverons donc la confirmation, au niveau planétaire⁠[1], de la nécessité d’une « économie au service de l’homme »[2] et qui donc ne peut être abandonnée à elle-même. En effet, « laissé à son propre jeu, son mécanisme entraîne le monde vers l’aggravation et non l’atténuation de la disparité de niveaux de vie ».⁠[3] « La seule initiative individuelle et le simple jeu de la concurrence ne sauraient assurer le succès du développement. Il ne faut pas risquer d’accroître encore la richesse des riches et la puissance des forts, en confirmant la misère des pauvres et en ajoutant à la servitude des opprimés. Des programmes sont donc nécessaires pour « encourager, stimuler, coordonner, suppléer et intégrer »[4], l’action des individus et des corps intermédiaires. Il appartient aux pouvoirs publics de choisir, voire d’imposer les objectifs à poursuivre, les buts à atteindre, les moyens d’y parvenir, et c’est à eux de stimuler toutes les forces regroupées dans cette action commune. Mais qu’ils aient soin d’associer à cette œuvre les initiatives privées et les corps intermédiaires. Ils éviteront ainsi le péril d’une collectivisation intégrale ou d’une planification arbitraire qui, négatrices de liberté, excluraient l’exercice des droits fondamentaux de la personne humaine. »[5] La philosophie de Paul VI ne présente rien de neuf si ce n’est l’application des principes établis par Léon XIII à l’échelle du monde et l’introduction d’une nuance importante : la possibilité pour les pouvoirs publics d’« imposer » les objectifs à poursuivre, tant est vif l’égoïsme, tant est répandue l’indifférence et tant est grave la situation de certains peuples. La poursuite du bien commun, la défense des droits peut justifier une coercition. La suite du texte de Paul VI met bien en lumière les objectifs : « …​tout programme, fait pour augmenter la production n’a en définitive de raison d’être qu’au service de la personne. Il est là pour réduire les inégalités, combattre les discriminations, libérer l’homme de ses servitudes, le rendre capable d’être lui-même l’agent responsable de son mieux-être matériel, de son progrès moral, et de son épanouissement spirituel. Dire : développement, c’est en effet se soucier autant de progrès social que de croissance économique. Il ne suffit pas d’accroître la richesse commune pour qu’elle se répartisse équitablement. Il ne suffit pas de promouvoir la technique pour que la terre soit plus humaine à habiter. »[6]

La responsabilité des pouvoirs publics peut paraître énorme mais leur seule raison d’être est, ne l’oublions pas, le service du bien commun. C’est pourquoi Paul VI n’hésite pas à interpeller les hommes d’État en ces termes : « il vous incombe de mobiliser vos communautés pour une solidarité mondiale plus efficace, et d’abord de leur faire accepter les nécessaires prélèvements sur leur luxe et leurs gaspillages, pour promouvoir le développement et sauver la paix. »[7]


1. « On ne saurait user ici de deux poids et deux mesures. Ce qui vaut en économie nationale, ce qu’on admet entre pays développés, vaut aussi dans les relations commerciales entre pays riches et pays pauvres. » (PP 61).
2. PP 86.
3. PP 8. La lutte contre l’accroissement des disparité doit animer l’action internationale comme elle anime ou doit animer les politiques intérieures : « …​ les pays développés l’ont eux-mêmes compris, qui s’efforcent de rétablir par des mesures appropriées, à l’intérieur de leur propre économie, un équilibre que la concurrence laissée à elle-même tend à compromettre. C’est ainsi qu’ils soutiennent souvent leur agriculture aux prix de sacrifices imposés aux secteurs économiques plus favorisés. C’est ainsi encore que, pour soutenir les relations commerciales qui se développent entre eux, particulièrement à l’intérieur d’un marché commun, leur politique financière, fiscale et sociale s’efforce de redonner à des industries concurrentes inégalement prospères des chances comparables. » (PP 60).
4. MM 54.
5. PP 33. Et plus loin: « Sans abolir le marché de concurrence, il faut le maintenir dans des limites qui le rendent juste et moral, et donc humain. » PP 61.
6. PP 34.
7. PP 84.