Invitée par les événements et par les innombrables prises de position
politiques, morales, théologiques, à donner son point de vue, l’Église,
renouant avec une antique et authentique tradition, va, face aux
problèmes nouveaux qui touchent l’environnement, réaffirmer que la
nature est don vital de Dieu et, à son niveau, parole de
Dieu. Ce statut invite naturellement au
respect et condamne d’avance tout pillage, toute négligence, tout abus,
toute destruction intempestive. Dans la gestion du monde, nous sommes
donc invités une fois de plus à faire nôtre le Principe et fondement
des Exercices spirituels, qui doit mesurer tout notre
agir.
Il nous enseigne à user des dons de Dieu autant qu’il est nécessaire
mais pas plus qu’il n’est nécessaire.
Les encycliques Mater et magistra et Pacem in terris développe les
grands principes à mettre en œuvre pour que la vie sociale se développe
dans la paix mais Jean XXIII est peut-être le premier souverain pontife
à s’être intéressé aux énergies nouvelles dans un discours adressé aux
participants à la conférence des Nations unies sur les nouvelles sources
d’énergie.
Le Concile Vatican II n’aborde pas directement la question de
l’environnement ou de l’écologie mais souligne, en des formules
frappantes, la valeur de la création dans une perspective
eschatologique : « L’Église, à laquelle nous sommes tous appelés dans le
Christ Jésus et dans laquelle par la grâce de Dieu nous acquérons la
sainteté, ne sera consommée que dans la gloire céleste, quand arrivera
le temps de la restauration de toutes choses (Ac 3, 21) et quand, avec
le genre humain, le monde entier, qui est intimement uni à l’homme et
parvient par lui à sa fin, sera lui aussi renouvelé complètement dans le
Christ (Ep 1, 10 ; Col 1, 20 ; 2 P 3, 10-13) ». En
attendant, créé à l’image de Dieu, l’homme doit dominer et utiliser les
créatures terrestres pour la glorification de Dieu et se soucier
d’elles : « Un dans son corps et dans son âme, l’homme réunit en lui, de
par sa condition corporelle même, les éléments du monde matériel, de
sorte que ceux-ci atteignent en lui leur sommet et élèvent en lui leur
voix pour louer librement leur Créateur (Dn 3, 57-90). » « Il a été établi comme seigneur de toutes les créatures
terrestres, pour les dominer et pour s’en servir en glorifiant Dieu
(Si 17, 3-10). » Ce denier membre de phrase est
important et montre toute la différence entre la gérance chrétienne et
la volonté de puissance : « Etabli par Dieu dans la justice, l’homme
toutefois, se laissant convaincre par le Malin, dès le début de
l’histoire a abusé de sa liberté, en se dressant contre Dieu et en
désirant atteindre sa fin en dehors de Dieu. Alors qu’ils avaient connu
Dieu, « ils ne lui ont pas rendu la gloire qui revient à Dieu, amis leur
cœur inintelligent s’est enténébré » et ils « ont servi la créature plutôt
que le Créateur (Rm 1, 21-25) ». Ainsi, le désordre
introduit dans le monde matériel est la conséquence de l’oubli de Dieu,
le fruit du péché.
L’apport essentiel de Gaudium et spes est une juste anthropologie qui
servira de base désormais à toutes les réflexions sur la question
écologique.
En 1970, Paul VI, pour la première fois, évoque une « catastrophe
écologique » et, l’année suivante, il citera, parmi les
« nouveaux problèmes sociaux », le problème de l’environnement, en ces
termes : « une autre transformation se fait sentir, conséquence aussi
dramatique qu’inattendue de l’activité humaine. Brusquement l’homme en
prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature il
risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette
dégradation. Non seulement l’environnement matériel devient une menace
permanente : pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir
destructeur absolu ; mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise
plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être
intolérable. » Et il ajoute : « Problème social d’envergure qui regarde
la famille humaine entière. »
La tâche d’apporter des réponses reviendra principalement à Jean-Paul
II si sensible à la question de l’écologie qu’il
proclamera saint François d’Assise patron céleste des
écologistes. Dès sa
première encyclique, après avoir rappelé qu’ »en Jésus-Christ, le monde
visible, créé par Dieu pour l’homme (Gn 1, 26-30) - ce monde qui,
lorsque le péché y est entré, a été soumis à la caducité (Rm 8, 20)-,
retrouve de nouveau son lien originaire avec la source divine de la
sagesse et de l’amour », le Souverain Pontife se demande si nous sommes
convaincus par ces paroles sur »« la création (qui) gémit dans les
douleurs de l’enfantement jusqu’à maintenant » (Rm 8, 22) et qui « attend
avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 19), sur la
création qui « a été soumise à la caducité » ? » On peut en douter,
semble-t-il, devant les menaces qui pèsent notamment sur l’environnement
naturel. L’homme est aujourd’hui menacé
d’auto-destruction. On peut se demander « pour quelle raison ce pouvoir
donné à l’homme dès le commencement et qui devait lui permettre de
dominer la terre (Gn 1, 28) se retourne-t-il contre lui-même »,
provoquant une peur communicative ? Parce que « l’homme semble souvent ne
percevoir d’autres significations à son milieu naturel que celles de
servir à un usage et à une consommation dans l’immédiat. Au contraire,
la volonté du Créateur était que l’homme entre en communion avec la
nature comme son « maître » et son « gardien » intelligent et noble, et non
comme son « exploiteur » et son « destructeur » sans aucun ménagement. » En
somme, « le développement de la technique, et le développement de la
civilisation de notre temps marqué par la maîtrise de la technique,
exigent un développement proportionnel de la vie morale et de
l’éthique », ce dernier étant malheureusement toujours en
arrière.
Le thème sera repris et développé dans l’encyclique Sollicitudo Rei
socialis à l’occasion du vingtième anniversaire de
l’encyclique Populorum Progressio de Paul VI sur le développement des
peuples. Vu les dégradations subies depuis lors par
l’environnement, Jean-Paul II ne craint pas de rappeler aux hommes
distraits ou orgueilleux qu’ils possèdent une similitude avec les autres
créatures, qu’ils ont une « nature spécifique » : « Nature corporelle et
spirituelle, symbolisée dans le deuxième récit de la création, par les
deux éléments : la terre avec laquelle Dieu forme le corps de l’homme, et
le souffle de vie insufflé dans ses narines (Gn 2, 7). L’homme en vient
ainsi à avoir une certaine affinité avec les autres créatures ; il est
appelé à les utiliser, à s’occuper d’elles et, toujours selon le récit
de la Genèse (Gn 2, 15), il est établi dans le jardin, ayant pour tâche
de le cultiver et de le garder, au-dessus de tous les autres êtres
placés par Dieu sous sa domination (Gn 1, 26). Mais en même temps
l’homme doit rester soumis à la volonté de Dieu qui lui fixe des limites
quant à l’usage et à la domination des choses (Gn 2, 23), tout en lui
promettant l’immortalité (Gn 2, 9 ; Sg 2, 23). Ainsi l’homme, en étant
l’image de Dieu, a une vraie affinité avec lui aussi ».
Il s’ensuit que si l’homme doit avoir souci de son prochain, « le
caractère moral du progrès ne peut non plus faire abstraction du respect
pour les êtres qui forment la nature visible et que les Grecs, faisant
allusion justement à l’ordre qui les distingue, appelaient le « cosmos ».
Ces réalités exigent elles aussi le respect ».
Mais le texte de Jean-Paul II, le plus complet et le plus fort sur la
question de l’environnement nous a été donné à l’occasion de la Journée
de la Paix, le 1er janvier 1990.
Dans ce document exceptionnel, Jean-Paul II affirme que la paix est
menacée non seulement par les conflits ou la course aux armements mais
aussi « à cause des atteintes au respect dû à la nature, de
l’exploitation désordonnée de ses ressources et de la détérioration
progressive dans la qualité de la vie » qui engendrent « un sentiment
d’insécurité qui, à son tour, nourrit des formes d’égoïsme collectif,
d’accaparement et de prévarication ».
Jean-Paul II commence par résumer l’histoire du salut depuis la création
jusqu’à la fin des temps pour montrer que tout le cosmos est impliqué, à
toutes les étapes, dans l’innocence, le péché et la rédemption des
hommes. Il insiste sur la bonté originelle de la création, sur la
« sagesse et l’amour » que doivent manifester les hommes dans leur
gestion à l’image de Dieu, sur le désordre introduit par le péché et sur
le renouvellement de toute la création par la résurrection du Christ
qui, finalement, règnera sur toutes choses.
Ce rapide mais très précis survol permet à
Jean-Paul II de conclure qu’il y a un « rapport entre l’agir humain et
l’intégrité de la création ». Dès que l’homme s’écarte du plan de Dieu,
le désordre qu’il provoque s’étend à toute la création. Par conséquent, si de nombreuses
mesures concrètes sont utiles et doivent être prises, il n’en reste pas
moins qu’il faut remonter à la source du mal et « considérer dans son
ensemble la crise morale profonde dont la dégradation de l’environnement
est un des aspects préoccupants ». L’extrême gravité de la situation
qui, parfois, est irréversible, révèle l’extrême gravité de la crise
morale. Le vrai remède est donc d’éduquer à « la responsabilité
écologique » : « il existe dans l’univers un ordre qui doit être
respecté ; la personne humaine, douée de la capacité de faire des choix
libres, est gravement responsable de la préservation de cet ordre,
notamment en fonction du bien-être des générations futures ». Cette
responsabilité écologique suppose non une rêverie sensible mais une
véritable conversion qui implique le respect de l’ordre, de l’harmonie,
des écosystèmes du monde mais aussi l’austérité, la tempérance, la
discipline, l’esprit de sacrifice, le sens
esthétique et, de toute urgence, la
solidarité internationale car « la terre est essentiellement un héritage
commun dont les fruits doivent profiter à tous » et les dégradations
qu’elle subit ne connaissent pas de frontières.
Un peu plus tard, Jean-Paul II précisera que l’action de l’homme sur le
monde a deux limites : « La première est l’homme même. Il ne doit pas
employer la nature de façon contraire à son propre bien personnel,
contraire au bien de ses contemporains, contraire au bien des
générations futures ». En effet, la nature a été confiée à l’homme
c’est-à-dire à tous les hommes, à travers les générations. « La seconde
est dans les choses créées elles-mêmes, ou plutôt dans la volonté de
Dieu sur elles. L’homme n’a pas licence de faire ce qu’il veut et comme
il veut des créatures qui l’entourent. Au contraire, il doit les
entretenir et les cultiver, comme il est dit dans le récit de la
Genèse ». Les verbes « entretenir » et « cultiver » renvoient, dans le
langage moderne, à l’idée du développement.
Le problème de l’écologie est si important qu’il fera son entrée dans le
Catéchisme de l’Église catholique, en 1992, dans quelques articles
traitant du septième commandement : « Tu ne voleras pas ». En ne respectant
pas la création, l’homme, en effet, « vole » les générations à venir : « Le
septième commandement demande le respect de l’intégrité de la création.
Les animaux, comme les plantes et les êtres inanimés, sont naturellement
destinés au bien commun de l’humanité passée, présente, future. L’usage
des ressources minérales, végétales et animales de l’univers, ne peut
être détaché du respect des exigences morales. La domination accordée
par le Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres vivants
n’est pas absolue : elle est mesurée par le souci de la qualité de la vie
du prochain, y compris des générations à venir : elle exige un respect
religieux de l’intégrité de la création.
Les animaux sont des créatures de Dieu. Celui-ci les entoure de sa
sollicitude providentielle. Par leur simple existence, ils le bénissent
et lui rendent gloire. Ainsi les hommes leur doivent-ils bienveillance.
On se rappellera avec quelle délicatesse les saints, comme saint
François d’Assise ou saint Philippe Néri, traitaient les animaux.
Dieu a confié les animaux à la gérance de celui qu’il a créé à son
image. Il est donc légitime de se servir des animaux pour la nourriture
et la confection des vêtements. On peut les domestiquer pour qu’ils
assistent l’homme dans ses travaux et ses loisirs. Les expérimentations
médicales et scientifiques sur les animaux sont des pratiques moralement
acceptables, pourvu qu’elles restent dans des limites raisonnables et
contribuent à soigner ou sauver des vies humaines.
Il est contraire à la dignité humaine de faire souffrir inutilement les
animaux et de gaspiller leurs vies. Il est également indigne de dépenser
pour eux des sommes qui devraient en priorité soulager la misère des
hommes. On peut aimer les animaux : on ne saurait détourner vers eux
l’affection due aux seules personnes ».
Jean-Paul reviendra encore sur la nature morale de la crise écologique
dans son encyclique Centesimus annus. Après avoir dénoncé les excès de
la consommation, le Pape va militer en faveur du respect du milieu
naturel : « L’homme, saisi par le désir d’avoir et de jouir plus que par
celui d’être et de croître, consomme d’une manière excessive et
désordonnée les ressources de la terre et sa vie même. A l’origine de la
destruction insensée du milieu naturel, il y a une erreur
anthropologique, malheureusement répandue à notre époque. L’homme, qui
découvre sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par
son travail, oublie que cela s’accomplit toujours à partir du premier
don originel des choses fait par Dieu. Il croit pouvoir disposer
arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté,
comme si elle n’avait pas une forme et une destination antérieures que
Dieu lui a données, que l’homme peut développer mais qu’il ne doit pas
trahir. Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans
l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et ainsi, finit par
provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par
lui. En cela, on remarque avant tout la pauvreté ou la mesquinerie du
regard de l’homme, plus animé par le désir de posséder les choses que de
les considérer par rapport à la vérité, et qui ne prend pas l’attitude
désintéressée, faite de gratuité et de sens esthétique, suscitée par
l’émerveillement pour l’être et pour la splendeur qui permet de
percevoir dans les choses visibles le message de Dieu invisible qui les
a créées. Dans ce domaine, l’humanité d’aujourd’hui doit avoir
conscience de ses devoirs et de ses responsabilités envers les
générations à venir ».
En 1995, dans l’encyclique Evangelium Vitae, rappellera encore « la
question de l’écologie -depuis la préservation des « habitats » naturels
des différentes espèces d’animaux et des diverses formes de vie jusqu’à
l’ »écologie humaine » proprement dite » et demandera « que les solutions
soient respectueuses du grand bien qu’est la vie, toute vie ». Et il
ajoutera cette remarque intéressante à propos de la mission donnée par
Dieu à l’homme : « La limitation imposée par le Créateur lui-même dès le
commencement, et exprimée symboliquement par l’interdiction de « manger
le fruit de l’arbre » (cf. Gn 2, 16-17), montre avec suffisamment de
clarté que, dans le cadre de la nature visible, nous sommes soumis à des
lois non seulement biologiques mais aussi morales, que l’on ne peut
transgresser impunément ».
Chez Benoît XVI, nous découvrons une véritable théologie de la création
à laquelle il a travaillé bien avant son élection au
pontificat. Nous savons déjà qu’il fut sensible à la dimension
cosmique de la liturgie, dimension qu’il confirme en reliant
l’eucharistie à la sauvegarde de la création : « …il est nécessaire que
le peuple chrétien, qui rend grâce par l’eucharistie, ait conscience de
le faire au nom de la création tout entière, aspirant ainsi à la
sanctification du monde et travaillant intensément à cette
fin. »
Il explique ainsi ce souci du monde : « Le monde n’existe pas tout seul ;
il provient de l’Esprit créateur de Dieu, de la Parole créatrice de
Dieu. C’est pourquoi il reflète également la sagesse de Dieu. Celle-ci,
dans son ampleur et dans la logique qui embrasse ses lois sous tous
leurs aspects, laisse entrevoir quelque chose de l’Esprit créateur de
Dieu. Celle-ci nous appelle à la crainte révérencielle. Précisément
celui qui, en tant que chrétien, croit dans l’Esprit créateur, prend
conscience du fait que nous ne pouvons pas user et abuser du monde et de
la matière comme d’un simple matériau au service de notre action et de
notre volonté ; que nous devons considérer la création comme un don qui
nous est confié non pour qu’il soit détruit, mais pour qu’il devienne le
jardin de Dieu et, ainsi, un jardin de l’homme. »
Dans l’encyclique Caritas in veritate, Benoît XVI va plus loin et
développe l’idée que Jean-Paul II avait déjà lancée : la création est un
« livre » qui possède une « grammaire » : « … la création constitue
comme une première révélation, qui possède un langage éloquent : elle est
comme un autre livre sacré dont les lettres sont constituées par la
multitude de créatures présentes dans l’univers. » Benoît XVI
écrit : « Le livre de la nature est unique et indivisible, qu’il s’agisse
de l’environnement comme de la vie, de la sexualité, du mariage, de la
famille, des relations sociales, en un mot du développement humain
intégral. » Ici s’esquisse une idée qui sera chère à
François : « tout est lié » : « On ne peut exiger des jeunes qu’ils
respectent l’environnement, si on ne les aide pas, en famille et dans la
société, à se respecter eux-mêmes : le livre de la nature est unique,
aussi bien à propos de l’environnement que de l’éthique personnelle,
familiale et sociale. » « Que la lumière et la force de jésus nous aident à respecter
l’écologie humaine, conscients que l’écologie environnementale en
trouvera aussi un bénéfice, car le livre de la nature est unique et
indivisible ! C’est ainsi que nous pourrons consolider la paix,
aujourd’hui et pour les générations à venir. »
Forts des réflexions de ses prédécesseurs immédiats, inspiré par saint
François et saint Bonaventure, François
offre au monde la première encyclique consacrée à l’écologie Laudato
si’ en 2015.
Avant d’entrer dans le texte de l’encyclique Laudato si’, il n’est pas
inutile de jeter un œil sur les commentaires que la presse a publiés au
moment de sa parution.
Tout d’abord, force est de constater qu’en dehors de quelques revues
catholiques, dans la grande presse, les commentaires furent sommaires et
diffusés souvent le jour même de la parution de ce document de près de
200 pages.
Beaucoup, croyants de diverses confessions ou incroyants, se sont
réjouis, car, nous disaient-ils, le pape confirme les dangers que la
planète court et quatre mois avant la conférence de Paris sur le climat
(du 30 novembre au 12 décembre 2015) il apporte son appui moral aux
participants. En somme cette encyclique est intéressante parce qu’elle
confirme toutes les mises en garde actuelles.
Beaucoup d’autres, plus nombreux ont critiqué cette encyclique. Certains
à cause de la diversité des applaudissements. Cette unanimité a suscité
de nombreuses objections qui se recoupent : Le pape profite simplement
d’une mode. Les mouvements politiques « écologiques », les associations de
défense de l’environnement disent la même chose. Il n’y a rien de
spécifiquement chrétien, voire de spécifiquement catholique dans la
vision papale. Le document va favoriser ces mouvements et associations
qui, par ailleurs, ont des positions parfois diamétralement opposées à
celles de l’Église sur les questions éthiques comme sur le terrain
purement politique.
d’autres ont une position plus radicale : François s’appuie sur une
opinion scientifique contestée par certains.
d’autres encore se sont demandé pourquoi le Saint-Père a-t-il choisi ce
thème de l’écologie ? N’y avait-il pas des problèmes plus urgents ? La
crise économique ? Le terrorisme ?
Enfin, plus gravement encore, certains ont déclaré que le pape, dans
cette encyclique, rompt avec la doctrine sociale de l’Église. En effet,
il condamne l’économie de marché, et se situe dans une tout autre
logique économique, étatiste et collectiviste.
Bref, tout cela peut nous amener à dire que l’encyclique n’a pas été lue
avec bienveillance et même qu’elle n’a pas été lue dans son intégralité
si tant est qu’elle ait été lue ! Mais ce n’est pas nouveau !
Sans suivre nécessairement la succession des chapitres, essayons de
mettre en lumière la logique du texte.
Tout d’abord remarquons que la structure de l’encyclique rappelle la
structure du document conciliaire Gaudium et spes. Ce document (GS 1
et 2) s’adresse non pas aux seuls fidèles mais à tous les hommes, à
toute la famille humaine. Il en est de même ici, François se plaît à le
répéter (LS 3 et 62). GS commence par décrire l’état du monde, les
espoirs et les angoisses de l’homme, la mutation profonde que l’époque a
connue aux points de vue social, psychologique, moral, religieux dans un
monde déséquilibré, bouleversé par l’athéisme, où chacun aspire à plus
de liberté et de dignité et se pose des questions essentielles sur le
sens de sa vie. Dans le premier chapitre de Laudato si’, François fait
de même, il dessine l’état de la planète et énumère les nombreux
problèmes qui menacent, comme il dit, notre maison commune et provoquent
des désordres naturels et sociaux. Désordres qui touchent spécialement
et gravement les hommes et les sociétés les plus pauvres de la planète.
Le catalogue est très complet, plus complet que dans le discours
habituel du militant écologiste. Et François est bien conscient que
certains contestent cette description et proposent des solutions
inadéquates à ses yeux (LS 60). Il se montre prudent lorsqu’il ajoute:
« Sur beaucoup de questions concrètes, en principe, l’Église n’a pas de
raison de proposer une parole définitive et elle comprend qu’elle doit
écouter puis promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en
respectant la diversité d’opinions. Mais il suffit de regarder la
réalité avec sincérité pour constater qu’il y a une grande détérioration
de notre maison commune. » (LS 61). Il faut savoir qu’en amont de
l’encyclique il y a l’Académie pontificale des sciences, la plus vieille
académie scientifique d’Italie, devenue pontificale sous Pie IX déjà.
Elle est internationale, elle rassemble des sommités dans tous les
domaines scientifiques, elle a la réputation d’être l’assemblée qui
compte en son sein le plus grand nombre de prix Nobel. Et c’est la
compétence en leur domaine qui rassemble ces scientifiques et non leur
orthodoxie catholique. Bon nombre sont athées, juifs ou musulmans. Dans
un message adressé aux Académiciens en 1940,
Pie XII a rappelé que l’Académie
était libre de toute forme d’inquisition : « À vous, nobles champions
des arts et disciplines humaines, l’Église reconnaît une totale liberté
dans vos méthodes et vos recherches ». En raison de leur indépendance
totale par rapport à tout point de vue national, politique ou religieux,
les délibérations et les études de l’Académie constituent une
inestimable source d’information objective sur laquelle le Saint Siège
et ses nombreux organes peuvent s’appuyer dans leurs réflexions.
Le pape s’intéresse ensuite aux causes de cette dégradation de notre
maison commune. Ou plutôt à la cause première de cette dégradation et
cette cause c’est, comme il dit, la « racine humaine » (LS 101) c’est
l’homme lui-même. Non pas l’homme en tant que tel. Le pape refuse
l’analyse de la « deep ecology » qui estime qu’« à travers n’importe
laquelle de ses interventions, l’être humain ne peut être qu’une menace
et nuire à l’écosystème mondial, raison pour laquelle il conviendrait de
réduire sa présence sur la planète et d’empêcher toute espèce
d’intervention de sa part. » (LS 60) Il refuse cette position extrême
tout comme il refuse l’optimisme d’autres qui « soutiennent à tout prix
le mythe du progrès et affirment que les problèmes écologiques seront
résolus simplement grâce à de nouvelles applications techniques, sans
considérations éthiques ni changements de fond. » (LS 60) C’est
précisément à une réflexion éthique et à un changement de fond que nous
invite François. Ce n’est pas l’homme en tant que tel qui est en
question mais un homme qui est indifférent à ces problèmes, l’homme
égoïste, violent, superficiel, jouisseur, obsédé par le profit, un homme
qui se croit tout permis, qui prétend disposer à sa guise des biens de
la planète, prêt à tout exploiter, les choses comme les êtres humains,
un homme qui se prend pour Dieu. Le mal se nomme « anthropocentrisme ».
Et face à cet homme qui se prend pour le centre du monde, la réaction
politique internationale est faible, le politique étant trop souvent
soumise à la technologie, aux intérêts économiques et aux puissances
financières. (LS 54)
Que faire alors ? Il faut penser en profondeur aux « fins de l’action
humaine » (LS 61). Est-ce moi, mon plaisir, ma richesse qui constituent
la fin de tout ? Sur ce point fondamental science et religion peuvent
entamer « un dialogue intense et fécond pour toutes deux ». (LS 62) Un
dialogue salvateur.
Dans GS, les pères conciliaires, après l’énumération des calamités et
la prise en compte des attentes de l’humanité, montrent que le message
de l’Église, s’il est écouté, est susceptible de répondre à ces
attentes. De même, après avoir constaté le délabrement de notre maison
commune, l’apathie des responsables et les souhaits des hommes
conscients du danger, François propose le remède : ce qu’il appelle l’
« écologie intégrale ». (LS, chap. IV). Cette écologie est intégrale
car elle est en même temps « environnementale, économique et sociale »,
morale et politique. Tout étant lié. On ne peut sérieusement militer
pour un environnement sain sans militer pour une économie solidaire,
sans militer pour mettre fin aux inégalités scandaleuses, aux guerres et
menaces de guerre. Plus crûment, si vous voulez, on ne peut prendre la
défense des bébés phoques sans prendre soin des pauvres, des sans
travail, des réfugiés ou encore des enfants à naître .
d’où vient, en effet, cette notion d’« écologie intégrale » ? Le pape
rompt-il, comme certains l’insinuent ou l’affirment, avec la tradition
catholique ? Non. Dans tout le chapitre deux, le pape montre qu’il est
bien dans l’esprit de l’ancien et du nouveau testament, du livre de la
Genèse aux épîtres. Tout est lié, dès le départ. Adam, selon
l’étymologie populaire dérive de adamah, le sol, de sorte qu’on peut
traduire Adam par le terreux. Il n’est pas étonnant dès lors que
l’homme et toutes les créatures soient invités, dans les psaumes, à
louer le Seigneur comme dans le Ps 148 où non seulement les anges,
mais aussi le soleil, la lune, les étoiles, les monstres marins, le feu,
la grêle, la neige, le brouillard, les montagnes, les arbres, les
reptiles, les rois et les peuples, sont invités à louer le Seigneur. Non
seulement les créatures sont interdépendantes, comme dit le Catéchisme:
« L’interdépendance des créatures est voulue par Dieu. Le soleil et la
lune, le cèdre et la petite fleur, l’aigle et le moineau : le spectacle
de leurs innombrables diversités et inégalités signifie qu’aucune
créature ne se suffit à elle-même. Elles n’existent qu’en dépendance les
unes des autres, pour se compléter mutuellement au service les unes des
autres. » Mais, en plus,
les créatures nous disent quelque chose de Dieu. Jean-Paul II faisait
remarquer que « pour le croyant, contempler la création, c’est aussi
écouter un message, entendre une voix paradoxale et silencieuse » ; « à
côté de la révélation proprement dite, qui est contenue dans les saintes
Écritures, il y a donc une manifestation divine dans le soleil qui
resplendit comme dans la nuit qui tombe ». (LS 85) Ne lit-on pas dans
l’épître aux Colossiens (Col 1, 16) : « Tout est créé par lui et pour
lui ». Les créatures nous disent quelque chose de Dieu, un Dieu qui
regarde avec tendresse ses créatures : « Ne vend-on pas cinq passereaux
pour deux as ? Et pas un d’entre eux n’est en oubli devant Dieu. » (Lc
12, 6). Et les créatures précieuses aux yeux de Dieu peuvent aussi nous
instruire par leur exemple : « Regardez les oiseaux du ciel : ils ne
sèment ni ne moissonnent ni ne recueillent en des greniers, et votre
Père céleste les nourrit » (Mt 6, 26). La contemplation du monde est
riche de découvertes pas seulement scientifiques mais aussi
théologiques. Parlant des païens, Paul écrit dans l’épître aux Romains:
« ce que l’on peut connaître de Dieu est pour eux manifeste : Dieu le
leur a manifesté. En effet, depuis la création du monde, ses perfections
invisibles, éternelle puissance et divinité, sont visibles dans ses
œuvres pour l’intelligence… » (Rm 1, 19-20). C’est ainsi qu’Aristote
par la seule raison, après avoir étudié la nature (Physis) va au-delà
des apparences, des perceptions sensibles pour fonder la métaphysique,
ce qui vient après, au-delà de la physis et en arrive à l’existence de
Dieu. Ce qui ne veut pas dire que la nature soit divine comme dans
diverses religions. Au contraire, « la pensée judéo-chrétienne a
démystifié la nature » qui a perdu son caractère divin (LS 78) mais la
nature n’est pas non plus un pur objet et tous les êtres créés n’ont pas
la même valeur. Dans le récit de la création, tout est dit « bon » mais
l’homme, créé en dernier, est dit « très bon ». Disons donc et répétons
que la nature manifeste Dieu, qu’elle est un lieu de sa présence (LS
88). Ce n’est pas par hasard si abbayes et monastères se trouvent dans
des lieux écartés en pleine nature. Ce n’est pas par hasard non plus si
le désert est souvent le lieu d’une expérience forte de la présence de
Dieu.
Le pape s’appuie, bien sûr, sur les Écritures et aussi sur la tradition,
particulièrement sur François d’Assise et son Cantique des créatures
(LS 87) qui fournit son titre à l’encyclique. François se réfère aussi
à ses prédécesseurs, Jean XXIII (Pacem in terris), Paul VI (Populorum
progressio) qui parlait de « développement intégral », saint Jean-Paul
II (Centesimus annus) qui parlait lui d’écologie humaine et Benoît
XVI (Caritas in veritate). Il aurait pu même remonter jusqu’à Léon
XIII qui, en 1891, dans Rerum novarum , à une époque où la question
écologique ne se posait pas comme aujourd’hui (le mot écologie venait
juste de naître en Allemagne et était réservé à un petit nombre de
scientifiques), Léon XIII déclare que ceux qui reçoivent la générosité
de Dieu sous la forme de ressources naturelles ou de biens devraient
exercer leur responsabilité « comme l’intendant (pas le propriétaire !)
de la providence de Dieu, au bénéfice des autres ». François s’appuie
également sur l’enseignement du patriarche de Constantinople
Bartholomée. Les orthodoxes ayant traditionnellement mieux conservé que
les catholiques, le sens de l’unité de la création. Il faut bien avouer
que pendant quelques siècles, les catholiques ont été distraits et ont
trahi la révélation à ce point de vue..
L’écologie intégrale ne se limite donc pas à la défense des espèces
menacées et à la lutte contre le réchauffement climatique. Economique,
sociale, culturelle, humaine, morale, elle est attentive au cadre de vie
sous toutes ses formes, environnement naturel, urbain, humain, elle
veille à ce que tous aient un logement digne, puissent profiter de
transports en commun bien organisés, elle défend les valeurs familiales,
les cultures locales, le patrimoine humain et chrétien, passé et
présent, elle respecte la nature humaine, la féminité et la masculinité,
la cordialité, la solidarité intergénérationnelle dans un monde qui
pollue non seulement l’air mais qui pollue la vue, les oreilles et les
âmes, qui prétend effacer les différences sexuelles, homogénéiser les
cultures, qui déracine, organise des pénuries, exploite, gaspille, veut
tout techniciser, laisse la voiture coloniser les villes et encombrer
les routes, un monde égoïste, individualiste, amoral, jouisseur.
Pour établir cette écologie intégrale, les chemins à privilégier sont le
dialogue et la conversion.
Le dialogue, à tous les niveaux, international, national et local dans
l’intérêt de tous et prioritairement des pays pauvres, dans l’intérêt de
ces biens communs à préserver que sont les océans et l’eau potable.
Dialogue sur les plans national et local à long terme et pas seulement
en vue des prochaines élections. Veiller à ce que les processus de prise
de décisions soient transparents et donc participatifs et éclairés.
L’écologie intégrale englobe donc aussi le politique. Une politique qui
dialogue avec l’économie pour qu’elle n’impose pas à n’importe quel prix
ses exigences de rentabilité. Le marché seul ne peut imposer sa loi pas
plus que l’État obsédé de planification. Un autre dialogue est
important : celui des religions et des sciences. Les sciences, les
techno-sciences ne peuvent pas tout résoudre, elles doivent s’ouvrir à
d’autres dimensions. L’homme ne se réduit pas en un certain nombre
d’équations. (chap. 5)
Au niveau personnel, la conversion est indispensable, car les lois, à
long terme sont insuffisantes pour lutter contre les mauvais
comportements (LS 211). On ne peut espérer convertir l’autre qu’en
commençant par se convertir soi-même (chap. 6). Que nous demande cette
« écologie intégrale » ? De changer notre culture, de changer nos
habitudes, de vivre avec sobriété et humilité, de rompre les
conditionnements économiques, en ayant « conscience d’une origine
commune, d’une appartenance mutuelle et d’un avenir partagé par tous »
(LS 202), donc de dépasser notre individualisme (LS 208), de
développer le sens de la responsabilité et de la communauté. En
s’appuyant sur tous les milieux éducatifs, à commencer par la famille,
vecteur essentiel de cette formation à l’écologie intégrale (LS 213)
qui ne doit pas négliger la dimension esthétique du monde (LS 215) et
surtout pas la dimension religieuse, mystique même qui seule peut offrir
les motivations nécessaires et durables. La foi nous conduit à vivre
l’amour des autres et à contempler le Créateur dans sa création à
l’école de saint Bonaventure le grand théologien franciscain (XIIIe s)
(LS 233) ou de saint Jean de la Croix, le grand mystique espagnol
(XVIe s)(LS 234). Chaque jour, nous pouvons, nous-mêmes, vivre cette
expérience particulièrement dans les sacrements car, écrit Jean-Paul II:
« toutes les créatures de l’univers matériel trouvent leur vrai sens
dans le Verbe incarné, parce que le Fils de Dieu a intégré dans sa
personne une partie de l’univers matériel, où il a introduit un germe de
transformation définitive » et c’est évidemment dans l’eucharistie que
« la Création trouve sa plus grande élévation. » (LS 236) Avez-vous
déjà pensé que lorsque monsieur le Curé ou monsieur le Vicaire célèbre
la messe, il se livre à « un acte d’amour cosmique » ? « Oui,
cosmique ! », renchérit Jean-Paul II et il explique : « car, même
lorsqu’elle est célébrée sur un petit autel d’une église de campagne,
l’Eucharistie est toujours célébrée, sur l’autel du monde. » (LS 236)
Le dimanche, en particulier, le regard s’ouvre sur le monde et sur les
autres. Déjà dans l’ancien testament, la loi du repos hebdomadaire
impose le chômage « afin que se reposent ton boeuf et ton âne et que
reprennent souffle le fils de ta servante ainsi que l’étranger » (Ex
23, 12). Saint Bonaventure déjà cité affirmait même que toute la
création porte la marque de la trinité puisque Dieu créateur est trine.
Et la création a une reine, Marie, dont toutes les créatures chantent la
beauté « enveloppée de soleil, la lune est sous ses pieds et douze
étoiles couronnent sa tête » (Ap 12, 1). Saint Joseph, le travailleur
manuel, peut nous enseigner à travailler dans le respect de la création.
Prenons soin de la création puisqu’elle est précieuse aux yeux de Dieu à
tel point qu’elle participera avec nous mystérieusement à la plénitude
sans fin. Des cieux nouveaux et une terre nouvelle nous sont promis
comme il est écrit dans l’Apocalypse (21, 1), dans la seconde épître de
Pierre (2 Pi 3, 13) en écho à ce que le Seigneur révélait déjà à Isaïe
(65, 17-19 et 66, 22)
En somme, le pape François, ne parle pas de l’écologie comme tout le
monde, il ne s’adapte pas à une mode pour paraître branché. Son message
est original à plusieurs titres.
Certes son point de départ rejoint la mise en garde de beaucoup mais
très vite il se singularise : en identifiant la cause du mal : ce n’est
pas l’homme et son activité qui sont en question mais l’homme qui a
perdu le vrai sens de ses relations avec le monde, avec les autres et
surtout avec Dieu, en affirmant l’unité de la création qui est la clé de
cette écologie intégrale, avons-nous dit : tous les hommes forment une
seule famille (un fait qui a été fortement souligné dès Pie XII), une
famille qui habite une maison commune. Cette unité de la création
découle du fait que Dieu a tout créé. C’est pourquoi le pape peut
affirmer que la meilleure manière de mettre l’être humain à sa place, et
de mettre fin à ses prétentions de dominer la terre, c’est de proposer
la figure d’un Père, créateur et unique maître du monde, parce
qu’autrement l’être humain aura toujours tendance à vouloir imposer à la
réalité ses propres lois et intérêts. En ce sens, il rejoint ce que
Jean-Paul II affirmait dans Centesimus annus : « Il n’existe pas de
véritable solution de la question sociale hors de l’Évangile » (CA 5).
On peut élargir la citation et dire qu’il n’existe pas de véritable
solution à la question sociale comme à la question environnementale hors
de l’Évangile.
De tout ce qui précède, on peut tirer deux conclusions.
Premièrement, le monde parce que création de Dieu est, à son niveau, un
domaine sacré qui sera renouvelé. Le miracle eucharistique peut nous
aider à accepter ce mystère. Jean-Paul II, dans un raccourci très
frappant, a rappelé à des agriculteurs cette « assomption » de la matière:
« Comme cela doit être significatif pour vous, hommes et femmes du monde
agricole, de contempler sur l’autel ce miracle, qui couronne et sublime
les merveilles mêmes de la nature. N’est-ce pas un miracle quotidien qui
s’accomplit lorsqu’une semence devient un épi et que, de lui, tant de
grains de blé mûrissent pour être broyés et devenir du pain ? N’est-elle
pas un miracle de la nature, la grappe de raisin qui pend des sarments
de la vigne ? Déjà, tout cela porte mystérieusement le signe du Christ,
puisque « tout s’est fait par lui et rien de ce qui s’est fait ne s’est
fait sans lui » (Jn 1, 3). Mais plus grand encore est l’événement de
grâce par lequel la Parole et l’Esprit de Dieu transforment le pain et
le vin, « fruit de la terre et du travail des hommes », en Corps et Sang
du Rédempteur ». Dans son action sur
le monde, dans son travail, l’homme doit avoir conscience de la noblesse
de ce qu’il touche, utilise et transforme.
Deuxièmement, il apparaît clairement dans tous les textes cités, du
livre de la Genèse à François, que le cosmos, dans toutes ses parties,
terre, mer, espace, est un bien collectif dont tous les peuples doivent
pouvoir jouir. Et donc, dans son action sur le monde, dans son travail,
l’homme doit se souvenir qu’il est solidaire de tous les hommes à
travers les temps.
Ces réalités profondément bibliques et chrétiennes ont incité les
représentants de diverses églises à s’associer pour sensibiliser leurs
fidèles et les responsables nationaux et internationaux.