Le professeur De Bruyne, à la fin d’une analyse des différentes théories qui servent de référence aux politiques économiques[1], conclut que ces « théories de la justice révèlent les limites de l’approche économique et son incapacité relative à traiter d’une question avant tout sociale et politique. »[2] En somme, « quelle que soit (…) son inspiration théorique, l’approche économique en elle-même est mieux apte à faciliter les choix parmi les moyens de réaliser un certain objectif de distribution qu’à éclairer le choix des objectifs. Elle reste subordonnée au politique lorsqu’il s’agit de prendre parti sur les aspects éthiques de l’action publique, soit pour apprécier la valeur de différentes formes de distribution, soit pour déterminer les seuils de l’inégalité ou de l’injustice sociale. »[3] Même s’il y a, comme dans la théorie de Rawls, une référence éthique plus ou moins avouée ou sous-entendue, il est nécessaire, pour construire une politique économique cohérente et lucide, de bien choisir le type de société que l’on souhaite, c’est-_-dire, in fine, de définir quel bien on cherche à réaliser. En fonction de la valeur poursuivie, (le bon), le pouvoir politique (le légal) choisira les moyens techniques (les théories économiques) d’assurer la justice sociale (le juste).
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ix. Les limites des théories économiques
1. De BRUYNE Paul, Théories de la justice et politiques économiques, in La justice sociale en question ?, op. cit., pp. 31-69. P. De Bruyne fut professeur à la Faculté des sciences économiques, sociales et politiques de l’UCL.
2. L’auteur fait remarquer aussi : « d’abord, la variété des écoles engendre une multiplicité de principes et de critères de la justice, avec des contradictions inévitables entre eux. Les valeurs auxquelles les théories renvoient sont d’ordres différents, individuel, social ou moral. Les niveaux d’analyse qu’elles envisagent varient également entre elles. Leurs objets respectifs se prêtent difficilement à la mesure ; leur caractère essentiellement formel rend problématiques les tentatives en vue de les opérationnaliser. Finalement, elles offrent un choix abstrait entre des principes alternatifs, mais sans suggérer de mesures effectives pour parvenir à un état désiré de justice et sans analyser les processus ou les mécanismes de décision qui y conduiraient » (op. cit., p. 65).
3. Id., p. 69.