En 2008, en Belgique, le monde politique déclarait pauvre l’isolé gagnant moins de 842 euros et le ménage disposant de moins de 1726 euros. La pauvreté ainsi définie est matérielle et relative au niveau de vie moyen d’une population à un moment donné.
Pour le dictionnaire (R), la pauvreté est l’état d’une personne qui manque de moyens matériels puis ,par extension, il désigne une insuffisance dans le domaine matériel ou moral[1]. Ainsi, tout le monde sait qu’il y a à travers le monde « une multitude incalculable d’hommes et de femmes, d’enfants, d’adultes et de vieillards, en un mot de personnes humaines et uniques, qui souffrent sous le poids intolérable de la misère. Ils sont des millions à être privés d’espoir… »[2]
Pour les Nations Unies, « on mesure habituellement la pauvreté par le revenu ou les dépenses qui suffisent à maintenir un niveau de vie réduit au strict minimum. Mais elle se définit aussi par des facteurs tels que la nutrition, l’espérance de vie, l’accès à l’eau salubre et aux moyens d’assainissement, les maladies, l’alphabétisation[3] et d’autres aspects de la condition humaine »[4].
Ce sont ces « autres aspects » qu’évoque Jean-Paul II lorsqu’il écrit « que, dans le monde d’aujourd’hui, il existe bien d’autres formes de pauvreté. Certaines carences ou privations ne méritent-elles pas, en effet, ce qualificatif ? La négation ou la limitation des droits humains - par exemple le droit à la liberté religieuse, le droit de participer à la construction de la société, la liberté de s’associer, ou de constituer des syndicats, ou de prendre des initiatives en matière économique - n’appauvrissent-elles pas la personne humaine autant, sinon plus, que la privation des biens matériels ? Et un développement qui ne tient pas compte de la pleine reconnaissance de ces droits est-il vraiment un développement à dimension humaine ? »[5]
La pauvreté prend donc des formes très diverses de la marginalisation à la misère mortelle en passant par des situations de domination ou d’esclavage[6]. la pauvreté est multiforme.
En fait, l’Église qui veut défendre et promouvoir la dignité de la personne humaine considérée dans son intégralité, considère comme cause de pauvreté et donc comme mal tout ce qui empêche, freine, étouffe, altère la pleine humanité de l’homme dans sa réalité personnelle et sociale. Car si la pauvreté a des causes individuelles (maladie, faille de la personnalité, ignorance, paresse, etc.), elle a aussi des causes structurelles et extérieures : catastrophes naturelles (inondation, sécheresse, tremblement de terre, éruption volcanique, typhon), violences, systèmes économiques et politiques aberrants et même, comme nous le verrons plus loin, un certain développement générateur de sous-développement. Même dans les pays avancés, il apparaît que des mesures pour lutter contre certaines pauvretés en entraînent d’autres. Ainsi, le coût de la lutte contre le chômage et des différents services sociaux peuvent être responsables de crises ou difficultés économiques.
Quant aux zones de pauvreté, elles ne sont pas confinées dans ce qu’on appelle le « Tiers-Monde ». Très opportunément, l’Église nous rappelle que « certains aspects caractéristiques du Tiers-Monde apparaissent aussi dans les pays développés où la transformation incessante des modes de production et des types de consommation dévalorise des connaissances acquises et des compétences professionnelles confirmées, ce qui exige un effort continu de mise à jour et de recyclage. Ceux qui ne réussissent pas à suivre le rythme peuvent facilement être marginalisés, comme le sont, en même temps qu’eux, les personnes âgées, les jeunes incapables de bien s’insérer dans la vie sociale, ainsi que, d’une manière générale, les sujets les plus faibles et ce qu’on appelle le Quart-Monde. Dans ces conditions, la situation de la femme est loin d’être facile ».[7] La pauvreté est universelle.
Sous quelque forme que ce soit et où que ce soit, la pauvreté est un scandale en soi puisqu’elle attente d’une manière ou d’une autre à la dignité de l’homme mais le scandale est tout particulièrement grave à une époque où existent bien des possibilités de la réduire[8].
Au lieu de tout faire pour lutter contre les manques essentiels, on persiste à intenter un procès aux pauvres accusés d’être responsables de leur pauvreté comme l’aveugle-né de l’évangile, dont on disait : « Qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? »[9]. On pense souvent qu’ils n’ont que le sort qu’ils méritent: paresse, alcoolisme, familles nombreuses, incapacité à gérer un budget, failles de la personnalité, manque de formation, manque d’hygiène et de santé, poids des cultures traditionnelles, etc.. Certains accusent aussi des caractères raciaux…
Les pauvres deviennent des gêneurs.[10] Déjà, au moment de la révolution en France, le nouveau pouvoir bourgeois a veillé à écarter les pauvres de la vie politique[11] et de la garde nationale[12]. Aujourd’hui, « des milieux riches et influents croient voir dans les populations pauvres du Sud un ennemi potentiel qu’il convient d’endiguer. Au lendemain de l’implosion du système communiste, certains voient dans la masse des pauvres le nouvel ennemi à affronter »[13].
Pour d’autres, l’appauvrissement est une bonne chose car il profite aux pauvres : « Comme on prétend que l’insolvabilité est due à la corruption, à la paresse, à l’irrationalité des débiteurs, elle est donc coupable et non excusable. On insinue ainsi que si la dette est légitime, il est légitime qu’elle soit remboursée même au prix de la mort (…). Par ailleurs, en s’appuyant sur le mythe incontesté du caractère salvifique du respect des lois du marché, on avance que l’exigence du remboursement est bonne même pour les débiteurs, fût-ce au prix de leur sang. Eux-mêmes y gagneraient grâce à la « main invisible », car le marché fonctionne au bénéfice de tous. Il ne faut donc pas en suspendre les règles. Le sacrifice sert l’intérêt général et il est juste. Une remise de la dette serait une fausse clémence »[14].