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i. Les chrétiens séduits...

Dans les pays démocratiques, on constate que, même là où existent des partis d’inspiration chrétienne, les électeurs chrétiens se dispersent largement sur l’échiquier politique, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Parallèlement, on trouve, dans tous les partis, des candidats qui se présentent comme chrétiens ou dont on connaît par ailleurs les convictions philosophiques.

Beaucoup considèrent en effet que l’engagement politique et le choix d’un système économique et social sont indépendants des convictions religieuses. Certains rappellent que Paul VI et le Concile Vatican II ont reconnu la légitimité de la diversité des engagements. d’autant que l’Église ne cesse de rappeler qu’elle n’a pas de compétences techniques dans les domaines profanes. Quelques-uns enfin affirment que leur choix, quel qu’il soit par ailleurs, est précisément dicté par leurs convictions religieuses personnelles ou bien conforme à l’enseignement social de l’Église.

⁢a. …par les socialismes

Nous examinerons par la suite cette question de la cohérence chrétienne⁠[1] mais disons, dès à présent, qu’à première vue, on peut comprendre que certains s’allient aux mouvements socialistes puisque l’Église affirme avec force son « option préférentielle pour les pauvres », dénonce l’appétit du gain et les inégalités scandaleuses.

Certes, il y a, au sein de la mouvance socialiste, une vieille tradition chrétienne ou du moins religieuse que certains font remonter aux sectes gnostiques⁠[2] ou aux communautés primitives dont parlent les Actes des Apôtres[3]. Pour nous en tenir à l’époque contemporaine, on se souvient du témoignage d’Etienne Cabet⁠[4] qui écrivait que « les communistes sont les disciples, les imitateurs et les continuateurs de Jésus-Christ. Respectez donc, demandait-il, une doctrine prêchée par Jésus-Christ ». Les rédacteurs de l’Atelier⁠[5] affirmaient aussi que « l’Évangile est le véritable et le seul code de la Liberté, de la Fraternité et de l’Unité. Il contient tout l’enseignement des grandes choses que la notion révolutionnaire a commencé et finira par réaliser ».⁠[6]

En Belgique, il est arrivé que des socialistes saluent Philippe Coenen (1842-1892) « catholique pratiquant, croyant fervent et membre d’une société bien-pensante (…) un des plus anciens socialistes de notre pays ». H. De Man⁠[7] substituera une interprétation psychologique de l’histoire à son interprétation marxiste. Pour lui, le socialisme, « c’est la condamnation de la moralité régnante au nom de la morale générale ou encore, si l’on n’a pas peur des mots, la condamnation du capitalisme au nom du christianisme »[8]. Plus largement, il écrira: « Le socialisme apparaît comme la forme contemporaine d’un mouvement idéologique continu dont les origines sont celles de notre civilisation: la philosophie antique, la morale chrétienne, l’humanisme bourgeois ».⁠[9]

Ce sont des cas particuliers, sauf dans les pays anglo-saxons⁠[10], car il faut tout de même reconnaître que majoritairement, les socialistes se lièrent plutôt à la libre-pensée. En 1902, au Congrès de Tours, le parti socialiste français déclare qu’il « a besoin d’esprits libres, il oppose à toutes les religions, à tous les dogmes, le droit illimité de la pensée libre et un système d’éducation exclusivement fondé sur la science et la raison ».⁠[11] Les Belges reconnaissent que « tous ceux qui furent socialistes au XIXe siècle furent militants de la libre-pensée. C’est lç, ajoutent-ils, en 1974, un élément qui ne doit pas être perdu par ceux qui cherchent dans l’histoire des points d’appui pour l’action future ».⁠[12] La même année, après le Congrès doctrinal du parti qui s’était déroulé à l’Université libre de Bruxelles, Victor Larock, ancien ministre, déclarera : « Que ce congrès ait eu lieu à l’université du libre-examen (…), c’était à la fois une chance et un symbole »[13].

Il n’empêche que c’est précisément dans les années septante que l’on vit nombre de chrétiens céder à la tentation socialiste et même s’allier aux communistes.

C’est l’époque où apparaissent les Chrétiens pour le socialisme ainsi que des théologies de la libération imprégnées de marxisme⁠[14]. C’est l’époque où, plus radicaux que les communistes⁠[15], les évêques et supérieurs religieux de la région Centre-Ouest du Brésil, déclarent : « Il faut vaincre le capitalisme: c’est le plus grand mal, le péché accumulé, la racine pourrie, l’arbre qui produit tous les fruits que nous connaissons si bien : la pauvreté, la faim, la maladie, la mort. Pour cela, il faut que la propriété privée des moyens de production (usines, terre, commerce, banque) soit dépassée »[16].

En 1964 déjà, en France, la CFTC, Confédération française des travailleurs chrétiens[17], qui « se réclamait de la doctrine sociale de l’Église », attirée par le socialisme que réclament ses militants, devient la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et, en 1970, « se prononce pour le socialisme démocratique, caractérisé par l’autogestion, la propriété sociale des moyens de production et d’échange, la planification démocratique ». En 1981, elle appellera à voter pour le candidat de la gauche (Fr. Mitterand)⁠[18].

Toujours à cette époque , en France, Georges Hourdin, président-directeur général des publications de la Vie catholique, publie coup sur coup deux ouvrages⁠[19] où il s’interroge sur cet engagement de nombre de chrétiens⁠[20] en faisant remarquer que « tout en refusant de canoniser l’option socialiste et en reconnaissant les déviations de certaines réalisations[21], bien des militants chrétiens pensent qu’il y a une cohérence profonde entre la vision de l’homme selon les béatitudes évangéliques, et celle qui inspire leur projet politique »[22]. L’auteur propose un modèle de démocratie économique « conforme, pour les pays de l’Europe occidentale, aux principes donnés, depuis quinze ans, par l’Église catholique[23]. Il peut donc être proposé aux militants chrétiens et peut être soutenu par eux. Il rejoint le socialisme et peut-être, nous semble-t-il, accepté par les partisans de ce courant politique »[24]. Il s’agit d’un « régime mixte et de transition » parce que « la société socialiste authentique, la véritable démocratie économique ne sont pas pour demain »[25]. En attendant, « il est nécessaire de dominer, de moraliser, d’orienter, de régler la production anarchique et abondante que l’emploi des techniques nouvelles et l’accumulation, déjà faits du capital, permettent de réaliser. Il faut aussi assurer à chacun la satisfaction de ses besoins essentiels et par ce dernier mot il faut entendre non seulement les besoins nécessaires à l’entretien de la vie mais encore ceux qui correspondent à un standing de vie moyen qui doit être défini collectivement »[26]. Pour ce faire, Hourdin propose « l’établissement et le vote d’un plan (…) à partir de la base, c’est-à-dire du pouvoir régional » qui serait institué⁠[27].

Tout en prenant ses distances par rapport au marxisme, à cause, en particulier, de son matérialisme athée, G. Hourdin se défend de juger les catholiques qui adhèrent au Parti communiste. Ils s’y inscrivent, d’après lui, forts du pluralisme politique reconnu par l’Église et sûrs d’être en accord avec leur lecture de l’Évangile. L’auteur souligne le fait que l’exploitation ne distingue pas les chrétiens et les non chrétiens. Or c’est le sentiment d’être exploités qui poussent les chrétiens vers le parti communiste. Ils sont peu sensibles à la philosophie qui le sous-tend mais bien à la justice sociale. A preuve, les témoignages que l’auteur reproduit⁠[28].

En Belgique, malgré les relations étroites, voire passionnées, que de nombreux socialistes, surtout au niveau des cadres, entretiennent avec la libre-pensée, on assiste, depuis 30 ou 40 ans, à un effort officiel d’ouverture aux chrétiens. En 1972, Léo Collard qui fut président du PSB, se voulait rassurant : « Il ne suffit pas, écrivait-il, que le croyant ait la certitude qu’il pourra librement exercer le culte de son choix. Une société progressiste et humaniste doit non seulement accepter, mais assurer à chacun la possibilité d’organiser sa vie spirituelle, dans tous ses aspects, selon sa foi ou la conviction philosophique qui lui est propre »[29]. Dans cet esprit, la Charte doctrinale de 1974 déclarait : « Partisan d’une société réellement pluraliste, le Parti socialiste accepte et encourage le pluralisme des conceptions philosophiques ou religieuses de ses membres, car il estime que toute conception fondée sur la dignité de l’homme peut conduire à un engagement socialiste ».⁠[30]

En 1980, l’Institut Vandervelde organisait un colloque sur le thème « Des chrétiens au PS ? ». Le ministre Philippe Moureaux concluait les travaux en affirmant « qu’il importe aujourd’hui que nous nous montrions capables d’une ouverture à « l’autre » et, en ce sens le dialogue avec les chrétiens doit être un débat exemplaire. Si nous voulons préparer des majorités progressistes, il nous faut d’autre part un grand projet économique et social autour duquel tous les progressistes, quels qu’ils soient et d’où qu’ils viennent, puissent se retrouver »[31].

En 1982, le président Guy Spitaels, partisan de l’ouverture du PS, lance un appel au consensus : « Il est temps que toutes les énergies se soudent en Wallonie, que chacun, patrons, syndicats, formations politiques, se serre les coudes pour reconstruire notre économie »[32].

En 1987, un rédacteur de la revue Socialisme, devant la menace du grand marché européen, insistait : « La recherche d’une société davantage préoccupée d’affirmer sa dignité humaine, de promouvoir la solidarité et d’encourager la générosité devrait pouvoir regrouper les efforts de militants aux conceptions philosophiques très différentes. Il devrait être possible de faire cohabiter tous ceux qui ne veulent pas vivre dans une société axée sur le profit, l’égoïsme forcené, l’indifférence à ce qui se passe dans le monde.

Une condition préalable cependant : le strict respect des croyances des uns et des autres. »[33]

Malgré cela, un observateur notait, en 1985, que « le pôle chrétien du « rassemblement des progressistes » apparaît aujourd’hui toujours aussi fantomatique »[34].

De fait, l’adhésion de chrétiens au PS reste marginale sans doute, en grande partie à cause de l’existence à l’époque d’un parti d’inspiration sociale-chrétienne et du laïcisme affiché par nombre de dirigeants socialistes. Par contre, il fut un temps où un rêve révolutionnaire marxiste dur et pur hantait certains milieux chrétiens. Toujours dans ces fameuses années 70, la revue La foi et le Temps publiait cette déclaration : « Pour les socialistes et les démocrates chrétiens, le point de départ de l’action de démocratisation réside surtout dans l’appropriation collective des grands moyens de production. Pour changer le pouvoir, il faut, en d’autres mots, changer d’abord la propriété ».⁠[35]

« La solution n’interviendra d’ailleurs pas du jour au lendemain (…). Il ne faut pas être grand prophète pour affirmer que tôt ou tard, par des moyens pacifiques ou par la violence, la situation actuelle changera, chez nous aussi ».⁠[36]

« Dans ces désirs, ces recherches, ce combat, ce long mouvement cahotant mais toujours orienté vers la « terre promise » ou le « Grand Soir », n’y a-t-il pas un signe, une protestation et, qui s’en étonnera, l’attente de la VRAIE REVOLUTION »[37].

Mieux encore, en 1975⁠[38], la Jeunesse rurale catholique (JRC) choisissait, explicitement et officiellement, la ligne marxiste-léniniste, célébrait les vertus du modèle albanais et proclamait « la nécessité de briser l’État capitaliste par la Révolution socialiste et d’instaurer la dictature du prolétariat »[39].

« Les chefs syndicaux, précisait la JRC, les dirigeants réformistes, le PCB prétendent arriver à la société socialiste sans user de violence, par la voie pacifique électorale. Mais ils trompent ainsi lourdement la classe ouvrière, la petite paysannerie (…). Il n’est pas d’autre passage pour arriver (au socialisme) que celui de la révolution socialiste violente (…) »⁠[40].


1. Le problème se pose surtout pour les catholiques. Les protestants, depuis les origines, se sont répartis dans les différents courants du socialisme et du libéralisme partisans soit de la thèse défendue par Max Weber (1864-1920) dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), Firmin-Didot, 1981, soit de sa réfutation par Jüergen Moltmann défenseur d’un socialisme démocratique (cf. Discussion sur la théologie de la révolution, Cerf, 1972 ; Théologie de l’espérance, Le Dieu crucifié, Cerf, 1974 ; L’Église dans la force de l’esprit, Cerf, 1980).
2. CHAFAREVITCH Igor, Des voix sous les décombres, Seuil, 1975, p. 47.
3. « Tous les fidèles vivaient unis, et ils mettaient tout en commun. Ils vendaient leurs terres et leurs biens et ils en partageaient le prix entre tous d’après les besoins de chacun » (2, 44- 45) . « Personne n’appelait sien ce qu’il possédait : ils mettaient tout en commun (…) Il n’y avait pas d’indigents parmi eux ; ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient et venaient en déposer le prix aux pieds des apôtres ; puis on le distribuait selon les besoins de chacun » (4, 32-37).
4. 1788-1856.
5. Cet « organe des intérêts moraux et matériels des ouvriers » parut de 1840 à 1850.
6. Ces textes sont cités in Les dossiers de l’histoire, in Le socialisme, oct., nov., déc. 1975, n° 1, p. 29.
7. 1885-1953. Il fut Président du Parti ouvrier belge. Après la seconde guerre mondiale, il fut condamné par contumace pour « avoir méchamment servi la politique ou les desseins de l’ennemi » (Histoires des doctrines sociales du POB au PSB, op. cit., pp. 225-226).
8. Cité in Histoire des doctrines sociales du POB au PSB, op. cit., p. 32.
9. Cité in Les dossiers de l’histoire, Le socialisme, op. cit., p. 102.
10. Dans les années 1950-1960, en tout cas, on disait que beaucoup d’Anglais se ralliaient volontiers au Labour Party à cause de leurs convictions méthodistes (cf. SALLERON, op. cit., p. 146). Le méthodisme est un mouvement protestant de renouvellement religieux, qui s’est développé au XVIIIe siècle sous l’impulsion de John Wesley.
11. In Les dossiers de l’histoire, Le socialisme, op. cit., p. 59.
12. Histoire des doctrines sociales du POB au PSB, op. cit., p. 216. Un des pionniers du socialisme belge, César de Paepe (1841-1890) disait qu’il y avait trois choses à détruire: « Dieu, le Pouvoir et la Propriété » et affirmait, contrairement aux socialistes de 1848 que le socialisme ne procède point du christianisme (Histoire des doctrines sociales du POB au PSB, op. cit., p. 133).
13. In Le Peuple, 27 novembre 1974.
14. Lire sur cette question : FESSARD Gaston, Chrétiens marxistes et théologie de la libération, Itinéraire du Père J. Girardi, Lethielleux-Le Sycomore-Culture et Vérité, 1978 ; LOPEZ TRUJILLO Cardinal A., La théologie libératrice en Amérique latine, Téqui, 1983 ; ANDRE-VINCENT I. op, L’Église dans les révolutions de l’Amérique latine, SOS, 1983 ; SCHOOYANS M., Théologie et libération, Le Préambule-Essais, 1987 ; DURAND FLOREZ Ricardo sj, Teologia de los pobres ?, Obispado del Callao, 1988 ; LÖWY Michael, O Marxismo da Teologia da Liberçao, Revista Mensal, n° 17, Outubro de 2002 (disponible sur www.espacoacademico.com.br).
15. En 1967, lors de son VIe congrès, le parti communiste brésilien expliquait que « la socialisation des moyens de production ne correspond pas au niveau actuel de la contradiction entre forces productives et rapports de production » (cf. LÖWY M., op.cit.). En effet, selon les principes marxistes-léninistes, il faut, avant d’instaurer le socialisme que le capitalisme industriel ait développé et modernisé l’économie.
16. O Grito da Igreja, Obispos Latinoamericanos, 1978, p. 71, cité par LÖWY M, op. cit..
17. La CFTC était devenue, après la guerre, la deuxième centrale syndicale du pays.
18. Cf. www.univ-brest.fr. Il y est précisé qu’en 1985,  »devant la désyndicalisation, les désillusions à l’égard de la politique et le chômage, les militants CFDT réagissent en choisissant de mener la bataille de la syndicalisation et de la transformation du syndicalisme dans une société en mouvement ».
19. Catholiques et socialistes, Un rapprochement capital pour les chrétiens et la vie politique française, Grasset, 1973 ; La tentation communiste, Stock, 1978.
20. Le plus célèbre est certainement Jacques Delors, l’ancien président de la Commission européenne, marqué avoue-t-il par des penseurs comme Maurice Blondel, Jacques Maritain, Emmanuel Mounier et les directeurs de la revue Esprit (cf. DELORS J., L’unité d’un homme, Odile Jacob, 1994, pp. 311-328.
21. Parmi les « modèles de socialisme », G. Hourdin en retient deux qui, selon lui, sont mieux adaptés à la participation des chrétiens : il s’agit des modèles proposés par Léon Blum (1872-1950) et Rosa Luxembourg (1870-1919).
22. Catholiques et socialistes, op. cit., p. 264.
23. L’auteur se réfère à la Commission épiscopale française du monde ouvrier de mai 1972 et notamment au Bilan des conversations entre militants ouvriers et 40 évêques français..
24. Catholiques et socialistes, op. cit., p. 195.
25. Id., p. 210.
26. Id., p. 209.
27. Id., pp. 216-217.
28. Cf. La tentation communiste, op. cit., pp. 245-253. C’est l’époque où le Père Jean Cardonnel (dominicain) déclare à la RTB (29-1-1974, 19h30) qu’il est « un agitateur de base » et que la Chine (maoïste) « est chrétienne, non au sens culturel du mot, mais au sens de l’exigence fondamentale. Sans dire le mot, elle vit la chose ». C’est l’époque aussi où M. Schooyans, non sans nuances, était impressionné par l’exemple donné par la Chine à l’Occident et au Tiers-Monde (cf. La provocation chinoise, Cerf, 1973).
29. Front des progressistes et crise de la démocratie, Ed. De la Francité, 1972, p. 29.
30. In Le Peuple, 19 novembre 1974. On peut comprendre que cette volonté de rapprochement était animée par la certitude avouée par les socialistes de l’époque que « les programmes de la Confédération des Syndicats Chrétiens et du Mouvement Ouvrier Chrétien sont (leurs) programmes » (Le Peuple, 7 novembre 1974).
31. Des chrétiens au PS ? Rénover et agir, Institut Vandervelde, Notes de documentation, 1981, p. 104. Pour être complet, n’oublions pas que, lors de ce colloque, le futur président du PS, Philippe Busquin relevait un « problème (qui) réside dans le fait que le chrétien, membre du PS, peut être membre de la CSC et/ou membre de la mutualité chrétienne, qu’il met ses enfants dans l’enseignement libre, qu’il pratique les organisations culturelles ou parascolaires des mouvements chrétiens, qu’il participe de fait au renforcement d’appareils qui, par ailleurs, restent assez fondamentalement anti-socialistes ou peuvent apparaître comme tels » (Id., p. 55).
32. SPITAELS G., Face à la presse, RTBF, « Le PS ferait-il mieux ? » 28-11-1982, cité par DEMELENNE Claude, Le socialisme du possible, Guy Spitaels: changer la gauche ? Labor, 1985, p. 173.
33. NORRENBERG Daniel, Enjeu et limites de l’engagement des catholiques dans la vie politique, Socialisme, n°204, novembre-décembre 1987, pp. 422-423.
34. DEMELENNE Cl., op. cit., p. 175.
35. La Foi et le Temps, juillet-août 1974, p. 414. Le coordinateur de ce numéro était l’abbé Tony Dhanis.
36. Id., p. 393.
37. Id., p. 436. Souligné dans le texte.
38. La même année, on pouvait lire dans le journal Le Peuple (11 et 12 janvier 1975) une critique ironique de l’abbé portugais F. Belo qui proposait une lecture marxiste de l’Évangile.
39. Communiqué de presse de l’Equipe Nationale de la JRC, Maison diocésaine, 11, rue du Séminaire, Namur.
40. Intervention de la JRC au rassemblement de la JOC, 27-28 septembre 1975, p. 3, Editeur C. Vanderlinden, 11, rue du Séminaire, Namur.

⁢b. …par les libéralismes

d’un autre côté, on peut comprendre aussi que d’autres soient tentés par le libéralisme puisque, comme nous le verrons, l’Église reconnaît la valeur de la propriété et de l’initiative privées en même temps qu’elle condamne l’étatisme et toutes les velléités totalitaires du pouvoir.

De plus, le triomphe du libéralisme au XIXe siècle et la proclamation des fameuses lois économiques ont emporté l’adhésion spontanée, pourrait-on dire, de toute une bourgeoisie chrétienne.

Rappelons-nous ce fait déjà rapporté dans la première partie : en 1873, l’Assemblée nationale française, en majorité chrétienne, vote, par 398 voix contre 146, l’érection de la Basilique de Montmartre et repousse, par 292 voix contre 281, un projet de loi sur le repos obligatoire du dimanche⁠[1].

En 1899, huit ans après Rerum novarum, le Frère Ch. Maignen de Saint Vincent de Paul écrit : « La question sociale ne peut être résolue que si l’on amène la classe ouvrière à prendre en patience sa condition, c’est-à-dire à supporter la part de travail et de souffrance que le péché d’Adam a léguée à ses descendants »[2].

Toujours en cette fin de XIXe siècle, A. Piettre cite l’exemple d’ »un grand industriel du Nord qui, célibataire, vécut une vie personnelle de sainteté dans une extrême austérité, distribuant tout son revenu aux pauvres et à l’Église, au point de voyager en troisième classe (véritable scandale à l’époque pour son milieu !) Mais dont la cause de béatification a été rejetée par Rome, pour la raison que, suivant la pratique de ses concurrents, il n’allouait pas à ses ouvriers et à ses ouvrières ce que Léon XIII venait d’appeler le « juste salaire »«⁠[3].

En Belgique, en 1842, à l’ouverture de la session parlementaire 1842-1843, le Roi Léopold Ier annonça que le parlement serait saisi de propositions concernant « le perfectionnement de la législation et la protection de l’enfance dans les manufactures ». En 1843, Edouard Ducpétiaux⁠[4] publie un rapport sur le travail des enfants : « De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l’améliorer ». La même année, une commission du Ministère de l’Intérieur publie en 3 volumes une Enquête sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des enfants. Aucune suite législative ne fut donnée à l’époque. Pourquoi ? Chlepner explique : « Les milieux catholiques étaient alors hostiles à la réglementation du travail, y compris celle des enfants, par laquelle il fallait bien commencer, si on s’engageait dans cette voie. En effet, à leurs yeux la réglementation du travail des enfants aurait conduit inévitablement à l’instruction obligatoire et celle-ci au développement de l’enseignement officiel ». En fin de compte, « les milieux dirigeants, catholiques ou libéraux, étaient d’avis que l’amélioration de la position des masses ouvrières devait être obtenue exclusivement par leur moralisation et le développement de l’esprit de prévoyance. Dès qu’il était question de la situation ouvrière, au Parlement ou dans la presse, au Parlement encore plus que dans la presse peut-être, catholiques comme libéraux insistaient avant tout sur la réhabilitation et le développement des principes moraux et religieux et sur la création de caisses d’épargne. » Et Chlepner précise bien que « les libéraux ne manquaient pas, eux non plus, d’évoquer la nécessité de développer les principes religieux ».⁠[5]

En 1878, le leader catholique Charles Woeste⁠[6], toujours à propos du travail des enfants, déclare devant la Chambre :  » Nous, membres de la droite et vous, membres de la gauche qui pour la plupart n’admettez pas plus que nous qu’il y ait une question sociale à résoudre, nous ne pouvons pas admettre la réglementation du travail, parce que nous serions sans défense contre le langage que nous tiendrait l’ouvrier demandant, en s’appuyant sur la détresse des siens, du travail ou du pain. (…) Dans l’ordre des intérêts matériels, on réclame la réglementation du travail. Dans l’ordre des intérêts intellectuels, l’instruction obligatoire et l’école obligatoire pour les pauvres. Dans l’ordre des intérêts politiques (quelques représentants) se rangent du côté du suffrage universel, c’est-à-dire de la tyrannie du nombre. Dans l’ordre des intérêts militaires, on se déclare partisan du service obligatoire. Eh bien, Messieurs, quand vous aurez créé toutes ces servitudes, croyez-le bien, le pays sera mûr pour le césarisme ».⁠[7]

On sait que même dans les milieux ecclésiastique, l’engagement en faveur des ouvriers, provoqua parfois le scandale. Ainsi, l’abbé Antoine Pottier⁠[8], professeur de théologie morale au Grand Séminaire de Liège, qui fut l’organisateur des Congrès de Liège et le chef de file de ce qu’on appela l’Ecole de Liège, se vit imposer le silence après la mort de Mgr Doutreloux, évêque du lieu, qui l’avait toujours encouragé. Léon XIII l’appela à Rome et en fit un prélat⁠[9]. L’encyclique Rerum novarum elle-même fut boycottée en maints endroits par des clercs et, en d’autres, elle suscita l’indignation de bien des fidèles nantis.

Un siècle plus tard, le libéralisme attire encore les chrétiens, patrons, cadres ou hommes politiques. En 1984, Koen Raes notait qu’au sein du CVP (parti des sociaux-chrétiens flamands), « ce sont les Léo-libéraux-appelés ainsi en référence à Léo Tindemans[10] - groupés à l’Université de Louvain (KUL) autour de Paul de Grauwe[11], de Vic et Eric Van Rompuy[12], qui défendent des thèses semblables aux thèses du radicalisme libéral, bien qu’avec des accents nettement moins libertariens »[13].

On peut rappeler aussi la pensée de Michael Novak⁠[14] que nous avons déjà rencontré. Cet auteur estime que la démocratie politique n’est compatible qu’avec une économie de marché et que celle-ci, à son tour, ne peut se passer d’un idéal moral. Il développe une « théologie du capitalisme démocratique » qui prend quelque distance vis-à-vis de la doctrine sociale de l’Église catholique qui, estime-t-il, « en ce moment, ne semble pas s’enraciner dans un sain empirisme et une saine réflexion théorique sur ces problèmes d’avenir, même si Jean-Paul II a commencé à les aborder différemment. (…) Tout comme la tradition catholique a quelque chose à apprendre à l’Amérique, le capitalisme démocratique américain a quelques nouveautés à ajouter à la tradition catholique »[15]. En effet, pour Novak, « de tous les systèmes politico-économiques qui ont façonné notre histoire, aucun n’a aussi totalement révolutionné les attentes de la vie de l’homme que ne l’a fait le capitalisme démocratique : il a prolongé la durée de la vie, a rendu concevable l’élimination de la pauvreté et de la famine et élargi la gamme des options offertes à l’homme »[16]. « Le capitalisme démocratique n’est ni le Royaume de Dieu ni exempt de péché. Cependant tous les autres systèmes connus d’économie politique sont pires. Tout espoir que nous puissions nourrir de porter remède à la pauvreté et de supprimer la tyrannie oppressive - c’est là peut-être notre ultime et plus cher espoir - réside dans ce système tant décrié. Un flot incessant d’immigrants et de réfugiés recherche ce système. Ceux qui l’imitent dans des contrées lointaines semblent mieux s’en tirer que ceux qui ne le font pas. Pourquoi sommes-nous incapables de formuler ce qui attire et ce qui marche ? »[17]. En fonction de toutes ces vertus même relatives, Novak ne comprend pas les critiques formulées par l’Église d’autant moins que les dysfonctionnements du système capitaliste sont, en réalité, dus à des manquements de la part des institutions qui ont la responsabilité de la formation éthique et donc, notamment, de l’Église.

En France, deux auteurs ont repris les thèses de Novak et confirment: « Ce n’est pas à l’État de fournir les valeurs transcendantes, effectivement indispensables à la survie d’une société humaine. Ce n’est pas aux entreprises économiques de fabriquer, à côté de leurs produits, des valeurs spirituelles. Les responsables et les professionnels de la vie morale ont été singulièrement inférieurs à leur mission »[18]. Et d’interpeller sèchement Jean-Paul II : « Très Saint Père, l’Église aimerait-elle à ce point les pauvres qu’elle cherche à en faire davantage, par crainte d’en manquer ? »[19]. Pour ces auteurs, « les efforts de notre pape sont minés, neutralisés par une grave lacune dans sa vision du monde. Elle ne lui est certes pas personnelle. L’Église entière a subi d’immenses dommages et, pire encore, elle en provoque involontairement parce qu’elle ne comprend rien à l’économie. Les causes et les mécanismes, les conditions et les effets du développement économico-social, qui sont maintenant connus, lui ont toujours échappé »[20].

A la même époque, Louis Duquesne de la Vinelle⁠[21] regrette les « reproches très souvent mal fondés ou excessifs que les Encycliques adressent à l’économie de marché…​ »⁠[22]

Mieux encore, selon Guy Sorman, Mgr Poupard, pro-président du Secrétariat pour les non-croyants, verrait, dans le libéralisme, un allié objectif : « …​le cap est mis sur le libéralisme, comme en témoigne, raconte-t-il, la nouvelle exégèse de Populorum progressio que me propose Paul Poupard. Cette encyclique publiée en 1967 par Paul VI apparut alors comme le texte fondamental de la doctrine sociale de l’Église anticapitaliste, voire antilibérale. C’est à tort, me dit aujourd’hui Mgr Poupard, que l’on a cru que l’Église condamnait le capitalisme libéral. En vérité , on nous a mal lus ! Le pape d’alors mettait seulement le monde en garde contre un « libéralisme sans frein ». Il n’y avait donc pas condamnation du libéralisme, mais de ses excès ; il convenait de prêter la plus grande attention au qualificatif, non au substantif. (…) Il ne faudrait pas conclure de cette relecture par Mgr Poupard que l’Église soit pour autant prête à se rallier au libéralisme. Le prélat ne fait que constater une alliance objective dans la lutte contre le totalitarisme, la bureaucratisation de nos sociétés, les atteintes à la personne humaine. Les chemins sont ici parallèles, sans toutefois devoir se rencontrer. Il s’inquiète même de ce que les progrès du libéralisme ne viennent consolider une morale de l’homme sans foi, épris du seul bien-être matériel d’un homme tellement libre qu’il n’aurait plus aucun goût de Dieu. Pourtant, comment ne pas voir dans cette relecture de Populorum progressio un affadissement des théories sociales de l’Église, et dans la reconnaissance de l’alliance nouvelle entre libéraux et chrétiens, au cœur même du Vatican, le signe manifeste d’un chavirement des modes de pensée dans tout le monde occidental ? »[23]

En 1992, Jean-Marie Domenach⁠[24] qui, comme on le sait, fut anarchiste puis communiste avant de devenir directeur de la revue Esprit, se révèle un chrétien sincèrement interpellé par les inégalités mais singulièrement marqué par la pensée d’Hayek : « A la différence de la « justice commutative » qui préside à l’échange entre individus, écrit-il, la « justice distributive » suppose une répartition faite par l’État ou par des autorités qui tiennent de lui leur légitimité. Cette répartition n’est pas faite au nom de norme établies ; à la différence de la justice qui rend ses arrêts dans le cadre des codes civil et pénal, elle se réfère à un idéal informulé, dont les exigences varient selon les besoins, les désirs et les modes. Quel est l’écart tolérable entre les plus riches et les plus pauvres ? Le seuil de tolérance n’est fixé nulle part, et il ne peut l’être. Certains États totalitaires comme la Chine « populaire » s’y sont essayés, mais n’y sont pas parvenus. Cette norme est donc remplacée par un consensus flottant qui est fonction de l’opinion dominante et de l’interprétation qu’en donnent ceux qui gouvernent et ceux qui aspirent à les remplacer, ce qui ouvre le champ à la démagogie pour alléguer des « droits » inconsistants (« droit au travail », « droit à la santé », « droit à l’enfant »), dont la liste est indéfinie…​ Du fait que ces droits restent indéterminés, les partis qui se réclament de la « justice sociale » sont poussés à concevoir et à installer des régimes volontaristes (appelés constructivistes par Hayek), qui sont censés assurer une « juste » redistribution et des possibilités ».⁠[25] Pour Domenach, « il est incontestable qu’une conception libérale et dynamique de la société est nécessaire pour assurer les bases d’une redistribution équitable »[26]. Toutefois, « la garantie d’un traitement équitable en matière juridique et sociale ne suffit pas à combattre les inégalités qui se développent à l’intérieur d’un « ordre spontané », d’un marché. Mais les constructivistes, qui veulent sincèrement mettre fin aux inégalités aboutissent aussi à des résultats pervers. Leur passion de normaliser et réglementer a pour conséquence de multiplier les détournements, les passe-droits et, par conséquence, les privilèges d’une nomenklatura »[27]. « Si l’on veut réellement annuler les avantages hérités de la nature et de la tradition, ajoute-t-il, si l’on veut réellement établir des chances égales pour tous, il faudra détruire la famille et déraciner la tradition »[28]. Mais sans en arriver à de telles extrémités, pour cet auteur, la lutte contre les inégalités doit s’articuler autour de deux principes simples : « Le premier principe d’une authentique justice sociale est celui que formulait Péguy : ne laisser personne à la porte de la cité. Le second est que les inégalités profitent à la croissance, et que la croissance serve à la réduire »[29].


1. Cf. PIETTRE A., Les chrétiens et le libéralisme, op. cit., pp. 105-106. En 1888, une proposition de loi semblable (présentée par le catholique Albert de Mun) fut rejetée. Il faudra attendre 1906 et une majorité de gauche pour que soit votée l’obligation du repos hebdomadaire « de préférence le dimanche ».
2. Id., p. 107.
3. Id., p. 108. A la même époque, on raconte que le budget consacré par l’épouse d’un industriel pour venir en aide aux pauvres était trois fois supérieur à la masse salariale octroyée par son mari. A la décharge de ces patrons, il faut dire que celui qui aurait rémunéré « justement » ses ouvriers aurait été sans doute balayé par la concurrence.
4. 1804-1868. Il fut un des pionniers du catholicisme social en Belgique. Notons dans sa longue bibliographie : La paupérisme en Belgique (1842), Enquête sur la condition des classes ouvrières et sur le travail des enfants en Belgique (1845), Mémoire sur le paupérisme dans les Flandres (1850), Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique (1855), La question de la charité et des associations religieuses en Belgique (1858), De l’association dans ses rapports avec l’amélioration du sort de la classe ouvrière (1860), La question ouvrière (1867).
5. CHLEPNER B.-S., op. cit., pp. 38-41.
6. 1837-1922. A noter cet homme politique qui fut ministre et député, changea d’avis quelques années plus tard.
7. 20 février 1878, cité in CHLEPNER, op. cit., p. 65.
8. 1849-1923.
9. Cf. KOTHEN Robert, La pensée et l’action sociales des catholiques, 1789-1944, Warny, 1945, pp. 295 et 301-302.
10. Né en 1922, ancien premier ministre.
11. Professeur d’économie à la KUL, député VLD (libéral).
12. Vic Van Rompuy est économiste ; il a publié notamment De economische crisis van het Westen, Davidsfonds, 1979 et en collaboration avec Wim Mesen, Handbook openbare financiën, Acco, 1991. Eric Van Rompuy, son fils, fut député européen puis député régional flamand CVP (social-chrétien).
13. Le libéralisme radical en Flandre ; l’évolution du PVV, in Revue nouvelle, n°3, mars 1984, p 317.
14. Né en 1933, M. Novak est issu d’une famille catholique d’origine Slovaque. A propos de ses grands-parents émigrés aux États-Unis vers 1887, il écrit qu’ils ont été « libérés par l’Amérique de la tyrannie, de la pauvreté et de l’oppression de pensée et de parole ». Il étudia notamment à l’Université grégorienne de Rome et enseigna à Harvard, Stanford, Syracuse et Washington (Cf. http://sociodroit.ifrance.com).
15. Cf. Une éthique économique, Les valeurs de l’économie de marché, Cerf, 1987, p. 299.
16. Id., p. 7.
17. Id., p. 27.
18. PATERNOT J. et VERALDI G., Dieu est-il contre l’économie ?, Ed. De Fallois, 1989, p. 194.
19. Id., p. 7.
20. Id., p. 24. Cette ignorance « est d’autant plus tragique, ajoutent-ils, que l’économie devient une discipline scientifique, reconnue comme telle depuis 1969 par le prix Nobel » (id., p. 31).
21. Il fut professeur d’économie à l’UCL, à la Faculté universitaire catholique de Mons et à l’Institut universitaire européen de Florence.
22. Le marché et la justice, A partir d’une lecture critique des Encycliques, Duculot-Perspectives, 1987, p. 144.
23. La solution libérale, Pluriel, 1984, pp. 21-22.
24. 1922-1997.
25. La morale sans moralisme, Flammarion, 1992, pp. 251-252.
26. Id., p. 254.
27. Id., p. 256.
28. Id., p. 259.
29. Id., p. 260.