On l’appelle aussi « social-démocratie ». Théoriquement, à première vue,
il est difficile de distinguer une différence entre ce socialisme et
l’autre au point de vue économique et social.
En 1951, le socialiste français Guy Mollet déclarait dans
une conférence : « Libérer l’homme de ce qui peut l’opprimer, tout
découle de cet objectif. Mais la première distinction, en ce qui nous
concerne, c’est que nous faisons dépendre la libération de l’homme de
l’abolition du régime social et économique en vigueur, c’est-à-dire du
régime de la propriété. (…) Le caractère distinctif du parti est de
faire dépendre la libération humaine de l’abolition du régime de la
propriété capitaliste qui a divisé la société en classes nécessairement
antagonistes, qui a créé pour l’une la faculté de jouir de la propriété
sans travail, pour l’autre l’obligation de vendre son travail et
d’abandonner une part de son produit aux détenteurs du
capital ».
En, Belgique, en 1974, le Parti Socialiste publie « une synthèse
d’information sur le socialisme ». On y lit, à la rubrique « qu’est-ce que le
socialisme ? » Que celui-ci « peut se définir en deux mots, comme toute
grande idée à la portée des masses innombrables. Le socialisme, c’est la
possession et la production en commun. Le socialisme c’est la
socialisation des moyens de production. Le socialisme, c’est
l’organisation sociale et rationnelle du travail. Le socialisme, c’est
la coopération de tous au profit de tous ». Mais il est précisé aussi
que le socialisme est « une politique, cherchant à réformer ou à
transformer graduellement, sous l’inspiration d’un idéal, le régime
politique et social ». Et donc, dans un cadre
démocratique qui ne peut être remis en question, il faut que le
socialisme fasse son chemin, en concurrence avec d’autres options, par
le biais du militantisme et de l’éducation. De sorte que l’idéal n’est
réalisé nulle part et qu’il est soumis aux fluctuations des opinions et
des suffrages.
La même année, le Congrès doctrinal du Parti prit une position très
marxiste traditionnelle sur le plan économique. Un excellent
observateur, socialiste, la résumera ainsi : « la propriété collective,
la socialisation des secteurs-clés de l’économie, le développement de
l’initiative industrielle publique, une planification « impérative en ses
grandes options et souple dans son application », un contrôle ouvrier
« ouvrant la voie à l’autogestion », la lutte contre les abus et l’emprise
croissante des multinationales… En d’autres termes, un bon gros paquet
de « réformes de structures anti-capitalistes », point de passage obligé
de l’émergence d’une nouvelle société, alliant dynamisme, justice
sociale, efficacité et démocratie économique… Avec, en toile de fond,
pour ceux qui au vu des antécédents gouvernementaux du PSB en
douteraient, une intéressante mise au point : « le Parti socialiste n’a
pas pour vocation la gestion du système capitaliste… Le socialisme
lutte pour une transformation complète de la société : c’est sa volonté
révolutionnaire… Une telle transforamtion ne peut se faire du jour au
lendemain: elle exige un effort soutenu qui élimine le capitalisme et
améliore la société de façon permanente ». » Commentant ces résolutions,
l’auteur conclura qu’ »une fois de plus, la gauche a cédé à l’un de ses
plus funestes penchants : l’élaboration de programmes et de « bibles »
doctrinales largement déconnectées du réel, inapplicables… et
inappliquées ».
Bien plus, au sein même du mouvement socialiste, on entend des propos
plus « libéraux ». Ainsi, plus ou moins à la même époque, Henri
Simonet écrivait à propos de l’étatisation :
« Il faut (…) cesser d’adopter vis-à-vis de ce problème une attitude
quasi théologique et ne pas hésiter, dès lors que l’intérêt général le
commande, de laisser à l’initiative privée les activités qu’elle peut
accomplir de manière plus efficace que les pouvoirs
publics ». Un ancien président du parti, de son côté,
précisait : « Le profit n’est pas, en soi, illégitime ». C’est « un
moteur de la recherche, de l’initiative, du risque
d’entreprise ». Un autre président
se déclarera « très attaché à l’entreprise privée », méfiant vis-à-vis des théories autogestionnaires et se
gartdant « bien par ailleurs de réclamer une extension de la sphère
d’influence des pouvoirs publics ». En
2002, le président se prononça pour « une économie de marché régulée ».
Tout en voulant « restaurer l’autorité de l’État » pour « inciter les
entreprises à une plus grande vigilance quant aux implications sociales
de leurs activités », le président se défendit de vouloir rétablir « un
État omniprésent et omnipotent », « l’État-providence de nos
grands-pères ». Il plaida pour « une économie endogène dynamique et
forte », où « le rôle des entreprises » serait « déterminant ». Pour
cela, il faudrait stimuler « l’esprit d’initiative (…) dans tous les
types d’enseignement » car « l’économie a besoin d’entrepreneurs dans
tous les secteurs, l’initiative a une fonction générale dans le
développement économique ».
Au vu de ces variations, il est difficile d’identifier le socialisme
avec une technique économique précise. En 1969, dans leur programme
gouvernemental, les socialistes allemands de la SPD réclamaient la
cogestion qui est dénoncée par la Fédération générale des travailleurs
de Belgique (FGTB) parce qu’elle « conduit à l’intégration des
travailleurs au capitalisme ». Un temps, l’autogestion fut à la mode
dans certains milieux de gauche et d’extrême-gauche, mais d’autres
estim_rent qu’elle « ne peut être retenue que pour les entreprises qui
seraient socialisées, car en régime capitaliste seul le contrôle ouvrier
est concevable ».
Il n’empêche que la dynamique socialiste va, avec d’autres facteurs,
avoir une influence incontestable sur l’évolution économique et sociale
dès la fin du XIXe siècle mais surtout au cours du XXe siècle.