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iv. L’école

Comme nous l’avons déjà vu, l’existence d’écoles confessionnelles pose un problème à l’État laïc.

En Belgique, l’article 17 de la Constitution, modifié le 15 juillet 1988 stipule : « La Communauté assure le liberté choix des parents » (§1) et « Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux. L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire » (§3). Ces deux principes obligent les pouvoirs publics à subventionner l’enseignement libre qu’il soit confessionnel ou non.

Toutefois, à l’origine, l’article 17 de la Constitution se contentait d’affirmer : « L’enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite ; la répression des délits n’est réglée que par la loi » (§1). Comme l’écrivait un juriste en 1955: « Une interprétation logique de la Constitution commande de conclure au caractère purement supplétif de l’enseignement officiel par rapport à l’enseignement libre »[1]. Mais, progressivement s’est insinuée l’idée d’une école unique, pluraliste. Cette évolution a été favorisée, en 1988, par la reconnaissance constitutionnelle du seul réseau officiel⁠[2] mais aussi par le subventionnement lui-même qui a été progressivement assorti d’exigences portant notamment sur les programmes, la transparence des comptes, l’obligation d’inscription des élèves, le statut des enseignants⁠[3]. Subventionnée, en 2001, à 92% et de plus en plus conforme au modèle officiel, l’école libre confessionnelle, toujours majoritaire, dans le contexte général de la déchristianisation, a perdu beaucoup de son caractère spécifique. On assiste objectivement à une convergence de plus en plus grande entre les réseaux⁠[4].

En France, depuis le XIXe siècle, des mesures radicales ont été prises pour laïciser l’enseignement : les édifices (suppression des emblèmes religieux), le personnel et les programmes⁠[5]. Du coup, l’école catholique s’est privatisée. Toutefois, lorsqu’après le baby-boom des années 50, il n’y eut plus assez de places dans l’enseignement public, la loi Debré du 31 décembre 1959 a prévu des contrats d’association avec les écoles privées⁠[6]. Celles-ci peuvent recevoir des aides publiques pour assurer leur service d’éducation (rémunération des maîtres par l’État et prise en charge des dépenses de fonctionnement comme pour les établissements publics) mais à condition d’intégrer certains paramètres officiels : accueillir tout le monde, suivre les programmes publics, accepter le contrôle d’inspecteurs publics, respecter la liberté de conscience des élèves et préparer les élèves aux diplômes et examens selon les programmes nationaux⁠[7]. Dans ces écoles, « l’enseignement dispensé reste neutre, mais le contexte dans lequel il s’insère fait ressortir le caractère propre de l’établissement, que les maîtres sont tenus de respecter »[8].

Ces attitudes politiques ne sont pas universelles et ne sont pas idéales car, dans les deux cas, l’État étouffe en fait la liberté qu’il proclame et tente de se poser comme l’unique éducateur. Il est reconnu pourtant que « les parents ont, par priorité le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants »[9] et que « l’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement, conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques »[10].

Comme le confirme Mgr Eyt, « …l’État n’est pas premier dans le domaine de l’éducation. Il lui revient certes un rôle décisif mais les familles, les associations libres de citoyens, l’Église qui peut inspirer certaines de ces associations…​ ont une responsabilité indiscutable. Elles ont le droit et le devoir de l’exercer. La responsabilité première de l’éducation incombant aux parents, ceux-ci peuvent la déléguer partiellement. Ils ne peuvent jamais y renoncer, en faveur de qui que ce soit.

L’État est au service de l’exercice de cette responsabilité. Il ne saurait la revendiquer ni en totalité ni comme lui revenant en priorité ni, à plus forte raison, comme excluant tout autre partenaire : parents, associations libres de parents, Église et, en son sein, Congrégations…​ »[11]

L’État a donc un rôle subsidiaire. Reste à définir ses fonctions en la matière. On peut penser que « l’État devrait :

-élaborer les politiques nationales (durée de la scolarité obligatoire, partie du budget affecté à l’éducation, etc.) ;

-établir des normes minimales de fonctionnement et de programmes, au delà desquelles, libre cours pourrait être laissé aux initiatives ;

-mettre en place les moyens de financement ;

-effectuer et coordonner les études de recherches nécessaires en matière d’enseignement ;

-et enfin, conserver un certain rôle de gestionnaire, afin en particulier de pouvoir se substituer à d’éventuelles carences locales. »[12]

Pour éviter que, par le biais du financement, l’État ne rêve à nouveau de tout contrôler et diriger, certains proposent l’instauration d’un système de « chèques scolaires » accordés aux familles suivant le nombre et l’âge des enfants.⁠[13] Ce système a été instauré en Russie en juillet 1992, en Suède et en Bulgarie. En 1999, il était question aussi de le mettre en place en Italie.

De toute façon, comme le fait judicieusement remarquer une juriste, le principe de la liberté d’enseignement « suppose la liberté d’enseigner, ainsi que la liberté pour les parents d’envoyer les enfants à l’école de leur choix. Pour que ce choix soit effectivement libre, il faut qu’il existe, en fait comme en droit, une similitude de traitement entre les différents secteurs scolaires, ce qui implique en pratique une certaine aide de l’État au fonctionnement de l’école privée ».⁠[14]


1. VISSHER P. de, Les principes constitutionnels en matière d’enseignement, in Revue politique, 1955, p. 101. Cf. également PETITJEAN A., En Belgique : la liberté d’enseignement, Action des parents, sd..
2. « La Communauté organise un enseignement qui est neutre » (§1).
3. En 2001, en Communauté Wallonie-Bruxelles, le protocole d’accord dit « de la St Boniface », entre la majorité socialiste, libérale, écologiste (PS, PRL-FDF-MCC, Ecolo) et l’opposition sociale-chrétienne (PSC), qui prévoit « l’augmentation des subventions de fonctionnement octroyées aux écoles des réseaux subventionnés » précise que « l’obligation d’accepter l’inscription de tous les élèves qui partagent le projet pédagogique sera imposée aux écoles libres subventionnées.
   Enfin, la transparence sera assurée par des mesures de contrôle des comptes comparables à celles prévues par le projet de loi sur les ASBL, et par une obligation d’information du conseil d’entreprise ou son équivalent ».
4. En Flandre aussi, le débat sur le rapprochement des réseaux s’est ouvert en 2002. Certains demandant une plus grande collaboration, d’autres voulant lier l’égalité de financement au pluralisme. (Cf. MOUTON Olivier, En Flandre, le pluralisme suscite la fièvre, in La Libre Belgique, 30-1-2002).
5. Font exception certains territoires d’outre-mer comme les îles Wallis et Futuna où l’enseignement est confié à une mission catholique (Pères de Ste Marie et les trois départements d’Alsace-Moselle. Ici, les écoles primaires « sont, en principe, confessionnelles : catholiques, protestantes, parfois israélites. Une heure hebdomadaire d’enseignement religieux fait partie du programme. Les enfants peuvent en être dispensés sur demande des parents. En pratique, la plupart des écoles sont devenues interconfessionnelles ». Dans l’enseignement secondaire, des professeurs de religion « dispensent aux élèves une heure hebdomadaire d’enseignement religieux dans la religion de leur choix. Une petite minorité d’entre eux sont rémunérés sur budget de l’État ; les autres sont à charge des familles ou du diocèse ou sont bénévoles. Cette instruction religieuse n’est obligatoire que si les élèves y sont régulièrement inscrits. Ceux qui ne suivent pas ces cours ne suivent pas, à la place, quelque enseignement civique que ce soit » (GAUDEMET-BASDEVANT B., op. cit.).
6. Dans son Rapport à l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques de France, en novembre 1994, Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême, note que « l’école catholique est de plus en plus considérée, par les différents gouvernements, comme un partenaire loyal qui, dans le respect de son caractère propre, apporte une contribution importante au service public d’éducation » (DC n°2105, 4-12-1994, p. 1056). De son côté, J.-P. Chevènement avoue qu’on est arrivé à un compromis à l’« équilibre délicat, essentiel au maintien de l’idée du service public et garant de l’égalité au moins tendancielle de tous les citoyens devant l’éducation » (DC n° 2173, 4-1-1998, pp. 12-16).
7. Existent deux types de contrat : le contrat d’association dont on vient de parler, qui est le plus fréquent et le contrat simple par lequel « l’établissement garde une certaine autonomie d’organisation et de répartition dans le volume horaire de chacune des matières enseignées » (GAUDEMET-BASDEVANT B., op. cit.). Subsistent , en petit nombre, des écoles privées hors contrat où le contrôle se limite « aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l’obligation scolaire, au respect de l’ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention sanitaire et sociale » (art. 2 de la loi du 31-12-1959).
8. GAUDEMET-BASDEVANT B., op. cit..
9. Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948, art. 26.
10. Convention internationale, 1951, art. II.
11. Le principe de laïcité est-il universel ?, in DC n° 2190, 18 octobre 1998, pp. 873-875.
12. GISCARD d’ESTAING Olivier (Fondateur de l’INSEA-Institut européen d’administration des affaires), in Informations, 12-4-1971, p. 281. Il s’agit d’un résumé des idées défendues par le même auteur dans Education et civilisation, Fayard, 1971. Mgr Eyt ne dit pas substantiellement autre chose : « le service de l’État s’inscrit dans les responsabilités de celui-ci : il pourvoit au bien commun matériel, à l’ordre public, à l’équité entre les citoyens, il garantit la compétence scientifique des enseignants, les conditions d’exercice de la liberté, de l’instruction religieuse (temps pour la catéchèse, aumôneries…​) » (op. cit., id.).
13. Cf. LEPAGE H., Demain le capitalisme, Pluriel-Livre de poche, 1978, pp. 287 et svtes. L’auteur attribue la paternité de ce système au cardinal Bourne, en Angleterre, en 1926. Or, le ministre des Sciences et des Arts, F. Schollaert avait déjà proposé un « bon scolaire », en Belgique, en 1911 ( PETITJEAN A., op. cit., pp. 11-12). Cf. également, Le bon scolaire, Une idée qui fait son chemin, Action familiale et scolaire, Tiré à part, 1986 ; CALLENS G. et M.-H., MEEUS Chr. de et RENARD B., Le subventionnement de l’enseignement, Le chèque scolaire : Une solution à notre crise ?, UCL, Faculté de droit, 1991. Outre d’assurer le libre choix des parents, le système a aussi l’intérêt d’avoir trouvé des partisans dans les différentes familles politiques : chez les socialistes (MOLLET Guy, France, 1965, in Europrospections, n°13, supplément), chez les sociaux chrétiens (le ministre belge HUMBLET, in La Vanguardia española, 30-3-1977), chez les libéraux (Proposition de loi, en France, 1979, n°1424, art.21). De nombreux économistes y ont adhéré : Milton Friedman, David Friedman, Ralph Harris, Arthur Seldon ainsi que le 6e Congrès des économistes belges de langue française, à l’ULB, le 30-1-1984.
14. GAUDEMET-BASDEVANT B., op. cit..

⁢a. Le financement des cours philosophiques.

En Belgique⁠[1], dans les écoles officielles, les élèves ont, dans leur grille-horaire, le choix entre l’enseignement de différentes religions reconnues⁠[2] et de la morale non confessionnelle⁠[3], à raison de deux heures par semaine durant toute la période de scolarité obligatoire. La loi du Pacte scolaire du 29-5-1959 a consacré et clarifié une situation qui existait depuis le XIXe siècle et, en 1988, la Constitution a inscrit cette obligation en son article 24 (anciennement 17). Au contraire de ce qui se passe pour des cours de morale non confessionnelle, les programmes, les désignations de professeurs et l’inspection sont du seul ressort des « organes chefs de culte respectifs ». Notons encore qu’après les examens, les décisions des professeurs de cours philosophiques ne sont pas soumis à délibération.

A l’intérieur des universités catholiques (UCL et KUL)subventionnées comme les autres universités libres, les étudiants en théologie, sciences religieuses et droit canon, sont comptabilisés comme les autres étudiants. De même, les pouvoirs publics financent la Faculté de théologie protestante et l’Institut du judaïsme.

Il est heureux que cette situation ne soit pas exceptionnelle en Europe occidentale. On la retrouve sous des formes plus ou moins semblables un peu partout sauf en France, victime d’une laïcité très fermée, à l’exception des deux diocèses de Strasbourg et de Metz soumis au Concordat de 1801⁠[4].

En France donc⁠[5], un cours d’« instruction morale et civique » remplaça dès 1882 le cours d’ »instruction morale et religieuse » qui était obligatoire depuis 1850. Toutefois, pour respecter le principe du libre exercice des cultes par les élèves, les pouvoirs publics, dès 1905, durent prendre en charge des services d’aumônerie dans les établissements où cette institution était nécessaire (comme les internats) et dans le respect des horaires de l’enseignement public⁠[6].

Aujourd’hui, si des voix réclament l’intégration de l’instruction religieuse dans les rythmes scolaires⁠[7], de très nombreuses personnes, catholiques ou non, croyantes ou non réclament un enseignement sur les religions vu leur intérêt culturel et éducatif.⁠[8]

En Belgique aussi, certains ont réclamé l’instauration d’un cours pluraliste d’histoire des religions mais pour remplacer les cours philosophiques existants. C’est le même esprit qui en a poussé d’autres à souhaiter un cours d’éducation citoyenne ou encore un cours de philosophie. Cette dernière proposition qui fut soutenue énergiquement par le gouvernement « arc-en-ciel » en ce début de XXIe siècle a provoqué l’opposition massive des professeurs de religion et de morale non confessionnelle. On peut penser, bien sûr, à un réflexe « alimentaire » mais bien des défenseurs de l’enseignement officiel estiment qu’il ne faut pas « dissuader certains parents soucieux de l’éducation religieuse de leurs enfants de choisir l’enseignement officiel »[9] et qu’il vaut mieux maintenir les cours philosophiques dans leur état actuel.

Il n’empêche qu’à partir de 2016, les parents ont dû choisir, dans l’enseignement officiel, entre une heure de philosophie/citoyenneté plus une heure de religion/morale ou deux heures de philosophie/citoyenneté. Durant l’année scolaire 2018-2019, plus de 40.000 élèves de l’enseignement obligatoire n’ont suivi de cours ni de morale ni de religion.

Afred Hernandez, directeur général de l’OIDEL⁠[10], a remarqué qu’ »on se rend compte de plus en plus dans les pays européens de l’importance des valeurs religieuses, et de la nécessité d’une éducation sur les valeurs sociales fortes.

Il faut envisager l’enseignement des religions d’une manière différente de l’éducation laïque traditionnelle qu’on a connue dans nos sociétés. On ne peut pas envisager la laïcité dans les mêmes termes qu’avant. Dans le contexte multiculturel d’aujourd’hui, il faut s’appuyer sur les traditions religieuses plurielles pour faire vivre la société.

Le philosophe Luc Ferry a déclaré que la laïcité a tenu parce qu’il y avait un substrat chrétien, mais qu’elle a lâché quand il a disparu. Ce substrat permettait une coexistence pacifique. On ne peut pas faire tenir la société occidentale sans référence aux valeurs judéo- chrétiennes fondatrices. Une éducation aux valeurs qui est dépourvue de ces racines ne peut pas être efficace.

En matière de liberté d’enseignement, le défi sera le suivant : au lieu de se refuser à parler des valeurs religieuses, on y éduquera, mais on éduquera aussi à la tolérance mutuelle et au respect de l’autre. Dans sa dernière encyclique Fides et ratio, le pape Jean-Paul II dit que « le nouveau défi pour les chrétiens est d’établir un dialogue sur les valeurs communes avec tous les hommes de bonne volonté, de toute conviction et de toute culture ». »[11]

L’OIDEL rappelle qu’une centaine de pays ont ratifié la Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (16-12-1966) qui, dans ses articles 13 et 14, reconnaît la liberté des parents non seulement de choisir des établissements autres que ceux des pouvoirs publics mais aussi « de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ». L’État a le devoir de garantir le droit à l’éducation et, dans la mesure où elle est obligatoire, en s’efforçant d’instaurer la gratuité, ce qui ne lui absolument pas le droit - sous peine de contredire le Pacte - de dicter l’organisation de l’enseignement particulièrement en ce qui concerne les programmes et la pédagogie.


1. Cf. HUSSON J.-Fr., Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques, Courrier hebdomadaire, CRISP, n°1703-1704, 2000, pp. 72-78 ; SÄGESSER C. et COOREBYTER V., Cultes et laïcité en Belgique, Dossiers du CRISP, n°51, pp. 28-29.
2. Il s’agit des religions catholique, protestante, israélite, islamique et orthodoxe. S’ajoute en région flamande la religion anglicane. La Communauté flamande contrairement à la Communauté Wallonie-Bruxelles autorise les élèves qui ne se reconnaissent dans aucun des cours proposés (les Témoins de Jéhovah, par exemple) à ne suivre aucun cours philosophique ou de suivre le cours de Cultuurbeschouwing (civisme).
3. Le programme de ce cours précise que les principes de cette morale ne se réfèrent pas à une puissance transcendante mais ne présente pas cette morale comme « laïque ». Le Centre d’action laïque (CAL) reconnaissaient en 1996 que « nombre de professeurs de morale récusent l’appartenance du cours de morale à la laïcité » (La problématique du cours de morale, CAL, 4-12-1996, cité in CRISP, n°1703-1704, op. cit., p 72)
4. Ce Concordat entre le gouvernement du Premier consul Bonaparte et Pie VII a été abrogé en 1905 par la loi de séparation de l’Église et de l’État qui laïcisa les institutions et l’enseignement. Comme l’Alsace-Lorraine depuis 1871 était annexée à l’Empire d’Allemagne et fut seulement rendue à la France en 1918, cette région conserva son statut vu l’attachement des populations à ce concordat. Encore aujourd’hui donc, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, les membres du clergé sont rémunérés par l’État (art. 14) mais les nominations épiscopales sont réservées au chef de l’État (art. 4 et 5), l’institution canonique étant donnée par bulle pontificale, bien sûr.
5. Cf. LEMOYNE de FORGES J.-M., La religion dans l’école laïque, in La laïcité au défi de la modernité, Actes du Xe Colloque national des Juristes catholiques, 1989, Téqui, 1990, pp. 145-170.
6. Actuellement, « il est possible d’organiser des aumôneries dans tous les établissements du second degré. Elles peuvent fonctionner dans l’établissement ou à l’extérieur. Elles sont créées par le rectorat, sur demande des familles. L’autorité religieuse choisit celui à qui les fonctions d’aumônier sont confiées. Créées par décision de l’autorité administrative, les aumôneries de l’enseignement public ne perçoivent cependant, en fait, aucune subvention sur fonds publics.(…) Elles fonctionnent grâce aux cotisations des familles et aux aides accordées par le diocèse. L’élève - ou ses parents s’il est mineur - décide librement s’il souhaite fréquenter l’aumônerie. Aucune note, aucune appréciation ne sont attribuées. L’aumônier ne participe pas aux décisions concernant l’élève qui sont prises par l’école » ( GAUDEMET-BASDEVANT B., op. cit.).
7. On peut dire que l’Islam est favorisé dans la mesure où dans le cadre des cours de « langues et cultures d’origine », dans certaines écoles publiques, de nombreux él_ves musulmans reçoivent un enseignement du Coran. (Le Monde, 23-11-1989, cité in LEMOYNE de FORGES J.-M., op. cit., p. 164).
8. Régis Debray, par exemple, « redoute qu’une laïcité mal comprise (…) se révèle suicidaire si elle s’obstine à proscrire de l’école l’histoire des religions ». « Veut-on, déclare l’ancien compagnon de Che Guevara, avec l’illettrisme montant, faire demain des monastères l’ultime abri des Lumières, des vertus de doute et du libre-examen ? » (BELLEFROID Eric de, Debray sur la piste de Dieu, in La Libre Culture, 6-2-2002, à propos du livre de Debray, Dieu, un itinéraire, Odile Jacob, 2002). L’auteur renchérit en 2016 en écrivant : « La République, par bonheur, respecte toutes les croyances, mais la croyance elle-même, tenue pour une faiblesse, n’est guère prise au sérieux par nos savants. Comme si nous n’étions pas tous en dette avec cette faculté capitale, sans laquelle nous n’aurions ni avenir ni société ni entreprise. savoir et croyance ne se font pas concurrence : rendons à chacun son dû. » (DEBRAY Régis, Allons aux faits, Croyances historiques, réalités religieuses, Gallimard/France Culture,2016, p. 141.)
   A l’occasion de l’ordination épiscopale de Mgr Doré, nouvel archevêque de Strasbourg, le 23-11-1997, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur (1997-2000), président de 1993 à 2001 du MDC (Mouvement des citoyens), chargé des Cultes, prononça une allocution particulièrement intéressante (cf. DC n° 2173, 4-1-1998, pp. 12-16). Il y souligne l’intérêt du fait religieux de sorte qu’ »il est normal, dit-il, que le gouvernement, qui s’en tient évidemment au régime de la séparation de l’Église et de l’État, s’en préoccupe ». La république « entend distinguer les genres, le public et le privé, la raison naturelle et la foi, le citoyen et la personne » mais, en même temps, elle « ne peut ignorer le fait religieux ». Pour le ministre, les religions sont importantes sur les plans philosophique, culturel et politique et ont engendré l’idée même de progrès. Ainsi, les religions « ont puissamment contribué au progrès moral de l’humanité, la sommant de s’interroger sur ses fins dernières, l’arrachant à ses attaches matérielles, l’invitant à se dépasser. Il manquerait quelque chose à l’humanité, si elle était privée de cette exigence qui procède du sens de la transcendance ». Ainsi, l’échec de l’utopie communiste « atteste que les sociétés humaines ne sauraient vivre sans qu’existe en leur sein quelque forme de transcendance ». Sur le plan culturel, « le judaïsme et le christianisme (…) ont tellement imprégné notre civilisation millénaire (…) que notre patrimoine culturel, qu’il soit littéraire ou philosophique, pictural ou architectural, serait indéchiffrable à celui qui ne saurait ou ne voudrait en reconnaître la composante religieuse ». En France comme dans toute l’Europe d’ailleurs, « on ne peut concevoir (…) une solide formation intellectuelle, fût-elle élémentaire, qui ignorerait la contribution des religions monothéistes…​ » Le ministre n’hésite pas à se demander : « Que serait la philosophie moderne sans le thomisme…​ ? » Dans cet esprit, comme ministre de l’Education nationale, en 1986, il a introduit des éléments d’histoire des religions dans les programmes scolaires de l’enseignement secondaire. Politiquement, il invite à reconnaître que les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité, « sont pour une large part des valeurs chrétiennes laïcisées ». Et de préciser : « La liberté, inséparable de la responsabilité de la personne, et surtout l’égalité des hommes entre eux, par-delà leurs différences ethniques, sociales, physiques ou intellectuelles, sont largement des inventions chrétiennes. S’agissant de l’égalité, si contraire à l’apparence immédiate, on ne peut qu’admirer l’audace à proprement parler révolutionnaire des Évangiles, faisant surgir cette idée neuve, contraire à toutes les normes et les idées d’un monde romain à la culture fortement hellénisée. Quant à la fraternité, elle est une traduction, à peine une adaptation de l’ »agapè » du Nouveau Testament ». Enfin, »l’idée même du progrès procède d’une origine judéo-chrétienne. Alors que toute la pensée grecque n’a jamais conçu le temps que dans un mouvement circulaire, le messianisme judaïque, par la perspective du salut, donne un sens au temps, c’est-à-dire à l’histoire, comme le fera aussi le christianisme en proposant l’horizon d’un jugement dernier et en incarnant Dieu dans un homme, indiquant ainsi l’avant et l’après de cet événement pour lui fondateur ; une fois encore, l’histoire universelle se trouvait par là orientée. » Et il ajoute : « Toute la philosophie du XVIIIe siècle et Condorcet qui la conclut, ont, à leur manière, laïcisé cette idée de progrès ».
9. SÄGESSER C. et COOREBYTER V. de, op. cit., p. 29.
10. Organisation internationale pour le droit à l’éducation et la liberté de l’enseignement. Cette organisation non gouvernementale indépendante a été fondée, en 1985, à Genève (32, rue de l’Athénée, CH-1206). Elle jouit d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social de l’ONU, de l’UNESCO et du Conseil de l’Europe. L’OIDEL a 5 grandes orientations:
   1. « Collaborer avec les organisations internationales et les organes internationaux de protection des droits de l’homme à la promotion et à la sauvegarde des libertés éducatives » ;
   2. « Intervenir auprès des gouvernements pour élargir ou défendre la liberté d’enseignement, et les aider à ajuster leur politique éducative aux principes de la liberté d’enseignement énoncés dans les instruments internationaux qu’ils ont ratifiés, notamment la Charte des droits de l’homme » ;
   3. « Informer l’opinion publique sur l’état de la liberté d’enseignement dans le monde et sur ses violations, afin de créer un mouvement favorable à sa défense et à son développement » ;
   4. « Promouvoir et coordonner des recherches et des études sur la liberté d’enseignement et son état dans différents pays, afin d’élaborer des instruments utiles à la promotion de cette liberté » ;
   5. « Conseiller les personnes et/ou les institutions intéressées par la création, la gestion et le financement d’établissements éducatifs ».
   Cette organisation a été mise en place suite au « constat que, dans de nombreux pays, on procède à une interprétation « très restrictive » de deux libertés éducatives fondamentales, à savoir « la liberté des parents, premiers responsables de l’éducation, de choisir l’école de leurs enfants et de créer eux-mêmes des centres scolaires », et « la liberté des directeurs d’établissement et des enseignants de proposer un projet pédagogique original et de s’organiser de manière autonome ». (Cf. La liberté d’enseignement en Europe et dans le monde, in Famille chrétienne, n° 1122, 15-7-1999, pp. 10-15).
11. In La liberté d’enseignement en Europe et dans le monde, op. cit., p. 12. Jean-Daniel Nordmann, directeur-adjoint de l’OIDEL précise : « Le réel est trop complexe pour être mis sous la coupe d’une « pensée unique ». Sa complexité implique une pluralité du regard. Ainsi, on ne doit pas avoir peur de donner des éclairages différents du christianisme, parce que c’est une réalité, certes unique, mais à facettes multiples ».