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e. Le rôle des pouvoirs publics

Le droit à la liberté religieuse découlant de la nature même de l’homme transcende le pouvoir civil dont le rôle est de protéger ce droit et d’assurer, pour tous les hommes, des conditions favorables au développement de leur vie religieuse.

Ce droit n’est pas illimité contrairement à ce que semble dire la Déclaration américaine. Il est balisé et limité.

Ce droit est, en effet, comme tous les droits, l’envers d’un devoir qui est de chercher la vérité et d’y adhérer une fois découverte. Telle est, avons-nous vu, la vocation de l’intelligence et de la volonté qui, dans leur conjugaison, assurent la vraie liberté.

d’autre part, l’exercice du droit ne peut porter atteinte à l’« ordre public juste », au bien commun, au droit d’autrui. Le pouvoir civil protégera donc ce droit non en fonction de ses propres règles mais en tenant compte de l’ordre moral objectif. Ce droit fondamental, comme les autres, transcende certes le pouvoir civil mais, par sa nature sociale, il lui est soumis dans les justes limites évoquées.

En tout cas, l’État est déclaré incompétent en cette matière religieuse qui le dépasse. Il n’a pas à militer a priori pour ou contre tel engagement religieux. Mais il n’est pas neutre pour autant dans la mesure où il est le gardien et le promoteur du bien commun qui englobe aussi la dimension religieuse de l’existence. L’histoire montre que l’abstention totale de l’État est une source de conflits, d’abus et de désordre.

Pour illustrer ce point on peut évoquer la différence importante qui existe entre l’attitude des États-Unis et celle des pays européens en matière religieuse. En 1999, par exemple, le département d’État américain a publié un rapport sur la liberté de culte extrêmement critique pour nombre de pays européen et en particulier l’Allemagne. En cause, l’attitude de ces pays vis-à-vis de l’Église de scientologie jugée dangereuse et sectaire de ce côté de l’Atlantique. Ce rapport n’hésitait pas à établir un parallèle entre la sévérité allemande et la « chasse aux sorcières » ou encore la « discrimination antisémite ». Si très justement, le rapport dénonçait des exactions contre des minorités religieuses en Russie et dans l’ex-Yougoslavie, il relevait aussi que « l’armée et la justice turques, avec l’appui de l’élite du pays, continuent de mener campagne contre le fondamentalisme islamique, perçu comme une menace contre la République ». Nous étions, bien sûr, en 1999…​⁠[1].

Comme le confirme Guy Coq, « la liberté religieuse est certes fondamentale, mais toute forme de religion n’est pas compatible avec la démocratie ». C’est le cas de la secte, au sens strict et négatif du mot, c’est-à-dire de tout « groupe qui se constitue comme une véritable contre-société à l’intérieur de la société. Elle donne à un seul, son chef,, son gourou, la totalité des pouvoirs : politique, économique, spirituel, sexuel, sur la totalité des membres de la secte. C’est la confusion de tous ces pouvoirs, leur groupement sur une seule personne, leur accaparement considéré comme légitime dans les limites de la secte, qui constitue le passage à une logique sectaire totalitaire ». Dans ce sens, la secte « est un danger pour la démocratie, puisqu’elle casse l’unité de la société et retire ses membres du pacte social global »[2].


1. Cf. Washington a sa vision des « religions », in La Libre Belgique, 11-12 septembre 1999, p. 15. Il n’empêche que les Quakers ont eu, à certaines époques, quelques difficultés avec les autorités américaines à cause de leur objection de conscience et que les Mormons ont dû en 1887 renoncer à la polygamie.
2. COQ Guy, op. cit., p. 90-91