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a. Une conquête civile

La liberté religieuse est d’abord une liberté civile, fruit des révolutions qui ont marqué la fin du XVIIIe siècle. Elle découle logiquement des libertés de conscience, d’opinion, d’expression, de presse et d’association.

Nous en trouvons une première formulation en 1776 aux États-Unis : « Le Congrès ne pourra faire aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, restreignant la liberté de la parole ou de la presse, ou touchant au droit des citoyens de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au Gouvernement pour le redressement de leurs griefs ».⁠[1]

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en France, en 1789 stipule : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »[2].

En 1831, les articles 14, 15 et 16 de la Constitution belge déclarent: « La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de ces libertés.

Nul ne peut être contraint de concourir d’une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d’un culte, ni d’en observer des jours de repos.

L’État n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.

Le mariage devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu ».

La Déclaration universelle des droits de l’homme, reconnaît, en 1948, que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.

Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

Toute personne a le droit à la liberté de réunion et d’associations pacifiques.

Nul ne peut être obligé de faire partie d’une association. »[3]

La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales suit, en 1950, en son article 9, la voie tracée par la Déclaration universelle : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Comme on le constate, la déclaration américaine comme la déclaration universelle ne mettent pas de limite à l’exercice de cette liberté tandis que les déclarations française, belge et européenne rappellent les exigences de la loi. Reste à savoir évidemment quelles sont les balises qui seront définies par la loi. La notion d’ »ordre public » peut être interprétée de différentes manières. Quand on parle de « délits », on suppose qu’il s’agit de délits de droit commun, ce qui est tout à fait normal à condition que ces délits aient une base objective. Par contre, les restrictions de la Constitution chinoise étranglent la notion de liberté religieuse en la réduisant au plus étroit domaine privé possible.


1. 92 Déclaration d’indépendance des États-Unis, 1er amendement. Nous reviendrons sur le libéralisme intégral de cet article qui pose problème, comme nous le verrons, dans la mesure où il ne met aucune restriction à l’exercice de ce droit.
2. Articles 10 et 11. Dans ce texte, au contraire de la Déclaration américaine, la liberté est mesurée par la Loi qui est « l’expression de la volonté générale » (art. 6). Sans autre précision, le droit à la liberté religieuse n’est donc pas un droit objectif et imprescriptible. Nous avons vu, dans la première partie, les problèmes soulevés par la Constitution civile du clergé en 1790. Plus fragile encore est cette même liberté religieuse telle qu’elle est reconnue à l’article 36 de la Constituion de la République populaire de Chine, en 1982: « Les citoyens de la République populaire de Chine jouissent de la liberté religieuse.
   Aucun organisme d’État, aucun groupement social, aucun individu ne peut contraindre un citoyen à épouser une religion ou à ne pas la pratiquer, ni adopter une attitude discriminatoire à l’égard du citoyen croyant ou du citoyen incroyant.
   L’État protège les pratiques religieuses normales. Nul ne peut se servir de la religion pour troubler l’ordre social, nuire à la santé des citoyens et entraver l’application du système d’enseignement de l’État.
   Les groupements religieux et les affaires religieuses ne sont assujetties à aucune domination étrangère ».
   C’est ainsi, que très légalement, le gouvernement chinois a imposé une Église officielle aux catholiques accusés d’être des agents de l’Occident puisqu’ils dépendent d’une « puissance étrangère ». Les catholiques fidèles à Rome et regroupés dans une Église clandestine sont persécutés car soupçonnés de vouloir saper les fondements de l’idéologie officielle (Cf. MATHOUX Louis, La grande peur des chrétiens chinois, in Dimanche n° 42, 11-11-2001). En 1996, la Conférence épiscopale clandestine de Chine a publié une Lettre pastorale à l’occasion du 70e anniversaire de l’ordination des premiers évêques chinois et du 50e anniversaire de l’établissement de la hiérarchie dans l’Église de Chine. S’appuyant sur les velléités démocratiques des dirigeants, sur certaines déclarations parues dans la presse du Parti et même sur Lénine à propos de la séparartion entre la religion et la politique, les évêques chinois, face à une une recrudescence de persécutions, écrivent : « A l’heure actuelle, nous souhaitons que les dirigeants gouvernementaux soient fidèles à leurs propres principes et respectent la liberté religieuse. La doctrine catholique a toujours enseigné l’amour de la patrie, l’obéissance à ses lois et le respect de ses dirigeants à tous les niveaux. Elle enseigne aussi qu’un bon chrétien est un bon citoyen qui aime Dieu et son prochain. Nous demandons au gouvernement de relâcher les évêques, les prêtres et les chrétiens emprisonnés, de garantir que les cérémonies religieuses dans les maisons privées ne soient pas perturbées, d’appliquer consciencieusement la démocrtaie et l’État de droit, et de protéger le droit du peuple à la croyance religieuse. » (In DC n° 2156, 16 mars 1997, p. 269). Notons qu’en février 2002, l’Agence Fides publiait « une liste de 33 noms de prêtres et évêques enlevés par la police - sans aucune accusation, et qui ont disparu depuis lors- ou empêchés d’exercer leur ministère pastoral, en raison du contrôle de la police, ou de leur mise en résidence surveillée » (Zenit.org, 15-2-2002). En 2018, un accord provisoire a été signé sur la nomination des évêques catholiques en Chine afin qu’ils soient en communion avec Rome. Même s’il ne règle pas tous les problèmes, cet accord est un premier pas dans le dialogue.
3. Articles 18-20.