Pour que vive la cohésion souhaitée sans coercition autre que celle
réclamée par la nécessité de justice et de sécurité, pour que les
vérités fondatrices se marient le plus harmonieusement avec l’expression
des opinions diverses sans laquelle il n’est pas de démocratie, il faut
veiller à former les consciences et les esprits. Il est évident, que
l’Église, dans sa tâche d’évangélisation, a un rôle fondamental,
irremplaçable à jouer
Depuis son origine, l’Église connaît le danger de l’ »opinion
populaire ». Elle sait que les masses sont facilement
manipulables et versatiles ; elle sait aussi la faiblesse des princes
devant les foules, leur souci de ne pas déplaire et la peur des
responsabilités. Ainsi, le procurateur romain de la Judée, Ponce Pilate,
devant qui Jésus comparaît et qui paraît sûr de l’innocence de ce
prisonnier que les Juifs lui amenaient, va s’en remettre au jugement du
peuple pour éviter les ennuis non seulement avec les Juifs qu’il avait
déjà scandalisés en puisant dans le trésor du Temple mais aussi avec
l’Empereur… « Jésus fut amené en présence du gouverneur et le
gouverneur l’interrogea en ces termes : « Tu es le roi des Juifs ? » Jésus
répliqua : « Tu le dis ». Puis tandis qu’il était accusé par les grands
prêtres et les anciens, il ne répondit rien. Alors Pilate lui dit:
« N’entends-tu pas tout ce qu’ils attestent contre toi ? » Et il ne lui
répondit sur aucun point, si bien que le gouverneur était fort étonné.
A chaque Fête, le gouverneur avait coutume de relâcher à la foule un
prisonnier, celui qu’elle voulait. On avait alors un prisonnier fameux,
nommé Barabbas. Pilate dit donc aux gens qui se trouvaient rassemblés:
« Lequel voulez-vous que je vous relâche, Barabbas ou Jésus que l’on
appelle Christ ? ». Il savait bien que c’était par jalousie qu’on l’avait
livré.
Or, tandis qu’il siégeait au tribunal, sa femme lui fit dire : « Ne te
mêle point de l’affaire de ce juste ; car aujourd’hui j’ai été très
affectée par un songe à cause de lui. »
Cependant, les grands prêtres et les anciens persuadèrent les foules de
réclamer Barabbas et de perdre Jésus. Reprenant la parole, le gouverneur
leur dit : « Lequel des deux voulez-vous que je vous relâche ? » Ils
répondirent : « Barabbas. » Pilate leur dit : « Que ferai-je donc de Jésus
que l’on appelle Christ ? » Ils répondent tous : « qu’il soit crucifié ! » Il
reprit : « Quel mal a-t-il donc fait ? » Mais ils n’en criaient que plus
fort : « qu’il soit crucifié ! »
Voyant alors qu’il n’aboutissait à rien, mais qu’il s’ensuivait plutôt
du tumulte, Pilate prit de l’eau et se lava les mains en présence de la
foule, en disant : « Je ne suis pas responsable de ce sang ; à vous de
voir ! » Et tout le peuple répondit : « Que son sang soit sur nous et sur
nos enfants ! » Alors il leur relâcha Barabbas ; quant à Jésus, après
l’avoir fait flageller, il le livra pour être
crucifié ».
Il n’est pas inutile de relire le même événement raconté par
Jean:
« Dès qu’ils le virent, les grands prêtres et les gardes crièrent:
« Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Pilate leur dit : « Prenez-le vous-mêmes, et
crucifiez-le ; moi je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. » Les
Juifs répliquèrent : « Nous avons une Loi et d’après cette Loi il doit
mourir : il s’est fait Fils de Dieu. »
A ces mots, Pilate s’alarma encore davantage. Il rentra dans le
prétoire et dit à Jésus : « d’où es-tu ? » Mais Jésus ne lui fit aucune
réponse. Alors Pilate lui dit : « Tu ne veux pas me parler, à moi ? Ne
sais-tu pas que j’ai pouvoir de te relâcher et pouvoir de te crucifier ? »
- »Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, répondit Jésus, s’il ne t’avait été
donné d’en-haut ; aussi celui qui m’a livré à toi porte un plus grand
péché. »
Dès lors Pilate cherchait à le relâcher. Mais les Juifs crièrent : « Si
tu le relâches, tu n’es pas ami de César : qui se fait roi s’oppose à
César. » Pilate, à ces mots, fit amener Jésus dehors et s’assit à son
tribunal, au lieu appelé le Dallage, en hébreu Gabbatha. C’était le jour
de la Préparation de la Pâque, environ la sixième heure. Pilate dit aux
Juifs : « Voici votre roi. » Eux disaient : « A mort ! A mort ! Crucifie-le ! »
- »Crucifierai-je votre roi ? » leur dit Pilate. Les grands prêtres
répondirent : « Nous n’avons d’autre roi que César ; » Alors il le leur
livra pour être crucifié. ».
Une telle injustice vive dans la mémoire chrétienne peut expliquer la
radicalité de ce propos de Pie IX qui félicitait des pèlerins français
d’être « occupés de la tâche difficile qui consiste à faire disparaître,
si c’est possible, ou, au moins, atténuer une plaie horrible qui afflige
la société humaine et qu’on appelle le suffrage universel. Oui, c’est
une plaie qui détruit l’ordre social et qui mériterait, à juste titre
d’être appelée mensonge universel ». Dans la mesure où ils prolongent
l’opinion capricieuse, malléable et irrationnelle du peuple, les partis
politiques sont aussi jugés avec sévérité : « Dans le domaine de la
politique, les partis se sont presque fait une loi non point de chercher
sincèrement le bien commun par une émulation mutuelle et dans la variété
de leurs opinions, mais de servir leurs propres intérêts au détriment
des autres. Que voyons-nous alors ? Les conjurations se multiplient ;
embûches, brigandages contre les citoyens et les fonctionnaires publics
eux-mêmes, terrorisme et menaces, révoltes ouvertes et autres excès du
même genre, qui deviennent plus graves dans la mesure où, comme c’est le
cas pour les modernes régimes représentatifs, le peuple prend une part
plus large à la direction de l’État. La doctrine de l’Église ne réprouve
pas ces institutions conformes au droit et à la raison, mais il est
manifeste qu’elles se prêtent plus aisément que toutes autres au jeu
déloyal des factions ».
Il faudrait donc à ces partis, plus de souci du bien commun et plus de
moralité.
Il est évident que si l’Église tient pour immuables parce que divines un
certain nombre de vérités, le règne universel de l’opinions ne peut que
l’inquiéter. Va-t-on mettre la vérité aux voix ?
Pie XII va étudier spécialement cette question et éclairer
singulièrement le débat. Il constate que : « partout (…), la vie des
nations est désagrégée par le culte aveugle de la valeur numérique. Le
citoyen est électeur. Mais, comme tel, il n’est qu’une des unités dont
le total constitue une majorité ou une minorité qu’un déplacement de
quelques voix, d’une seule même suffira à inverser. Au regard des
partis, il ne compte que pour sa valeur électorale, pour l’appoint
qu’apporte sa voix : de sa place et de son rôle dans la profession, il
n’est plus question ». Ceci dit,
« exprimer son opinion personnelle sur les devoirs et les sacrifices qui
lui sont imposés ; ne pas être contraint _ obéir sans avoir été entendu »
sont deux droits dont la démocratie est l’expression. Et, une
« démocratie saine et équilibrée » se reconnaît « à la solidité, à
l’harmonie, aux bons résultats de ce contact entre les citoyens et le
gouvernement de l’État ». Mais, pour « plus de démocratie et une
meilleure démocratie », il faut « mettre le citoyen toujours plus en
mesure d’avoir une opinion personnelle propre, et de l’exprimer, et de
la faire valoir d’une manière correspondant au bien commun ». L’État,
pour cela, « est, et doit être en réalité, l’unité organique et
organisatrice d’un vrai peuple ».
Mais, qu’est-ce qu’un peuple ? « Peuple et multitude amorphe, ou, comme
on a coutume de dire, « masse », sont deux concepts différents. Le peuple
vit et se meut par sa vie propre ; la masse est en elle-même inerte, et
elle ne peut être mue que de l’extérieur. Le peuple vit de la plénitude
de la vie des hommes qui le composent, dont chacun - à sa place et de la
manière qui lui sont propres - est une personne consciente de ses
propres responsabilités et de ses propres convictions. La masse, au
contraire, attend l’impulsion du dehors, jouet facile entre les mains de
quiconque en exploite les instincts et les impressions, prompte à
suivre, tour à tour, aujourd’hui ce drapeau et demain cet autre.
L’exubérance vitale d’un vrai peuple répand la vie, abondante et riche,
dans l’État et dans tous ses organes, leur infusant, avec une vigueur
sans cesse renouvelée, la conscience des responsabilités, le sens vrai
du bien commun. La force élémentaire de la masse peut n’être aussi qu’un
instrument au service d’un État qui sait habilement en faire usage.
L’État lui-même, aux mains d’un ou de plusieurs ambitieux, groupés
artificiellement par leurs tendances égoïstes, peut en s’appuyant sur la
masse, devenir une pure machine, imposer arbitrairement sa volonté à la
meilleure partie du peuple : l’intérêt commun en reste lésé gravement et
pour longtemps, et la blessure ainsi faite est bien souvent
difficilement guérissable » . Pie XII conclut que « la masse (…) est
l’ennemie principale de la vraie démocratie et de son idéal de liberté
et d’égalité ».
Dès lors, « seule la claire intelligence des fins assignées par Dieu à
toute société humaine, jointe au sentiment profond des sublimes devoirs
de l’œuvre sociale, peut mettre ceux à qui est confié le pouvoir en
mesure d’accomplir leurs propres obligations dans l’ordre législatif,
judiciaire ou exécutif, avec cette conscience de leur propre
responsabilité, avec cette objectivité, avec cette impartialité, avec
cette loyauté, avec cette générosité, avec cette incorruptibilité, sans
lesquelles un gouvernement démocratique réussirait difficilement à
obtenir le respect, la confiance et l’adhésion de la meilleure partie du
peuple ».
Ceci est particulièrement important pour ceux qui exercent le pouvoir
législatif : « la question de l’élévation morale, de l’aptitude pratique,
de la capacité intellectuelle des députés au Parlement, est pour tout
peuple de régime démocratique une question de vie ou de mort, de
prospérité ou de décadence, d’assainissement ou de perpétuel malaise ».
Le corps législatif doit « accueillir dans son sein une élite d’hommes
spirituellement éminents et au caractère ferme, qui se considèrent comme
les représentants du peuple tout entier et non pas comme les mandataires
d’une foule, aux intérêts particuliers de laquelle sont souvent, hélas !
sacrifiés les vrais besoins et les vraies exigences du bien commun. Une
élite d’hommes qui ne soit restreinte à aucune profession ni à aucune
condition, mais qui soit l’image de la vie multiple de tout le peuple.
Une élite d’hommes de conviction chrétienne solide, de jugement juste et
sûr, de sens pratique et équitable, et qui, dans toutes les
circonstances, restent conséquents avec eux-mêmes ; des hommes de
doctrine claire et saine, aux desseins solides et droits ; avant tout,
des hommes qui, par l’autorité émanant de leur conscience pure et
rayonnant largement autour d’eux, soient capables d’être des guides et
des chefs, spécialement dans les temps où les nécessités pressantes
surexcitent l’impressionnabilité du peuple et le rendent plus facile à
être dévoyé et à s’égarer ; des hommes qui, dans les périodes de
transition, généralement travaillées et déchirées par les passions, par
les divergences des opinions et par les oppositions de programmes, se
sentent doublement tenus de faire circuler dans les veines enfiévrées du
peuple et l’État l’antidote spirituel des vues claires, de la bonté
empressée, de la justice également favorable à tous, et la tendance
résolue à l’union et à la concorde nationale dans un esprit de sincère
fraternité ». Sinon, « d’autres viennent occuper leur place pour faire
de l’activité politique l’arène de leur ambition, une course au gain
pour eux-mêmes, pour leur caste ou pour leur classe, et c’est ainsi que
la chasse aux intérêts particuliers fait perdre de vue et met en péril
le vrai bien commun ».
Le portrait du vrai démocrate peut paraître idéalisé, utopique, il
n’empêche que l’Église va sans cesse insister sur les hautes vertus
intellectuelles, morales des personnes engagées dans la gestion
publique. Car l’imprégnation morale et religieuse est essentielle en
démocratie. Il ne faut pas penser que « ses insuffisances seraient dues
à de simples défauts des institutions, et ceux-ci, à leur tour, à une
connaissance encore défectueuse des processus naturels du fonctionnement
complexe de la machine sociale.
En fait, l’État lui aussi, et sa forme dépendant de la valeur morale
des citoyens, et cela plus que jamais à une époque où l’État moderne,
pleinement conscient de toutes les possibilités de la technique et de
l’organisation, n’a que trop tendance à retirer à l’individu, pour les
transférer à des institutions publiques, le souci et la responsabilité
de sa propre vie. Une démocratie moderne ainsi constituée devra échouer
dans la mesure où elle ne peut plus s’adresser à la responsabilité
morale individuelle des citoyens. Mais même si elle voulait le faire,
elle ne pourrait plus y réussir parce qu’elle ne trouverait plus chez
eux d’écho, dans la mesure du moins où le sens de la véritable réalité
de l’homme, la conscience de la dignité de la nature humaine et de ses
limites, ont cessé d’être sentis dans le peuple. On cherche à remédier à
cet état de chose en mettant sur le chantier de grandes réformes
institutionnelles, démesurées parfois ou basées sur des fondements
erronés ; mais la réforme des institutions n’est pas aussi urgente que
celle des mœurs. Et celle-ci, à son tour, ne peut être accomplie que sur
la base de la véritable réalité de l’homme, celle qu’on vient apprendre
avec une religieuse humilité devant le berceau de Bethléem. Dans la vie
des États eux-mêmes, la force et la faiblesse des hommes, le péché et la
grâce, jouent un rôle capital. La politique du XXe siècle ne peut
l’ignorer, ni admettre qu’on persiste dans l’erreur de vouloir séparer
l’État de la religion au nom d’un laïcisme que les faits n’ont pas pu
justifier ».
Tout le peuple, dans toutes ses activités, doit être élevé moralement,
affirmera Jean XIII : « La vie en société doit être considérée avant tout
comme une réalité d’ordre spirituel. Elle est, en effet, échange de
connaissances dans la lumière de la vérité, exercice de droits et
accomplissement des devoirs, émulation dans la recherche du bien moral,
communion dans la noble jouissance du beau en toutes ses expressions
légitimes, disposition permanente à communiquer à autrui le meilleur de
soi-même et aspiration commune à un constant enrichissement spirituel.
Telles sont les valeurs qui doivent animer et orienter l’activité
culturelle, la vie économique, l’organisation sociale, les mouvements et
les régimes politiques, la législation et toutes les autres expressions
de la vie sociale dans sa continuelle évolution ».
Le Concile Vatican II va reprendre tout cet enseignement. La nécessité
de la société et d’une autorité sera réaffirmée car les individus, les
familles, les groupements divers ne peuvent réaliser seuls une vie
pleinement humaine et ont besoin d’une communauté plus vaste où tous
conjuguent leurs forces pour réaliser toujours plus parfaitement le bien
commun:
« Mais les hommes qui se retrouvent dans la communauté politique sont
nombreux et différents, et ils peuvent à bon droit incliner vers des
opinions diverses. Aussi pour empêcher que, chacun opinant dans son
sens, la communauté politique ne se disloque, une autorité s’impose qui
soit capable d’orienter vers le bien commun les énergies de tous, non
d’une manière mécanique ou despotique, mais en agissant avant tout comme
une force morale qui prend appui sur la liberté et le sens de la
responsabilité.
De toute évidence, la communauté politique et l’autorité publique
trouvent donc leur fondement dans la nature humaine et relèvent par là
d’un ordre fixé par Dieu, encore que la détermination des régimes
politiques soient laissés à la libre volonté des citoyens.
Il s’ensuit également que l’exercice de l’autorité politique, soit à
l’intérieur de la communauté comme telle, soit dans les organismes qui
représentent l’État, doit toujours se déployer dans les limites de
l’ordre moral, en vue du bien commun (mais conçu d’une manière
dynamique), conformément à un ordre juridique légitimement établi ou à
établir. Alors les citoyens sont en conscience tenus à l’obéissance.
d’où assurément, la responsabilité, la dignité et l’importance du rôle
de ceux qui gouvernent. »
Ce n’est pas tout, dans une démocratie, il faut que « l’ordre moral et
l’intérêt commun étant saufs, l’homme puisse librement chercher la
vérité, faire connaître et divulguer ses
opinions… ». Dans le cadre fixé, il ne
faut pas s’en inquiéter : « En ce qui concerne l’organisation des choses
terrestres, que (les chrétiens) reconnaissent comme légitimes des
manières de voir par ailleurs opposées entre elles et qu’ils respectent
les citoyens qui, en groupe aussi, défendent honnêtement leur opinion.
Quant aux partis politiques, ils ont le devoir de promouvoir ce qui, à
leur jugement, est exigé par le bien commun ; mais il ne leur est jamais
permis de préférer à celui-ci leur intérêt propre ».
Mais, « pour que tous les citoyens soient en mesure de jouer leur rôle
dans la vie de la communauté politique, on doit avoir un grand souci de
l’éducation civique et politique ; elle est particulièrement nécessaire
aujourd’hui, soit pour l’ensemble des peuples, soit, et surtout pour les
jeunes ». C’est une des raisons pour
lesquelles l’Église insistera sur la possibilité, pour tous les hommes,
d’accéder à la culture.
Il faut « …susciter des hommes et des femmes qui ne soient pas
seulement cultivés, mais qui aient aussi une forte personnalité, car
notre temps en a le plus grand besoin ».
Des hommes et des femmes vraiment libres capables de s’engager
intelligemment et volontairement. Or, la liberté « se fortifie (…)
lorsque l’homme accepte les inévitables contraintes de la vie sociale,
assume les exigences multiples de la solidarité humaine et s’engage au
service de la communauté des hommes. Aussi faut-il stimuler chez tous la
volonté de prendre part aux entreprises communes. » Il est bien que « le
plus grand nombre possible de citoyens participe aux affaires
publiques. (…) Mais pour que tous les citoyens soient poussés à
participer à la vie des différents groupes qui constituent le corps
social, il faut qu’ils trouvent en ceux-ci des valeurs qui les attirent
et qui les disposent à se mettre au service de leurs semblables. On peut
légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront
su donner aux générations de demain des raisons de vivre et
d’espérer ».
La conclusion s’impose, toujours la même : « Pour que tous les citoyens
soient en mesure de jouer leur rôle dans la vie de la communauté
politique, on doit avoir un grand souci de l’éducation civique et
politique ; elle est particulièrement nécessaire aujourd’hui, soit pour
l’ensemble des peuples, soit, et surtout, pour les jeunes. Ceux qui
sont, ou peuvent devenir, capables d’exercer l’art très difficile, mais
aussi très noble, de la politique, doivent s’y préparer ; qu’ils s’y
livrent avec zèle, sans se soucier de leur intérêt personnel ni des
avantages matériels. Ils lutteront avec intégrité et prudence contre
l’injustice et l’oppression, contre l’absolutisme et l’intolérance,
qu’elles soient le fait d’un homme ou d’un parti politique ; et ils se
dévoueront au bien de tous avec sincérité et droiture, bien plus, avec
l’amour et le courage requis par la vie politique ».
En 1972, Paul VI prononcera un très intéressant discours lors de
l’Assemblée de l’Union Interparlementaire Mondiale où, une fois encore, l’Église présentera sa vision de la
démocratie, toujours bien consciente de la difficulté majeure, maintes
fois rencontrée : « …comment la diversité des points de vue, fruit de
la grande variété des situations sociales et professionnelles, de la
multiplicité des idéologies, et, non moins, de la multiplicité des
savoirs partiels, voire parcellaires, ne rendrait-elle pas malaisée la
réalisation d’un accord national suffisant pour le fonctionnement
harmonieux des Parlements ? » . Entre autres conseils, Paul VI déclarera:
« L’objet principal qui doit se dégager de l’affrontement des
perspectives doit être, il faut le répéter, le bien commun national. Qui
pourrait nier que, trop fréquemment, les oppositions idéologiques, les
querelles partisanes, le souci de prestige des personnes, la défense
prioritaire d’intérêts particuliers, les vues à court terme et les
motivations personnelles n’aient pas faussé les délibérations, au
détriment de l’autorité du Parlement et des parlementaires ? C’est
pourquoi dans la crise actuelle, plus qu’en aucun autre moment,
s’imposent un haut niveau de moralité collective et individuelle, la
conscience d’une commune responsabilité à l’égard de l’avenir de la
nation, la volonté d’aboutir à un « consensus » national. Le parlementaire
doit apparaître comme l’artisan du bien de tous et non comme le
porte-parole d’une clientèle. Résistant aux pressions de groupes
d’intérêts privés, plus ou moins légitimes, dont l’ambition est parfois
d’annexer le pouvoir à leur profit, sans cependant rompre le contact
avec les forces vives de la nation, le parlementaire doit chercher à
satisfaire la totalité des besoins du peuple, avec une attention
particulière aux catégories défavorisées et silencieuses, fussent-elles
de moindre poids électoral ».
Au risque de lasser, ajoutons encore quelques extraits de Jean-Paul II.
« Il est absolument vrai, écrit-il, que l’exercice d’une authentique
démocratie et le respect par tous les responsables d’un sain pluralisme
ne peuvent manquer de favoriser le développement et la diffusion de la
culture.
N’oublions pas toutefois que la vérité, la beauté et le bien, comme
également la liberté sont des valeurs absolues et que, comme telles,
elles ne dépendent pas du fait qu’un plus ou moins grand nombre de
personnes y adhèrent. Elles ne sont pas le résultat de la décision d’une
majorité ; tout au contraire, les décisions individuelles et celles
qu’assume la collectivité doivent s’inspirer de ces suprêmes et
immuables valeurs pour que l’engagement culturel des personnes et des
sociétés réponde aux exigences de la dignité
humaine ».
« Une démocratie authentique n’est possible que dans un État de droit et
sur la base d’une conception correcte de la personne humaine. Elle
requiert la réalisation des conditions nécessaires pour la promotion des
personnes, par l’éducation et la formation à un vrai idéal, et aussi
l’épanouissement de la « personnalité » de la société, par la création de
structures de participation et de coresponsabilité ».