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Chapitre 2 : La famille d’abord !

La famille est l’échelon le plus « inférieur », comme disait Pie XI, de la pyramide sociale mais il est l’élément le plus important, l’élément fondateur de la société, première société, antérieure à toutes les autres et à l’État.

Cette antériorité,  »absolue et radicale » se justifie simplement par le fait que « la procréation est le principe « génétique » de la société, et que l’éducation des enfants est le lieu primordial de transmission et de culture du tissu social, noyau essentiel de sa configuration structurelle »[1]. C’est pour cette raison, soit dit en passant, que la contraception « est un problème de société avant d’être une question de méthode de régulation des naissances »[2].

La procréation vraiment humaine, selon une différenciation sexuelle qui s’impose comme un fait, est l’expression de deux libertés qui ne se contentent pas de se rencontrer mais qui se donnent et qui, par la parole, « cette médiation spécifiquement humaine », redoublent « l’extase des corps » et reconnaissent « la portée intersubjective et donc généreuse tant de l’alliance entre l’homme et la femme que de l’engendrement des enfants »[3] et de leur éducation.

Cet engendrement crée l’état de filiation qui est un état « indisponible » dans la mesure où il ne s’invente pas mais se reçoit du don mutuel de l’homme et de la femme, de leur amour, dit-on, c’est-à-dire de leur volonté consciente d’inscrire le don dans la durée. Autrement dit, cet engendrement est le fruit de ce qu’on appelle le pacte conjugal ou, plus simplement, mariage. Celui-ci « n’est donc pas une création des pouvoirs publics, mais une institution naturelle et originelle qui leur est antérieure »[4] que le pouvoir doit reconnaître et protéger. Le juriste confirme: « l’engendrement des humains par un lien, humain lui aussi, se donne à lire non pas comme une option quelconque du sujet mais comme une norme qui institue le droit »[5].

C’est en fonction de cette antériorité que « les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants (…) Ils partagent leur mission éducative avec d’autres personnes et d’autres institutions, comme l’Église et l’État ; toutefois, cela doit toujours se faire suivant une juste application du principe de subsidiarité (…) Toutes les autres personnes qui prennent part au processus éducatif ne peuvent agir qu’au nom des parents, avec leur consentement et même, dans une certaine mesure, parce qu’elles en ont été chargées par eux »[6].

C’est pour cette raison aussi que la famille doit être reconnue, protégée et soutenue par la société qu’elle fonde. Même en dehors du christianisme, « déjà dans l’antiquité, comme le montrait Aristote, elle était reconnue comme l’institution sociale première et fondamentale, antérieure et supérieure à l’État (cf. Ethique à Nicomaque, VII, 12, 18), contribuant efficacement à la bonté de la société elle-même »[7].

Est-ce un hasard, une influence chrétienne universelle ou, plus simplement, plus vraisemblablement, un réalisme politique qui a poussé nombre de constitutions à travers le monde, à l’instar de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à mentionner l’importance sociale essentielle de la famille⁠[8].

A condition de bien peser le sens du mot « humanité », on ne peut que souscrire, me semble-t-il, à cette affirmation forte de Jean Duchesne: « Que l’union de l’homme et de la femme donne des fruits et que les parents prennent soin longtemps de leurs enfants, c’est la condition de survie de l’humanité, ni plus ni moins »[9].


1. Conseil pontifical pour la Famille, Famille, mariage et « unions de fait », 21-11-2000, n°9 in D.C. n°2242, 18-2-2001, pp.160-178.
2. Cf. DEJOND Th., Contraception : problème de société, Nouvelle revue théologique, Janvier-février 1987.
3. DIJON X., Droit naturel, Tome I, Les questions du droit, PUF, 1998, pp. 177-178.
4. Conseil pontifical pour la famille, op. cit., n° 9.
5. DIJON X., op. cit., p. 196. L’auteur précise : « le corps précède le droit (…) pour opposer l’objectivité du sujet à toute entreprise arbitraire de disqualification. Il le précède une nouvelle fois en donnant d’emblée une forme au lien fondamental qui non seulement relie les humains entre eux mais qui, encore, les suscite à l’existence » (id.).
6. JEAN-PAUL II, Lettre aux familles, 1994, n°16.
7. Discours aux participants à la IIe Rencontre d’hommes politiques et de législateurs d’Europe, 23 octobre 1998, O.R., n°44, 3 novembre 1998, p. 4.
8. L’article 17 de la Déclaration universelle de 1948 déclare : « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l’État ». Parmi les constitutions, à travers le monde, le Conseil pontifical pour la famille (op. cit., p. 167) relève, en Allemagne : « Le mariage et la famille ont droit à une protection spéciale dans l’organisation de l’État » (art. 6) ; en Espagne : « Les pouvoirs publics assurent la protection sociale, économique et juridique de la famille » (art. 39) ; en Irlande : « L’État reconnaît la famille comme le groupe naturel primordial et fondamental de la société et comme une institution morale dotée de droits inaliénables et imprescriptibles antérieurs à tout droit positif. En conséquence, l’État s’engage à protéger la constitution et l’autorité de la famille, fondement nécessaire de l’ordre social et élément indispensable au bien-être de la nation et de l’État » (art. 41) ; en Italie : « La République reconnaît les droits de la famille, en tant que société naturelle fondée sur le mariage » (art. 29) ; en Pologne : « Le mariage, c’est-à-dire l’union d’un homme et d’une femme, ainsi que la famille, la paternité et la maternité, doivent bénéficier d’une protection et de soins dans la République de Pologne » (art. 18) ; au Portugal : « La famille comme élément fondamental de la société, a droit à la protection de la société et de l’État et à la mise en place de toutes les conditions qui permettent la réalisation personnelle de ses membres » (art. 67) ; en Argentine : « La loi établira (…) la protection intégrale de la famille » (art. 14) ; au Brésil : « La famille, base de la société, fait l’objet d’une protection spéciale de la part de l’État » (art. 226) ; au Chili : « La famille est le noyau fondamental de la société…​ Il est du devoir de l’État…​ d’assurer la protection de la population et de la famille…​ » (art. 1) ; en République populaire de Chine : « L’État protège le mariage, la famille, la maternité et l’enfance » (art. 49) ; en Colombie : « L’État reconnaît, sans aucune discrimination, la primauté des droits inaliénables de la personne et protège la famille comme institution de base de la société » (art. 5) ; en Corée du Sud : « Le mariage et la vie familiale se fondent sur la dignité individuelle et sur l’égalité entre les sexes ; l’État mettra en œuvre tous les moyens dont il dispose pour parvenir à cette fin » (art. 36) ; aux Philippines: « L’État reconnaît la famille philippine comme le fondement de la Nation. En conséquence, la solidarité sera intensément favorisée, en vue de sa promotion active et de son développement total. Le mariage est une institution sociale inviolable, il est le fondement de la famille et doit être protégé par l’État » (art. 15) ; au Mexique : « La loi protégera l’organisation et le développement de la famille » (art 4) ; au Pérou: « La communauté et l’État …​ protègent aussi la famille et promeuvent le mariage, les reconnaissant comme des institutions naturelles et fondamentales de la société » (art. 4) ; au Rwanda : « La famille, en tant que fondement naturel du peuple rwandais, sera protégée par l’État » (art. 24).
9. DUCHESNE Jean, La vraie fin, in La famille, Communio, XI,6, novembre-décembre 1986, p. 10. Tous les articles de ce numéro sont intéressants pour qui veut méditer sur les richesses et les limites de la famille.

⁢i. Les problèmes

On parle depuis longtemps d’une crise de la famille mais nous pouvons constater que même si la famille paraît malade à beaucoup d’observateurs, elle reste appréciée et est considérée comme nécessaire.

Dans les années septante, de forts courants d’idées l’ont mise en question. Il était de bon ton alors de dénoncer sa structure autoritaire ou ses hypocrisies. Certains rêvaient de la remplacer par des communautés plus larges, plus mouvantes, sans contraintes.

Vingt ans plus tard, la famille reste, dans les sondages, un bien précieux dont on rêve, que l’on veut défendre ou promouvoir. L’état de crise permanente des institutions politiques, les difficultés dans le monde du travail, l’insécurité générale ont fait de la famille, la valeur-refuge par excellence ce qui n’est peut-être pas sans conséquences perverses dans la mesure où la fonction essentielle de la famille n’est pas de rester un lieu de protection, un cocon où l’on se préserve de l’instabilité du monde et de l’incertitude du temps mais un point de départ, un « premier rivage »[1].

Dans le même temps, dans toute l’Europe occidentale et, sans doute, dans bien d’autres endroits du monde, on constate une baisse des mariages, une augmentation parallèle de l’âge auquel on se marie et des divorces⁠[2]. Les unions libres ou officielles sont fragiles et la fécondité chute à tellement que le remplacement des générations est compromis⁠[3].

Divers auteurs ont souligné, dans les mœurs, une évolution significative mais préoccupante au cours de la seconde moitié du XXe siècle. On a connu, après l’effondrement du modèle traditionnel de la famille nombreuse et la diffusion des moyens mécaniques ou chimiques de contraception, une époque qui a mis l’accent sur la qualité de l’enfant plus que sur la quantité. On a appelé cette période celle de l’enfant-roi, entouré, choyé, pourvu de tout le confort matériel et culturel possible. Progressivement, l’optique s’est encore rétrécie et c’est le couple qui s’est privilégié. A tel point, semble-t-il, que l’ arrivée d’un enfant peut être un élément détonateur⁠[4]. Il semble qu’aujourd’hui, l’évolution ait atteint son degré minimal dans la mesure où c’est désormais l’individu qui se privilégie. Le nombre de célibataires, avec ou sans enfants, est, en effet, en augmentation⁠[5]. Il ne s’agit pas nécessairement de solitaires convaincus ou victimes. Ainsi a-t-on vu apparaître, à la fin du 20e siècle, ce que l’on a appelé les CNC, c’est-à-dire les « Couples Non Cohabitants ». Chacun vit chez soi et les rencontres sont le fruit de rendez-vous⁠[6].


1. BOONEN-MOREAU Suzanne, La famille, dernier refuge ou premier rivage ? Savoir et Agir, 1978, p. 10.
2. Selon BARTIAUX Françoise, professeur de démographie à l’UCL, « le déclin du mariage est lié à l’émergence de valeurs plus centrées sur la qualité de la relation, sur le côté affectif des choses et non plus sur l’aspect formel de cette institution,. On peut également y ajouter un facteur tel que le travail des femmes qui les rend plus indépendantes de leur mari et leur permet de rompre sans rencontrer de problèmes économiques insurmontables. L’impact de la pilule ne peut être négligé même si une étude récente vient de montrer que le nombre d’aventures extraconjugales, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne s’est pas accru depuis le début de la révolution sexuelle ». (in La dernière heure, 17-9-1998, p. 12)
3. Cf. Déclaration du Conseil pontifical pour la famille, sur la chute de la fécondité dans le monde, OR, 15 mars 1998 ; DC, 21 juin 1998, n°2184, pp. 571-574.
4. Cf. BREUER Ruth (asbl Centre de consultations conjugales et familiales) : « Passer de 2 à 3, c’est très, très dur et certainement la première amorce de fissure dans l’entente » (in La Dernière heure, 17-9-1998, p. 12).
5. LECAILLON J.-D., La famille, source de prospérité, Régnier, 1995, p. 38.
6. Le phénomène a même fait l’objet d’un film documentaire : Toit sans toi de Marc Mopty. Le film a été présenté dans l’émission Lignes de vie sur France 2, le 20 septembre 1998.

⁢ii. Les causes de la régression familiale

Elles sont, bien sûr, culturelles. Après l’influence limitée des idéologies communautaires auxquelles je faisais allusion précédemment, nous assistons, à un assaut individualiste qui est incontestablement plus corrosif et dangereux pour l’avenir de la société.

Cet individualisme est nourri par la peur de l’avenir, la recherche du confort matériel et, disons-le, se manifeste par une certaine indifférence pour l’avenir des générations futures. Le souci du moi et de l’instant présent l’emportent sur l’intérêt pour l’autre et la durée. Nous sommes, écrit X. Dijon, dans une « logique du désir », « la modernité ayant, par l’éthique individuelle et l’investigation scientifique, brisé les chaînes qui entravent le désir du sujet »[1]. Ce n’est pas la vie familiale en tant que telle qui est contestée ou « qui ne serait plus reconnue pour sa valeur. Mais a perdu de sa valeur la croyance qu’il y aurait une obligation morale ou sociale à se soumettre aux contraintes d’une vie familiale qui ne correspondrait plus au choix libre du désir »[2].

Ajoutons encore que, dans le matérialisme ambiant, les tâches non rémunérées et donc les tâches familiales sont dévalorisées socialement, culturellement et économiquement.

Il ne faut pas, en effet, sous-estimer l’aspect économique du problème même si l’institution familiale se fonde sur bien d’autres valeurs essentielles, psychologiques, morales et spirituelles. Au terme d’études rigoureuses, il a été montré qu’à mesure que le nombre d’enfants croît, la situation économique de la famille devient de plus en plus difficile. « La situation d’une famille est finalement d’autant plus difficile économiquement que sa taille est grande » écrit, par exemple, J.-D. Lecaillon⁠[3]. Il ajoute : « si les avantages sociaux, légaux, fiscaux, étatiques, matériels vont à ceux qui refusent de s’engager dans les liens familiaux, il ne faut pas s’étonner d’un déclin relatif de la famille. »[4] Il apparaît que, si presque tous les enfants sont désirés aujourd’hui, leur nombre reste inférieur à ce que les couples souhaiteraient. Les nécessités économiques sont telles que même si la femme ne désire pas « faire carrière », elle est rapidement contrainte, par l’arrivée de l’enfant, à chercher du travail. Et, comme le dit avec humeur S. Boonen ⁠[5], « le travail de la femme a au moins eu un mérite incontestable : c’est d’avoir fait la démonstration magistrale de l’ahurissante carence paternelle au sein de la famille. Il a fallu que la femme se mette à quitter la maison pour que l’on s’aperçoive que, elle partie, il n’y restait plus personne ! »


1. DIJON Xavier, op. cit., pp.168-169 et pp. 172-173. Les individus aujourd’hui cherchent à adapter la réalité à leur volonté pure. Seul ou en couple, stérile ou non, on veut pouvoir « enfanter » et l’enfant n’est admis que s’il correspond au désir. On veut aussi pouvoir changer de sexe en fonction de sa seule subjectivité.
2. RENCHON J.-L., Réflexions sur l’évolution du droit de la famille et de l’activité du juriste de la famille, Revue interdisciplinaire d’études juridiques, n° 22, 1989, p. 68, cité in DIJON X., op. cit., p. 191.
3. Op. cit., p. 29.
4. Id. p. 33.
5. Op. cit., p. 12.

⁢iii. La nécessité personnelle et sociale de la famille

A l’expérience, et malgré les problèmes auxquels elle est confrontée, la famille apparaît néanmoins nécessaire. Son absence ou ses carences entraînent des drames bien visibles et malheureusement monnaie courante aujourd’hui.

Déjà en 1978, un juge de la jeunesse la défendait en disant : « mieux que des discours et des analyses, il suffit de pousser la porte de tous les endroits où se cachent ou plutôt où l’on cache les enfants en difficulté : délinquants, handicapés psychologiques, inadaptés, caractériels, instables. Toujours il y a une carence de la famille, soit son absence ou son incompétence, ou son refus, poussant les enfants et les jeunes dans les refuges de l’illusion avec ses faux remèdes : la délinquance, l’agressivité, la violence, la drogue, l’alcool. »[1] Jean-Paul II ne dit pas autre chose mais de manière positive : « La famille favorise la socialisation des jeunes et contribue à endiguer les phénomènes de violence, par la transmission des valeurs, ainsi que par l’expérience de la fraternité et de la solidarité qu’elle permet de réaliser chaque jour »[2]

  1. L’expérience de la situation dramatique du « quart-monde » dans nos sociétés « développées » a fait écrire que « la famille est le dernier bastion de résistance à la misère, l’expression du refus de s’y résigner, dernier et premier espace d’humanité, de dignité humaine où tout homme fait l’expérience qu’il compte pour quelqu’un, si bafoué soit-il par ailleurs…​ C’est peut-être pour cela que les très pauvres luttent pour vivre en famille, et qu’ils appellent tellement à la reconnaissance de tous pour y aboutir. »[3] Une interprétation un peu hâtive de la carence familiale, matérielle, affective, et de l’intérêt de l’enfant a inspiré longtemps une politique de placement en institution publique ou de transfert dans une famille adoptive. A la fin du XXe siècle, la formulation d’un véritable « droit à la famille » a inversé ce mouvement qui confirmait « le mal au lieu de le guérir »[4]. Joseph Wrésinski, fondateur du mouvement ATD Quart-Monde, dans un rapport officiel sur la pauvreté⁠[5] faisait remarquer que « la cellule familiale est à protéger en tant que structure de base fondamentale pour le développement de la personnalité et de la socialisation, ainsi que comme lieu par excellence de la sécurité d’existence ». Il en concluait qu’« il convient de prendre des dispositions pour éviter dans la mesure du possible son éclatement en milieu de grande pauvreté. Aussi, les parents devraient pouvoir trouver auprès des instances chargées de la protection de l’enfance et de la famille le dialogue et le soutien nécessaires pour pouvoir assumer leurs responsabilités ». Les Conventions internationales vont dans ce sens ; que ce soit la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (1989) ou la Convention européenne des droits de l’homme, il est bien indiqué qu’il vaut mieux aider la famille plutôt que la disloquer⁠[6] et lorsque des mesures d’éloignement s’imposent vraiment pour le bien des enfants, elles sont prises dans le respect de la filiation avec éventuellement l’espoir d’une restauration⁠[7].

En soi, la famille est la meilleure école sociale dans la mesure où elle se construit sur l’amour indispensable, dans le respect des droits et devoirs de la personne. Elle est un lieu particulièrement propice à la conversion personnelle au contact immédiat des besoins réels de ses membres. Cette conversion qui est d’abord ouverture à l’autre, est nécessaire dans toute vie sociale mais d’abord et avant tout dans sa cellule originelle. Elle implique les parents c’est-à-dire ceux qui exercent l’autorité. Ce qui n’est jamais aisé car « le métier de parents est le plus difficile et le plus improvisé. Ce n’est pas parce qu’on a un enfant que l’on est tout à coup pourvu en même temps de générosité, d’abnégation, d’intelligence et de courage. Le métier de parents, comme tout apprentissage de responsabilité, exige une maturation lente[8] ». Cette conversion implique, aussi, bien sûr, les enfants qui y font l’apprentissage des équilibres fragiles à trouver entre le personnel et le social, entre les aspirations légitimes à l’autonomie sans quoi la vie sociale se sclérose et les exigences du collectif sans lequel la personne ne peut croître.

Même un économiste peut écrire : « C’est la famille en tant que telle, cellule de base de la société, premier lieu d’apprentissage des relations sociales, qui est le creuset de toute vie humaine » parce qu’elle est un « lieu d’enracinement, de mémoire, de solidarité, de responsabilité »[9]. Lieu de stabilité, liberté, solidarité, responsabilité, amour, tendresse , écrit S. Boonen⁠[10].

C’est évidemment le refus de l’autre, le « non serviam », qui en détruit l’esprit. Mais c’est aussi l’État moderne, dans son indifférence ou dans son hostilité, qui l’empêche de vivre, de prospérer, de s’épanouir.


1. BOONEN-MOREAU S., op. cit., p. 10.
2. Discours aux participants à la IIe Rencontre d’hommes politiques et de législateurs d’Europe, op. cit..
3. GORCE Francine de la, Famille, terre de liberté, Science et Service Quart Monde, 1986, p. 192.
4. DIJON X., op. cit., p. 214.
5. Rapport du Conseil économique et social (français) : Grande pauvreté et précarité économique et sociale, Journal Officiel et rapports du Conseil économique et social, 28-2-1987, p. 102, cité in DIJON X., op. cit., pp. 214-215..
6. « …​la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres, et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté. (…) l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension » (Préambule). Lorsque l’éloignement est absolument indispensable, il est certes prévu une « protection de remplacement » qui « peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la « Kafalah » de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le chois entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique » (Article 20). On peut rappeler aussi le 6e principe de la Déclaration des droits de l’enfant (20-11-1969) : « L’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, a besoin d’amour et de compréhension. Il doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et sous la responsabilité de ses parents et, en tout état de cause, dans une atmosphère d’affection et de sécurité morale et matérielle ; l’enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère ».
7. DIJON X., op. cit., p. 217, note que pour la Cour européenne des droits de l’homme, l’ingérence publique dans le sanctuaire familial est limitée par la Convention européenne qui, dans son article 8 « prévoit (…) que l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit à la vie privée et familiale doit, entre autres conditions, s’avérer nécessaire dans une société démocratique. Une telle nécessité s’évalue par rapport à un principe :
   « Pour un parent et son enfant, être ensemble constitue un élément fondamental de la vie familiale et la prise en charge d’un enfant par les autorités publiques ne met pas fin aux relations familiales naturelles » (cf. arrêt Eriksson, par. 58, arrêt Andersson, par. 72).
   Plus précisément,
   « La cour rappelle que, dans de telles affaires, le droit d’un parent et d’un enfant au respect de leur vie familiale, garanti par l’article 8, implique un droit à des mesures destinées à les réunir » (arrêt Andersson, par. 91, cf. arrêt Olson I, par. 81 et arrêt Eriksson, par. 71).
   En jugeant, sur la base de ces principes, que telle ou telle restriction à l’échange (par exemple téléphonique ou épistolaire) entre un enfant placé en institution et sa famille excède « dans une société démocratique » les exigences du but légitime poursuivi, la cour de Strasbourg rappelle la philosophie fondamentale du placement : il ne s’agit pas de briser le lien qui relie l’enfant à ses auteurs, mais d’aménager ce lien de façon provisoire dans le but, prévisible à plus ou moins long terme, de le restaurer autant que possible ».
8. BOONEN-MOREAU S., op. cit., p. 5.
9. LECAILLON, op. cit., pp. 114-116.
10. Op. cit., p. 4.

⁢iv. Mais de quelle famille parlons-nous ?

« …​La famille, écrit Jean-Paul II, en tant que cellule de base et structure essentielle de la société, doit être privilégiée dans les décisions politiques et économiques »[1]. Elio Di Rupo, qui fut ministre et président du parti socialiste en Belgique, affirme la même chose, à première vue, en disant la « volonté de la gauche de replacer la famille et la vie familiale au centre des préoccupations sociales et économiques. »[2]

Mais, le mot « famille » a-t-il le même sens dans ces deux citations si proches et la société tire-t-elle toutes les conséquences logiques de ces déclarations ?

Sous le mot « famille » se cachent des réalités fort diverses. A la limite, la famille pourrait se définir comme un groupe constitué au moins d’un adulte et d’un enfant (ne parle-t-on pas de « famille monoparentale » ?). Dans le langage courant contemporain, le mode de constitution du groupe importe peu. La famille naît d’un mariage, d’une cohabitation, d’une rencontre fortuite, d’une insémination, d’une fécondation in vitro, elle survit à une rupture, s’élargit à la faveur d’une nouvelle association officielle ou non et elle voudrait se construire aussi bien sur l’hétérosexualité que sur l’homosexualité.⁠[3]

Pour consacrer cette réalité et avec l’intention parfois louable de rencontrer des problèmes sociaux réels suscités par les nouvelles formes familiales, dans la plupart des pays d’Europe, sont apparus des lois ou des projets de lois visant à légaliser la cohabitation entre personnes faisant une déclaration de vie commune ou à reconnaître publiquement des unions de fait (Pacte d’union civile en Italie, Pacte civil de solidarité en France, Contrat de vie commune ou Cohabitation légale en Belgique). Ces mesures qui veulent offrir un cadre juridique à des personnes qui ne veulent ou ne peuvent se marier, tendent à réduire le mariage à une forme de cohabitation parmi d’autres et ouvrent la porte à la reconnaissance légale des couples homosexuels.

Il faut donc commencer par préciser si nous parlons de la « famille » au sens flou (famille « multimodale » ou « à géométrie variable »[4] ), ou si nous nous en tenons au sens classique du droit moderne : « ensemble des personnes liées entre elles par le mariage »[5].

Je précise donc, avec Lecaillon, qu’une famille, pour remplir au mieux les fonctions évoquées plus haut, doit être « constituée de l’union stable et durable d’un homme et d’une femme ayant le projet d’avoir et d’éduquer des enfants »[6] en ajoutant toutefois un élément capital : cette union pour être stable et durable doit reposer sur un engagement public.


1. Discours au nouvel ambassadeur de Belgique, 6 juillet 1998, in DC, n°2187, 2-16 août 1998, p. 704.
2. Reconnaître l’égalité et la légitimité de toutes les formes d’union, in Dossier « Nouveaux couples, Elle l’aime…​ Lui non plus, Réflexions, Revue de l’Institut Emile Vandervelde, n° 28, octobre 1998, p. 25. Je me référerai souvent, par la suite, à d’autres articles publiés dans ce que j’appellerai, en bref, ce Dossier.
3. Ces dernières années une nouvelle idéologie a envahi le landernau intellectuel et scolaire que le pape François a clairement dénoncée : « une idéologie, généralement appelée gender, qui « nie la différence et la réciprocité naturelle entre un homme et une femme. Elle laisse envisager une société sans différence de sexe et sape la base anthropologique de la famille. Cette idéologie induit des projets éducatifs et des orientations législatives qui encouragent une identité personnelle et une intimité affective radicalement coupées de la diversité biologique entre masculin et féminin. L’identité humaine est laissée à une option individualiste, qui peut même évoluer dans le temps. » Il est inquiétant que certaines idéologies de ce type, qui prétendent répondre à des apsirations parfois compréhensibles, veulent s’imposer comme une pensée unique qui détermine même l’éducation des enfants. Il ne faut pas ignorer que « le sexe biologique (sex) et le rôle socioculturel du sexe (gender), peuvent être distingués, mais non séparés ». d’autre part, « la révolution biotechnologique dans le domaine de la procréation humaine a introduit la possibilité de manipuler l’acte d’engendrer, en le rendant indépendant de la relation sexuelle entre un homme et une femme. De la sorte, la vie humaine et la parentalité sont devenues des réalités qu’il est possible de faire ou de défaire, principalement sujettes aux désirs des individus ou des couples, qui ne sont pas nécessairement hétérosexuels ou mariés. » Une chose est de comprendre la fragilité humaine ou la complexité de la vie, autre chose est d’accepter des idéologies qui prétendent diviser les deux aspects inséparables de la réalité. Ne tombons pas dans le péché de prétendre nous substituer au Créateur. Nous sommes des créatures, nous ne sommes pas tout-puissants. La création nous précède et doit être reçue comme un don. En même temps, nous sommes appelés à sauvegarder notre humanité, et cela signifie avant tout l’accepter et la respecter comme elle a été créée. » (Exhortation apostolique Amoris laetitia, 2016, n° 56). On peut lire aussi PEETERS Marguerite, Le gender, Une norme universelle ?, Mame, 2013 ou encore, si l’on veut une prise de position qui ne vienne pas de la sphère chrétienne : HUSTON Nancy, Reflets dans un oeil d’homme, Actes Sud, 2012.
4. Cf. TRAUBE Patrick, psychologue, collaborateur scientifique de l’U.Lg, Familles, aujourd’hui : le patchwork, in Dossier, op. cit., pp. 4-7.
5. Robert.
6. Op. cit., p. 113.

⁢a. Une approche rationnelle

Par ailleurs, en réfléchissant à la vie politique et sociale, nous pouvons, dans ce cadre, considérer le problème de la famille et du mariage du simple point de vue de la rationalité⁠[1]. Il n’y a là rien de scandaleux ou de réducteur pour un chrétien car, comme l’écrivait le cardinal Tettamanzi, « le sacrement n’est pas une réalité successive et extrinsèque à la donnée naturelle, (…) il est cette donnée naturelle, qui est assumée comme signe et moyen de salut »[2].

Le droit canon le dit clairement aussi, à sa manière : « L’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre les baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement »[3]. Comme on l’a fait remarquer, la définition du mariage incluse dans ce canon reprend des termes empruntés au droit romain notamment l’expression « communauté de toute la vie ». De même, le mot « alliance » est synonyme de « contrat » qui sera employé plus loin par le Code⁠[4].

Parlant du problème des unions de fait, le Conseil pontifical pour la Famille déclare que ce problème « peut et doit (…) être affronté à partir de la raison droite[5]. Ce n’est pas tant une question de foi chrétienne que de rationalité. La tendance à opposer sur ce point « pensée catholique » confessionnelle et « pensée laïque » est une erreur »[6].

Nous examinerons donc le problème en dehors de toute confessionnalité et cette démarche est importante politiquement dans nos sociétés pluralistes.

C’est celle du cardinal Tettamanzi mais aussi des évêques de France⁠[7] et, partiellement, des évêques belges⁠[8]. Nous nous servirons de leurs déclarations auxquelles nous confronterons le fameux Dossier cité plus haut.


1. « On ne peut jamais subordonner la dignité de la personne et de la famille aux seuls éléments politiques ou économiques, ou encore à de simples opinions d’éventuels groupes de pression, même s’ils sont importants. L’exercice du pouvoir repose sur la recherche de la vérité objective et sur la dimension de service de l’homme et de la société, reconnaissant à tout sujet humain, même le plus pauvre et le plus petit, la dignité transcendante et imprescriptible de la personne. Tel est le fondement sur lequel doivent d’élaborer les décisions politiques et juridiques indispensables à l’avenir de la civilisation » (JEAN-PAUL II, Discours aux participants à la IIe Rencontre d’hommes politiques et législateurs d’Europe, op. cit.).
2. TETTAMANZI, cardinal Dionigi, Famille et unions de fait, in OR, n° 37, 15-9-1998, pp. 6-7. On retrouve presque mot pour mot cette idée dans le document du Conseil pontifical pour la Famille, op. cit., n° 13: « la lumière de la foi enseigne que le sacrement matrimonial n’est pas postérieur et extrinsèque, comme un simple ajout « sacramental » extérieur à l’amour des conjoints, mais qu’il est au contraire la réalité naturelle de l’amour conjugal assumé par le Christ comme signe et moyen du salut dans l’ordre de la nouvelle Alliance ».
3. Canon 1055, par. 1. in Code de droit canonique, Centurion-Cerf-Tardy, 1984.
4. Cf. PARALIEU Roger, Guide pratique du code de droit canonique, Tardy,,1985, p. 316.
5. « …​indépendamment des courants de pensée, il existe un ensemble de notions où l’on peut reconnaître une sorte de patrimoine spirituel de l’humanité. C’est comme si nous nous trouvions devant une philosophie implicite qui fait que chacun se sent possesseur de ces principes, fût-ce de façon générale et non réfléchie. Ces notions, précisément parce qu’elles sont partagées dans une certaine mesure par tous, devraient constituer les références pour les diverses écoles philosophiques. Quand la raison réussit à saisir et à formuler les principes premiers et universels de l’être et à faire correctement découler d’eux des conclusions cohérentes, d’ordre logique et moral, on peut alors parler d’une raison droite ou, comme l’appelaient les Anciens, de l’orthos logos, resta ratio » (JEAN-PAUL II, Fides et ratio, n°4).
6. Op. cit., n° 13.
7. Déclaration du Conseil permanent de la Conférence épiscopale sur le Pacte civil de solidarité (PACS) : Une loi inutile et dangereuse, in OR, n° 39, 29-9-1998, p.8 et in DC, n° 2189, 4 octobre 1998, pp. 845-846.
8. Déclaration des évêques de Belgique, Choisir le mariage, LICAP, 1998.

⁢b. Pourquoi défendre la famille fondée sur le mariage d’un homme et d’une femme ?

Il importe de redécouvrir ce qui, naturellement, rend la famille fondée sur le mariage irremplaçable sur le plan personnel et social étant donné l’extrême confusion des pensées en la matière et l’incidence funeste de cette confusion sur l’état de la société.

Tout d’abord, il n’est pas possible rationnellement de suivre l’homme politique qui affirmait la nécessité de « reconnaître l’égalité et la légitimité de toutes les formes d’union »[1]. Cette égalité et cette légitimité découleraient du seul lien affectif entendu, semble-t-il, comme désir, pulsion, émotion, sentiment plus ou moins durable, plus ou moins fragile. Encore faut-il considérer à quoi ce mouvement subjectif aboutit ! Si l’affection qui lie un homme à un homme peut théoriquement être égale à celle qui unit un homme et une femme, les unions ne sont pas égales d’emblée puisque la procréation est possible à l’une et non à l’autre. Et même, l’union qui se veut conditionnelle ou passagère peut-elle être considérée comme l’égale d’une union qui veut s’inscrire dans la durée indépendamment de tout aléa ? Les unions sont si peu égales que les partisans de l’ouverture du concept « famille » opposent la famille traditionnelle « cimentée par une « morale du devoir » et fondée sur une valeur-princeps : la fidélité » à ce que l’un d’eux appelle « le périple conjugal (qui) n’est plus soumis qu’aux seules volontés individuelles »[2].

Adam et Eve : modèle dépassé ?

Allons plus loin. Toute union est-elle légitime, c’est-à-dire juste ou, mieux encore, conforme au droit naturel[3] ? A ce point de vue, seule l’union d’un homme et d’une femme, en fonction de la simple complémentarité des sexes, est légitime. Si la tendance homosexuelle existe et peut se révéler, en dehors de tout accident, dans l’histoire d’un individu qui ne peut, en aucune façon, en être tenu pour responsable et a fortiori pour méprisable⁠[4], il est impossible de ne pas considérer que l’acte homosexuel ne peut que caricaturer l’acte hétérosexuel.

Certains ont beau déclarer que la prééminence de l’hétérosexualité ne repose que sur le mythe protecteur de la complémentarité[5], l’absence de complémentarité idéale dans l’hétérosexualité n’empêche pas les hétérosexuels d’être, en principe, plus complémentaires que les homosexuels.

La société ne peut se construire que sur la différence entre l’homme et la femme⁠[6]. Comme l’écrivent les évêques français, la recherche du semblable conduit à des exclusions. Ajoutons qu’elle est mortifère⁠[7] puisque, une fois encore, il faut bien reconnaître que seul le couple hétérosexuel est vraiment capable de paternité et de maternité, au sens plein des termes.

Si l’on se place maintenant du point de vue de l’enfant, même si une famille traditionnelle peut être un lieu traumatisant ou frustrant, ce n’est pas du fait de la présence durable d’un homme et d’une femme mais de déficiences personnelles, culturelles ou sociales. On ne peut tirer argument de ces mauvais exemples pour proposer l’alternative homosexuelle dans la mesure où on y trouverait des « familles » sans violence. La psychologie insiste largement sur l’importance du père et de la mère dans le développement de l’enfant même en cas de divorce. Toute famille incomplète, disloquée, recomposée d’une manière ou d’une autre est une famille à risques⁠[8], a fortiori une « famille » construite sur l’homosexualité.

d’autres subvertissent le sens métaphysique du mot « nature » et ne craignent pas, dès lors, d’écrire que « le multipartenariat sexuel est la pente naturelle de l’espèce humaine, la monogamie, et même les polygamies institutionnalisées sont des conventions sociales « contre nature » qu’on essaie de faire respecter au prix de conditionnements, d’interdits et de dispositifs répressifs parfois féroces »[9]. Il s’agirait donc de se laisser aller aux injonctions de la « nature » entendue comme tendance instinctive. Ce multipartenariat comme la dissociation systématique entre la sexualité et la procréation sont-ils des comportements vraiment typiques de l’espèce humaine ? Comme l’écrit avec rudesse mais pertinence J. Duchesne, « ce qui différencie le genre humain n’est pas la faculté de dissocier la sexualité de la procréation. Les chiens en font autant. Mais c’est de prouver que l’amour dépasse largement l’érotique et le corporel sans les nier »[10]. S’il était humain de se laisser aller à « sa pente naturelle », il faudrait accepter la volonté de puissance et l’égoïsme qui sont aussi les pentes naturelles de l’espèce humaine !

On peut s’étonner de devoir rappeler de telles évidences mais, pour y être contraints, nous nous rendons compte que nous sommes immergés dans une culture qui, sous l’effort de lobbies médiatiques⁠[11], se distille et se propage sans références à une conception correcte de l’homme et de la société⁠[12].

Le mariage ?

[13]

Mais pourquoi défendre encore le mariage vu le nombre de divorces ? Pourquoi ne pas laisser l’alliance entre l’homme et la femme dans la sphère privée où elle est née ? Pourquoi la rendre publique, l’institutionnaliser ? Pourquoi vouloir, par l’institution matrimoniale rendre, comme dit Xavier Dijon, le corps et l’état des personnes indisponibles ?⁠[14].Pourquoi déplorer la cohabitation vu son succès ?

Certes, la conjugalité et la famille naissent et se déploient dans l’autonomie et la gratuité. Chacun conviendra que leur fondement doit être l’amour et que celui-ci, sous peine de perdre tout son sens, implique la liberté. Nul ne peut être contraint à aimer, nul ne peut être contraint à se marier. La chose est entendue. Toutefois, il faut bien considérer que l’amour au sens plein du terme implique tout l’être, et ne peut être réduit à une envie. Le mot sentiment lui-même peut-être trompeur car on le réduit aisément à la passion, surtout dans la mouvance romantique. On ne commande pas cette passion, on ne la maîtrise pas, elle vient, elle s’en va, malgré nous. L’amour véritable , sans nier la part de désir et de convoitise qu’il comporte, s’attache à rechercher le bien de l’autre. Aimer c’est aimer quelqu’un, désirer prioritairement le bonheur de l’autre. Cela demande du temps, le temps de l’autre, le temps de sa vie entière. L’amour devient conjugal à partir du moment où, essentiellement, par un acte de volonté, je m’engage, en connaissance de cause⁠[15], à le vivre « comme une chose due en justice »[16]. Comme le dit Jean-Paul II, « une fois que l’engagement est donné et accepté par l’intermédiaire du consentement, l’amour devient conjugal et ne perd jamais ce caractère. Ce qui est ici en jeu, c’est la fidélité de l’amour, qui s’enracine dans l’obligation librement assumée ». Il ne faut pas confondre le mariage avec le rite qui l’accompagne, le mariage « consiste essentiellement, nécessairement et uniquement dans le consentement mutuel qu’expriment ceux qui vont se marier (…). Ce consentement n’est autre que la prise d’un engagement, consciente et responsable, au moyen d’un acte juridique par lequel, dans la donation réciproque, les époux se promettent un amour total et définitif. Ils sont libres de célébrer leur mariage, après s’être mutuellement choisis d’une manière également libre ; mais au moment où ils posent cet acte, ils instaurent un statut personnel où l’amour devient quelque chose qui est dû, et qui a également des conséquences de caractère juridique »[17]

Le mariage s’enracine donc dans la liberté et il est bon que cet espace de liberté soit reconnu et, en quelque sorte, délimité car les personnes ne passent pas toute leur vie dans cette sphère privée. Elles s’engagent dans la vie économique, sociale, politique où elles doivent être identifiées comme sujets de droits.

L’institution est aussi une aide pour les époux qui, dans leur fragilité, peuvent s’appuyer sur elle pour faire durer leur engagement, c’est-à-dire le don mutuel qu’ils désirent définitif.

Enfin, il faut bien se rappeler que ni les parents, ni les enfants qu’ils mettront au monde ne sont maîtres du lien qui les unit. L’indisponibilité de la filiation née dans le don mutuel des époux est liée à l’indisponibilité voulue par le mariage.

En fait, la culture individualiste dans laquelle nous sommes immergés a perdu de vue la relation étroite qui existe entre mariage, famille et société. L’homme est un être social, qu’il le veuille ou non. L’oublier porte préjudice à la dignité de la personne et est dommageable pour l’ordre social.

Le cardinal Tettamanzi, se penchant sur le problème des unions de fait souligne qu’« on doit préciser que la stabilité proprement matrimoniale et familiale n’est pas exclusivement confiée à l’intention et à la bonne volonté des individus concernés, mais qu’elle revêt un caractère institutionnel, à la suite de la publicisation, c’est-à-dire de la reconnaissance juridique de la part de l’État du choix de vie conjugale. Une telle stabilité existe dans l’intérêt de tous, mais bénéficie en particulier aux plus faibles, c’est-à-dire aux enfants »[18].

Seul le mariage, engagement public, durable et officialisé, peut garantir la stabilité de la famille.

Cette stabilité est bénéfique génétiquement pour la procréation des enfants et donc pour le renouvellement des générations sans lequel la société périclite.

Elle est indispensable culturellement à l’éducation des enfants : la famille est le « lieu primordial de transmission et de sauvegarde des valeurs »[19], des expériences. Elle évite la désocialisation qui touche tant de jeunes aujourd’hui, laissés sans repères solides.

Elle est bienfaisante psychologiquement pour tous ses membres car cimentée par la fidélité elle constitue de l’aveu même de ceux qui la discréditent « un antidote efficace à la peur de la solitude et à la réalité de la finitude »[20]. Les enfants y trouvent la sécurité affective et y enracinent non seulement leur identité génétique et biologique mais aussi leur identité biographique et historique⁠[21]. Les grands-parents y sont aussi sécurisées et revalorisés par leurs services ne serait-ce qu’à travers le dialogue intergénérationnel

Pour toutes ces raisons, elle nourrit la cohésion de la société entière d’autant mieux qu’elle éduque ses membres, citoyens et futurs citoyens, travailleurs et futurs travailleurs, au jeu complexe mais vital des droits et des devoirs réciproques. Il est vrai, comme le dit un psychologue⁠[22] que la famille « traditionnelle » vit par une « morale du devoir » mais cette morale du devoir n’est-elle pas indispensable à l’expression des droits et donc à l’émergence de vraies libertés ? Sans les devoirs qui y correspondent, les droits sont inopérants, vides de sens.

La famille comme la « cellule originelle de la vie sociale »[23] ? C’est en elle, comme nous l’avons déjà vu, que naissent les citoyens et qu’ils font l’apprentissage de la vie sociale. C’est en elle que peut le mieux se développer le vrai sens de l’autorité, de la liberté et de la fraternité. C’est en elle que s’expérimentent le mieux les bienfaits de la sécurité, de la participation, de la solidarité. C’est dans cette société que s’ajustent les revendications de la personne et du groupe, que chacun peut apprendre à s’ouvrir à l’autre et éventuellement à Dieu.

d’une certaine manière, on peut dire qu’une société vaut ce que valent ses familles puisque c’est en leur sein que se forment les citoyens⁠[24]. Tant qu’on n’admettra pas que nos sociétés sont en crise parce que les familles se disloquent au gré de mariages ou de cohabitations temporaires, rien ne sera restauré en profondeur. Si l’institution familiale se dégrade, toute la société en pâtit : « loin de contribuer à accroître la liberté individuelle, le démembrement de la famille rend les individus plus vulnérables et sans défense face au pouvoir de l’État, qui de son côté a besoin d’une juridiction de plus en plus complexe qui l’appauvrit »[25].

La société doit donc veiller à placer les familles dans les meilleures conditions possibles de développement.

Il faut méditer le poids des mots. Lorsque l’on dit, comme dans la Déclaration universelle des droits de l’homme que « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société »[26] cela signifie bien que la famille est non seulement conforme à la nature (au sens métaphysique) de l’homme et qu’elle est la base déterminante et constitutive de la société⁠[27]. C’est pourquoi, toujours selon le même article de la Déclaration des droits de l’homme, la famille « a droit à la protection de la société et de l’État ». Dans l’intérêt général et d’abord des plus faibles, c’est-à-dire des enfants, il est indispensable que la stabilité familiale soit défendue et promue par le pouvoir politique.

Dans une culture obsédée par l’efficacité, l’État a intérêt à être le pouvoir subsidiaire de la famille car si elle venait à disparaître, il devrait « se substituer à elle dans les fonctions qui lui sont propres par nature »[28]. L’État a intérêt économiquement à protéger et promouvoir la famille ne serait-ce que parce que « les caisses de retraite et leurs créanciers s’enrichissent grâce à l’activité parentale »[29]./ de plus, « lorsque la famille se brise, l’État doit multiplier ses interventions pour résoudre directement des problèmes qui devraient rester dans la sphère privée et u trouver une solution, avec les coûts élevés qui en résultent tant sur le plan psychologique qu’économique »[30].

N’oublions pas non plus que les entreprises dépendent des marchés, des personnes et donc des familles qui consomment ce qui est produit. Non seulement, l’enfant « futur producteur de biens et de « services » économiques »[31] est une « valeur » créée par les parents mais on peut considérer la famille comme une « première école de travail »[32]. En effet, c’est en son sein qu’on fait le premier apprentissage de sa capacité d’initiative, de la responsabilité et de la convivialité si importante dans l’entreprise moderne.

Si la vie de la famille est marquée par la situation de l’entreprise où les parents travaillent, inversement, l’entreprise profitera de la bonne santé psychologique des travailleurs vivant dans des familles stables et paisibles.

Si le but de la vie économique est la prospérité, celle-ci est relative et toujours à rechercher mais elle « est impossible contre la famille. Le développement économique passe par la formation de capital humain ; celui-ci se constitue d’abord au sein de cette communauté de personnes qu’est la famille. La vie économique doit être organisée autour de la personne et en particulier elle ne peut ignorer l’existence de la réalité familiale. Enfin une économie prospère implique une vision dynamique, d’où l’importance de raisonner sur plusieurs générations »[33]

Selon A. Sauvy⁠[34] « on ne connaît pas d’exemple de pays ayant assuré son développement économique dans la stagnation démographique »[35]. La pression démographique incite à la création de nouvelles richesses et est favorable à l’épargne et aux placements à long terme alors qu’une faible fécondité entraîne, par le vieillissement de la population active, moins de flexibilité, de mobilité, rend les innovations plus difficiles et accroît l’influence des personnes âgées dans les prises de décision⁠[36].

On peut donc affirmer que « l’existence de la famille apparaît essentielle au développement économique, ne serait-ce que par la quantité de richesses qu’elle produit »[37]. Richesses humaines surtout, richesses décisives dans toute la vie sociale mais aussi dans le monde du travail. C’est par la famille que se transmettent l’éducation, la culture, la mémoire, le sens de l’effort, la solidarité volontaire, le respect des autres, de la discipline, de l’autonomie responsable⁠[38].

Et la cohabitation légale ?

Au vu de ce que nous avons dit du mariage et de la famille, il est impossible, sur un plan toujours rationnel, d’accepter les lois ou projets de lois qui veulent, sous un titre ou l’autre, légaliser la cohabitation.

Que celle-ci suscite des problèmes sociaux et économiques, c’est certain : statut des enfants, problèmes de protection et d’héritage, etc.⁠[39]. S’il est nécessaire de prévoir des mesures pour éviter des marginalisations, il est aberrant de vouloir accorder une reconnaissance officielle à de telles unions⁠[40]. Pour des raisons essentielles développées dans les documents ecclésiaux déjà cités.

Une contradiction fondamentale.

Les unions libres sont le fruit d’un choix individuel, privé. En fonction de leur liberté, des individus décident de s’unir en renonçant à l’affirmation publique de leur engagement. Dans cet esprit, il est illogique de chercher une reconnaissance publique⁠[41], de vouloir instituer une association née de tendances purement subjectives. Les unions de fait prennent des formes diverses et singulières selon le caprice humain. Si celui-ci, doit, dans une certaine mesure, être respecté, il n’a pas à réclamer de statut objectif même si, comme nous venons de le dire, il est légitime et nécessaire que des mesures soient prévues pour rencontrer les difficultés qu’engendrent, dans la pratique, ces unions⁠[42].

Une injustice

Si on accorde aux unions de fait un statut juridique similaire ou équivalent à celui accordé à la famille fondée sur le mariage, on lui porte préjudice.

En effet, on ne peut, en justice, traiter également des réalités différentes. Une union de fait ne se constitue pas sur un engagement de fidélité, de mise au monde et d’éducation d’enfants, elle n’assure pas à la société le service rendu par une famille fondée sur le mariage.

Un grave désordre social

La reconnaissance légale des « formes alternatives de vie commune » déstabilise l’organisation sociale pour deux raisons.

Tout d’abord, parce qu’elle dissocie les droits et les devoirs. Les statuts légaux octroient des droits mais ceux-ci ne sont pas, comme dans le mariage, ordonnés à autant d’obligations⁠[43]. Alain-Charles Van Gysel (chargé de cours à l’ULB) et Solange Brat (assistante à l’ULB), avocats au Barreau de Bruxelles et membres de l’Unité de droit familial de l’ULB notent que, chez les non-mariés, la « première différence sensible se marque dans l’absence des quatre obligations qui naissent du mariage » : fidélité, cohabitation, secours et assistance. « Les concubins, le plus souvent, ne veulent pas se marier précisément parce qu’ils ne veulent pas se soumettre à toutes les obligations qui naîtraient de leur mariage, et auxquelles ils devraient souscrire « en bloc » »[44]. C’est pourquoi l’Unité de droit familial de l’ULB, avec une certaine logique et non sans justesse, à mon avis, conclut : « La solution n’est sans doute pas une assimilation législative de l’union libre au mariage, ni surtout à un sous-mariage à effets limités dont peu de concubins voudraient probablement (sauf les homosexuels, mais parce que le mariage leur est pour l’instant fermé), mais à une conception radicalement différente de ce type d’union, qui préserverait, à côté d’une protection minimale (du cadre de vie et de la possibilité d’un recours à un juge pour obtenir des mesures urgentes et provisoires), une large possibilité d’organisation du mode de vie du couple par les concubins eux-mêmes »[45]. Solange Brat se demande si le statut juridique de cohabitation légale va faire des heureux parmi les personnes visées. « Peut-être, écrit-elle⁠[46], parmi les milieux homosexuels dans le sens où il s’agit là, en quelque sorte, d’une première reconnaissance de leur statut. Par contre, il me semble que les concubins hétérosexuels n’y verront guère une amélioration de leur condition ». Et elle ajoute, en note : « Il se peut même qu’ils y voient un recul dès lors que le projet consacre la solidarité pour les dettes de ménage, disposition qui ne présente guère d’avantages pour eux ».

La reconnaissance publique d’unions de fait crée un cadre juridique asymétrique : la société se donne des obligations vis-à-vis de personnes unies de fait qui ne s’engagent à rien vis-vis d’elle.

d’autre part, la reconnaissance légale d’un choix purement subjectif aux formes donc diverses conforte l’individualisme et consacre la précarité et l’irresponsabilité qui dissolvent déjà, depuis trop de temps, la famille et la société. Patrick Traube remarque lui-même que l’« éthique de la liberté » qui a remplacé l’« éthique du devoir » et bouleversé la famille traditionnelle en privilégiant l’authenticité des sentiments « flirte du même coup avec l’égoïsme, le refus de l’engagement et l’insoutenable légèreté des « amours papillonnantes » »[47].

Enfin, il est malvenu, en matière de conjugalité et de famille, de se référer au respect démocratique des droits individuels « alors que d’une part la famille, composée certes d’individus, insiste cependant d’emblée sur le lien qui unit tous ses membres, que d’autre part le droit, en sa nature, part de la relation, du lien ». Il est important de savoir, comme l’écrit encore X. Dijon, « si le droit résulte d’un certain nombre de décisions que les sujets prennent à partir de leur stricte individualité ou s’il exprime d’abord les liens qui relient déjà les sujets entre eux, en l’occurrence de l’enfant aux parents et donc de l’homme à la femme »[48]. Autrement dit encore, il s’agit de choisir « soit de transposer dans l’intimité familiale les droits de l’homme conçus comme autant de possibilités pour un sujet de se libérer des liens de parole et de corps qu’il assume pourtant nécessairement dès sa naissance, soit d’accepter la réalité comme ce qui institue son propre discours sur la famille, à savoir la fécondité par la rencontre, en corps et en parole, de l’altérité »[49]. Nous traiterons ce problème plus loin dans le cadre plus général de la loi et de son origine. La question est de savoir si tout le droit peut être positif, fruit de la seule volonté des hommes, ou si ce droit positif accepte de se mesurer à un droit dit naturel découlant de la nature même de l’homme et échappant donc à sa volonté.

La responsabilité des institutions

Si théoriquement, les vertus de l’institution familiale sont largement reconnues, il faut donc préciser aujourd’hui ce que l’on entend par « famille » et reconnaître qu’elle n’est pas appuyée par une politique appropriée. Elle est au mieux livrée à l’indifférence des pouvoirs publics. Mais elle est aussi, en maints endroits l’objet d’une certaine hostilité de la part de certains lobbies et parfois même des autorités politiques. Il est clair qu’actuellement la vie familiale est rendue de plus en plus difficile ce qui n’est pas sans conséquence sur la désaffection vis-à-vis du mariage et de la famille. « La lacune la plus grave des semblants de politique familiale pratiqués dans les pays européens est, écrit Lecaillon, de ne pas préciser de quelle famille il s’agit et pourquoi celle-ci doit être promue ». Or, note l’auteur avec pertinence, « la neutralité n’existe pas : l’État est toujours conduit à privilégier un modèle, à choisir une vision anthropologique »[50]. Une politique familiale est indispensable et, selon ce que nous avons déjà dit plus haut, une politique vraiment humaine doit d’abord avoir le souci de la famille⁠[51]. « d’une certaine manière, confirme Jean-Paul II, une société et son avenir dépendent de la politique familiale qui est mise en œuvre »[52].


1. DI RUPO Elio, op. cit. , in Dossier, pp. 24-25.
2. TRAUBE Patrick, op. cit., in Dossier, p. 5
3. Cf. Robert, I, 2°. C’est-à-dire le « droit qui émane de la nature humaine elle-même ». ( DIJON X., Droit naturel, Tome I, Les questions du droit, PUF, 1998, p. 607). Le mot « nature » est pris au sens philosophique d’« essence ».
4. Cf. Congrégation pour la Doctrine de la foi, La pastorale à l’égard des personnes homosexuelles, 1-10-1986, DC 21-12-1986, n° 1930, pp. 1160-1164 ; HUME cardinal Basil, L’enseignement de l’Église catholique concernant les homosexuels, DC 7-5-1995, n° 2115, pp. 444-447 ; Message pastoral des évêques des États-Unis aux parents d’enfants homosexuels, DC 16-11-1997, n° 2170, pp. 985-991 ; Congrégation pour la Doctrine de la foi, L’action pastorale auprès des homosexuels ne doit pas être ambigüe, DC 5 et 9-9-1999, n° 2210, pp. 806-808 ; Anthropologie chrétienne et homosexualité, Cahier de l’Osservatore romano, 2000, n° 38.
5. DELOR François (psychanalyste et chercheur au Centre d’études sociologiques des Facultés universitaires Saint Louis), Homosexualité et modernité : entre mépris et reconnaissance, in Dossier, op. cit., pp. 42-45.
6. A propos des projets de loi sur la non-discrimination sur la base de l’orientation sexuelle, on peut lire les Observations de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, 23-7-1992, DC 6 et 20-9-1992, n° 2056, pp. 783-785 ; JEAN-PAUL II, Allocution, 20-2-1994, DC 3-4-1994, n° 2091, pp. 307-308.
7. Certains psychanalystes vont plus loin. Ainsi, Marguerite Charazac-Brunel écrit que « la banalisation de l’homosexualité revient à la banalisation d’une position de désespoir, de peurs englouties dans un refus. Les passions de l’homosexuel sont très souvent suicidaires. La confusion, qu’elle soit dans les rôles ou dans l’identité, n’est pas la complétude, elle s’y oppose même » (Le déni de la différence des sexes et ses effets pervers dans le couple in Homme et femme, L’insaisissable différence, sous la direction de Xavier Lacroix, Cerf, 1999, p. 67).
8. DUBOIS Marie Claire dans son Introduction au Dossier, op. cit., p. 3, cite les travaux de la sociologue Irène Théry et ceux de Françoise Dolto.
9. LEGRAND Luc (porte-parole de « Gays et lesbiennes socialistes »), La réalité du couple homosexuel, in Dossier, op. cit., p. 47.
10. Op. cit., p. 10.
11. Il faudrait faire l’histoire des « modèles » offerts d’abord par le théâtre puis par le cinéma. A propos de l’homosexualité, le film documentaire de Rob Epstein, The celluloid closet (1995) a montré notamment comment des artistes américains sont parvenus même à témoigner, d’abord subtilement puis de plus en plus ouvertement, en faveur des comportements homosexuels.
12. Heureusement, les faits sont résistants : « 2/3 des enfants qui naissent aujourd’hui vivront dans une famille « classique », c’est-à-dire de façon continue avec leurs deux parents ». (BAWIN-LEGROS Bernadette (professeur, service de sociologie de la famille, ULg) et GAUTHIER Anne (chercheur), Le sociologue face aux nouvelles formes familiales, in Dossier, op. cit., p. 10.)
13. Nous parlons ici de sa forme « minimale », c’est-à-dire civile. Les évêques de Belgique reconnaissent d’ailleurs que le mariage civil « n’est pas qu’une formalité. Il s’agit d’une promesse sérieuse, publique et protégée par la loi. Egalement pour les chrétiens » (op. cit., p. 6).
14. En effet, le corps de la personne mariée n’est promis qu’au seul conjoint et les époux décident de ne pas mettre fin par eux-mêmes à l’engagement qui leur impose fidélité, cohabitation, secours et assistance (Op. cit., pp. 178-180).
15. C’est pourquoi l’Église insiste sur la maturité affective nécessaire pour prendre un tel engagement (Cf. Congrégation pour l’Education catholique, Orientations éducatives sur l’amour humain, 1984, D.C. 1-1-1984, n° 1985, pp.16-29.
16. Conseil pontifical pour la Famille, op. cit., n° 21.
17. Discours au tribunal de la Rote Romaine, 21-1-1999, DC 7-3-199, n° 2199, pp. 203-206.
18. Op. cit., pp. 6-7.
19. Id..
20. TRAUBE Patrick, op. cit., p. 5.
21. Cf. Lettre aux familles, op. cit., 9-11.
22. Id., p. 4.
23. CEC, n° 2207. Nous ne nous attacherons ici qu’au rôle social de la famille. Pour plus de détails ainsi que pour toutes les questions essentielles qui touchent à la morale familiale et conjugale nous renvoyons à l’exhortation apostolique Familiaris consortio (1981) et à la Lettre aux familles (Gratissimam sane),1994, qui reprennent la doctrine la plus traditionnelle de l’Église dans le contexte du monde contemporain.
24. « C’est dans la famille en effet que peuvent être posées les bases de bien des vertus sociales ; c’est dans la famille qu’on apprend de façon pratique le comportement affectif positif dont la société a un si grand besoin. La famille est une école d’affirmation de soi, de maîtrise des conflits, d’empathie, de solidarité et de service.
   Quand une société est privée de ces vertus et comportements, tous les secteurs de la vie publique en pâtissent : enseignement et culture, services de santé et attitude vis-à-vis des handicapés, économie, politique et justice » (Evêques de Belgique, op. cit., p. 11)
25. Conseil pontifical pour la Famille, op. cit., n° 28.
26. Article 16, par. 3.
27. Encore faut-il en tirer toutes les conséquences non seulement sociales mais aussi politiques et économiques comme nous tenterons de le faire par la suite prenant à contre-pied toute la pratique des états contemporains obsédés par le dynamisme économique considéré comme moteur social.
28. Conseil pontifical pour la Famille, op. cit., n° 28.
29. LECAILLON, op. cit., p. 47.
30. Conseil pontifical pour la Famille, op. cit., n° 28.
31. Id., p. 46.
32. Id., p. 44.
33. Id., pp. 116-117.
34. Id., p. 65. Lecaillon se réfère également à DUMONT G.-F. et alii, La France ridée, Hachette, 1986.
35. Pour ce qui est du problème des pays en voie de développement, on se référera notamment à SCHOOYANS Michel, L’avortement : enjeux politiques, Le Préambule, 1990 ; Bioéthique et population : le choix de la vie, Fayard, 1994 ; La dérive totalitaire du libéralisme, Mame, 1995, L’Évangile face au désordre mondial, Fayard, 1997, Le crash démographique, Fayard, 1999 ; Pour comprendre les évolutions démographiques, APRD, 2011. Nous y reviendrons plus tard.
36. LECAILLON, op. cit., p. 70.
37. Id., p. 42.
38. Id., p. 43.
39. « Dans une certaine mesure, l’autorité peut rencontrer les besoins de ceux qui organisent leur existence hors de l’institution du mariage. Elle peut veiller à ce qu’ils bénéficient d’une sécurité juridique et sociale en cas de maladie ou de décès de l’un des partenaires ou d’un enfant » (Evêques de Belgique, op. cit., p. 24).
40. Comme le dit très bien X. Dijon: « Permettre (…) à un enfant adultérin d’établir sa filiation complète pour éviter sa discrimination par rapport aux autres enfants ne signifie pas encore l’approbation de l’adultère, pas plus que l’adoption d’un enfant abandonné ne consacre un droit à l’abandon. Corriger une situation par le droit n’équivaut pas à la légitimer en droit » (op. cit., p. 186).
41. J’entends par là une reconnaissance officielle de l’autorité publique et non, bien sûr, la « reconnaissance » privée des parents, amis et connaissances.
42. On peut dire que cette absence de mesures ou de règles date du Code Napoléon bâti, en cet endroit » sur le fameux principe : « les concubins se passent de la loi, la loi se désintéresse d’eux ». (cité in Dossier, p. 20). « Il faut garder à l’esprit la distinction entre intérêt public et intérêt privé. Dans le premier cas, la société et les pouvoirs publics ont le devoir de le protéger et de le promouvoir. Dans le deuxième cas, l’État doit se limiter à garantir la liberté. L’intérêt public ressort du droit public. Au contraire, tout ce qui a trait aux intérêts privés doit être laissé au domaine privé. Le mariage et la famille revêtent un intérêt public, par le fait qu’ils représentent la cellule de base de la société et de l’État. Comme tels, ils doivent être reconnus et protégés. Deux ou plusieurs personnes peuvent décider de vivre ensemble, avec ou sans relation sexuelle, mais cette vie en commun ou cohabitation ne revêt pas un intérêt public » (Conseil pontifical pour la famille, op. cit., n° 11).
43. « …​le mariage a un statut juridique spécifique, reconnaissant des droits et des devoirs de la part des conjoints, l’un vis-à-vis de l’autre et à l’égard des enfants (…) » (JEAN-PAUL II, Discours au Congrès des responsables politiques et législateurs d’Europe, op. cit.).
44. Le statut civil actuel des couples non-mariés, in Dossier, op. cit., pp. 20-21.
45. Id., p 23.
46. BRAT Solange, Le nouveau régime de la cohabitation légale : modèle revu et corrigé, in Divorce, 8, 1998, p. 125.
47. Dossier, pp. 6-7.
48. DIJON X., op. cit., pp. 195-196. C’est l’auteur qui souligne.
49. Id., p. 197.
50. Op. cit., pp. 112-113.
51. L’autorité doit « veiller à ce que ceux qui se marient ne soient désavantagés d’aucune manière, ni socialement ni fiscalement (…). Et celui qui, pour des raisons pratiques, choisit la vie commune hors mariage, doit être incité par tous les moyens à pouvoir opter pour le mariage au sein d’une société favorable au mariage et à la famille » (Evêques de Belgique, op. cit., p. 24).
52. JEAN-PAUL II, Discours au Congrès des responsables politiques et législateurs d’Europe, op. cit..

⁢c. Esquisse d’une politique familiale

[1]

Une véritable politique familiale est nécessaire mais on confond trop souvent sinon toujours cette politique avec une politique sociale ou démographique. Lecaillon a montré qu’une politique démographique s’intéresse à la natalité, à la mortalité, aux déplacements de population (à l’intérieur comme à l’extérieur d’un pays) ; la politique sociale toujours passagère s’intéresse aux groupes défavorisés ; mais une politique familiale, elle, est durable puisque, par nature, « un projet familial a besoin de durée »[2], s’intéresse à tous les membres de la famille et à toutes les familles : elle recouvre « l’ensemble des décisions visant à soutenir la constitution et l’épanouissement d’unions stables et durables d’un homme et d’une femme ayant la volonté d’avoir et d’élever des enfants, puis à aider leur éducation »[3].

Dans une vraie politique familiale, la famille ne peut donc « être mise sur le même plan que de simples associations ou unions, et celles-ci ne peuvent bénéficier des droits particuliers liés exclusivement à la protection de l’engagement conjugal et de la famille, fondée sur le mariage, comme communauté de vie et d’amour stable, fruit du don total et fidèle des conjoints, ouverte à la vie. Du point de vue des responsables de la société civile, il importe qu’ils sachent créer les conditions nécessaires à la nature spécifique du mariage, à sa stabilité et à l’accueil du don de la vie. En effet, tout en respectant la légitime liberté des personnes, rendre équivalentes au mariage en les légalisant d’autres formes de relations entre des personnes est une décision grave qui ne peut que porter préjudice à l’institution familiale. Il serait à long terme dommageable que des lois, fondées non plus sur les principes de la loi naturelle mais sur la volonté arbitraire des personnes (cf. CEC, n) 1904), donnent le même statut juridique semblable à différentes formes de vie commune, entraînant de nombreuses confusions. Les réformes concernant la structure familiale consistent donc avant tout en un renforcement du lien conjugal et en un soutien toujours plus fort aux structures familiales, en gardant en mémoire que les enfants, qui seront demain les protagonistes de la vie sociale, sont les héritiers des valeurs reçues et du soin mis à leur formation spirituelle, morale et humaine »[4].

Et précisément, en ce qui concerne l’éducation des enfants, il s’agit essentiellement d’aider les parents à mieux assurer leur responsabilité, de les soutenir ou de les remplacer uniquement s’ils sont défaillants. « Les enfants, écrit Jean-Paul II, sont une des richesses principales d’une nation et il convient d’aider les parents à remplir leur mission éducative, dans le respect des principes de responsabilité et de subsidiarité, affermissant ainsi la valeur insigne de ce service. C’est un devoir et une légitime solidarité de la part de toute communauté nationale »[5].

Quelques suggestions

On peut ici lancer quelques idées : créer un climat favorable à la famille dans le respect des personnes et de la liberté de choix ; protéger la femme enceinte et l’enfant avant et après la naissance ; veiller à ce que l’environnement culturel soit respectueux de la famille et du mariage ; avoir le souci même du parent qui reste au foyer ; prévoir des mesures adaptées dans le domaine de l’urbanisme, du logement et de la sécurité ; favoriser l’adaptation de vie professionnelle et des tâches familiales dans les horaires, par le travail à temps partiel, la coordination des vacances, le congé parental avec garantie d’emploi, par l’établissement de crèches sur les lieux de travail ; revaloriser les allocations familiales et d’éducation ainsi que l’aide au logement ; adapter la fiscalité en tenant compte du nombre d’enfants, en abolissant toute discrimination envers les couples mariés, en dépénalisant l’héritage en ligne directe, etc.⁠[6]

L’objection est connue : combien cela coûte -t-il ? Prenons l’habitude de remplacer cette question par une autre : « combien cela rapporte-t-il ? »⁠[7].

La responsabilité des individus

Ces mesures et bien d’autres peut-être sont importantes mais, en même temps que l’action politique, l’action culturelle ou l’évangélisation sont indispensables. « C’est peut-être plus un état d’esprit qu’il convient de contribuer à instaurer car il n’est ni souhaitable ni efficace de forcer les évolutions »[8].

Cette action culturelle, cette évangélisation, sont à la portée de chacun de nous. Dans cet effort, nous constaterons que l’antique texte de la Genèse ne nous propose pas un modèle dépassé mais plutôt un modèle indépassable. Que de drames évités si on le prenait vraiment au sérieux dans toutes ses dimensions, dans toutes ses exigences mais aussi avec la certitude que les promesses seront tenues !

Mais nos contemporains ne sont peut-être pas encore prêts à redécouvrir cette sagesse. Sans doute est-il nécessaire de leur proposer dans un premier temps de méditer simplement les faits sans a priori idéologique. A ce point de vue, une approche comme celle de Jean-Claude Guillebaud dans La tyrannie du plaisir[9] est intéressante.

Entre « permissivité claironnante » et « moralisme nostalgique », ce livre met en question l’évolution de la morale sexuelle à la fin du XXe siècle. Tout en dénonçant les « raideurs morales » de Jean-Paul II, l’auteur passe au crible d’une documentation sérieuse le prêt-à-penser de ses contemporains en matière sexuelle. La lecture de cette analyse est particulièrement bienfaisante même si l’auteur ne prend finalement pas position. Son intention est essentiellement critique vis-à-vis de ce qui se dit et se fait aujourd’hui ; son but n’est pas de construire une nouvelle morale sexuelle. Il n’empêche que les deux derniers chapitres sont particulièrement précieux pour le sujet qui nous préoccupe ici. Car, « au bout du compte, écrit-il, c’est bien de famille qu’il faut parler »[10]. S’appuyant sur nombre de travaux de psychanalystes et de psychologues, Jean-Claude Guillebaud montre qu’il n’y a, en fait, aucune égalité possible, contrairement à ce que prétend idéologiquement Elio Di Rupo, entre les différentes formes de « familles », dans la mesure où les unions précaires, les familles monoparentales, recomposées manquent de la stabilité et de la cohérence nécessaires à la filiation. « Les anthropologues savent que la filiation humaine - ce « flot cascadant des générations » - doit s’inscrire dans un système de liens d’alliance aussi complexe que précis, liens que le mariage avait pour vocation de créer. Il ne s’agit pas là d’on ne sait quelle tradition qu’il serait impossible de récuser mais tout simplement du processus d’humanisation. La famille et la parenté, de ce point de vue, ne sont pas des jeux de construction dont on pourrait varier à l’infini la recomposition »[11].

La conclusion de Guillebaud est que la famille « redevient tout à la fois nécessaire et impossible »[12].

Nécessaire, on le comprend volontiers à la fin de son étude puisqu’il apparaît, ne fût-ce qu’indirectement, que seule l’union stable d’un homme et une femme est susceptible de marier conjugalité et filiation. Nécessaire aussi comme « lieu par excellence de la gratuité »[13] face à l’idéologie libérale du marché. Nécessaire encore car elle peut rendre à l’individu moderne, solitaire et enfermé dans le temps présent, un passé et un avenir. La gestion du temps « est la vocation même des institutions en général et de la famille en particulier. C’est d’abord en elle qu’idéalement se résout l’opposition entre ce qu’on pourrait appeler le temps court de l’individu et le temps long de la collectivité « immortelle » »[14].

Mais pourquoi l’auteur dit-il la famille impossible ? Le réalisme ou le bon sens imposent l’idée qu’étant donné l’ampleur de la libération sexuelle et de la libération des femmes, on ne peut amener « une société à réendosser de son plein gré un système de contraintes qui lui paraît désormais inacceptable puisque toute la symbolique qui lui donnait sens a disparu »[15]. « La morale sexuelle, prise dans son acception collective, ne se décrète pas, sauf à devenir purement répressive ou policière. Elle s’inscrit toujours à l’intérieur d’un processus symbolique, construit ou ruiné peu à peu ; elle se fonde sur un corpus de représentations majoritairement partagées et qui, elles, procèdent toujours du temps long et des logiques lentes »[16]. La première nécessité, pour rendre la famille possible est donc, à l’instar de ce qu’a fait Guillebaud, de dénoncer le « conformisme libertaire »[17] qui s’impose à nous et qui a suspendu, semble-t-il, tout esprit critique et donc toute vraie liberté. La brèche étant ouverte, commence le vaste et long travail culturel de reconstruction qui ne pourra se passer d’une redéfinition de l’amour et de la sexualité. L’amour n’est pas simplement un sentiment, contrairement à ce que le romantisme a fait croire. Rien n’est plus fluctuant et fragile qu’un sentiment. Ni mariage ni famille ne peuvent se construire sur ce sable. Est nécessaire l’amour au plein sens du terme c’est-à-dire la « connivence de l’intelligence, du cœur, de la volonté et de l’agir »[18]. Aimer c’est vouloir aimer. Dans cet esprit, on ne se marie pas d’abord parce qu’on s’aime mais parce qu’on veut s’aimer. Quant à la sexualité, alors qu’elle court de plus en plus le risque, de nos jours, d’être « désocialisée, désaffiliée, déshumanisée », il faudra bien se rendre compte, contre l’immense préjugé de la pensée « moderne », qu’« elle est culture avant d’être fonction »[19]. Elle ne se réduit pas à une technique assistée ou non mais elle implique toute la personne dans son intégralité corporelle, psychique, intellectuelle et morale, avec son histoire passée, présente et future, avec ses forces et ses faiblesses relationnelles.

A ce moment et à ce moment seulement, l’amour et la sexualité ayant été redéfinis, avec le soutien et la protection prioritaires des pouvoirs publics, la famille se refera et, dans son prolongement, la société tout entière pourra retrouver la santé perdue.


1. On lira avec profit, à ce propos : Institut Thomas More, L’enfant oublié, Propositions pour la famille de demain, Cerf, 2016.
2. LECAILLON J.-D., op. cit., p. 97.
3. Id., p. 91.
4. JEAN-PAUL II, Discours au Congrès des responsables politiques et législateurs d’Europe, op. cit..
5. Id..
6. Le Conseil pontifical pour la Famille (op. cit., n° 29) réclame une législation qui protège l’essentiel de l’institution familiale, « sans limiter sa liberté de décision, notamment en ce qui concerne le travail féminin, lorsqu’il est incompatible avec le statut d’épouse et de mère (Familiaris consortio, 23-24), la « culture du succès » qui empêchent ceux qui sont dans la vie active de rendre leurs obligations professionnelles compatibles avec leur vie de famille (Id. 25), la décision d’accueillir les enfants, que les conjoints doivent prendre selon leur conscience (Id. 28-35 ; Charte des Droits de la famille, art. 3), la défense du caractère permanent auquel les couples mariés aspirent légitimement (Familiaris consortio, 20 ; Charte des Droits de la famille, art. 6), la liberté religieuse et la dignité et égalité de droits (Charte des Droits de la famille, art. 2,b et c ; art. 7), les principes et les choix relatifs à l’éducation souhaitée pour les enfants (Familiaris consortio, 36-41 ; Carte des Droits de la famille, art. 5 ; Gratissimam sane, 16), le traitement fiscal et les autres dispositions de nature patrimoniale (successions, logement, etc.), le traitement de l’autonomie légitime de la famille, et enfin le respect et le soutien de ses initiatives dans le domaine politique, spécialement celles qui ont trait au milieu familial (Familiaris consortio, 42-48 ; Charte des Droits de la famille, art. 8-12) ».
7. LECAILLON, op. cit., p.115.
8. Id., p. 111.
9. GUILLEBAUD Jean-Claude, La tyrannie du plaisir, Seuil, 1998.
10. Op. cit., p. 348.
11. Id., p. 369.
12. Id., p. 368.
13. Id., p.351.
14. Id., p. 387.
15. Id., p. 367.
16. Id., p. 374.
17. Id., p. 377. Il s’agit bien d’un conformisme très prégnant car, comme le montre l’auteur, il est simpliste d’opposer l’éthique du devoir, la tyrannie de la morale traditionnelle à l’éthique de la liberté qui triomphe aujourd’hui. De nouvelles contraintes ont simplement remplacé les anciennes. Jadis, il fallait imposer des restrictions à ses désirs sexuels ; et aujourd’hui, ne faut-il pas s’imposer des souffrances pour rester jeune, svelte, performant ? Jadis, il fallait, coûte que coûte, rester fidèle à l’autre. Mais aujourd’hui ne faut-il pas rester fidèle à soi-même, à ses semblables, à ses propres penchants ? L’homme « moderne », « libéré », se condamne finalement à la solitude. « Nomade, incertaine, boulimique et anxieuse, la sexualité contemporaine est d’abord solitaire. Et cela jusqu’au vertige…​ Tout se passe comme si elle avait congédié l’autre dans son humanité pour jouir enfin d’une pleine mais angoissante autonomie. La fortune du mot « partenaire » dans les relations amoureuses est révélatrice. Elle a fait de l’autre un simple vis-à-vis, un outil masturbatoire, un instrument plus ou moins performant et donc susceptible d’évaluations incessantes, de comparaisons, de bancs d’essai, etc. Le bavardage dominant au sujet du plaisir est comparable à un interminable audit comparatif, calqué sur la chronique boursière ou le palmarès olympique. Enfermés dans cette solitude voluptueuse (…), ayant instrumentalisé l’autre, nous considérons avec impatience, voire exaspération, le dernier des interdits qui fait encore obstacle à notre plaisir : le non-désir du partenaire…​ » (p. 381).
18. Déclaration des évêques de Belgique, op. cit., p. 4.
19. GUILLEBAUD J.-C., op. cit., p. 383.