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ii. Comment rebâtir ?

Par la voix du prophète Ahia de Silo, le Seigneur dit à Jéroboam : « Tu seras roi d’Israël. et si tu obéis à tous mes ordres, si tu marches dans mes voies, si tu fais le bien à mes yeux en observant mes préceptes et mes commandements comme l’a fait David, mon serviteur, je serai avec toi. Je te bâtirai une maison stable, comme je l’ai fait pour David, et je te donnerai Israël »[1]. Quel est donc ce « bien » à faire pour que la « maison » soit stable ?

Il n’est pas inutile de rappeler quelques principes fondamentaux que nous avons médités dans les chapitres précédents et qui vont éclairer dorénavant les problèmes politiques, sociaux et économiques qu’il nous faut aborder.

N’oublions pas la dignité éminente et l’égalité essentielle des hommes

Une société humaine se fonde sur le respect de la dignité transcendante de tous les hommes, tous créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et tous « appelés à la même fin, Dieu lui-même »[2]. Elle se fonde donc sur le respect des droits fondamentaux de toute personne. Ces droits, nous l’avons vu, découlent de la nature même de l’homme. Ils ne dépendent pas de la société. Ils lui sont antérieurs et une société ne peut fonder sa légitimité que sur le respect de ces droits. En ce sens, l’homme est supérieur à la société.

N’oublions pas non plus la sociabilité réclamée par l’inégalité concrète des individus.

L’homme est un être social, par nature, et est donc, d’une certaine manière soumis à la société. Non seulement il a besoin des autres, pour se développer, en fonction de l’inégalité des « talents »⁠[3] mais il doit respecter l’autre, puisqu’il lui est égal en dignité, comme s’il s’agissait de lui-même, attentif à la défense de ses droits légitimes et à la croissance de son humanité. Et l’autre, c’est d’abord le plus faible, le plus petit, le plus démuni⁠[4]. Même l’ennemi, en tant que personne, a droit à une certaine bienveillance⁠[5].

Etre social n’est pas une aliénation puisque « par l’échange avec autrui, la réciprocité des services et le dialogue avec ses frères, l’homme développe ses virtualités » et « répond ainsi à sa vocation »[6].

Ces considérations générales ne sont pas sans conséquences sur le plan politique et il serait vain d’espérer humaniser la société sans en tenir compte. La question n’est pas de savoir d’abord s’il convient de vivre sous tel ou tel régime mais plutôt de connaître les besoins réels de l’homme pour y adapter les structures et les institutions.


1. 1 R 11, 37-38.
2. CEC 1878.
3. Cf. Mt 25, 14-30 ; Lc 19, 11-27. Ste Catherine de Sienne (1347-1380) rapporte ainsi l’intention de Dieu : « Je ne donne pas toutes les vertus à chacun.(…) Il en est plusieurs que je distribue de telle manière, tantôt à l’un, tantôt à l’autre. (…) A l’un, c’est la charité ; à l’autre, la justice ; à celui-ci l’humilité ; à celui-là, une foi vive. (…) Quant aux biens temporels, pour les choses nécessaires à la vie humaine, je les ai distribués avec la plus grande inégalité, et je n’ai pas voulu que chacun possédât tout ce qui lui était nécessaire pour que les hommes aient ainsi l’occasion, par nécessité, de pratiquer la charité les uns envers les autres. (…) J’ai voulu qu’ils eussent besoin les uns des autres et qu’ils fussent mes ministres pour la distribution des grâces et des libéralités qu’ils ont reçues de moi ».(Le Dialogue, 1, 7, cité in CEC n°1202)
4. Cf. « Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Dans l’Ancien Testament, Dieu, par l’entremise des Prophètes, s’en prend durement à ceux qui malmènent ou méprisent les « petits » : l’opprimé, la veuve, l’orphelin, le pauvre, l’innocent, l’étranger (Is 1, 17 ; Jr 2, 34 ; Am 2, 6-7 ; etc.).
5. Lorsque Caïn, par jalousie, tue son frère Abel, Dieu le maudit et le chasse de la terre fertile. Caïn proteste: « « Ma peine est trop lourde à porter. Vois ! Tu me bannis aujourd’hui du sol fertile, je devrai me cacher loin de ta face et je serai un errant parcourant la terre, mais le premier venu me tuera ! » Le Seigneur lui répondit : « Aussi bien si quelqu’un tue Caïn, on le vengera sept fois », et le Seigneur mit un signe sur Caïn, afin que le premier venu ne le frappât point. » (Gn 4, 13-15). Jean-Paul II commente ce passage et fait remarquer que « meurtrier, il garde sa dignité personnelle et Dieu lui-même s’en fait le garant ». Et de citer St Ambroise : « Comme il y avait eu fratricide, c’est-à-dire le plus grand des crimes, au moment où s’introduisit le péché, la loi de la miséricorde divine devait immédiatement être étendue ; parce que, si le châtiment avait immédiatement frappé le coupable, les hommes, quand ils puniraient, n’auraient pas pu se montrer tolérants ou doux, mais ils auraient immédiatement châtié les coupables. (…) Dieu repoussa Caïn de sa face et , comme il était rejeté par ses parents, il le relégua comme dans l’exil d’une habitation séparée, parce qu’il était passé de la douceur humaine à la cruauté de la bête sauvage. Toutefois, Dieu ne voulut pas punir le meurtrier par un meurtre, puisqu’il veut amener le pécheur au repentir plutôt qu’à la mort ».(De Caïn et Abel, II, 10, 38) (Encyclique Evangelium vitae, 1995)
6. CEC 1880 qui renvoie à GS 25, par 1.