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b. Au nom de l’_« image avérée du malheur »_ ?

Devant la revendication subjectiviste apparemment illimitée de nouveaux droits qui tôt ou tard portent préjudice aux droits d’autres individus, Chantal Delsol convaincue que « nous ne pouvons plus aujourd’hui énoncer des normes morales absolues », estime possible de définir des « biens » et une hiérarchie de « biens » en se fondant sur l’« image avérée du malheur ». Si la morale ne peut plus décréter le bon comportement, peut-être l’expérience pourra « nous apprendre certains traits de ce qu’est la « vie malheureuse » ». Il s’agit, bien sûr, de « l’expérience répétée, étudiée, statistiquement traduite » qui seule peut mettre en question un droit⁠[1]. Ainsi, si l’on constate statistiquement que l’enfant sans père est source de problèmes divers, le droit de la mère célibataire à l’enfant pourra-t-il perdre sa légitimité.

On voit tout de suite la fragilité d’une telle norme livrée au jeu des circonstances, des sensibilités, des cultures. De plus, même si certains comportements génèrent de manière indubitable des effets nocifs, ceux-ci ne sont pas nécessairement toujours immédiatement perceptibles et certains dégâts ne sont pas toujours faciles à mesurer⁠[2].

Enfin chacun sait, d’expérience, que la nocivité reconnue d’un mode de vie se heurte au roc de la liberté individuelle. Sinon le tabac serait interdit depuis longtemps et les comportements sexuels à risques bannis.


1. Op. cit., pp. 145-146: « Notre contemporain va évidemment demander à quel titre on se permet d’affirmer cette hiérarchie ? Au titre de la prise en compte de « biens » et de la hiérarchie des « biens ». Ces « biens » ne se fondent en aucun cas sur une morale, car nous ne pouvons plus aujourd’hui énoncer des normes morales absolues, mais sur l’image avérée du malheur ? Nul ne pourrait délégitimer le comportement de la mère célibataire au nom d’une morale traditionnelle. Mais l’expérience répétée, étudiée, statistiquement traduite, du mal-être de son enfant, nous oblige à poser la question de la légitimité de ce comportement. Au moins la simple honnêteté nous le commande-t-elle. Dans la démocratie pluraliste contemporaine, nul ne peut plus décréter ce qu’et la « bonne vie ». Mais au moins l’expérience peut-elle nous apprendre certains traits de’ ce qu’est la « vie malheureuse ».
2. Dans la mouvance de la libération sexuelle, dans les années 70, se sont multipliés les témoignages positifs en faveur de la pédophilie et de l’inceste. On se souvient du Souffle au cœur de Louis Malle ( (1971), du mouvement pour la libéralisation de l’inceste, des prises de positions d’écrivains comme Gabriel Matzneff ou Tony Duvert, d’un philosophe comme René Schérer et de l’engouement général pour le personnage mythique de Lolita, créé par Vladimir Nabokov. Vingt ans plus tard, suite à l’affaire Dutroux et à quelques autres, ici et là, la pédophilie devint le crime absolu, la faute par excellence à tel point que toute personne accusée de telle pratique fut désormais présumée coupable (Cf. GUILLEBAUD J.-Cl., La tyrannie du plaisir, Seuil, 1998, pp. 19-26 et 71-73.