Devant la revendication subjectiviste apparemment illimitée de nouveaux droits qui tôt ou tard portent préjudice aux droits d’autres individus, Chantal Delsol convaincue que « nous ne pouvons plus aujourd’hui énoncer des normes morales absolues », estime possible de définir des « biens » et une hiérarchie de « biens » en se fondant sur l’« image avérée du malheur ». Si la morale ne peut plus décréter le bon comportement, peut-être l’expérience pourra « nous apprendre certains traits de ce qu’est la « vie malheureuse » ». Il s’agit, bien sûr, de « l’expérience répétée, étudiée, statistiquement traduite » qui seule peut mettre en question un droit[1]. Ainsi, si l’on constate statistiquement que l’enfant sans père est source de problèmes divers, le droit de la mère célibataire à l’enfant pourra-t-il perdre sa légitimité.
On voit tout de suite la fragilité d’une telle norme livrée au jeu des circonstances, des sensibilités, des cultures. De plus, même si certains comportements génèrent de manière indubitable des effets nocifs, ceux-ci ne sont pas nécessairement toujours immédiatement perceptibles et certains dégâts ne sont pas toujours faciles à mesurer[2].
Enfin chacun sait, d’expérience, que la nocivité reconnue d’un mode de vie se heurte au roc de la liberté individuelle. Sinon le tabac serait interdit depuis longtemps et les comportements sexuels à risques bannis.