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a. L’inefficacité

Il est manifeste que le XXe siècle qui a tant fait pour la proclamation et la reconnaissance des droits de l’homme a connu de massives et abominables violations de ces droits à tel point que l’on peut se poser la question de l’efficacité de la déclaration de 1948 ainsi que de toutes les déclarations complémentaires qui ont suivi comme aussi de tous les textes qui, dans les sociétés civiles passées les ont esquissées.

Les très libérales constitutions anglaises qui ont fait rêver bien des intellectuels européens, dès le XVIIIe siècle, n’ont pas empêché les exactions contre les catholiques irlandais, en particulier.

Si le 12 juin 1776, quelques planteurs de Virginie proclament que « tous les hommes sont par nature libres et indépendants et qu’ils jouissent de certains droits à l’égard de la société, droits dont ils ne sauraient priver leur postérité, droit à la vie et à la liberté » mais ils n’ont pas étendu ces principes à leurs esclaves⁠[1]. L’esclavage sera aboli en 1862 par A. Lincoln mais il fut à l’origine de la guerre de Sécession et certains états, détournant la loi maintinrent une politique ségrégationniste jusque dans les années 1960.

Si l’article 1 de la Déclaration française de 1798 affirme que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », la règle ne fut appliquée dans les colonies qu’en 1793 et uniquement en Guadeloupe et à St Domingue.⁠[2] En 1802, Bonaparte rétablit l’esclavage. Ce n’est qu’en 1848 que l’esclavage sera, en principe, aboli partout mais de 1848 à 1870, les décrets d’abolition seront mal appliqués ou amendés.⁠[3]

Alors que les actes, conventions et déclarations antiesclavagistes se sont multipliés à partir du XIXe siècle, l’esclavage traditionnel n’a toujours pas disparu principalement dans les pays sous influence islamique⁠[4]. Malgré la Déclaration des droits de l’enfant (1969), des centaines de milliers d’enfants sont achetés ou enlevés pour le travail clandestin et la prostitution, non seulement dans le Tiers-Monde mais aussi en Europe⁠[5]. En décembre 1996, un « trafic d’esclaves » entre Lagos et Bruxelles fut démantelé : il s’agissait de femmes noires vendues à des proxénètes⁠[6].

On pourrait évoquer aussi le sort des femmes dans des pays comme la Mauritanie qui a aboli l’esclavage en 1980 seulement, an Afghanistan, au Pakistan, etc. ; le travail clandestin organisé par des « négriers »⁠[7] ; l’esclavage des camps de concentration, etc.. L’esclavage antique fut souvent beaucoup moins barbare, l’esclave étant souvent traité comme l’enfant de la maison.⁠[8]

Ni la déclaration de 1948, ni l’Onu n’ont pu empêché de graves conflits (Corée, Vietnam, Liban, Yougoslavie,…​) ni de véritables génocides (Biafra, Cambodge, Yougoslavie, Rwanda,…​).

Chaque année, le rapport d’Amnesty International rapporte quantité d’atteintes aux droits de l’homme jusque dans les démocraties « avancées » qui ont les premières milité pour la rédaction et la ratification de toutes les déclarations humanitaires et leur insertion dans toutes les constitutions nationales et internationales. Au lendemain d’une guerre mondiale horrible, le préambule de la Déclaration de 1948 affirmait que « la méconnaissance et le mépris des droits de l’homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l’humanité ». Un demi siècle plus tard, et malgré tous les efforts de diffusion et d’éducation, on est contraint de reconnaître que la barbarie se porte bien.


1. Cf. RIGAUX Fr., Préface du recueil Les droits des humains, Textes fondamentaux pour l’éducation et l’action, Critères pour l’action, Georges Malempré éditeur, Université de paix, sd, p. 6. Th. Jefferson, fils de riche planteur de Virginie, fut rédacteur de la Constitution de l’État de Virginie et gouverneur de cet État (1779-1781).
2. Peut-être est-ce l’effet de la seconde partie de cet article qui stipulait : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » ?
3. Pour mémoire, Grégoire XVI, en 1837, condamne la traite et l’esclavage dans son Bref In suprema apostolatus fastigio.
4. Entre 15 et 20 millions selon Mourre.
5. En 1983, la Société antiesclavagiste de Londres attira l’attention de l’ONU sur le sort des enfants immigrés turcs (de 9 à 14 ans) en Allemagne fédérale (Mourre).
6. C’est l’expression qui fut employée au JT de la Télévision belge (RTBF), le 17 décembre 1996 à 19h30.
7. Dénoncé par Luc et Jean-Pierre Dardenne dans le film La promesse (1996) primé à Cannes (Prix CICEAE) à Postdam (Grand prix), à Namur (Bayard d’or) etc..
8. Cf. LECLERCQ J., Leçons de droit naturel, IV Les droits et devoirs individuels, Première partie, Vie, disposition de soi, Wesmael-Charlier, 1946, pp. 152-173.